Capitaine des Etalons après la CAN 1998, Alain Nana s’est reconverti entraineur à la fin de sa carrière de footballeur jonchée de blessures. Réputé pour son franc parler et direct, l’ex capitaine de l’EFO n’a pas dérogé à la règle. C’est le constat fait lors de l’entretien qu’il nous a accordé.
Comment êtes-vous devenu entraineur ?
C’est arrivé accidentellement. Vous n’êtes pas sans ignorer que j’ai subi des interventions sur mes deux genoux. La dernière en date a été en 1998. Après la CAN 1998, mon genou droit était abimé. J’ai été envoyé à Bordeaux en France pour subir une opération. Après cette intervention, le médecin m’a signifié clairement que je devais abandonner mon rêve de devenir un footballeur professionnel. Pourtant en ce moment, j’avais déjà des contrats sous la main. C’est à partir de là, que je me suis dit que comme je ne peux plus poursuivre ma carrière de footballeur professionnel, je vais continuer ma passion dans le football mais en tant qu’entraîneur.
Avez-vous été inspiré par quelques entraineurs ?
Si. Dans ma carrière et en tant que capitaine des Etalons, j’ai eu la chance de côtoyer pas mal de grands entraîneurs. Le premier que je peux citer est Drissa Traoré Saboteur. Ce qui m’a inspiré chez lui est sa rigueur. Après lui, je citerai le Bulgare Ivan Voutov dont les gens en parlent peu. A vue d’œil, il ne ressemble pas à un entraîneur. Mais je vous assure que c’est quelqu’un de méthodique. Il a un grand savoir. J’ai beaucoup appris avec lui notamment dans le domaine tactique. Je n’oublierai pas Philippe Troussier. Il incarnait les qualités des deux entraîneurs que j’ai cités tantôt.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre carrière d’entraîneur ?
Il y a eu au moins deux faits que je garde de positif. Une fois, j’étais en équipe nationale sans l’être parce que je n’étais pas rémunéré. J’étais avec Séraphin Dargani. Nous avions eu des difficultés à battre le Rwanda à Ouagadougou. Je cite ce fait parce que nous avions préparé en son temps l’équipe dans des conditions très difficiles. Malgré tout, nous nous sommes qualifiés au Rwanda avec la manière même si de retour au bercail, nous avions, été payés en monnaie de singe. La deuxième chose qui m’a marqué était tout dernièrement avec Moctar Barro quand nous étions à la tête de la dernière promotion des Etalons cadets. Nous avions, certes, été battus par le Cameroun chez lui mais nous avions produit un football de qualité. Pareil au match retour où les enfants ont su tout faire sauf mettre la balle au fond des filets. Si c’est de la formation, nous l’avions faite. Nous avions reçu pour cela des félicitations de toute part pour le travail que nous avions abattu.
Qu’est-ce qui vous a le plus déçu ?
Ce qui me déçoit est le manque de considération des entraîneurs locaux au Burkina Faso. C’est comme si nous, entraîneurs locaux, faisions de la mendicité pour pouvoir faire notre travail. J’ai l’impression que lorsqu’on te confie une équipe nationale, l’on voit le fait qu’on te donne une occasion d’avoir de l’argent sans mesurer le travail que tu dois abattre. C’est pareil dans les clubs. Je pense que nous devons abandonner cette idée parce qu’être coach est un travail comme les autres. Nous sommes des entraîneurs comme les autres.
Justement, le président de la FBF lors d’un point de presse avait dit pourquoi un entraîneur local ne peut pas être sélectionneur national des Etalons. Réactions ?
Je pense que ce sont des raisons qui ne sont pas valables. Elles sont avancées pour écarter les entraîneurs nationaux. Parlant de dessous de table, il ya des entraîneurs expatriés qui ont eu des démêlées avec la justice mais qui ont entraînés les Etalons. Est-ce que cela a constitué un obstacle ? Je pense qu’il ne faut pas confondre le travail et la vie privée de l’intéressé. Me concernant, je ne crois pas à cette affaire de dessous de table. J’ai appris sur des antennes que nous prenons souvent nos cousins ou si vous voulez nos parents pour jouer en équipe nationale. Si nous voulons rentrer dans les détails, nous ne pourrions pas nous en sortir. Il faut souvent produire des preuves de ce que les uns et les autres avancent. J’ai l’impression que chez nous, c’est le plus fort qui règne. Il faut que cela prenne fin. Nous sommes des pères de famille et il faut qu’on nous prenne comme des responsables. Vous n’êtes pas sans ignorer qu’on raconte que le salaire de Paul Put est divisé pour X et Y. Je n’en crois pas parce que je me dis que ce sont des hauts responsables et ils ne le feront pas. Toujours concernant nous, les entraîneurs locaux, c’est surtout ceux qui ne sont pas sélectionnés qui racontent souvent que si tu ne paies pas tu ne peux pas avoir ta place en sélection. Pouvez-vous faire taire ces gens ? Je pense que non. Il y a un proverbe qui dit que vous pouvez dire au chien de se coucher mais pas de fermer les yeux.
C’est ce que certains disaient de Paul Put
Nous devons élever le débat. On gagnerait à grandir et à arrêter ces commérages. Je défie quiconque qui viendrait à dire que Alain Nana a vendu une place. Je pense que trop c’est trop. Il faut qu’on arrête d’affirmer que les entraîneurs locaux vendent les places en équipe nationale. J’entendais cela avant même d’être entraîneur. Je peux vous dire aussi qu’il ya des entraîneurs qui ne méritent pas d’être là où ils sont. Ils passent leur temps à raconter des commérages. Pour moi, ce sont des excuses pour ne pas nous confier l’encadrement technique des équipes. Mais tant que l’on ne nous confiera pas ces équipes, nous n’aurons pas aussi du métier.
Beaucoup de vos collègues locaux critiquent aussi le fait qu’ils soient laissés à eux-mêmes lorsqu’on leur confie une équipe nationale. Avez-vous déjà vécu ce cas ?
Permettez que je revienne en arrière pour vous prendre un exemple. Je vous parlais tantôt que la dernière promotion des Etalons cadets qui a joué contre le Cameroun et qui savait tout faire sauf marquer. Ce manque d’efficacité est dû à quoi ? A la naïveté devant les buts. Cela ne pouvait être comblé qu’en disputant des matchs amicaux internationaux. Les entraînements internes et les matchs sont limités en nombre. Et pour revenir au sujet, lorsque tu fais ton programme, et que l’on ne te donne pas les moyens pour l’exécuter, en cas d’échec, la faute incombe à l’entraîneur ! Ce qui n’est pas juste. Et le comble est que si tu leur dis la vérité, tu risques de ne plus être entraîneur. Je ne vais pas subir ces genres de frustrations si je suis à la tête d’une équipe. Je demanderai à ce qu’on me laisse travailler et qu’on me juge sur le résultat de mon travail. Si l’on juge mon travail insuffisant, j’admettrai qu’on me limoge puisque c’est mon métier.
Comment expliquez-vous que lors de l’appel d’offre pour le choix du sélectionneur national, aucun technicien local n’ait postulé ?
Je me demande si cela a été médiatisé. Est-ce qu’on a vraiment voulu qu’un local postule. Personnellement si j’en avais eu vent, j’allais déposer ma candidature non pas pour la forme mais parce que je pense être suffisamment qualifié. J’ai mes diplômes. J’ai reçu des formations adéquates. Je suis un ancien international. J’ai plus de 70 sélections. Je vais profiter de vos colonnes pour faire une suggestion à propos des problèmes de nos supporters. Je propose que la présidence de l’union nationale des supporters des Etalons soit tournante. C'est-à-dire que si c’est par exemple un supporter de l’EFO qui est à la présidence actuellement, à la fin de son mandat, la présidence revienne à l’ASFA-Y et ainsi de suite. Le président aura un seul mandat et le secrétaire général deux mandats.
Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO