Économie
Grève des 17 et 18 février 2015 pour la baisse du prix du carburant : Les syndicats menacent de marcher prochainement si rien n’est fait
Publié le mardi 17 fevrier 2015 | Le Quotidien
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Après le sit-in des syndicats pour exiger du gouvernement la baisse du prix du carburant de 150 F CFA, ceux-ci entrent dans une action plus vigoureuse à travers une grève de 48h sur toute l’étendue du territoire. Nous avons rencontré les leaders syndicaux pour qu’ils nous fassent le point des négociations avec le gouvernement.
Paul Kaboré, secrétaire général de l’Organisation nationale des syndicats libres (ONSL), président du mois des centrales syndicales
« Nous estimons que nous devrons continuer de lutter pour l’amélioration de nos conditions de vie »
Depuis le 30 janvier 2015, nous avons écrit au directeur du Travail et au président du Faso par rapport à notre plate-forme revendicative minimale qui est de huit points. Le 12 février 2015, il nous a rencontrés pour discuter des différents points. L’un des points saillants de nos revendications consiste en la baisse des prix du carburant. Il nous a fait savoir que le gouvernement était à 105 milliards de F CFA de déficit financier et que si le gouvernement devrait augmenter plus de 25 F CFA la baisse du prix du carburant, ce serait la catastrophe. Par conséquent, il a laissé entendre que si la situation restait stable jusqu’à fin février, il verrait dans quelle mesure revoir la baisse à hauteur de 50 F CFA. Nous avons souhaité avoir une baisse à hauteur de 150 F CFA. Nous avons appris qu’en Côte d’Ivoire, la baisse était de 125 F CFA et au Sénégal de 120 F CFA. Pour nous, il faut faire en sorte que la baisse à défaut d’être de 150 F CFA soit de 100 F CFA. Ainsi, les frais de transport diminueront et cela aura de manière indéniable un impact sur le prix des denrées de première nécessité. Le deuxième point de notre revendication porte sur la révision de la loi 13 de janvier 1998 portant régime juridique applicable aux emplois de la Fonction publique. Sur ce point, il a répondu que la question est sur la table du ministre de la Fonction publique du Travail et de la Sécurité sociale. L’un des points était focalisé sur la retenue pour fait de grève. Une de nos revendications est l’engagement des poursuites des auteurs de crimes économiques. Nous avons introduit au titre de nos réclamations la situation des employés qui ont perdu leur travail lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, notamment le personnel d’Azalaï Hôtel et ceux des sociétés de Alizèta Gando Ouédraogo. Par rapport à ces points, le président du Faso a laissé entendre qu’il faut voir avec le ministère de l’Action sociale dans quelle mesure des solutions peuvent être trouvées. La prise en compte du secteur informel était également inscrite dans nos revendications puisque le Bureau international du travail reconnait ce secteur. Comme l’un des points fondamentaux de nos revendications était la baisse des frais des hydrocarbures et que rien n’a été fait dans ce sens pour résoudre le problème, nous avons décidé d’aller en grève. Rien n’a été fait et nous avons déposé un préavis de grève pour les 17 et 18 février 2015. Pour ceux qui pensent que la Transition doit aller à terme, nous disons qu’ils ont raison, mais ce n’est pas parce qu’on est en période transitionnelle qu’on ne mange pas malgré qu’on a faim. Nous estimons que nous devrons continuer de lutter pour l’amélioration de nos conditions de vie. La prochaine fois, nous marcherons.
Moussa Ouédraogo, secrétaire général du SYNAPAGER pour la section du Centre
« Nous voulons donner un signal fort aux gouvernants pour qu’ils prennent leurs responsabilités »
La grève du 17 et 18 février 2015 a pour but de revisiter notre plate-forme revendicative adressée au gouvernement qui visait une baisse substantielle du prix du carburant. Nous pensons que le gouvernement peut effectivement revoir à la baisse le prix du carburant. Mais, au cours d’une rencontre la semaine dernière, le gouvernement a fait savoir qu’il était dans l’impossibilité de réduire en avançant les mêmes raisons qui nous ont poussé à aller en grève. Le gouvernement a évoqué les dettes de la Société nationale des hydrocarbures pour justifier sa position mais nos techniciens ont démontré que ces raisons ne tenaient pas. Nous pensons qu’il n’appartient pas aux populations de payer pour les turpitudes des autres. Un Etat responsable doit veiller à la transparence des finances publiques. Nous voulons donner un signal fort aux gouvernants pour qu’ils prennent leurs responsabilités. Il faut retenir que les syndicats ne sont pas ennemis de la Transition. Certains pensent que nous voulons liquider la Transition, mais cela est en déphasage avec la vérité. Si je ne m’abuse, la Transition est là pour régler les iniquités et les maladresses de l’ex-régime de la 4e République. Nous ne comprenons pas comment des revendications qui vont dans le sens d’une juste répartition de la Transition peuvent être une entrave à la bonne marche de la Transition. La Transition est elle-même dans ses propres contradictions. Depuis la mise en place des organes de la Transition, tous les responsables n’ont pas fait une déclaration de leur patrimoine. Au contraire, ils se taillent la part du lion tout en criant qu’il n’y a pas de moyens financiers. S’il y a des moyens financiers, il doit en avoir pour tout le monde et non pour une poignée de personnes.
So Soulémane, secrétaire général du Syndicat national des télécommunications (SYNATEL)
« La bonne marche de la transition n’est pas une raison suffisante pour ne pas exposer nos problèmes »
Le Président du mois avait dit depuis vendredi que la grève est maintenue et que nous allons nous réunir pour voir comment nous allons préparer la mobilisation sur le terrain. Comme tout syndicat de base, il y a des structures qui sont chargées de la mobilisation et on espère d’elles qu’elles fassent participer le maximum de camarades à cette grève. Dans mon secteur, je n’ai pas eu de problèmes à mobiliser les gens, mais on espère que dans les secteurs où la mobilisation n’a pas été au rendez-vous on s’investira davantage afin que celle-ci soit à la hauteur de nos attentes. On tient compte de la transition, mais cela ne va nous empêcher d’exposer les préoccupations des travailleurs. Par exemple le problème des hydrocarbures ne concerne pas uniquement que les travailleurs, mais toute la population et nous espérons que le gouvernement pourra faire quelque chose pour la baisse du prix des hydrocarbures. Concernant les points, on en a 8 dont le plus important est la baisse du prix des hydrocarbures. On a les problèmes qu’ont connus les travailleurs après l’insurrection populaire et qui font que certains n’arrivent plus à subvenir aux besoins de leurs familles. On a également d’autres préoccupations qui datent du temps de l’ancien régime et qui sont toujours d’actualité. Il s’agit notamment de la relecture de la loi 13 pour les fonctionnaires, la relecture de la loi 28 portant Code du travail au Burkina Faso pour le secteur privé.
Séma Blegné, secrétaire général national du Syndicat national des enseignants africains du Burkina (SNEA-B)
« S’il est nécessaire qu’on continue cette grève, on la fera »
Par rapport à la grève des 17 et 18 février, nous sommes à pied d’œuvre pour sa préparation. L’ensemble des 13 régions des 55 sections ont toutes déjà reçu la plateforme revendicative et le préavis et en ce qui nous concerne dans le monde de l’éducation ça sera un succès. Pour cela, on a mis les bouchées doubles pour que ça soit une grève totale. Je voudrais rassurer les militants qu’on ne cherche pas coûte que coûte à aller jusqu’au bout. Mais il y a des éléments fondamentaux sur lesquels le gouvernement et nous devrions nous entendre. Autant ils ont tenté de nous démontrer pourquoi ils ne peuvent pas reculer sur les 25 F CFA autant nous, du côté, des syndicats, nous avons démontré qu’ils peuvent mieux faire que cela. Il faut qu’on quitte sur les chantiers battus de la 4e république qui avait l’art de nous tourner en rond, alors qu’on voyait ce qui se passait. On nous a dit que plus rien ne sera comme avant. S’il y a baisse, il faut le faire pour le consommateur et s’il y a une hausse, il faut qu’on soit informé afin qu’on le fasse ensemble, car c’est notre souhait à tous. S’il est nécessaire qu’on continue après cette grève, on la fera. Cela ne peut en aucun cas entacher la transition, car nous soutenons la Transition. Mais convenez avec nous qu’il y a beaucoup de choses dans la transition, que nous ne comprenons plus. On ne comprend pas la transition sur certains aspects. Je suis d’accord avec le président quand il dit qu’il faut qu’on évite que notre transition soit une transition d’une chasse aux sorcières. Même si des comptes doivent être demandés à des gens, il faut cela se fasse dans la voie légale et judicaire. On est d’accord avec tout ceci, mais jusqu’au aujourd’hui, il n’y a pas de signe qui nous montre que quelque chose est fait. C’est vrai qu’il y a des aspects juridiques, mais nous attendons des signes forts qui prouvent que plus rien ne sera comme avant. Et pourtant depuis octobre jusqu’à maintenant, on a l’impression que c’est la 4e république qui continue de gouverner ce pays, parce qu’on ne voit pas de changement. On ne leur donnera pas un moratoire de 6 mois, car la transition ne dure que 12 mois. On leur demande d’agir ici et maintenant dans le sens de la volonté du peuple.
Olivier Guy Ouédraogo, secrétaire général de la Confédération syndicale burkinabè
« Nous sommes pour un compromis. Nous ne sommes pas des va-t’en guerres »
L’analyse que nous pouvons faire est qu’effectivement, le gouvernement a pris un certain nombre d’engagements. Malheureusement, nous n’avons pas eu d’écrits formels des engagements qui ont été pris par le gouvernement. Nous avons déploré cela. Un écrit formel nous aurait permis de faire une analyse et de présenter ce que nous avons sous les mains à nos militants. Cela n’a malheureusement pas été le cas. La rencontre avec le gouvernement a été des échanges verbaux avec des engagements verbaux.
Nous maintenons la grève de 48h. Nous allons rentrer en réunion tout de suite et nous allons continuer les analyses. En tout cas, ce qui est sûr et certain, à moins qu’il y ait une évolution qui puisse nous permettre d’interrompre le processus, nous allons aller forcément en grève. Comme nous le disons, il nous faut un écrit formel qui engage le gouvernement. Il y a eu quelques progrès. Si c’était matérialisé par un écrit, nous allions accepter.
Nous ne nous campons pas sur nos positions. Mais, les deux parties doivent aboutir à un consensus qui satisfasse tout le monde. Nous ne sommes pas des jusqu’au-boutistes. Nous tenons compte des réalités, car nous sommes au Burkina. Le gouvernement s’engage à baisser le prix du carburant de façon progressive. C’est une baisse graduelle. Comme il n’y a pas d’écrit, le gouvernement peut se dédire. C’est ce que je déplore particulièrement. Nous sommes pour un compromis. Nous ne sommes pas des va-t’en guerres. La transition est pour tout le monde.
Propos recueillis par
RHO, SRK et RO
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