Dans le cadre du lancement de ses activités, l'Initiative pour la démocratie et action pour les libertés publiques (IDEAL) a organisé le 21 février 2015 à l'Université de Ouagadougou une conférence publique sous le thème : « Burkina Faso post-insurrectionnel entre exigence de la réconciliation nationale et lutte contre l'impunité ; quels sont les défis majeurs de la transition ? ». Ce panel qui a été parrainé par Moussa Sanogo, ancien procureur près la Cour des comptes, a eu comme communicateurs, Luc Marius Ibriga, président de l'Autorité supérieur du contrôle de l'Etat (ASCE) et Imam Ismaël Tiendrebéogo.
« Que peut-on attendre de la Commission de réconciliation nationale et des réformes pour la satisfaction des aspirations du peuple insurgé ? », c'est l'un des sous-thèmes du panel qu'a organisé l'IDEAL le 21 février dernier. Ce sous-thème a été décortiqué par le constitutionnaliste Luc Marius Ibriga, président de l'ASCE. Apportant des éléments de réponse à cette interrogation qui intéresse plus d'un, M. Ibriga a d'abord situé le contexte de création de la Commission de réconciliation nationale tout définissant les objectifs de celle-ci. Pour lui, la Commission a été créée pour réunifier le peuple burkinabè en renforçant la cohésion sociale. A l'en croire, les attentes du peuple insurgé sont étroitement liées aux causes de l'insurrection populaire. Ces causes sont multiformes. Il s'agit entre autres, de la mauvaise gouvernance, de l'impunité ou de l'injustice sociale, du déficit de la démocratie, du partage inéquitable des richesses du pays. Il pense que pour qu'il y ait réconciliation des fils et filles du Burkina, il faudra établir la vérité et la justice. « L'inclusion ne peut pas se faire dans l'impunité », a-t-il soutenu, avant d'ajouter qu'on ne sanctionne pas parce qu'on veut du mal à qui que ce soit, mais pour servir de leçons aux gouvernants à venir. « L'impunité crée la rancœur, les frustrations et conduit véritablement à la révolte, à la violence », a-t-il révélé. A l'entendre, il ne faut pas tomber dans les erreurs du passé.« Il ne faut pas organiser une journée de pardon comme cela a été fait en 2000 pour dire aux fautifs de présenter leurs excuses. Il faut sanctionner pour l'exemple», a-t-il indiqué. A son avis, tous ceux qui ont conduit le pays à l'insurrection populaire les 30 et 31 octobre derniers, doivent être sanctionnés. « Il faut chercher à savoir si ceux qui ont conduit le pays à cette insurrection populaire ont bien agi. Si tel n'est pas le cas, il faut qu'ils soient sanctionnés pour que personne ne recommence cela demain », a-t-il martelé. En vertu de la Charte africaine de la démocratie, a-t-il ajouté, tous les caciques du parti de l'ex-majorité et ses partis alliés ne doivent pas se présenter à l'élection présidentielle prochaine. De ses propos, pour satisfaire inéluctablement les populations, il faut veiller aux aspirations socioéconomiques de celles-ci en mettant en place des reformes politiques fortes qui puissent prendre en compte leurs besoins économiques. Toute chose qui permettra d'instaurer un Etat de droit où chaque citoyen jouit de sa liberté économique. Parlant toujours des réformes politiques, le constitutionnaliste pense que dans la mesure où le pays des Hommes intègres sort d'une République pour une autre (NDLR : d'une IVe République à une Ve), il lui faudra une nouvelle Constitution. Toutefois, la question du timing se pose avec acuité. « Le délai imparti par la transition ne permet pas d'organiser un référendum pour adopter une nouvelle Constitution», a-t-il constaté. La question de la chefferie traditionnelle et celle du plafonnement des budgets de campagnes électorales n'ont pas été également en marge de la communication du constitutionnaliste Ibriga. Sur le premier point, M. Ibriga propose qu'on définisse clairement la place des « bonnets rouges » qui, aujourd'hui, sont convoités par les Hommes politiques. Quant au deuxième point, il pense qu'une loi doit être adoptée en définissant clairement le plafonnement des budgets des campagnes afin d'éviter la ploutocratie qui, jusque-là, est constatée au Burkina.
De la question des réformes aux axes d'investissements
Dans cette période où bon nombre de citoyens expriment leurs besoins, le Pr Ibriga pense que le gouvernement doit investir dans certains domaines prioritaires comme l'éducation, la santé, l'énergie et la maîtrise de l'eau. Pour boucler la série de ses propositions, il a fait savoir que les populations attendent des gouvernants plus d'équité dans la rétribution des richesses, plus de transparence dans la gestion des affaires publiques, plus d'éthique dans les comportements sociaux et politiques, plus de participation à la définition à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques publiques. A la suite du professeur Luc Marius Ibriga, place a été donnée à l'imam Ismaël Tiendrebéogo. Ce dernier a levé un coin de voile sur le rôle et les responsabilités des Organisations de la société civile (OSC) des religieux, des coutumiers, des politiques, des médias, des forces de défense et de sécurité. Par exemple, sur les OSC, il a laissé entendre que cette composante, créée généralement pour le suivi des actions du gouvernement, a autant de forces que de faiblesses. De ses explications, il ressort que les OSC ont une force de mobilisation et de défense des intérêts communs. Toutefois, elles font parfois l'objet d'instrumentalisation de certains partis politiques car n'ayant pas très souvent de moyens conséquents pour la réalisation de leurs activités. Une troisième communication qui devrait être faite par Abdoul Karim Sango sur « comment réussir les élections libres démocratiques et transparentes » a été reportée ultérieurement ». Il faut noter qu'IDEAL, selon son président, Ismaël Ouattara, est une organisation de la société civile. Elle se veut un cadre de réflexions et d'échanges. Elle a été créée au soir des événements des 30 et 31 octobre derniers, selon ses membres, en vue d'apporter sa contribution à l'édification du Burkina.
Mamouda TANKOANO