La charia s’applique de manière implacable au Nord Mali occupé. Hier, pour la première fois, les islamistes ont amputé d’un bras, un homme accusé de vol de moto. Face à l’indignation collective, la question se pose de savoir : entre la diplomatie et l’intervention armée, laquelle des deux visions finira-t-elle donc par l’emporter dans la sortie de crise au Mali ? La situation tend à devenir fort complexe dans ce pays. Voilà des mois que dure le calvaire des populations du Nord Mali.
Pratiquement à l’abandon, elles subissent la misère et la répression sous la gouverne inconditionnelle des groupes islamistes surarmés. Ces derniers, en plus d’avoir des accointances avec les narco-traficants, se sont renforcés en faisant appel à des recrues parfois issues des communautés locales. Les groupes extrémistes qui cherchent à faire du Sahel leur repaire, se heurtent cependant à la colère qui monte chaque jour un peu plus au sein des populations de la zone. Dans le Nord Mali occupé, deux mondes tentent donc difficilement de cohabiter. Le fossé pourrait bien s’élargir, et même s’approfondir. Mais, dans le Sud républicain, les choses ne sont pas, non plus, si roses. La classe politique, étant divisée entre pro-putshistes et anti-putshistes, le président Dioncounda Traoré, éprouve encore des difficultés à composer le gouvernement d’union nationale. Celui-ci est, pourtant, fort attendu. Le chef de l’Etat malien semble surtout avoir du mal à choisir celui qui conduira la nouvelle équipe gouvernementale. L’actuel Premier ministre, Cheik Modibo Diarra, tient à demeurer à son poste estimant que l’accord cadre du 6 avril dernier, ne prévoit ni sa démission, ni son renvoi.
Pourtant, ni les ex-putschistes, ni la médiation de la CEDEAO, signataires de cet accord, ne semblent guère favorables à son maintien. Par ailleurs, de façon globale, le pays compte ceux qui sont hostiles à l’intervention armée pour diverses raisons et ceux qui lui sont favorables. Dans le camp de ceux qui sont favorables à la guerre, on distingue ceux qui jouent les nationalistes et militent pour une guerre exclusivement menée par l’armée malienne. En face, il y a ceux qui considèrent que cette armée, démembrée et démunie, ne pourra libérer le Nord Mali qu’avec le concours de la CEDEAO et des forces coalisées. La réalité est pourtant là : le pays est divisé et la charia s’infiltre chaque jour un peu plus dans les habitudes des populations du Nord Mali. Celles-ci assistent impuissantes à l’enrôlement d’une partie de la jeunesse par les islamistes, lesquels ont beau jeu de faire croire qu’ils se soucient des préoccupations de la frange jeune en proie au chômage et à l’exclusion sociale comme dans beaucoup de pays du continent. Le risque est devenu réel d’assister à une déstabilisation de toute la sous-région ouest-africaine. Face à la détermination des groupes islamistes, la CEDEAO et la communauté internationale ne peuvent demeurer indifférentes.
Cela, d’autant qu’à Bamako on tergiverse sous des prétextes fallacieux. Discrète mais toujours active, la médiation burkinabè a pris sur elle de multiplier les initiatives. Elle demeure imperturbable en dépit des critiques qui fusent de certains milieux maliens. A Ouagadougou, le fait d’être au four et au moulin incite, sans doute, le président Blaise Compaoré et son équipe à ne pas désespérer. En contact permanent avec la quasi-totalité des parties en conflit, ne sont-ils pas les seuls à avoir la pleine mesure de la réalité ? Ayant maintes fois dialogué avec des éléments des groupes islamistes, ils comptent bien venir à bout de la crise, à leur façon. En dépêchant son ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale au Nord-Mali, le chef de l’Etat burkinabè voulait, sans doute, montrer sa détermination à résoudre ce conflit fratricide. Mais, sur le fond, les résultats de ce déplacement, sont considérés comme aléatoires.
Aussitôt Bassolet parti, les islamistes ne se sont-ils pas mis à couper des bras ? La situation prévalant dans la partie septentrionale du Mali révolte les consciences du fait de sa grande stupidité. Non seulement elle occasionne des pertes en vie humaine et exacerbe les tensions entre populations, mais encore elle tend à donner de l’Islam une fausse perception. De plus en plus, les groupes islamistes se montrent résolus à en découdre avec tous ceux qui se mettent en travers de leurs chemins. Leurs ambitions sont, pourtant, diamétralement à l’opposé de celles du peuple malien et au-delà, de celles des peuples alentours. La médiation burkinabè, prône la modération au nom d’une paix définitive, acquise sur une base consensuelle. Mais, à Bamako, la classe politique semble plutôt se préparer à une confrontation armée.
Le gouvernement vient de l’affirmer, dans un communiqué. En outre, Bamako accueille une réunion de la CEDEAO sur les préparatifs d’une intervention militaire. Finalement, dans la résolution de la crise malienne, on retiendra que, globalement, deux visions rivalisent sur le terrain : celle de la médiation burkinabè qui met en avant la négociation, et celle des tenants de la ligne dure. Face aux défis qui s’accumulent, finira-t-on par considérer ces deux visions comme complémentaires ou antagonistes ? Pour l’heure, chaque jour voit le pays s’enfoncer un peu plus dans la crise. Rien d’étonnant donc que les Nations unies songent à activer la machine des sanctions ciblées.