Après Konan Katinan, un autre ex-fidèle lieutenant de la galaxie Gbagbo vient d’être alpagué à Accra : en effet, hier jeudi 17 janvier dans la matinée, l’ex-leader des jeunes patriotes et éphémère ministre de la Jeunesse du régime des rénovateurs Charles Blé Goudé a été mis au frais par une dizaine de policiers, de gendarmes et des éléments d’Interpool et est détenu actuellement au Bureau national des investigations (BNI).
Les mobiles de cette arrestation ne sont pas connus, mais on peut en dégager quelques-uns plus ou moins plausibles.
- Première raison : Blé Goudé était trop volubile et gênait aux entournures son pays d’accueil.
L’actuel patron de la COJEP pérorait régulièrement sur les ondes de radios internationales et s’épanchait dans les journaux depuis la chute de son pygmalion politique, Laurent Gbagbo, le 11 avril 2011. Dans ses diatribes médiatiques, il vitriolait naturellement le pouvoir d’Alassane Ouattara, même s’il se disait homme de la paix. Pas plus tard que le 11 janvier 2013 dans le journal Laurent Gbagbo Infos, il a présenté ses meilleurs vœux aux Africains, et des pans entiers de son article s’apparentaient à un violent réquisitoire contre Alassane Ouattara. Aux diables donc son obligation de réserve.
Même si, bien sûr, on dira que le média paraît à Abidjan. Or c’est connu, un réfugié politique, «ça ferme sa gueule ou ça quitte le pays d’accueil». Le Ghana qui, depuis la fin de la crise postélectorale ivoirienne a accueilli à tour de bras les ouailles du Gbagboland, a eu ses rapports un tantinet dégradés avec la Côte d’Ivoire, surtout après les attaques de Noé, un poste frontalier aux deux pays.
Déjà que les relations étaient cordiales pour ne pas dire plus, il n’en fallait pas plus pour que la Côte d’Ivoire y voie la main de ses réfugiés aidés en cela par des Libériens et autres apatrides. Soucieux de créer le dégel avec ce voisin puissant, l’ex-Gold Coast a peut-être décidé de donner des gages de sa bonne foi, même s’il est vrai, avec le précédant Katinan, qu’il y a loin de l’arrestation de Blé Goudé à son extradition vers son pays d’origine.
- Deuxième raison probable de cet embastillement : la pression de la justice ivoirienne ou supranationale, en l’occurrence la CPI.
Les autorités judiciaires ivoiriennes recherchent Blé Goudé qui, quoiqu’il s’en défende, n’a pas été un enfant de chœur sous le régime Gbagbo : discours messianiques, propos xénophobes, distribution d’armes aux étudiants, violences physiques ont émaillé le trajet de celui qui veut aujourd’hui endosser le cilice de martyr.
C’est peut-être aux fins qu’il réponde de ses actes lorsqu’il était au faîte de sa gloire que cette arrestation a été opérée.
Il se peut, toujours dans la même optique, que ce soit aussi pour un aller simple à la CPI que Blé Goudé a été arrêté. Fatou Ben Souda et bien avant lui, son prédécesseur, Louis Moreno Ocampo, avait effectué des missions en Côte d’Ivoire dans ce sens ; Blé Goudé va-t-il rejoindre son mentor à Shevenighen ?
Reste que, quel qu’en soit la raison, c’est encore un «gars» de Gbagbo qui a été épinglé, et on attend toujours le jour où des affidés de Ouattara le seront également.
La réconciliation en Côte d’Ivoire passe obligatoirement par cette sorte de parallélisme des formes. Et le chef de l’Etat ivoirien ne peut indéfiniment s’y soustraire.
Pour le moment, c’est la fin de cavale pour le ministre de la rue publique, et c’est aussi un avertissement sans frais pour les autres grandes gueules, qui, dans leur exil ghanéen, doivent rester cois.
Qu’ils se rappellent que, déjà président intérimaire, John Dramani, en visite à Abidjan, avait assuré à son homologue ivoirien que le Ghana ne serait jamais un refuge pour des exilés de Côte d’Ivoire. Confirmé à Osu Castle la présidence ghanéenne, par les urnes en décembre dernier, le président ghanéen veut peut-être, par ce geste, rassurer davantage ce puissant voisin.