La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a entamé, hier mardi 3 mars 2015 à Kaya, dans la région du Centre-Nord, la révision exceptionnelle du fichier électoral, dans la perspective des futures élections. En ligne de mire, on a les législatives et présidentielle couplées du 11 octobre 2015, et les municipales du 31 janvier 2016. Ainsi, l’organe chargé de l’organisation des élections va tenter d’enregistrer 3,5 millions nouveaux électeurs pour couvrir le potentiel de 8 millions d’électeurs au Burkina Faso. La CENI ira de zone en zone (il y en a six) pour mener l’opération jusqu’à son terme, le 18 mai 2015. Espérons que l’opération se passera sans grande difficulté. La balle se trouve maintenant dans le camp des électeurs en âge de voter (18 ans) non encore inscrits sur le fichier électoral, qui doivent incessamment se manifester. Et il leur suffira de se présenter aux agents recenseurs, avec l’acte de naissance ou la carte nationale d’identité burkinabè (CNIB), pour se faire enrôler. Mais peut-on parier sur une participation massive du public cible ? Oui ! répondent tout de suite certains observateurs. Pour eux, le contexte postinsurrectionnel va aiguiser les appétits des électeurs et les amener à participer fortement et de façon indirecte à la gestion des affaires publiques. Surtout que d’aucuns trouvent que la nouvelle page politique du Burkina, qui s’ouvre, va donner lieu à une « vraie » démocratie. Le jeu démocratique, croient-ils savoir, sera plus transparent, et les scores à la soviet vécus sous l’ancien régime ne pourront plus être observés. Pour le lot de personnes optimistes, les électeurs convoités resteront dans l’esprit du changement pour lequel ils ont œuvré, certains au prix de leur vie, et ne bouderont pas les agents recenseurs de la CENI. Ils en sont convaincus : ce sera respecté la logique de l’insurrection populaire que de ne pas se faire prier, pour répondre à l’appel des urnes. Ce d’autant plus que les futures élections offrent l’occasion aux électeurs d’exprimer clairement leur choix et de donner de la légitimité aux dirigeants à qui l’on fait confiance. Ainsi, le changement auquel ils tiennent s’opérera pour de vrai ou de bon. Ce qui est d’ailleurs défendable, rien qu’à penser aux aspirations profondes ayant sous-tendues le soulèvement populaire d’octobre 2014. Le deuxième de l’histoire sociopolitique du Burkina, faut-il le noter, après celui qui avait contraint le premier président, Maurice Yaméogo, à rendre le tablier, le 3 janvier 1966. Révolution pour révolution, les potentiels électeurs devraient donc se bousculer devant les kits d’enrôlement. Toute chose, qui reste cependant à vérifier d’ici la fin de l’opération. D’autres observateurs par contre se montrent pessimistes, à considérer le désintérêt perceptible pour la chose politique. Parce que les hommes politiques sont passés maîtres dans l’art de mentir et d’aller à l’encontre de leurs principes une fois au pouvoir, des électeurs ont pris leurs distances avec la chose politique. Ceux-ci n’ont pas tout à fait tort, puisque le politicien défend toujours ses propres intérêts, même s’il fait semblant de faire passer celui du peuple avant. Raison pour laquelle, les agents recenseurs pourraient avoir des listes maigres, pronostiquent à tort ou à raison les pessimistes. Toujours est-il que la vérité du terrain viendra confirmer ou infirmer leurs dires. Que l’on soit optimiste ou pessimiste n’est pas l’essentiel, il importe que les potentiels électeurs aillent se faire enrôler. Dans un Etat démocratique, la voix du citoyen, même s’il n’y voit pas souvent, l’intérêt, compte. C’est le cumul des voix, qui donne la majorité à un candidat et qui fait de lui un président, un député, ou un conseiller municipal, selon le type de scrutin auquel on est confronté. Refuser d’aller se faire enregistrer sur le fichier électoral et partant ne pas voter ne rend pas service à la démocratie, ni à la nation. En tant que citoyen, nous avons un droit de regard sur la gestion de la chose publique. Et c’est en cela, que nous pouvons influer de quelque manière que ce soit à la bonne marche de la patrie. Alors, les potentiels électeurs ont intérêt à se faire ficher, que de mener la politique de la chaise vide. Dans ce sens, la responsabilité des partis politiques et de la société civile dans l’échec ou la réussite de l’opération d’enrôlement est indiscutable. Même si elle est en première ligne, la CENI seule ne saurait porter le chapeau ou le fardeau. Les partis politiques et les organisations de la société civile doivent sensibiliser les populations sur l’importance de se faire enrôler. Ce coup de pouce à la CENI est indispensable pour la bonne conduite de la révision du fichier électoral. Le paquet doit être mis chez tous pour que le plus grand nombre d’électeurs s’ajoutent aux listes.
Kader Patrick KARANTAO
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