Du 18 au 20 janvier 2013, la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB) effectuera sa 7e rentrée. Cette édition placée sous le parrainage de sa Majesté le Moogho Naaba Baongo sera marquée par le lancement de la RTB2 Centre. Dans cette interview, la politique qui sous-tend la création des RTB2, les programmes des chaînes nationales (radio et télévisions) et les grands projets sont entre autres sujets que le directeur général de la RTB, Yacouba Traoré, a bien voulu partager avec nos lecteurs.
Sidwaya (S) : Dans quelques jours, la RTB effectuera sa 7e rentrée. Quelle sera la particularité de cette rentrée ?
Yacouba Traoré (Y. T.) : La particularité de cette 7e rentrée RTB, c’est l’inauguration de la RTB2 Centre. Vous savez qu’au niveau du ministère de la Communication, il y a un projet de déconcentration des services de la RTB et même des Editions Sidwaya, je crois. Donc, il est question d’ouvrir des RTB2 régions au niveau des 13 chefs-lieux de région du Burkina Faso. En 2010, nous avons profité du cinquantenaire de l’indépendance pour ouvrir la RTB2 Hauts-Bassins. C’était un test vraiment concluant. A la faveur de cette 7e rentrée, nous allons ouvrir la RTB2 Centre. Ce sont des chaînes de radio et de télévision avec pour mission de donner des informations de proximité. Par exemple la RTB2 Hauts-Bassins couvre Bobo-Dioulasso et ses environs à 80 kilomètres au moins. A terme, il est question de mettre ce qu’on appelle en plus des émetteurs, des réémetteurs qui permettent d’atteindre Houndé et même Faramana. Dans un premier temps, c’est autour des chefs-lieux de région. Voici un peu la particularité. C’est le renforcement de la déconcentration des services de la RTB. L’autre particularité, elle est mineure. Cette 7e rentrée RTB était prévue pour se tenir en 2012. Compte tenu du fait que nous voulions mettre tous les moyens de notre côté pour réussir la couverture des grands enjeux nationaux, je parle notamment des élections couplées et des festivités du 11-Décembre à Koudougou, nous avons dans un premier temps reporté l’activité pour fin décembre. Mais il s’est trouvé qu’en fin décembre, le parrain de l’évènement, le Moogho Naaba Baongo en l’occurrence, avait ses cérémonies coutumières. Cela nous a obligé à repousser les activités pour les 18, 19 et 20 janvier 2013. Ce qui veut dire qu’en 2013, vous aurez deux rentrées RTB. La 7e aura lieu dans quelques jours, et la 8e en octobre 2013.
S. : A quel besoin répond la politique des RTB2 ?
Y. T. : L’information est un droit pour le citoyen, alors que la majorité de la population est analphabète en français. Si on prend par exemple les RTB2 régions, au minimum, 75% des émissions seront en langues nationales parlées dans la région. Il n’y a que 25% réservées au français. Si vous prenez les RTB2 régions, c’est le journal en langues nationales qui est privilégié. Par exemple, dans le programme de la RTB2 Centre, le journal en langue nationale mooré va intervenir avant le journal en français à 19 heures 30 minutes. Le journal en français sur la RTB2 Centre est programmé pour 22 heures. Donc, nous avons inversé les choses pour permettre à nos concitoyens qui comprennent et qui s’expriment surtout en langues nationales d’être eux aussi informés au même titre que ceux qui ont eu la chance d’aller à l’école française. Donc, les RTB2 régions de par leurs programmes répondent plutôt à un besoin de proximité. Par exemple, vous ne verrez pas de feuilletons brésiliens sur une chaîne de RTB2 ! Vous verrez plutôt des soirées de conte, des pièces de théâtre, en mooré, en dioula, en fulfuldé. Vous verrez par exemple, la version mooré de Santé mag sur la RTB2 Centre. Nous le faisons déjà au niveau de la RTB2 Hauts-Bassins. Moi, j’ai eu la chance d’aller à l’école. Je connais quelques règles élémentaires qui me permettent de me prémunir de certaines maladies. J’ai beaucoup moins besoin d’une émission de Santé mag qu’un compatriote qui n’a pas eu la chance d’avoir ces enseignements au niveau des institutions classiques. Voici un peu pourquoi nous voulons développer les politiques des RTB2 régions, d’expliquer par exemple la décentralisation en mooré ou en dioula. C’est beaucoup plus important que de l’expliquer en français. Ce sont là les objectifs visés par les RTB2 régions.
S. : On parle de RTB2 pour chaque région alors que la chaîne nationale souffre d’insuffisance en matériel. Ne voyez-vous pas de paradoxe ?
Y. T. : Il n’y a pas de paradoxe. La RTB a bénéficié d’un emprunt d’environ 15 milliards de F CFA pour se rééquiper, pour construire son siège. Au-delà de cet emprunt, les RTB2 régions, jusque-là, sont financées sur les recettes propres de la RTB. C’est le cas de la RTB2 Hauts-Bassins. Il en est autant pour la RTB2 Centre. Donc, ce sont les recettes de la RTB qui financent ces deux RTB2 pour les transformer en stations de diffusion. Dans le cadre de la déconcentration, au niveau du plateau technique national élaboré par le ministère de la Communication, nous associons désormais les collectivités locales à la mise en place des centres de production régionale. Ces dernières vont bénéficier des acquisitions de l’emprunt RTB. Dès lors qu’il va s’agir de les transformer en stations de diffusion radio et télé, je crois qu’il revient au budget de la RTB de jouer sa partition.
S. : Est-ce qu’il ne fallait pas privilégier les régions frontalières aux pays voisins afin de permettre à ces auditeurs et téléspectateurs qui ont du mal à capter la chaîne nationale de profiter de ces RTB2 ?
Y. T. : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Mais, cela va encore nécessiter plus de moyens parce que les recettes de la seule RTB ne suffiront pas. Vous remarquez qu’à Bobo-Dioulasso, il y avait déjà, une petite cellule de production télévisuelle et une station de radio qui émettaient. Il suffisait d’ajouter quelques équipements de diffusion pour permettre à la chaîne d’émettre. Donc, cela ne demandait véritablement pas de gros moyens. C’était au maximum 500 millions de F CFA. Nous avons commencé avec les régions qui avaient un acquis en termes d’investissement et d’équipement. Pour les régions où tout est vierge, je pense que l’emprunt RTB va intervenir. Par exemple après la RTB2 Centre, vous avez une ville comme Gaoua qui émet et qui répond parfaitement à la vision du ministère dans le domaine de la communication. Ses programmes sont à 85% en langues nationales parlées dans la région. Il existe à Gaoua, une cellule de production télévisuelle, des structures de finances pour gérer les recettes et autres. Donc, il suffit d’un peu de moyens pour transformer le centre de production télévisuelle radio Gaoua que nous appelons la RTB Sud-Ouest en station de diffusion télé. S’il plaît à Dieu, nous allons le faire à la faveur du cinquantenaire de la télévision, parce que la télévision nationale célèbre ses 50 ans cette année. Il faut dire que c’est la première fois que nous avons un emprunt d’un tel montant. Je me rappelle qu’à la Coupe d’Afrique des nations 98 (CAN 98), notre maison a acquis un car de reportage pour les matches. Depuis lors, nous n’avons jamais eu de moyens aussi importants provenant de l’Etat pour nous équiper conséquemment. Dans ces conditions qu’est-ce qu’il fallait faire ? Il fallait avancer avec les petits moyens mis à notre disposition. C’est cette philosophie qui sous-tend l’idée des rentrées parce que ce n’est pas une rentrée tout court ou extraordinaire. Ce genre d’événement existe partout. En tous les cas, dans toutes les chaînes dignes de ce nom, après la rentrée gouvernementale, les médias font leur rentrée et au niveau des radios et télévisions, on l’appelle cérémonie de présentation de la nouvelle grille. Nous avons adopté les rentrées à partir de 2006 après la rentrée gouvernementale. Il fallait innover à ce niveau parce qu’on était dans des conditions de travail très difficiles et pratiquement précaires. Pourquoi ne pas profiter de cette cérémonie de présentation de la grille pour améliorer le cadre de travail et acquérir quelques caméras etc. Voici un peu, l’esprit qui a conduit la création de l’évènement RTB.
S. : A chaque rentrée RTB, de nouvelles émissions sont proposées aux téléspectateurs et aux auditeurs mais celles-ci disparaissent quelque temps après des antennes. Quelles explications donnez- vous à ces interruptions ?
Y. T. : Peut-être qu’il faudrait poser la question au directeur de la télévision. Nous sommes là pour donner les moyens, pour encourager la création des émissions. Je crois que les responsabilités sont partagées. J’ai remarqué que votre génération au niveau de la télé comme au niveau de la radio est surtout attirée par la présentation du journal. Si fait que celui qui a une émission qui lui appartient et qui en fait son identité, dès lors qu’il est à la présentation du journal, il laisse tomber l’émission qui lui est propre. J’ai des exemples et vous avez raison. Je citerai par exemple « En quête de sens » de Fousseni Kindo qui est une très belle émission. Le titre même de l’émission me séduit. Mais, dès lors qu’il a eu le plateau du 13 heures 15, l’émission vivote, alors que c’est par cette émission que lui-même peut s’affirmer en tant que professionnel. Moi, je n’ai jamais laissé tomber l’émission « Ça tourne ». Je sais que cette émission m’a permis de me spécialiser dans le domaine de l’information cinématographique. Vous avez par exemple Marguerite Doannio qui présente très bien le 20 heures. Mais, j’aimais très bien son émission avec les établissements scolaires primaires. Elle avait de la présence. Elle était vivante à l’émission des enfants. Mais, je crois qu’elle est plus intéressée par la présentation du journal que de s’occuper encore de cette émission. Ce sont des exemples. On peut les citer à l’envie. C’est peut-être de la responsabilité des journalistes eux-mêmes. L’autre responsabilité qui peut nous incomber, c’est peut-être parce qu’on n’a pas donné suffisamment de moyens matériels. Il faut reconnaître que nous avons des problèmes d’équipements et nous pensons que l’exécution de l’emprunt RTB devrait venir résoudre toutes ces questions. Si par exemple, vous cherchez une caméra pour aller réaliser une émission et que pendant ce temps, cette caméra doit aller couvrir tel autre évènement pour les besoins de la réalisation du journal, il faut reconnaître que votre activité pour l’émission est reléguée au second plan. Ça aussi, c’est un fait qui peut décourager les journalistes. Et c’est de la responsabilité de l’administration de la RTB. Donc, les responsabilités sont partagées. Nous avons des projets et nous sommes confiants qu’ils vont être concrétisés cette année tant au niveau de la radio que de la télévision. Ce n’est pas parce que les émissions naissent et meurent qu’il faut cesser d’en créer. Il faut reconnaître aussi qu’il y a des programmes qui ont été créés, ils sont restés pérennes et ont plu aux téléspectateurs. Je prends le cas par exemple de « Affaires publiques » pour lequel nous avons produit 26 épisodes en 2012 pour la troisième saison. En 2013, nous allons produire 52. C’est-à-dire que chaque samedi de l’année 2013, vous aurez un épisode de « Affaires publiques » à l’écran. Donc, cette émission ne connaitra pas d’interruption cette année parce la RTB s’est véritablement donnée les moyens de renforcer cette production qui est prisée au-delà de nos frontières. Elle vient d’être achetée par Canal France international pour être distribué à l’ensemble des chaînes publiques francophones d’Afrique, plus Haïti. Les téléspectateurs auront également « RTB matin », une émission matinale qui commencera à compter du 5 août 2013.Cette émission débutera à partir de 5 heures du matin jusqu’à 9 heures pour que le programme habituel prenne le relais. J’ai discuté avec le directeur de la télévision et ce dernier a échangé avec ses agents, pour que l’émission littéraire renaisse. Je ne conçois pas une chaîne de télévision sans une émission littéraire. Ce projet est en chantier. Il y a le Conseil supérieur de la communication (CSC) qui veut créer une émission de formation citoyenne au niveau de la télévision que nous allons suivre. Au niveau de la radio, il faut poursuivre dans le domaine de la production des pièces de théâtres radiophoniques où nous allons essayer de produire 52 numéros. En outre, nous comptons réveiller de vieilles émissions de radio qui existaient et qui sont parties en lambeau. Par exemple « Challenge au micro » qui était brillamment animé par un journaliste aujourd’hui ministre de la Culture, j’ai cité Baba Hama, ensuite René Sebgo qui est un talentueux journaliste. Le directeur de la radio a pris des dispositions pour que cette émission reprenne. En tous les cas, nous avons la volonté de changer le contenu des programmes de la radio et de la télé.
S. : D’aucuns reprochent à la RTB de diffuser plus de télénovelas qui sont loin de nos réalités. Que répondez-vous ?
Y. T. : C’est parce que les télénovelas ne coûtent pas cher. Là-bas (NDLR : en Amérique latine), ils sont à l’ère de la production de masse. On produit au cinéma et à la télévision comme on produit des « Jeans » en série et en quantité et qui nous reviennent moins chers.Ces films, ne coûtent pas de l’argent ; ceux qui nous les donnent proposent qu’au début et à la fin du film on diffuse tel spot. Alors que pour produire une série burkinabè comme « Affaires publiques », les 26 numéros, reviennent à au moins 80 millions de F CFA. J’ai dit à certains cinéastes burkinabè que le jour où j’aurai un feuilleton africain qui a le même nombre d’épisodes qu’un feuilleton brésilien à même de tenir sur l’année, diffusée tous les jours ouvrables, je vire tous les feuilletons brésiliens et autres de l’écran et je les remplace par des séries burkinabè. Produire un programme est très coûteux et nous ne sommes pas au niveau des Brésiliens, des Latino-américains et même des Américains du Nord qui sont au stade de la production de masse. Sinon, la mission de service public de la RTB, c’est faire la promotion de nos valeurs culturelles, c’est-à-dire de produire en tenant compte de nos valeurs. C’est pour cette raison que nous mettons l’accent sur les séries du genre « Affaires publiques » et la production de théâtre au niveau de la radiodiffusion.
S. : Quel message avez-vous à lancer à l’endroit de tous les Burkinabè à l’occasion de cette 7e rentrée RTB ?
Y. T. : Je souhaite qu’ils nous critiquent encore plus. Qu’ils ne se lassent pas de nous critiquer, que ce soit au niveau de nos programmes classiques, que pendant les campagnes électorales, qu’ils nous critiquent vraiment de la façon la plus acerbe qui soit. C’est ça qui nous permet d’avancer.