C’est un secret de Polichinelle. Karim Traoré, Président de l’Union nationale des producteurs de coton (UNPCB), compte désormais parmi les militants du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Candidat malheureux aux dernières élections législatives pour le compte du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), Karim Traoré était, les 28 février et 2 mars 2015, aux côtés de Salif Diallo, 1er vice-président du MPP à Bondoukuy et à Solenzo. Bras dessus, bras dessous, cette image forte a surpris plus d’un. Dans un entretien qu’il a accordé au journal « Le Pays », le président contesté de l’UNPCB a expliqué les raisons de son adhésion au parti de Roch-Marc- Christian Kaboré.
« Le Pays » : Au regard de la bonne ambiance apparente qui prévaut actuellement au sein de l’UNPCB, est-ce qu’on peut dire que la crise qui a fortement secoué cette structure ces trois derniers mois est derrière nous ?
Karim Traoré : Après les remous que l’UNPCB a connus, nous sommes arrivés à nous entendre. La fronde s’est éteinte avec la médiation des hautes autorités du pays et la maturité de tous. C’est pour cela que vous constatez qu’en ces derniers temps, il n’y a plus de litiges au sein de notre union nationale.
Vous disiez à qui veut l’entendre que vous êtes du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Aujourd’hui, on constate que les choses ont changé. Comment cela s’est-il passé ?
Sachez que les dirigeants du MPP étaient avant tout du CDP. Ce sont donc des anciens camarades avec qui nous avons toujours collaboré. Et s’ils ont eu la vision de créer le MPP, la plupart des militants qui ont adhéré à ce parti ont été guidés par leur choix, choix d’ailleurs consécutifs aux objectifs politiques de chaque militant. En politique, il y a des objectifs et aussi le programme du parti. A mon avis, ces deux éléments fondamentaux du MPP sont convaincants. Mieux, étant convaincu que ce parti peut satisfaire le monde rural et mes propres ambitions politiques, j’ai donc décidé de déposer mes bagages au MPP où il y a déjà un grand nombre d’anciens camarades du CDP.
On vous a vu avec Salif Diallo bras dessus, bras dessous. Peut-on penser que cette image qui fera le tour du monde est synonyme d’un pacte définitivement scellé en vous ?
Vous savez, entre Salif Diallo et moi, c’est une longue histoire. Salif Diallo est un camarade du parti en même temps qu’un frère. Nous avons donc la même vision politique et les mêmes convictions. Ce sont les raisons qui m’ont motivé à aller au MPP.
Vous rejoignez ainsi François Traoré qui y était déjà. Pourtant, ce dernier et vous étiez farouchement opposés pendant la crise que l’UNPCB a connue. Vos détracteurs, parmi lesquels figure le sus-nomé, vous ont accusé d’avoir politisé l’UNPCB. Aujourd’hui, vous adhérez à la même formation politique. Peut-on croire que ce dernier fait partie de ceux qui vous ont approché pour que vous vous décidiez à aller au MPP ?
Je pense que si vous posez la question à François Traoré, il vous répondra. François Traoré n’a pas influencé mon choix pour le MPP et il ne m’y a pas conduit. En politique, comme je ne cesse de le répéter, il faut savoir négocier, être fort moralement et bien orienter ses ambitions. François n’a donc joué aucun rôle dans mon arrivée au MPP. Il ne m’a jamais abordé dans ce sens. C’est seulement le programme de ce parti et ses options politiques qui m’ont attiré. En politique, il y a toujours des approches pour demander à telle ou telle personne d’adhérer à un parti.
D’aucuns pensent que votre adhésion au MPP est liée à la crise au sein de l’UNPCB. En termes clair, que la solution à cette crise était conditionnée par votre adhésion à ce parti. Est-ce vraiment cela ?
On ne peut empêcher un citoyen de dire ce qu’il pense ou de donner son opinion sur un fait, même si cela ne reflète pas la réalité. L’essentiel est d’ignorer ces propos non justifiés et de savoir ce qu’on veut. Pour répondre à votre question, la fronde a commencé juste après les évènements du 30 et 31 octobre 2014. J’avais voulu en son temps adhérer au MPP, mais compte tenu de la situation de crise qui venait de surgir au sein de l’UNPCB, je ne pouvais plus le faire. Il fallait donc désamorcer cette crise et maîtriser la situation avant de m’en aller. C’est pour vous dire que si je partais en pleine période de fronde, d’aucuns allaient penser que je ne faisais plus l’unanimité au sein de l’union. En éteignant le conflit, j’ai donc démontré, par ma capacité de mobilisateur au sein de l’organisation, que personne ne pourra arriver à déstabiliser et à porter atteinte à l’intégrité de l’UNPCB. J’insiste une fois de plus que ce n’est pas la situation de crise au sein de l’UNPCB qui a motivé mon départ. Sachez en plus, que tout homme politique a ses militants, sa capacité de mobilisation, sa vision des faits. On entre en politique pour un objectif. Voilà pourquoi je suis allé au MPP.
Vous confirmez donc que cette adhésion au MPP n’a pas été une condition pour faire refroidir la patate chaude que vous teniez en main !
La situation de patate chaude que vous évoquez n’est pas liée à la politique. L’UNPCB est apolitique. C’est vrai que je fais de la politique politicienne, mais je n’utilise pas cette casquette pour régler les conflits au sein de notre union nationale. Je milite tout simplement au MPP en tant que membre convaincu du parti. La situation de crise au sein du l’UNPCB reste donc un débat entre cotonculteurs.
Vous êtes désormais un militant du MPP, avez-vous consulté vos camarades du CDP avant d’y aller ?
Je n’ai pas besoin de consulter quelqu’un pour adhérer à un autre parti. L’essentiel est que je reste bon militant. Sachez que mon arrivée au MPP à surpris plus d’un. Je voulais les choses ainsi et je pense que consulter un tiers avant d’adhérer à un autre parti pourrait soulever de nombreuses tractations. C’est pourquoi je suis allé au MPP sans informer qui que ce soit dans mon entourage.
Quelles seront désormais vos relations avec les ex-camarades ?
La politique est avant tout une question de maturité. Il faut que les gens évoluent en matière de démocratie. A ce que je sache, la politique n’est pas un champ de bataille rangée. Un adversaire politique n’est pas un ennemi. Chacun doit comprendre cela. On peut avoir des objectifs différents, un programme politique opposé, un parti différent, mais rester de très bon amis. A Dédougou, par exemple, quand j’étais au CDP, j’avais des amis dans les autres partis. Il faut donc surmonter les divergences de vue. Quand ce niveau de compréhension sera atteint entre militants de différentes formations politiques, la campagne électorale deviendra plus facile et nous pourrions ensemble surmonter la pente du sous-développement dans notre pays.
Propos recueillis par Serge COULIBALY