« Ne crois pas qu’on t’a oublié. On va te tuer pour tes opinions politiques. On va violer ta femme avant de la tuer ». Ce sont là, quelques-unes des menaces que ce fonctionnaire en poste au ministère de la Justice (dont nous taisons volontairement le nom) a découvert, le mardi 10 février 2015, sur son portail, à son réveil. Depuis lors, ce dernier, dit craindre pour sa sécurité et celle de sa famille.
« Je me suis réveillé le 10 février matin, quand je rentrais aux toilettes, j’ai remarqué que sur le pare-brise arrière du véhicule tout comme sur le capot arrière, il y avait des écrits. Ces écrits n’étaient pas bons. Pendant que je lisais, la fille de ménage sortait pour aller acheter du pain. Quand elle est revenue, elle a dit qu’on a écrit sur le portail. Je suis sorti immédiatement j’ai effectivement constaté qu’il y avait des menaces de mort sur le portail. » Ce sont là les propos de ZAW, agent en poste au ministère de la Justice, que nous avons rencontré, dans la soirée du jeudi 5 mars dernier. Sur le pare-brise du véhicule, on pouvait lire : « Ne dors plus. La crise est loin d’être terminée. La chasse aux sorcières ne fait que commencer ». Sur le portail, les menaces étaient encore plus graves.
A côté du dessin représentant une tête de mort, on pouvait lire : « Monsieur ZAW, ne crois pas qu’on t’a oublié les 30 et 31 octobre. Tu es aussi un leader caché du CDP. On va te tuer pour tes opinions politiques. On va violer ta femme avant de la tuer. On va tuer aussi tous tes enfants (voir photo) ». Après près de 20 jours d’hésitation de peur que cela empire la situation, ZAW s’est finalement résolu à en parler à la presse, dans l’espoir que cela freine les ardeurs des auteurs des menaces.
Après la découverte de ces écrits, raconte notre interlocuteur, il en a rendu compte à sa hiérarchie. Après voir appelé, sans succès, le procureur du Faso, il a finalement pu joindre le premier substitut du procureur qui lui a conseillé « de toucher la gendarmerie ». « J’ai touché le Chef de brigade de la gendarmerie de Boulmiougou qui m’a dit de venir à la gendarmerie. J’ai fait ma déposition et ensemble on s’est déporté chez moi. La gendarmerie a procédé au constat. Immédiatement après le constat, elle a envoyé le message au procureur du Faso pour rendre compte de la situation en attendant d’ouvrir une enquête le même jour », a-t-il expliqué. Quelques jours plus tard, ZAW s’est rendu à la gendarmerie pour faire sa déposition et une enquête fut ouverte.
Aucun ennemi connu
Pourtant, cet agent en poste à la chancellerie du ministère de la Justice dit n’avoir, en sa connaissance, pas posé d’acte susceptible de « heurter quelqu’un. Mais, comme on sait que le pays est actuellement bizarre avec la crise qui est passée. Car, les écrits font allusion à la crise aux opinions politiques. » A la question de savoir s’il a eu à travailler sur des dossiers sensibles ou pris position pour la modification de l’article 37, ZAW a répondu par la négative. « En étant à la chancellerie et au ministère on ne touche pas aux dossiers brûlants. C’est l’administration judiciaire, non une juridiction. C’est plus des décisions administratives que pénales qu’il faut prendre », a-t-il fait savoir. Notre interlocuteur a avoué avoir pensé aux politiciens, après avoir lu les menaces écrites sur le portail et sur le véhicule. « J’ai tout de suite pensé aux politiciens parce qu’on disait qu’on allait me tuer pour mes opinions politiques », a-t-il confié. Toutefois, il a reconnu qu’avec le régime déchu, « nul ne peut dire qu’il a été à l’abri. Que ce soit de manière involontaire ou par contrainte, on a tous d’une manière ou d’une autre été mêlé à ce régime ».
D’autres menaces de mort en 2009
A en croire ZAW, ce n’est pas la première fois qu’il fait l’objet de menaces de mort, même s’il se refuse toujours à lier ces deux cas. En 2009, lors d’une grève de 72 heures des greffiers, le Conseil des ministres avait instruit le ministre de la Justice de l’époque de recenser dans toutes les juridictions les greffiers qui n’étaient pas en droit de grever. « En son temps, il y avait des greffiers qui n’étaient pas encore intégrés, ils étaient en phase de SND ou d’intégration. Mais, ils n’étaient pas encore intégrés et qui ont pris part à la grève. Or la loi est claire là-dessus. Ceux qui ne sont pas titularisés n’ont pas droit de grève », a expliqué ZAW. En tant qu’agent de la DRH, il a travaillé ainsi que d’autres agents du même service sur les listes envoyées par les juridictions des différentes villes concernées par la grève. « Le même jour, aux environs de 21h 30, j’ai commencé à recevoir des appels anonymes me menaçant de mort. J’ai reçu près de 20 appels en 72 heures », a-t-il rappelé. Ces messages disaient, entre autres, « Si à cause de toi on me licencie, je vais te tuer », ou encore « Tu sauras que gâter le travail de quelqu’un, ce n’est pas facile ». Il dit avoir contacté sa hiérarchie à l’époque, notamment le secrétaire général qui lui avait dit de ne pas s’inquiéter, mais d’être vigilant. Mais depuis lors, aucune n’autre menace n’avait été faite jusque-là.
Mais cette fois, ZAW dit se sentir constamment menacé et en insécurité sa famille et lui. Surtout que sa maison n’est pas sous surveillance. « Quand je suis en circulation ou assis quelque part, je ne peux pas m’empêcher de regarder partout. Même quand une feuille tombe ou qu’il y a du bruit, je sursaute », a-t-il confié. Aussi, il dit avoir foi en la justice. Pour lui, il ne sera rassuré et ne se sentira en sécurité que lorsque ces « délinquants, ces criminels » seront arrêtés et que justice sera faite1
Par PBB