Les échéances électorales au Burkina Faso avancent à grands pas. Pour relever le défi de l’organisation de la présidentielle couplée avec les législatives le 11 octobre 2015, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) s’active dans les préparatifs, non sans difficultés. « La première difficulté, c’est le budget. Nous attendons toujours le bouclage des financements », a dévoilé le président de la CENI, Me Barthélémy Kéré, au cours d’une interview accordée le vendredi, 20 février 2015 à Ouagadougou, à des organes de presse dont les Editions « le Pays ». Les échanges avec lui se sont focalisés sur l’état des lieux des préparatifs, la mise à jour du fichier électoral, l’épineuse question du vote des Burkinabé de l’étranger, les contraintes techniques et budgétaires, la moralisation de la vie politique, etc.
« Le Pays » : Où est-ce que la CENI en est exactement avec les préparatifs des élections législatives, présidentielles couplées du 11 octobre 2015 ?
Me Barthélémy Kéré : Avant de répondre à cette question, il est peut-être bien de dire un mot sur comment on en est arrivé là. Parce qu’il y a eu la charte de la transition qui envisage l’organisation d’élections pour la fin de la transition d’une durée de 12 mois. Le fait de vouloir remettre en place les organes pour un fonctionnement constitutionnel normal suppose la désignation d’un président du Faso, la mise en place d’une Assemblée législative et la désignation des conseils municipaux qui, par la suite, élisent les maires, etc. On se retrouve avec trois scrutins à organiser. A partir de ce moment, il y a des options qui se présentent aux organes de la transition en accord avec la classe politique. Est-ce qu’on organise tous ces scrutins en une fois, est-ce que l’on fait plutôt un plan pour grouper certains de ces scrutins ? L’option qui a été levée par les autorités de la transition, en accord avec la classe politique, c’est de coupler les élections présidentielles avec les législatives et de décaler les élections municipales plus tard. Lors des dernières décisions qui ont été prises par le gouvernement, il s’est agi de dire que l’option est prise pour organiser l’élection présidentielle en couplant avec les législatives pour le 11 octobre 2015 avec un décalage pour l’élection municipale prévue pour le 31 janvier 2016. A partir de ce moment, nous insérons, sur le plan technique, au niveau de la CENI, ces différentes décisions dans un chronogramme d’activités qui vont être déclinées pour en arriver aux différents scrutins.
L’option du couplage des élections est-elle liée à des raisons techniques ou financières ?
Il y a les deux. Lorsque l’on est dans une situation comme cela ou les instituions ne sont plus là, il faut procéder à ces options et elles ne sont pas toujours anodines. Lorsque vous décidez de coupler l’élection législative avec la présidentielle, vous faites l’économie d’un scrutin. Mais il faut savoir qu’à ce moment-là, vous avez un président élu en même temps qu’une Assemblée. Dans ces conditions, on ne peut pas savoir a priori quelle va être la majorité au niveau de l’Assemblée. Je sais qu’il y a des arguments qui avaient été développés dans le sens d’organiser d’abord l’élection législative et après la présidentielle. D’autres disent qu’il faut d’abord organiser l’élection présidentielle et après organiser celle législative. Ce n’est pas anodin parce que lorsque le président du Faso est élu, tous les autres ont tendance à se ranger de son côté pour lui donner une majorité confortable pour pouvoir diriger. Dans notre pays aussi, on dira que lorsque le président est élu, les gens choisissent généralement ce que l’on appelle le vote utile. Ils préfèrent aller du côté du pouvoir et l’un dans l’autre, cela permet au président élu d’avoir cette majorité. L’option qui a été faite au Burkina, c’est de ne pas faire ce genre de calcul. Il a été convenu essentiellement pour des raisons budgétaires, compte tenu du fait que l’on est en période d’austérité, de procéder au couplage de l’élection présidentielle avec celle législative. Nous avons fait ce chronogramme en tenant compte de cette situation et le budget a été présenté en fonction de cette situation. Pour revenir à la question de savoir où est-ce qu’on en avec les préparatifs de l’élection couplée, il faut dire qu’après les élections, la classe politique a souhaité que l’on procède à une nouvelle ouverture du fichier électoral. Les gens ont estimé qu’il y a beaucoup de citoyens acteurs de la transition qui, pour diverses raisons, avaient refusé de s’inscrire dans un fichier électoral. Pour eux, que vous votiez ou pas, c’est Blaise Compaoré qui va gagner. Ils avaient fait cette option de ne jamais s’inscrire sur les listes électorales parce que c’est du cinéma donc, eux ils ne sont pas dedans. Donc, la classe politique estime qu’avec ce changement fondamental qui est intervenu au niveau de la direction du pays, il serait souhaitable de rouvrir ce fichier pour permettre à ces personnes qui étaient déjà en marge jusqu’à présent, si elles le souhaitent, de venir s’inscrire sur les listes électorales. Et d’aucuns nous ont prédit un très fort engouement des jeunes pour l’inscription à venir. Donc, nous, au niveau de la CENI, nous ne demandons que ça, tant mieux s’il y a un engouement massif, nous prendrons des dispositions pour qu’aux plans matériel, technique et humain, il y ait les équipes conséquentes pour procéder au recensement de toutes les personnes qui vont le souhaiter. C’est la raison pour laquelle l’on a envisagé comme premier axe, avant de se lancer dans l’élection quelle soit présidentielle, législative ou municipale, de procéder à une mise à jour du fichier.
« Le code électoral prévoit que le gouvernement peut, par décret, ordonner une révision exceptionnelle du fichier électoral. C’est ce qui va être fait dans un premier temps »
Compte tenu du fait que la CENI avait déjà fait sa révision normale, le code électoral prévoit que le gouvernement peut, par décret, ordonner une révision exceptionnelle du fichier électoral. C’est ce qui va être fait dans un premier temps et nous avons envisagé cette opération du 3 mars au 18 mai. Le pays a été décomposé en six zones et nous allons déplacer les équipes de zone en zone. Pendant qu’on sera dans une zone donnée, les opérateurs de kits seront avec leurs kits dans tous les emplacements en même temps. Et puis, on va recenser les électeurs qui le souhaitent pendant une semaine consécutive. Après ces sept jours, nous ramènerons du matériel pour pouvoir récupérer toutes les données auprès de nos serveurs, et nous nous déploierons encore dans la zone 2, pour une semaine, avant de nous déployer dans les zones 3, 4, 5 et 6. A la fin de toute cette opération, il est normalement envisagé la procédure de déduplication ou de dédoublonnage. Cela consiste à prendre chacune des empreintes digitales et à les comparer les unes avec les autres. Nous sommes actuellement à 5 millions sur le fichier. Si, par exemple, il y a 2 millions qui s’inscrivent, chacun des électeurs inscrits sera comparé avec l’ensemble de tous les autres qui sont dans le fichier et cela a pour objectif d’identifier ceux qui se sont inscrits plusieurs fois. Si vous êtes inscrits plusieurs fois, on procède à un regroupement et on élimine toutes les inscriptions pour garder simplement la dernière de telle manière que le principe de l’unicité de l’électeur sur le fichier électoral puisse être observé. On l’a déjà fait lors du fichier initial en 2012, on l’a fait lors de la mise à jour en 2014, on le fera encore cette fois-ci. Nous créerons les conditions de la fiabilité et de la crédibilité de ce travail. Lorsque nous avons fini de faire les enregistrements, quand nous commençons la procédure de dédoublonnage, nous invitons la classe politique à venir à la CENI pour voir comment les choses se passent. Il y a d’abord un exposé thématique et narratif, mais on ne se contente pas de cela seulement. Par la suite, nous demandons aux différents partis politiques qui sont présents, s’ils ont des experts, qu’ils puissent se retrouver avec les experts de la CENI à côté des machines pour poser toutes les questions, procéder à toutes les requêtes informatiques possibles pour s’assurer que l’objectif de l’unicité est atteint de chaque électeur sur le fichier. Après qu’on aura procédé à tous les recensements, on publiera une liste provisoire. Cela permettra à toutes les personnes de vérifier qu’elles sont inscrites sur la liste, que l’orthographe est convenable, qu’il n’y a aucun problème. Cela permet aussi le contrôle par l’ensemble des citoyens, des inscriptions des autres. Un citoyen a le droit s’il est inscrit sur une liste électorale, de contester l’inscription de quelqu’un d’autre qui ne remplit pas les conditions prévues par les textes. Il a le droit de saisir la CECI qui convoque la personne qui a été inscrite à tort. Donc, il y a un genre de débat qui est fait et une décision est prise. S’il y a une des parties qui n’est pas satisfaite, elle saisit l’autorité supérieure (CECI, CEPI, CENI) et c’est ainsi que le président de la CENI peut être amené à statuer sur ce genre de contestation qui va être exprimé par certains électeurs. La décision qui est prise par le président de la CENI est un acte administratif qui est susceptible de recours devant les tribunaux administratifs. C’est pour dire que de bout en bout, tout est fait en sorte que le fichier final reflète ceux qui ont le droit d’être inscrits sur les listes électorales. Dans le cas spécifique que nous avons cette fois-ci, nous avons décidé de prendre tous les électeurs qui auront 18 ans au 31 janvier 2016, date de l’élection municipale. Il y a des gens qui auront l’âge électoral au 11 octobre et d’autres qui ne l’auront qu’au 31 octobre 2016. Conséquence, à la date du 11 octobre pour les élections présidentielles et législatives, il y aura des électeurs qui auront une carte d’électeur mais qui ne seront pas encore majeurs au 11 octobre. C’est la raison pour laquelle, une fois que les vérifications seront faites, nous allons publier une liste électorale par scrutin. Donc, le 11 octobre, il y aura les élections présidentielles et législative, il y aura les listes électorales qui vont concerner ces deux scrutins et qui vont comporter exclusivement ceux qui auront 18 ans au 11 octobre. Même s’il y a des gens qui ont des cartes d’électeurs, ils ne seront pas sur cette liste électorale. C’est la raison pour laquelle nous insistons auprès des électeurs pour qu’il y ait deux conditions cumulatives pour pouvoir voter. Il faut avoir sa carte d’électeur et être inscrit sur la liste électorale du scrutin concerné. Pour ce qui concerne l’élection législative couplée avec la présidentielle, nous aurons le fichier électoral qui va être à jour, nous allons publier les listes, nous allons recevoir les contestations et nous allons sortir les listes définitives qui vont être placées dans les différents bureaux de vote qu’on appelle les listes d’émargement et c’est là que l’électeur va être appelé à voter et émarger sur les différentes listes électorales.
Quels sont les documents dont il faut se munir pour s’inscrire sur les listes électorales ?
Pour être inscrit comme électeur sur les listes à l’intérieur du territoire burkinabè, il faut présenter soit l’acte de naissance, soit la Carte nationale d’identité burkinabé (CNIB). Il faut avoir 18 ans et être né en 1998 (le 31 janvier 1998 au plus tard). Si l’on présente l’acte de naissance, on saisit l’ensemble des informations, si c’est la CNIB, c’est un peu plus intéressant pour nos opérateurs parce que nous avons fait un genre d’import du fichier de cette carte dans nos machines. Si l’on présente la CNIB, nous reproduisons simplement le numéro de cette carte sur la machine et il nous apporte en principe automatiquement, l’ensemble des éléments alpha numériques (noms, prénoms, date de naissance...) concernant l’électeur. Celui-ci fait la vérification avec l’opérateur assis en face de lui et alors, il prendra ses éléments biométriques (empreinte, photographie faciale pour fusionner avec les fichiers alpha numérique pour avoir l’inscription biométrique et vous délivrer la carte d’électeur. Ce sont donc les deux pièces (acte de naissance et CNIB) qui sont demandées aux électeurs pour être candidats à l’inscription sur la liste électorale.
Au vu de l’état actuel des préparatifs, est-ce que vous êtes fin prêts pour organiser les élections selon le chronogramme prévu ?
Oui et non. Oui parce que si vous avez un fichier électoral à jour, vous pouvez aller aux élections. Mais pour aller aux élections, il faut réunir l’ensemble du matériel électoral, recruter les membres du bureau de vote, les former, déployer le matériel et le personnel sur l’ensemble des lieux pour administrer le scrutin. Et puis, le jour de vote, il faut procéder au dépouillement, à la centralisation des résultats et à la délibération pour les résultats provisoires qui vont être faits au niveau de la CENI. Pour pouvoir faire toute cette partie, cela demande des moyens financiers. Aujourd’hui, le gouvernement a arrêté le budget global du scrutin. Et concernant l’ensemble des trois scrutins organisés, nous sommes à environ 60 milliards de F CFA qui se divisent en deux : 54 milliards de F CFA pour l’élection strictement dite, et six milliards et demi de F CFA pour l’appui à l’élection. Cet appui à l’élection concerne les rubriques comme le soutien aux forces de défenses et de sécurité, l’appui de l’Office nationale d’identification (ONI) pour qu’elle puisse délivrer massivement les CNIB pour faciliter le travail à la CENI, l’accompagnement de la Direction générale de l’état civil pour lui permettre de délivrer aussi massivement les actes de naissance.
« Il y a donc un besoin de financement de l’ordre de 35 milliards de F CFA »
Le gouvernement a fait une provision de 25 milliards de F CFA pour l’élection présidentielle qui était prévue pour le 29 novembre 2015. Il y a donc un besoin de financement de l’ordre de 35 milliards de F CFA. Le gouvernement a présenté une requête à la communauté internationale. Cette requête est à l’étude, les différentes discussions sont en train de se faire avec les partenaires et amis du Burkina, il y a des annonces de la part de certains pays et d’un certain nombre d’ambassadeurs qui se sont prononcés publiquement pour soutenir le processus de transition et donc les élections. C’est en cours, on attend de voir dans les jours ou mois qui vont suivre, que le budget puisse être bouclé pour qu’on puisse tranquillement aborder l’ensemble des activités. Pour ce qui concerne le fichier électoral, le gouvernement a débloqué déjà le montant de 7 milliards de F CFA pour la mise à jour du fichier électoral sur sa provision pour permettre de démarrer cette activité et c’est en cours.
Quelles sont les projections en termes de nombre d’inscrits à la fin de la mise à jour du fichier électorale ?
En 2012 et 2014, les journalistes et moi avons eu cette polémique. Quand on dit par exemple que le potentiel est de tant, on vous attend, évidemment, aux résultats. Or, le système au niveau du Burkina Faso comme dans d’autres pays, est assez particulier. L’inscription est volontaire, elle n’a aucun caractère obligatoire. De ce fait, l’on peut avoir un potentiel mais si la personne ne le fait pas, c’est son droit le plus absolu. La CENI prend sur elle de faire en sorte que l’ensemble du territoire national soit couvert dans un temps suffisant pour permettre à toutes les personnes qui le souhaitent d’être inscrites sur les listes électorales. La CENI prend des dispositions pour développer en ce qui la concerne une grande communication institutionnelle. Il y aura des affiches, des spots au niveau de la radio, de la télévision, pour interpeller les gens, pour leur dire que le dispositif est en place et qu’ils ont le pouvoir de venir se faire enrôler et on les invite à venir le faire de façon massive. La communication sera également faite vis-à-vis de la société civile et des partis politiques afin qu’ils appellent tout le monde à venir massivement se faire enrôler. Une fois que ce travail sera fait, nous pensons que la CENI aura fait le travail qui lui revient. Sur le plan subjectif, celui qui veut voter pour un parti politique, c’est à lui d’aller s’inscrire. Inversement c’est aux partis politiques qui s’attendent à ce qu’un candidat aille voter pour lui, de faire ce travail pour que cette personne aille s’inscrire sur les listes électorales. Les responsabilités sont situées, la CENI met en œuvre le matériel, le personnel et la communication, il appartient à tous les autres acteurs de la classe politique et la société civile de jouer sa partition pour que les choses se passent bien et que le maximum de gens puisse s’enrôler. Mais d’un point de vue statistique seulement, nous sommes sur notre fichier actuellement à peu près 5 millions d’inscrits, c’est-à-dire les 4 millions 400 milles en 2012 plus environ 600 milles en 2014. L’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) communique l’information selon laquelle les Burkinabé qui ont 18 ans et plus sont à la date d’aujourd’hui, de 8 millions 400 000. Si nous en avons 5 millions sur le fichier électoral, cela veut dire que du point de vue statistique, il y aurait 3 millions 400 000 qui seraient disponibles et qui pourraient s’inscrire sur les listes électorales. Mais quand on dit 18 ans et plus, c’est 18 ans jusqu’à 100 ans. Il faudrait donc envisagez un certain correctif sur les personnes qui seraient disponibles, suffisamment actives pour venir au fichier électoral. Après avoir mis en place l’ensemble du dispositif matériel, personnel, organisationnel pour l’enrôlement biométrique, nous allons attendre à la fin et encore communiquer les informations.
Le vote des Burkinabè de l’étranger a été reporté alors qu’il était techniquement possible. Quelles sont les raisons objectives qui ont milité en faveur de ce report ?
Ce genre de question devrait être normalement adressé au gouvernement parce qu’il lui appartient de prendre des décisions en toute souveraineté en fonction d’un certain nombre de situations précises. Concernant la CENI, elle a entrepris, depuis le mois de novembre 2013, des démarches pour opérationnaliser le vote de nos compatriotes de la diaspora. Nous avons arrêté ensemble avec la classe politique et la société civile en présence de tous les observateurs y compris les médias, un plan de travail que nous avons mis en œuvre. Dans ce plan, il y avait après la mise à jour du fichier au plan interne en 2014, un déploiement à l’étranger pour mettre en place les démembrements de la CENI. Nous sommes allés dans toutes les ambassades et dans tous les consulats généraux du Burkina Faso à l’exception de la Lybie pour des raisons de sécurité. Sur les 32 ambassades et les 9 consulats généraux, nous sommes allés partout sauf en Lybie, on est allé dans 40 points sur 41. Et aujourd’hui, on a dans chacun de ces différents pays, un démembrement de la CENI. Quand nous sommes rentrés au Burkina Faso, nous avons rencontré la classe politique le 8 août 2014. Nous avons fait le point à la classe politique sur l’état de la situation et nous avons fait remarquer que, que ce soit les ambassadeurs, nos consuls généraux, ou nos compatriotes de la diaspora, ils ont souhaité qu’au lieu de nous cantonner simplement aux ambassades et aux consulats généraux, de voir là où se trouvent les points de concentration des Burkinabè. Ils ont dit par exemple que vous ne pouvez pas organiser le votes à Paris alors que l’essentiel des Burkinabè se trouve à Marseille, à Lyon, à Bordeaux, à Rennes. Donc, il faut que vous prévoyez que les Burkinabè qui sont dans ces endroits, qui sont massifs, puissent être concernés. Nous avons des compatriotes qui sont plus d’un millier en Espagne, vous avez souvenance de la lettre ouverte qu’ils avaient faite à l’époque. Il n’y a pas d’ambassade, ni de consulat général en Espagne, donc ce sont des gens qui sont en principe exclus. A partir du moment où l’Espagne relève de la juridiction au niveau de l’ambassade de Paris, ils ont souhaité qu’on puisse aussi envisager qu’il y ait un poste, un site en Espagne. Nous avons fait le point de ces demandes et on est passé de 40 points à 104. Nous avons soumis la question au gouvernement pour dire que nous avions préparé un budget, un dispositif pour 40 points, on est à 104 points, nous, on se retourne vers vous pour que vous preniez les dispositions pour que nous ayons les moyens suffisants pour aller dans ces différents points. Le gouvernement à l’époque nous a dit qu’il faudrait peut-être que le code électoral soit revu en conséquence, pour qu’au lieu de dire dans le code électoral que le scrutin a lieu dans les ambassades et les consulats généraux, pour qu’on puisse créer un seuil pour dire que là ou il y aura tant de Burkinabè au moins, qu’on puisse organiser le scrutin dans ces localités. Nous avons fait les propositions, le projet de code devait être envoyé à l’Assemblée nationale pour être examiné. D’après ce que nous avons compris, le document est arrivé en retard à l’Assemblée. Dans tous les cas, il avait été prévu une session extraordinaire pour pouvoir examiner ce document, il y a eu l’insurrection entre-temps. Depuis 7 mois jusqu’à l’heure où je parle, il n’y a toujours pas ce code électoral qui permettra de savoir exactement quels sont les points de concentration des Burkinabè dans lesquels nous allons aller organiser le vote des Burkinabé de l’étranger.
« On ne sait quand est-ce ce code électoral sera disponible »
Hier (ndlr : jeudi 19 février), j’ai vu qu’il y a eu un séminaire qui s’est ouvert à Kombissiri pour pouvoir examiner le code électoral. Mais on ne sait quand est-ce ce code électoral sera disponible. Dans le même temps, la durée de la transition a été fixée à 12 mois à compter de la date de l’investiture du président. 12 mois, quand on compte que l’investiture a lieu le 18 novembre, la date expire le 17 novembre. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a été amené à fixer le scrutin à la date du 11 octobre. Le code est encore attendu, le délai est rapproché. Sur le plan financier, il y a une provision du gouvernement de 25 milliards de F CFA pour un scrutin, on se retrouve avec trois scrutins à organiser. Pour un besoin de financement de plus de 35 milliards de F CFA, nous sommes obligés de nous tourner vers la communauté internationale. La communauté internationale, d’un point de vue constant, nous a dit, nous sommes en période de sortie de transition, le plus important c’est de nous atteler à organiser convenablement déjà les élections. En tout état de cause, les acteurs au niveau de la communauté internationale n’ont pas de financement supplémentaire pour nous permettre de faire des expérimentations, parce que le fait d’organiser les scrutins à l’étranger pour la première fois, ils considèrent cela comme étant une expérimentation.
« Donc, on est en retard du point de l’organisation pratique, on a des problèmes d’argent parce qu’on est en période d’austérité »
Donc ils ne sont pas en situation de dégager des ressources nécessaires pour permettre d’organiser ce vote des Burkinabé de l’étranger. Donc, on est en retard du point de l’organisation pratique, on a des problèmes d’argent parce qu’on est en période d’austérité. Ceux qui peuvent nous aider pensent que ce n’est pas opportun de nous lancer dans cela tout en disant que cela relève de notre souveraineté, ce n’est pas à eux de décider de que nous allons faire. Donc, si nous décidons d’organiser le vote des Burkinabè de l’étranger, c’est à nous de trouver les ressources nécessaires pour pouvoir le faire.
Peut-on dire que n’eût été l’insurrection populaire, ce vote des Burkinabè aurait été possible ?
Je ne sais pas. Peut-être que si l’insurrection populaire n’avait pas eu lieu, si le programme avait continué normalement, peut-être qu’on aurait pu organiser le vote des Burkinabè de l’étranger. Et on aurait eu un seul scrutin à organiser dans le laps de temps que nous avons. On peut, en organisant un seul scrutin, gérer le vote des Burkinabé de l’étranger. Or c’est la même CENI qui va organiser la présidentielle couplée avec les législatives, c’est elle qui va planifier pour l’organisation des élections municipales dans un laps de temps assez court. Objectivement, il y a des contraintes réelles. Il faut laisser aux politiques le soin d’exploiter une forme de situation. Aujourd’hui, avec le laps de temps qui reste, il est quasi impossible à la CENI d’organiser le vote pour l’ensemble des compatriotes de l’étranger dans les conditions de sérénité.
Quelles sont les conditions à remplir pour permettre aux Burkinabè de l’étranger de voter aux futures élections ?
La base, c’est le recensement des compatriotes de l’étranger. Le code électoral prévoit que pour être recensé en tant que Burkinabé de l’étranger, il faut être titulaire de la carte consulaire. C’est un concept qui a posé beaucoup de problèmes. Certains documents qui ont été envisagés en Côte d’Ivoire, ne sont pas encore envisagés dans les autres pays. On fait comment ? On prend la carte consulaire en Côte d’Ivoire et ailleurs, l’on prend d’autres documents ? Ce n’est pas simple. Pour organiser de manière sereine l’élection des compatriotes de la diaspora, il faut pouvoir prendre le temps d’organiser avec la plus grande sérénité, leur recensement. Il faut qu’on puisse s’accorder sur les documents nécessaires pour pouvoir justifier de son identité en tant que Burkinabé résidant à l’étranger. Si, à la limite, on le fait dans les conditions ou il n y a pas la sérénité, on peut se retrouver avec des situations assez complexes à gérer. Le gouvernement a pris l’engagement de prendre les dispositions dès à présent pour que la question du recensement puisse démarrer effectivement, de telle sorte qu’on ait le nombre de Burkinabé qui résident à l’étranger sans la pression de l’organisation d’un scrutin. Lorsque nous avons voulu nous lancer dans le dispositif de vote des Burkinabè de l’étranger, nous avons interpellé plusieurs fois le ministère des Affaires étrangères qu’il n’y aucun fichier fiable. Il faut d’abord commencer par cela. Il faut un bon fichier des Burkinabé de l’étranger. La CENI a du matériel d’enrôlement biométrique disponible. Nous, on ne voit pas d’inconvénients, si les autorités en conviennent, que dès qu’on aura fini avec l’élection municipale, on puisse entamer pour le compte en accord en concertation avec le ministère des Affaires étrangères et les structures nationales compétentes comme l’ONI, on puisse mettre en place le dispositif dès à présent pour un recensement exhaustif de nos compatriotes de l’étranger. Indépendamment du vote, on pourrait prendre des Burkinabé de l’étranger si l’on doit prendre les empreintes digitales, à partir de l’âge de 12 ans. Tous les Burkinabé de l’étranger qui ont 12 ans et plus, on les prend. Puisque l’on aura ce fichier disponible, lorsqu’il sera question plus tard d’organiser le scrutin, il suffit de prendre dans ce fichier les personnes qui auront 18 ans et plus. Cela sera en dehors de toute pression et contrainte. Et la liste sera publiée, il y aura le système de contestation et on va arrêter une liste définitive qui va servir tranquillement à l’organisation du scrutin. Une fois qu’on a réglé la question du fichier électoral, il y a aussi un minimum de conditions à remplir en accord avec les pays d’accueil. Aucun Etat étranger n’a été saisi du vote des Burkinabè de l’étranger. Cela nécessite quand même un minimum de discussion et de travail parce que j’ai vu dans un certain nombre d’ambassades, la situation est telle que le scrutin, on ne peut même pas l’organiser dans l’ambassade. Il y a aussi les questions de sécurité qu’il faut régler. Lorsque l’on se lance dans le processus électoral, il y a des courants divers qui s’affrontent, cela peut bien se passer lorsque les conditions démocratiques sont réunies. Mais il peut arriver qu’il puisse avoir des débordements, des violences, etc. Ça se passe en territoire étranger. Il faut que toutes ces questions soient réglées avec le pays d’accueil pour qu’au cas où il surviendrait ces différentes questions la réponse puisse être automatique et que l’on ne puisse pas avoir des problèmes. Une fois que cela est fait, il faut que la question de l’administration du scrutin à l’intérieur, soit résolue ainsi que celle de la centralisation des résultats du scrutin dans ce pays. Si on est tous décidé à organiser le scrutin pour 2020, ce n’est pas trop tôt pour commencer à faire ce travail de recensement, à envisager les discussions avec les ambassadeurs pour attirer leur attention et leur donner des mandats spécifiques pour discuter avec les puissances étrangères pour que le moment venu, la CENI ou l’organe qui va être chargé de l’organisation des élections, puisse entrer en contact pour pouvoir préparer l’organisation du scrutin.
« Mais si rien n’est fait à présent, en 2020, on va se retrouver encore dans la même situation »
Et si ces mesures préparatoires sont prises à temps, je pense que les épisodes de 2020, seront une bonne chose. Mais si rien n’est fait à présent, en 2020, on va se retrouver encore dans la même situation.
D’aucuns estiment que certains compatriotes en Côte d’Ivoire qui manifestent contre le report de leur participation au vote, sont instrumentalisés par l’ancien président Blaise Compaoré qui s’y trouve. Que dites-vous ?
Il faut savoir que les compatriotes de l’étranger, ce n’est pas seulement la Côte d’Ivoire, il faut qu’on évite de faire une fixation sur la Côte d’Ivoire. C’est vrai, nous avons une diaspora très importante en Côte d’Ivoire. Mais je vous ai dit que nous sommes allés à 40 points et la Côte d’Ivoire c’est 1 point sur 40. C’est dommage qu’aujourd’hui, certaines personnes tentent d’exploiter cette difficulté ponctuelle que le pays a pour organiser le vote de sa diaspora, pour un dessein inconnu. Quand on dit que le Burkinabé de l’étranger a droit au vote et quand je dis que tout Burkinabé a droit à la santé, quand j’entends quelqu’un dire voilà, on n’a pas résolu le problème des votes des Burkinabé de l’étranger, alors il faut descendre dans la rue, faire des sit-in, aller à l’ambassade..., c’est comme si on disait à tous ceux pour lesquels il y a des difficultés de santé, de descendre dans la rue pour casser tout parce que l’Etat est incapable de pouvoir répondre à ces différentes lois. Il faut être mesuré. A partir du moment où le principe du droit de vote du Burkinabè de l’étranger n’est pas remis en cause, c’est plus une question d’exposer les difficultés réelles aujourd’hui. Il y a des personnes de bonne volonté qui sont prêtes à engager des dispositions pour que dès à présent, on commence à préparer les éléments pour que le vote puisse être une réalité plus tard. Acceptons le vivre-ensemble. On a des difficultés ponctuelles aujourd’hui, on espère qu’on va sortir de la transition, que tout va bien se passer dans le pays et qu’on aura la possibilité de prendre les dispositions pour que les compatriotes de l’étranger dont le droit de vote n’est pas remis en cause, puissent prendre part au prochain vote.
Quel message à l’endroit de ces compatriotes concernés par la situation ?
Le message que j’ai vis-à-vis de ces compatriotes, c’est qu’ils voient ce qui a été fait jusqu’à présent. Depuis 2013, toutes les dispositions qui ont été prises de très bonne volonté et avec la plus grande bonne foi pour pouvoir réaliser le vote des Burkinabè de l’étranger. Le fait qu’il y a eu l’insurrection populaire, il y a beaucoup de dossiers qui ont été mis en retard à tel point qu’il faut reprendre en main la situation pour que le pays puisse fonctionner normalement. Cela suppose des contrats et des sacrifices. Il faut qu’ils puissent comprendre cette situation et nous accompagner pour qu’on puisse gérer les élections dans de bonnes conditions, qu’ils nous accompagnent pour que lorsque nous allions prendre les dispositions pour commencer la question de l’enregistrement, des différentes mesures que nous allons prendre dès à présent, qu’ils puissent être disponibles, qu’on puisse accompagner les autorités pour que cela puisse se faire dans de bonnes conditions.
Comment le recensement des Burkinabé de l’étranger pourra-t-il se faire de façon exhaustive, quand on sait que certains compatriotes sont en situation irrégulière dans leur pays d’accueil ?
Nous avons eu une rencontre avec l’ensemble des ambassadeurs qui sont venus en session au ministère des Affaires étrangères, avec lesquels nous avons discutés. Le recensement des Burkinabé de l’étranger qui doit être fait, doit être le plus exhaustif possible. Si un Burkinabè se trouve sans les documents administratifs pour pouvoir justifier son séjour dans ces différents pays, est-ce que vous pouvez lui demander de venir se faire recenser à l’ambassade ? Ce qui est sûr, c’est que s’il vient à l’ambassade, les gens vont l’enregistrer. Mais nous n’aurons aucun moyen pour obliger tous les Burkinabè qui sont en situation irrégulière, qui ne veulent pas être connus, à venir se faire identifier et à se faire recenser. Même si ces gens-là viennent se faire recensés, je suis presque sûr que le jour du scrutin, ils ne viendront pas pour diverses raisons. La question de la clandestinité de certains est réelle, les ambassadeurs l’ont relevé, ils sont en train de faire un travail pour voir dans quelles mesures on peut régulariser la situation du plus grand nombre, mais ce n’est pas toujours facile et possible.
Quelles sont les difficultés actuelles auxquelles est confrontée la CENI en prélude aux échéances électorales ?
La première difficulté, c’est le budget. Nous attendons toujours le bouclage des financements. Une des difficultés qui a aussi été relevée par les partis politiques lorsque nous avons discuté le 30 janvier dernier, c’est qu’ils veulent avoir la garantie que le scrutin du 11 octobre donnera l’ensemble de ses résultats avant le 17 novembre. Ils veulent que le 17 novembre au plus tard, le président élu soit investi. Dans le chronogramme prévisionnel que nous avons donné, au cas où il y aurait un 2e tour, le résultat définitif pour ce 2e tour serait envisagé vers le 2 décembre. Des partis politiques ont dit qu’ils n’accepteraient pas cette situation et c’est une difficulté. Mais la CENI n’a pas le choix, puisque, de toute façon, selon la Constitution, le scrutin a lieu entre 21 et 40 jours avant la fin du mandat du président en exercice. C’est par application de cela qu’on a prévu la date du 10 octobre puisque les 40 jours, c’est à partir du 8 octobre. Si effectivement, en fixant à cette date-là, l’échéance risque d’aller au-delà du 18 novembre, et je ne sais pas si on sera dans un cas de contrariété entre la Constitution et la Charte. En tout cas, c’est une difficulté pratique qui va être résolue par la discussion avec les acteurs de la transition et les acteurs politiques. Et la Charte dit qu’au cas où il y a contrariété entre la Constitution et la Charte, c’est le Conseil constitutionnel qui statue. On verra bien comment les choses vont se passer. Parce que nous avons demandé une semaine pour pouvoir proclamer les résultats provisoires, dans le même temps, nous sommes en train de faire un travail actif avec les Partenaires techniques et financiers pour avoir les moyens nécessaires pour utiliser les Techniques de l’information et de la communication pour pouvoir accélérer le processus. Si on arrive à compresser les délais, peut-être qu’on arrivera avant le 17 novembre. Sinon, la classe politique et la société civile verront, en accord avec le gouvernement, ce qu’il y a lieu de faire pour trouver une solution si, manifestement, on ne peut pas faire autrement que d’aller après le 17 novembre. Peut-être que la classe politique et le gouvernement pourraient déjà entreprendre une discussion dès à présent pour faire des propositions de solutions par rapport à cela. Qu’est-ce que l’on fait si on n’a pas tous les résultats avant le 17 novembre ? C’est vrai qu’il y a des dispositions pertinentes dans la Charte. Vous avez l’article 20 de la Charte qui dit que la durée de la transition ne peut excéder 12 mois. Mais il y a un article 20 qui dit que les institutions de la période de la transition continuent de fonctionner jusqu’à l’installation effective des nouvelles institutions. Cela veut dire que si on est en cours d’élection, on peut aller jusqu’à la fin du processus et une fois qu’on a fini, les nouvelles institutions viennent fonctionner. En attendant, les anciennes institutions continuent de fonctionner. Ça c’est le 2èmearticle qui peut être mis à profit et l’article 25 dit qu’en cas de contrariété entre la Charte et la Constitution, c’est le Conseil constitutionnel qui statue. Donc, la question qui se pose est de savoir qui va saisir le Conseil constitutionnel ? Quand est-ce que l’on peut le faire ? En tout cas, de bonne foi, on a la ressource pour pouvoir discuter ensemble pour régler cette difficulté encore ponctuelle. Voilà les difficultés prévisibles qui peuvent se poser. Maintenant, si nous avons l’argent nécessaire, nous travaillerons avec l’ensemble de nos démembrements pour lancer les campagnes de sensibilisation, procéder au recrutement des membres du bureau de vote, déployer le matériel électoral. Chacune de ces activités peut avoir ses difficultés propres, mais on les abordera le moment venu et ensemble avec la classe politique, on verra comment l’on peut les régler et de manière consensuelle, on pourra toujours continuer d’avancer dans ce sens.
Combien la CENI a-t-elle besoin à l’heure actuelle pour la mise à jour du fichier électoral ?
Nous avons intégralement le budget pour la mise à jour du fichier électoral et c’est ce dont on a besoin actuellement. Nous sommes en train de discuter pour la constitution du budget pour l’élection présidentielle et législative couplée. Il y a des annonces qui sont faites et nous pensons que normalement, d’ici là, on aura une idée plus précise de comment les choses vont se passer.
Quelles sont les dispositions prises par la CENI concernant les candidatures indépendantes souhaitées par la société civile ?
Pour ce qui concerne les candidatures indépendantes, la CENI reste attachée au principe de légalité, c’est-à-dire que si la loi prévoit quelque chose, elle l’applique. Pour ce qui concerne les présidentielles, il n’y a pas de problème, on a la possibilité de présenter un candidat indépendant. Pour les municipales, si le code est modifié et le principe de candidature indépendante est retenu, la CENI va l’appliquer. Mais les gens pensent que c’est quelque chose de simple. Il peut y avoir des éléments de complexité. Avec les candidatures indépendantes, l’on peut se retrouver dans une circonscription électorale par exemple pour les municipales au niveau du Kadiogo, avec une centaine de candidats, ce n’est pas exclu et on pourrait en avoir même plus. Si vous avez 100 candidats indépendants et au niveau des formations politiques, vous ajoutez 70 partis politiques, vous aurez en tout, 170 acteurs dans la circonscription qu’il faut faire tenir sur le bulletin unique. Vous allez avoir des bulletins uniques carnets. Ce sont des carnets qu’il faut d’abord mettre dans l’urne et parfois une vingtaine de carnets, peut remplir l’urne. Donc, il faut envisager peut-être des urnes supplémentaires... Ensuite si c’est dans un carnet, le candidat peut par exemple demander à celui qui veut voter pour lui de regarder à telle page pour marquer parce que son empreinte, c’est à cette page. Ce sont des choses comme ça qu’on va vivre. C’est normal qu’on revendique les candidatures indépendantes, je n’ai aucun problème à cela. On va l’appliquer si la loi le décide. Mais il faut que les gens comprennent qu’il peut y avoir beaucoup d’éléments de complexité et avec le niveau d’instruction que nous avons chez nous, il pourrait y avoir beaucoup de gens qui vont se tromper, ça peut peut-être amener l’annulation d’un certain nombre de bulletins, peut-être même beaucoup. Mais ceci étant, si on décide de faire comme ça, nous allons y aller. On peut dire oui aux candidatures indépendantes, mais en obligeant les candidats indépendants à se présenter en liste. On peut dire par exemple, aux indépendants du Kadiogo, de constituer une seule liste, mais dans le fond, cela entraînera quand même des éléments de complexité avec la gestion du bulletin unique. Encore une fois, la CENI n’est pas du tout opposée à cela si c’est l’option qui est faite majoritairement par notre peuple, nous allons l’appliquer et on tirera ensemble, les enseignements et s’il y a lieu de revoir, on verra. Mais on se retrouvera dans une situation ou encore une fois on va expérimenter en période de transition, parce qu’on ne l’a jamais fait. Si les gens veulent qu’on expérimente on va le faire. Mais qui dit expérience dit risques.
Que pensez-vous de l’idée qui préconise de prévoir des garde-fous par l’interdiction de gadgets, le plafonnement des dépenses de campagnes pour garantir la crédibilité du scrutin ?
Quand on interdit d’interdire les gadgets, les tee-shirts..., c’est pour moraliser la vie politique. Mais à quoi sert de supprimer les gadgets si les gens distribuent nuitamment des enveloppes, parce que cela produit le même effet ? Il faut que le travail soit fait dans notre pays pour qu’à un moment donné, quand vous donnez une enveloppe à quelqu’un, il prend l’enveloppe pour mettre dans sa poche et vote ce qu’il veut. Cela, on aura atteint un niveau de culture démocratique. Si les gens prennent les enveloppes et votent qui ils veulent, les enveloppes vont disparaître toutes seules, les gadgets vont disparaître tous seuls. Un autre aspect, on dit également que l’on va se battre pour la biométrie afin de disposer par exemple d’une carte d’électeur fiable et garantie. Mais qu’est-ce que l’on fait à quelqu’un qui prend sa carte d’électeur biométrique et qui la vend ? Toutes les dispositions sont prises pour que son vote soit bien compté. Il prend sa carte et vend à quelqu’un d’autre. Au niveau de la CENI, les dispositions sont bien évidemment prises pour que celui qui prend la carte d’autrui, ne puisse pas voter, c’est clair. Il ne peut pas voter. Mais en attendant, il a empêché l’autre de voter. Quand on achète des cartes d’électeurs dans une circonscription électorale de son adversaire politique parce que l’on a suffisamment d’argent, l’on modifie le code électoral de ladite circonscription. Ce sont des dysfonctionnements qui doivent être sanctionnés avec la plus grande rigueur. Si on sanctionne sérieusement ce genre de choses, on arrivera à un minimum de situations où les efforts qui sont faits pour crédibiliser le fichier et le scrutin vont quand même atteindre un peu leurs objectifs. Sinon, je ne pense pas que la solution, c’est de prendre des mesures pour dire que l’on va supprimer ou interdire ceci ou cela. Les gens trouveront toujours les voies et moyens pour atteindre leurs objectifs qui est l’achat des consciences.
Qu’en est-il du plafonnement des budgets de campagne sollicité de vives voix par des acteurs civiles et politiques afin de donner une chance égale à tous les candidats ?
C’est clair que l’objectif qu’il y a derrière cela est noble. Mais tant qu’on n’aura pas atteint par le travail de sensibilisation pour que les gens atteignent un degré d’indépendance du point de vue de leur esprit, le plafonnement des dépenses restera en chemin. Ne pas plafonner, cela veut dire que les gens jettent beaucoup d’argent et c’est à celui qui met le plus d’argent, qui gagne. Mais les candidats peuvent ne pas investir l’argent dans la campagne mais le faire autrement dans le scrutin. De toute façon, il atteindra cet objectif d’acheter la conscience. Il faut trouver les voies et moyens, c’est un peu comme le délit de corruption. En matière électoral, c’est quelque chose qu’il faut réussir à identifier avec précision et créer les voies et moyens de combattre l’achat des consciences dans l’organisation des scrutins. Si on arrive à faire cela, on va pouvoir évoluer un peu vers une véritable indépendance de l’électeur. Ce qui permettre d’atteindre cela, c’est une véritable culture démocratique que l’on doit commencer à enseigner à l’école, à l’université, dans les bureaux, partout.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que la CENI dans sa composition actuelle, doit être revue pour s’adapter à la nouvelle donne socio-politique ?
La classe politique est arrivée à une position pour ce qui concerne la CENI. Ella a dit, vu la durée prévisible du temps qu’il reste pour la transition, il faut maintenir la situation de la CENI en l’état pour qu’elle organise le scrutin. Nous avons pris acte de cela et nous travaillons dans ce sens. Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Vous croyez que si l’équipe de la CENI avait donné la preuve que c’était des vendus, ils allaient en arriver à cette solution ? Je crois que pour l’équipe qui a organisé les élections couplées en 2012, il y a eu des difficultés, tout n’a pas été parfait. Mais je crois que d’un point de vue d’ensemble, les gens se sont retrouvés dans l’élection telle qu’elle a été faite. Il y a eu un effort de transparence, un effort de crédibilité et un effort de fiabilité qui a été fait, nous sommes toujours dans cette dynamique, un effort de recherche consensuelle de la volonté de la classe politique qui a été fait. C’est cela qui a été notre vision. Je crois que cela a contribué en partie à faire en sorte que l’équipe qui est là, puisse organiser les élections dans une certaine forme de crédibilité. Notre défi majeur, c’est de faire en sorte que cette attente de la classe politique, de la société civile ne soit pas déçue. Et c’est la raison pour laquelle nous sommes en train de développer tous les moyens nécessaires. Quand la CENI dit qu’elle souhaiterait que les résultats des élections soient obtenus à jour J plus 1, c’est un défi qu’elle se donne à elle-même, ce n’est pas évident à faire. Mais nous avons engagé la réflexion, nous sommes en train de faire des investigations. Nous avons une idée aujourd’hui approximative de la manière dont on peut obtenir ces résultats. Cela de l’argent, beaucoup d’argent et nous sommes sur ce volet-là dans la discussion avec nos partenaires pour qu’on puisse obtenir ces résultats. Pour le reste, les membres de la CENI, l’équipe actuelle ce sont des Burkinabè aussi, conscients de la particularité de la situation actuelle, mesurant les défis de notre pays. Ils savent quelle est la responsabilité qui pèse sur eux aujourd’hui pour l’organisation des élections crédibles pour la sortie de la transition. Je pense qu’ils sont des gens compétents, professionnels, qui croient en leur serment parce qu’avant de rentrer dans leurs fonctions, ils prêtent serment de travailler dans l’impartialité, dans la neutralité. Je suis dans cette dynamique, mes collègues le sont également. Nous demandons simplement à la classe politique de ne pas faire confiance comme cela parce que le code électoral est organisé de telle manière que la CENI doit travailler dans l’impartialité, dans la neutralité pour que les élections soient crédibles. Mais le code aussi a prévu le contrôle par la classe politique, de toutes les opérations de bout en bout. Il faut que chacun, malgré l’engagement de la CENI, joue sa partition. Si chacun joue sa partition, la CENI fera un travail de qualité. Nous avons obtenu que le gouvernement accepte encore, pour cette fois-ci, de prendre en charge les représentants des partis politiques dans les bureaux de vote. Qu’ils soient présents, ils sont payés par le gouvernement pour ça.
Pour terminer, j’invite tout le monde à venir faire s’enrôler. Le lancement du processus est prévu le 3 mars prochain à Kaya sous la présidence du chef de l’Etat. Si nous arrivons à accroître de manière significative le nombre d’inscrits sur les listes électorales, et le nombre des votants au scrutin, on aura fait progresser la démocratie dans notre pays.
Propos recueillis et retranscrits par Saïdou ZOROME