Le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) n’est pas en odeur de sainteté avec le peuple burkinabè. C’est ce qu’on peut tirer comme conclusion des manifestations de protestation contre ce régiment. Récemment, il y a eu le meeting des organisations de la société civile (OSC), le 07 février 2015, meeting à l’occasion duquel les OSC, accompagnées par des partis politiques, ont redit tout le mal qu’elles pensent de cette institution. Dans la même logique, les femmes de Bobo-Dioulasso viennent, à travers une manifestation, de dénoncer le régiment dirigé désormais par le colonel Boureima Kéré et le Lieutenant-colonel Céleste Coulibaly. Cette sortie des femmes de la capitale économique est un signal fort, quand on sait notamment que dans cette ville, des gens ont été canardés comme des pintades sauvages en 2011. Les récentes manifestations sont aussi, faut-il le noter, une réaction directe au mouvement du RSP qui a eu pour conséquence, l’annulation d’un Conseil des ministres.
Les Burkinabè ne veulent plus d’un outil de pression militaire sur l’exécutif
En d’autres termes, en faisant monter la pression sur le Premier ministre Isaac Zida, le 04 février dernier et par voie de conséquence, sur tout l’exécutif de la transition, le RSP s’est rappelé au « mauvais souvenir » des Burkinabè.
C’est, conscients de la vague d’indignation qu’ils ont suscitée à l’occasion, que les locataires du camp Naaba Koom II essaient depuis lors, de présenter un autre visage. Sont à ranger dans ces stratégies de séduction du peuple, la réaction du service de communication du RSP, qualifiée de mémoire en défense et la sortie non moins inhabituelle de l’ancien chef d’Etat-major particulier du président du Faso, le Général Gilbert Diendéré. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces sorties du RSP peinent à convaincre grand monde. Le RSP ne devrait s’en prendre qu’à lui-même. S’il n’y avait pas eu toutes les exactions avérées ou supposées sur les populations, dont il est accusé, il ne serait pas autant décrié. Et ce ne sont pas des mouvements d’humeur du genre de celui du 04 février 2015 qui pourront redorer son blason. Bien au contraire ! Les Burkinabè ont le sentiment bien établi que le RSP est une armée dans l’armée, créée par la volonté d’un individu -Blaise Compaoré- afin de conserver à vie son pouvoir. Pour l’opinion, la chute de l’ex-président rime certainement avec la nécessité de démanteler son régiment. Et les errements dont se sont rendus coupables des éléments du RSP, fussent-ils des « illettrés », selon les termes de son service de communication, confortent les Burkinabè que ce « machin » est dangereux. Il ne s’agit pas de faire des amalgames. Les Burkinabè ne sont pas opposés à l’idée d’avoir des troupes d’élite. Loin s’en faut. Mais, ce que les Burkinabè n’acceptent pas, c’est qu’un groupe de militaires soit doté de tous les moyens, au point de pouvoir créer la terreur quand et comme il le veut. Après tout, comme les Américains avec leurs Seals, les Français avec leur Légion d’honneur, les Burkinabè seraient fiers d’avoir leurs troupes d’élite.
Mais ils ne veulent plus d’un outil de pression militaire sur l’exécutif, de militaires qui pensent qu’ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent de ce pays, quand ça leur chante. Et l’insistance du RSP et de ses chefs à se maintenir contre vents et marées, est suspecte. Est-ce par crainte de perdre des avantages financiers ? Est-ce une volonté de demeurer une force de pression sur le pouvoir et ses tenants ? Si le problème réside dans les avantages financiers qu’ils ne voudraient pas perdre, l’Etat pourrait alors, au besoin, trouver le moyen de leur allouer un pécule, en compensation de leur dissolution. Mais si le RSP veut demeurer tel qu’il est, juste parce qu’il veut continuer à constituer une force capable de régenter le fonctionnement régulier des institutions de la République, cela est inacceptable. L’empêchement du Conseil des ministres dont certains de ses éléments ont été les auteurs, n’est ni plus ni moins qu’un acte d’indiscipline caractérisé, intolérable dans un Etat de droit qui se respecte. Et les éléments qui ont commis un tel acte doivent être sanctionnés à la hauteur de la gravité de leur acte. Ne dit-on pas que la discipline est la première vertu et la force principale des armées ? En tout état de cause, le RSP, dans sa version actuelle, doit être dissous, c’est-à-dire que ses éléments doivent être affectés à d’autres missions. Pourquoi ne pas en faire une cellule, une brigade antiterroriste ?
Le RSP ne rassure pas le peuple burkinabè. Il l’inquiète
En tout état de cause, bien des Burkinabè ont de la peine à comprendre cette sorte d’attentisme, voire de poltronnerie dans la gestion de ce dossier. Il faut espérer que les autorités ne sont pas en train de jouer la politique de l’autruche, qu’elles ne sont pas en train de ruser, histoire de refiler la patate chaude au prochain exécutif, notamment au président qui sera élu en fin 2015. La dissolution ou la reconversion –c’est selon- de ce RSP est, tout comme la quête de l’alternance, une volonté du peuple burkinabè. Le peuple burkinabè tient à ce que le pouvoir qu’il a arraché de haute lutte à ceux qui le lui avait confisqué pendant de trop nombreuses années, ne soit plus à la merci d’individus aux ambitions et aux motivations suspectes. Le meilleur régiment qui doit sécuriser un président en démocratie, c’est le peuple. Un chef d’Etat doit être en phase avec son peuple. C’est la meilleure garantie de sécurité. Du reste, le RSP serait bien inspiré de se dépêcher de faciliter lui-même sa propre reconversion. On sait comment finissent les choses quand les femmes commencent à descendre dans la rue. C’est un signe avant-coureur d’une disgrâce et d’une chute de cette personne ou de cette chose. Les anciens présidents Blaise Compaoré et Moussa Traoré du Mali en savent quelque chose.
La reconversion du RSP est un problème de volonté politique. La transition actuelle se veut pédagogique. Il n’y a pas de raison que des réformes, somme toutes possibles, soient remises aux calendes burkinabè. Et comme le dit la poule, se défendant de fuir quand passe dans le ciel l’épervier, il vaut mieux se mettre à l’abri, même s’il ne s’agit que de l’ombre du monstre. Il vaudra donc mieux, pour notre démocratie, que ce RSP qui se croit tout permis parce qu’il a les armes du peuple, soit éloigné du pouvoir, que son ombre cesse de planer sur Kosyam. On n’a pas besoin d’être grand clerc pour savoir comment démanteler une institution créée par décret. En démocratie, une institution qui suscite la peur doit disparaître. Toute institution qui est un danger pour la démocratie, doit être démantelée. Or, faut-il le rappeler, le RSP ne rassure pas le peuple burkinabè. Il l’inquiète. L’évocation de son seul nom réveille des souvenirs collectifs combien douloureux et révoltants pour des familles entières. Une telle institution constitue un anachronisme dans ce Burkina post-insurrectionnel. Son existence jure même avec le slogan selon lequel « plus rien ne sera comme avant. ». Il faut avoir le courage de réaffecter les hommes du RSP à d’autres missions. Et ce pouvoir est entre les mains du chef de l’Etat. Il n’y a aucune raison d’avoir peur quand on a le soutien du peuple et de la communauté internationale qui veillent sur la transition, et qui ont déjà indiqué avec fermeté à quel point aucun acte de blocage ne sera toléré. Le président Kafando, qui a tout ce soutien, ferait mieux d’agir. Courageusement.