Le Tribunal de grande instance (TGI) de Banfora a vidé, ce 3 mars 2015 à 8h, son délibéré dans le procès des 7 élèves de Niangoloko qui comparaissaient pour dégradation volontaire de biens mobiliers et immobiliers d’autrui au cours d’une manifestation sur la voie publique. Suivant le Procureur du Faso près le TGI de Banfora, Moussa Konaté, le Président du Tribunal, Dahandi Elvis Désiré Tindano, a prononcé 5 condamnations pour un mois ferme de prison et a libéré 2 autres. C’était sous une haute surveillance policière et les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes pour libérer l’entrée du palais pris en otage par les élèves.
Plus rien ne sera comme avant dans les crises scolaires qui secouent la ville de Niangoloko depuis quelques années. C’est du reste le message que l’on pourrait décrypter à travers le délibéré rendu ce 3 mars 2015 au TGI de Banfora, malgré la mobilisation et les menaces des élèves et étudiants du Burkina. Dans son verdict, le président du Tribunal a estimé que l’exception de la nullité de la procédure soulevée par les conseils des prévenus était recevable mais l’a déclaré mal fondée et par conséquent l’a rejetée.
Il a déclaré la relaxe de Ouédraogo Issiaka et de Soulama Kakenien, pour infraction non-fondée. Par contre, il a déclaré Ouattara Bakary, Ouédraogo Amadou, Ouattara Mamadou, Ouédraogo Ramatou et Traoré Kaneba, dit Vieux, tous coupables des faits qui leur sont reprochés et en répression, les condamne chacun à une peine de prison d’un mois ferme.
Le tribunal a dit recevoir la constitution de parties civiles de Samaté M. Evariste Moussa (proviseur du Lycée Santa de Niangoloko qui a vu son véhicule brûler et le domicile saccagé) ; Sawadogo née Ouédraogo Safiatou ; Diarra Sarena ; Sanogo David ; Koné née Dembélé Awa.
Il reçoit également la demande reconventionnelle des prévenus, déclare bien-fondée celle de Koné née Dembélé Awa, déclare partiellement fondée la demande de Samaté M. Evariste Moussa, et enfin, déclare mal fondées celles de Sawadogo née Ouédraogo Safiatou, Diarra Sarena, Sanogo David et par conséquent les a déboutés de leurs réclamations.
Le tribunal a également déclaré mal fondée la demande reconventionnelle des prévenus, les a déboutés de leurs réclamations et a condamné solidairement, en conséquence, les 5 coupables (Ouattara Bakary, Ouédraogo Amadou, Ouattara Mamadou, Ouédraogo Ramatou, et Traoré Kaneba dit vieux) à payer la somme de 15 000 F à Koné née Dembélé Awa et la somme de 6 600 000 F CFA à Samaté M. Evariste Moussa, au titre des dommages et intérêts.
Le TGI a débouté ce dernier du surplus de sa demande, et a donné acte à deux professeurs victimes en ce qu’ils ne se constituent pas partie civile. Les 5 prévenus ont été aussi condamnés solidairement aux dépens.
En clair, certains professeurs victimes ont été déboutés de leurs demandes car ils n’avaient pas pu fournir de preuves sur les dégâts subis, toutes choses qui n’ont pas permis au TGI de statuer. Il s’agit essentiellement de la réparation de leurs engins endommagés. De même, le proviseur n’avait pas pu évaluer les dégâts à son domicile estimant que c’est son bailleur qui était habilité.
Par contre, il estimait avoir acheté son véhicule à 5 millions de francs CFA et 1 500 000 F CFA pour le dédouanement. Les conseils qui ont prôné la nullité de la procédure et qui estimaient qu’aucune preuve n’avait été fournie contre leurs clients, réclamaient la somme de 2 000 000 F CFA pour les frais qu’ils avaient engagés. Ils n’ont pas été suivis par le Tribunal. Avant de lever la séance, le président du Tribunal a tenu à souligner sa déception du fait qu’on «crie partout à l’impunité et on met la pression sur les juges».
Cette pression, ce sont les élèves et étudiants qui l’exercent en voulant la libération sans condition de leurs camarades détenus. Prenant donc des mesures sécuritaires, ce qui indiquait du coup l’option judiciaire de ce verdict très attendu, les CRS avaient investi très tôt le palais de Justice de Banfora. Les élèves ont, en effet, boycotté les salles de classe pour « venir libérer leurs camarades ».
Et ils étaient plusieurs centaines à avoir effectué le déplacement du palais de Justice de même qu’une délégation d’étudiants venue de Bobo. Après le verdict, les condamnés ont été immédiatement reconduits en prison sous haute surveillance policière. Selon le président du Tribunal, n’ayant pas été arrêtés à la même date, ils ne pouvaient pas êtres libérés ensemble. Ainsi, certains recouvreront leur liberté le 6 mars prochain, d’autres le 9 et les derniers le 12 mars 2015.
En quittant la salle d’audience, les élèves qui tenaient à repartir avec leurs camarades, ont pris en otage l’entrée du palais de Justice à coups de sifflet et autres slogans hostiles aux magistrats. Un véhicule sortant du palais est obligé, sous la menace, de rebrousser chemin. La sortie du palais a été ainsi bloquée avec à la clé un meeting improvisé. « Dans les prochains jours, le Burkina va trembler », a soutenu celui qui tenait le crachoir.
Invite est ensuite faite aux manifestants de remonter sur la RN7 pour y recevoir un message. Les élèves s’exécutent et commencent par barrer la RN7. Les journalistes, eux, sont invités à patienter quelques minutes pour recevoir une déclaration des étudiants.
Mais, les forces de l’ordre, jusque-là discrètes, ne leur laisseront pas le temps. En effet, il est 9h15 lorsque celles-ci décident de se faire entendre. Les premiers gaz lacrymogènes sont tirés sur les manifestants qui libèrent immédiatement le «plancher», certains laissant sur place leurs montures et leurs sacs que des GSP s’empressèrent de rassembler.
Les manifestants seront poursuivis dans les rues afin de les éloigner carrément du palais où se poursuivaient les audiences. Et visiblement, les forces de l’ordre contrôlaient la situation jusqu’à ce que nous quittions les lieux aux environs de 11h.
Luc Ouattara