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Annulation du concours d’entrée au centre de formation des avocats: «Le gouvernement a fui ses responsabilités»
Publié le mercredi 18 mars 2015  |  FasoZine
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© Autre presse par DR
Centre de formation des avocats: l’examen d’entrée annulé par crainte de débordements




Suite à l’annulation du test d’entrée au Centre de formation professionnel des avocats du Burkina, des étudiants regroupés au sein d’une coalition de candidats admis à prendre part au dit test (CAP-CFPAB2015) s’insurgent contre cette décision. Fasozine a reçu, ce lundi 16 mars, une délégation de ces jeunes, mécontents surtout de l’attitude de l’Etat qui porte préjudice à l’avenir d’une frange de la jeunesse. Dieudonné Tapsoba, Edouard Hébié, Jean Patrice Yaméogo, à travers cet entretien, prennent à témoin l’opinion publique d’une situation où le paradoxe est à son comble.

Fasozine: Que se passe-t-il autour de l’organisation de l’examen d’entrée au Centre de formation professionnel des avocats du Burkina?
A notre humble avis, la raison de débordement et de trouble à l’ordre publique servi par le gouvernement pour demander de surseoir à l’organisation de ce test est un argument fallacieux. Pour faire plus simple nous dirons que le gouvernement burkinabè a refusé d’assumer ses responsabilités. En matière d’organisation des examens de recrutement d’avocats, l’Etat a une obligation d’assurer la sécurité de ceux qui veulent prendre part à ce test d’entrée. Or, il se trouve que le ministère en charge de la Justice nous brandit cet argument fallacieux selon lequel l’Etat ne peut pas assurer la sécurité de 291 candidats pour la composition de ce test. C’est ça le véritable problème.

Comment comprendre que pour un test qui était censé avoir lieu et a fait l’objet d’un recours qui est pendant devant les juridictions, alors que le juge ne s’est pas encore prononcé, le gouvernement arrive à s’ingérer dans la procédure? Du reste, le recours n’est pas suspensif. Moi-même personnellement (un des candidats, NDLR) j’ai introduit un recours aux fins de sursis à exécution contre le concours de la magistrature en 2013, mais ça n’a pas empêché le concours d’avoir lieu. Les élèves qui ont été admis suivent leur formation actuellement. Donc, il aurait fallu que la justice tranche, et qu’ensuite on tire toutes les conséquences.

Y-avait-il un besoin particulier d’assurer la sécurité des candidats pour l’organisation de ce concours?
A ce niveau il faut dire qu’il y a eu un certain nombre d’étudiants, qui ne sont même pas candidats, mais ont estimé que les modalités de paiement, c’est-à-dire la somme de 750 000 francs CFA que coûteront les 18 mois de formation au centre est exorbitante et que par conséquent, cela rompt le principe d’égalité entre les candidats. Ils estiment qu’il y a certains candidats qui ne pourront pas avoir 750 000 francs CFA pour venir se faire former. Donc ayant trouvé cet acte illégal, ils ont introduit un recours pour annuler le décret qui crée le centre. Cependant, les arguments qu’ils tiennent ne sont pas valables.

D’abord, sur le plan juridique, lorsqu’un décret est publié au journal officiel, vous avez deux mois pour faire un recours. Dans le cas de notre concours, les deux mois sont épuisés parce que le décret date du 27 octobre 2014. Donc juridiquement, le recours ne peut pas aboutir. Même que tous les juristes qu’ils sont allés consulter le leur ont dit. Ils ont alors décidé, comme nous sommes dans une situation de transition, de menacer le droit de fait, c’est-à-dire de venir «caillasser» lors de l’examen en question et éviter qu’il se tienne.

Quel est concrètement l’importance du passage du futur avocat dans ce centre?
C’est un centre de formation qui existe déjà dans de nombreux pays. Nous sommes aujourd’hui dans une situation où il y aura le libre établissement des avocats dans l’espace Uémoa (Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR). On ne peut donc pas vouloir aller dans un monde globalisé et très concurrentiel en position de faiblesse, d’ignorance. Pendant que les autres ont des centres pour se former, nous n’en n’avons pas et nous refusons d’ériger ce centre sous prétexte que les coûts sont exorbitants.

D’abord, quand nous avons effectué notre petite enquête sur le sujet, nous avons fait l’amer constat que l’Etat ne finance pas le Barreau. C’est ce qui a fait d’ailleurs que jusque-là les recrutements tâtonnent parce que c’est le Barreau lui-même qui est obligé de chercher les fonds pour organiser le concours, recruter les enseignants et tout. Il n’y a aucun copeck de l’Etat qui est mis en jeu. Et vous conviendrez avec moi que toute formation a un coût. L’évaluation de la mise en place du centre est à plus 2 milliards de francs CFA. Le Barreau ne disposant sans doute pas de cette somme, il appartiendra à toute personne qui veut se former de mettre la main à la poche.

Mais le coût n’est-il pas réellement exorbitant pour les Burkinabè?
Si nous partons de ce principe pour dire que le coût est exorbitant et qu’il ne faut pas mettre en place ce centre, c’est dire que nous refusons de former nos avocats et par la même occasion, que nous décidons de demeurer les médiocres de cet ensemble communautaire qui est entrain d’être mis en place. L’autre argument, encore plus désolant que ceux qui s’opposent au concours avancent est qu’en l’organisant, les avocats vont privilégier leurs enfants pour leur permettre de se former. Là encore, ils font preuve de myopie.

Ils ne savent pas ou font semblant de ne pas savoir que les uns et les autres envoient déjà leurs enfants dans les pays qui se sont dotés de ces centres pour se former. Combien coûte par exemple un billet d’avion Ouaga-Paris-Ouaga? Qui plus est, dans ces écoles, c’est en Euro qu’on paye, pas en CFA. Est-ce que nous pourrons faire comme ceux qui ont cette chance pour aller nous former là-bas et revenir nous inscrire? Donc si nous refusons de faire le CAPA ici parce que c’est cher, c’est que nous aurons fait le choix d’aller nous former à Paris, par exemple. Reconnaissez avec moi que c’est encore plus cher.

Qu’est-ce qui justifie donc ce comportement des frondeurs qui apparemment n’ont aucune raison fondée de s’opposer à l’organisation du concours d’entrée au centre?
Nous avons découvert, après notre petite enquête, que sont des mains de politiciens qui actionnent les leviers dans l’ombre. Comme nous sommes dans une situation de transition, et que nous nous trouvons à la veille d’élections, certains pour se constituer une masse électorale, font miroiter des avantages impossibles à réaliser à des étudiants en leur disant, entre autres, qu’ils vont réformer les textes faire en sorte qu’on recrute massivement. Mais il faut qu’on soit objectif. On ne peut pas recruter les gens, les mettre sur le terrain sans qu’ils ne soient formés. Mais pour qu’ils soient formés, il faut qu’il y ait une école de formation. Comment vouloir une chose et son contraire? Vous voulez que les gens accèdent à la profession, et vous ne voulez pas qu’on crée un centre pour les former. C’est simplement de la mauvaise foi.

Quels sont les politiciens qui sont derrière cette manipulation, selon vous?
Est-ce opportun de citer des noms pour le moment?

Vous dites qu’ils veulent que l’on renonce à l’école elle-même. De l’autre coté ils disent que c’est la délibération du Barreau qu’ils attaquent…
La question ici elle est toute simple. Est-ce que dans un Etat de droit, on doit passer par la violence pour régler un problème d’ordre judiciaire?

Mais l’organisation du concours était-elle réellement menacée?
Il ne nous appartient pas de dire s’il y avait menace ou pas. Nous avons la lettre du Barreau (nous avons également obtenu copie, NDLR) qui dit que c’est Mme la Ministre qui a avancé cette idée de menace. En tout cas, pour nous ce sont des arguments fallacieux. C’est une fuite de responsabilité de la part du gouvernement. Les étudiants en question sont allés faire de la tambouille pour empêcher que le concours se tienne, justement parce qu’on est dans la transition. Nous vous assurons que ces gens ne sont qu’un groupuscule.

Et la preuve, le 1er mars dernier, il y a eu un concours pour le recrutement des professeurs de droit où on avait admis des diplômés provenant des instituts privés pour y prendre part. Après sélection on a estimé que certains diplômes ne répondaient pas aux critères qui étaient attendus. Plus de 200 personnes étaient frappées par cette mesure. Mais ça n’a pas empêché le concours de se tenir. Encore que eux ils étaient plus nombreux. Ici nous sommes en présence de deux personnes contre 289. Vous voyez qu’en termes même d’intérêt légitime et général, on ne peut pas privilégier l’intérêt de deux personnes au détriment de 289.

Quelle conclusion en tirez-vous?
Cela veut dire quelque part que d’un, il y a un parti pris. Et de deux, il y a des choses qui se trament en dessous pour empêcher la tenue de cet examen. Maintenant à quelle fin? Nous, nous estimons que c’est à des fins électoralistes. Au moment opportun, et cela ne saurait tarder, nous dirons à l’opinion publique qui veut faire des étudiants du bétail électoral en leur faisant croire que eux vont ouvrir les portes de toutes les fonctions libérales si éventuellement ils épousent leurs causes. Est ce que ce n’est pas pour ça qu’ils ont décidé de sacrifier l’intérêt de ces 289 personnes? Ce d’autant plus que les textes en question ont été soumis à l’autorité pour qu’elle les amende. Cette dernière les a approuvés et a même donné son accord pour corriger les copies à la fin du test. Nous sommes tout à fait surpris qu’aujourd’hui par ce revirement de situation. Il y a quelque chose qui ne va pas.

Est-ce à l’Etat d’organiser une profession libérale?
D’abord pour comprendre cette situation, il serait intéressant de revenir un peu en arrière. Lorsque le Barreau a lancé le test d’entrée au Centre de formation professionnelle des avocats du Burkina (CFPAB), les conditions étaient claires en ce qui concerne les frais d’inscription et les frais de dossier. Personne n’était obligé d’aller s’inscrire. Ceux qui se sont inscrits ont accepté les conditions. Ceux qui ne sont pas inscrits se sont sentis soit exclus, soit ils n’étaient pas intéressés. Chacun a ses arguments. Nous, nous pensons que si quelqu’un estime que les conditions ne sont pas réunies pour qu’il participe à un examen, soit il engage des recours judiciaires s’il pense que quelque chose doit être fait pour que le concours soit annulé.

Et là, il attend que le juge décide. Soit la personne intègre le corps et espère s’y faire une notoriété et faire changer les choses. C’est pour dire que la réaction de nos camarades ne se justifie pas. Parce que déjà ils ont introduit un recours judiciaire. Ce sont des juristes, il aurait fallu qu’ils attendent que le recours ait une issue et maintenant nous allons voir. Ils introduisent un recours, et ensuite ils se déportent dans la rue pour faire du vacarme. Nous disons par-là que ces étudiants sont allés dans la rue, parce qu’ils étaient convaincus que par la rue ils pouvaient avoir ce qu’ils voulaient. Tout simplement parce qu’on leur a dit, allez dans la rue et nous, nous allons faire le reste.

Qui leur a donné cette assurance?
Nous n’allons tout de suite déballer des noms parce que jusqu’à présent nous sommes en train de faire confiance à des aînés qui ont entrepris des médiations. Mais déjà nous voulons que les gens sachent que nous sommes au courant de ce qui se trame en bas.

Ne pensez-vous pas que la situation de transition que vit notre pays devrait imposer la retenue afin d’éviter tout trouble?
Raison pour laquelle nous, nous avons privilégié la voie sage du droit. Parce que si nous aussi nous allions dans la rue, il risque d’avoir affrontement. Qui en assumerait la responsabilité? Nous ne les craignons pas. La majorité de ces étudiants sont des petits frères de 5, 10 ans. Ils sont Burkinabè comme nous, voilà pourquoi c’est le droit qui doit nous départager. Nous, nous sommes déterminés à composer. Et ce qui est malheureux, c’est que c’est le droit de ceux qui ont consenti des efforts financiers qui se trouve bafoué. Déjà, nous avons payé les frais de dossier. Certains parmi nous étaient engagés dans des entreprises.

Ils ont dû abandonner ces choses pour se préparer au concours. Soyons sérieux! Pensez-vous que le Barreau va se permettre d’annuler un examen à quelques heures de son déroulement s’il n’y a pas eu des comportements irresponsables de nature à créer une situation délétère? Le ministère de la Justice a failli à son devoir qui est de faire respecter le droit et non donner un privilège à la violence. La loi donne plein pouvoir au barreau d’organiser les modalités de recrutement. Et la loi prévoit également la création d’un centre pour la formation des avocats.

Maintenant si on trouve qu’il y a un problème de coût qui se pose, la solution est toute simple. Si l’Etat trouve opportun d’accompagner ou de subventionner la formation des avocats dans le cadre de l’édification d’un Etat de droit, ce sera une bonne nouvelle. Mais si l’Etat refuse d’assumer son rôle social, faut-il que tout le monde paye les pots cassés?

Après cette formation, l’emploi est-il garanti?
Après cette formation, on sort avec un diplôme qui n’est pas reconnu partout. On n’est même pas obligé d’être avocat après la formation. Les institutions internationales lorsqu’elles recrutent des juristes, exigent que ceux-ci disposent d’un CAPA. Si tu cherches ce diplôme, ce n’est pas forcement pour être avocat. Lesdits frondeurs disent aussi que le CAPA doit être obtenu avant l’entrée à l’école de formation. C’est aberrant. C’est comme si on nous disait, qu’il faut que l’Etat nous délivre le Bac avant d’aller en terminale. Partout où des centres ont été érigés, que ce soit en France, en Belgique, la formule est bien précise et respectée.

Tout près de nous au Bénin, à l’université d’Abomey Calavi, ils ont un centre, mais à la différence du Burkina, ce centre est sous tutelle de l’université. L’étudiant s’y inscrit, suis les cours et c’est à l’issue de cette formation que le CAPA est organisé. Si on doit aller s’inscrire ailleurs qu’au Burkina, ce sera encore plus coûteux pour nous. Il faut penser aux frais de voyage, de logement, sans oublier l’éloignement avec la famille. Nous pensons donc que tant qu’il des gens qui veulent bien faire, il faut les accompagner. S’il faut former, il faut en payer le coût. L’Etat n’est pas prêt à financer. Le Barreau n’a pas les moyens. Certains candidats estiment qu’ils sont prêts à payer pour se former pour être en phase avec le reste du monde. Pourquoi les empêcher d’aller se faire former?

Qu’avez-vous déjà entrepris dans comme démarches pour obtenir satisfaction?
Nous avons commencé par rencontrer les différents protagonistes. Depuis la semaine passée (l’entretien a été réalisé le lundi 16 mars 2015, NDLR), nous avons enclenché la machine de la médiation afin de concilier les positions. On a écouté tout le monde. On a avancé nos arguments. Mais malheureusement, les enfants polis que nous sommes, respectons l’autorité, mais celle-ci veut nous brimer. Nous osons espérer que les uns et les autres reviendront à la raison dans de meilleurs délais.

Mais si tel n’est pas le cas, comme on le dit, «à la guerre comme à la guerre». Nul n’a le monopole de la violence. La voie que certaines personnes ont empruntée antérieurement pour obtenir gain de cause avant d’aller faire tranquillement faire leur enrôlement biométrique, nous allons également emprunter cette même voie si nous n’avons pas d’autres moyens de nous faire entendre. Il n’est donc pas exclu à notre niveau que nous ayons recours dans les jours à venir à toute forme d’activisme pour nous nous faire entendre. Et nous allons l’assumer. Maintenant il ne faudra pas que ces gens fassent l’hommage du vice à la vertu en voulant nous indexer comme étant les fauteurs de troubles.

Entretien réalisé par Morin Yamongbé et Ezéchias Ouédraogo
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