Editorial
Toegui : y a rien au village
Publié le mardi 10 fevrier 2015 | L`Observateur Paalga
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Je m’étais convaincu que moi aussi je pouvais me faire facilement de l’argent comme tout le monde. Je n’étais pas plus idiot que les autres après tout. Je décidai donc de créer une ONG comme tout le monde. N’ayant pas un sou vaillant je partis à la recherche d’un Partenaire Technique et Financier, l’autre nom de bailleur de fonds. Il s’en est fallu de très peu pour que j’atteigne mon objectif. Mais c’était sans compter avec les jaloux et les méchantes langues de Ouaga. J’ai eu plusieurs entretiens positifs avec des Danois, des Canadiens et des Hollandais mais toujours au moment de signer l’accord de financement, ça foire.
Et on me sort toujours le même motif. Mon allure et mes regards ne seraient pas très catholiques. Je me souviens effectivement après coup. Chaque fois que j’étais en entretien, il y a une espèce de secrétaire qui faisait inopinément son entrée dans le bureau comme pour prendre quelque chose… et qui s’attardait plus qu’il n’en fallait. Une secrétaire triée sur le volet avec du beau et du bon lom-lom là où il en faut. Le piège. Et moi, sans me douter de rien je me mettais à zieuter de haut en bas et de bas en haut ne faisant plus attention aux propos du PTF en face de moi. J’ignorais qu’il y avait une caméra de surveillance qui m’observait et que les mauvaises langues avaient fait un rapport circonstancié sur moi. Les salauds ! Voilà pourquoi je n’ai pas d’ONG comme tout le monde.
Hormis l’ONG, il y a une autre idée que je cogitais depuis longtemps et qui a pris corps avec la mise en place du Conseil National de Transition. La preuve étant faite qu’on peut être député sans être élu par un parti politique il fallait que moi également je fasse mon entrée à l’hémicycle. Ce qui a fini de me convaincre c’est lorsque j’ai appris que dans le cadre du 11e FED il était alloué 4 milliards et demi aux organisations de la société civile. 4 milliards et demi ? Là je suis tombé des nues moi qui croyais que les associations oeuvraient gratuitement pour venir en aide aux démunis ou pour promouvoir la citoyenneté. Ceci expliquerait-il la quantité innombrable d’associations qui n’ont parfois d’association que le nom ?
Il n’ y a pas à attendre, ces 4 milliards il faut que j’en vois la couleur. 4 milliards qu’on peut croquer sans ménagement puisqu’il ne s’agit pas de l’argent du contribuable Burkinabè. Et puis les Européens ne sont pas à 4 milliards près. Je vais donc créer mon association comme tout le monde. Mais une association de quoi ? Pour quoi ou contre quoi ?. Tous les crénaux porteurs sont déjà pris. Le sida est presque vaincu. Ebola a été tellement harcelé qu’il a jeté l’éponge renonçant à franchir nos frontières. Les veuves, c’est pris, les orphelins itou. L’écologie, n’en parlons pas, Ram n’a pas pu en garder l’exclusivité face aux voleurs d’idées dont grouille notre pays.
Eureka ! Les femmes ! Encore les femmes ! Le quota genre ? Non, je suis anti quota genre même si le Président Kafando a annoncé pour bientôt le retour du quota genre. 30% à leur octroyer, c’est ce qu’il a promis depuis Addis Abeba.
30% ? 30% seulement ? Pourquoi ne pas arrondir à 50% ? Une moitié des députés pour l’autre moitié du ciel. Comme en Suède et au Danemark.
S’il y a des raisons qui font qu’on ne peut pas aller à 50% ces mêmes raisons font qu’on ne doit instituer aucun quota genre. A la guerre comme à la guerre et à l’hémicycle qui peut. Saran Sérémé, j’en suis certain, n’aura pas besoin de quota genre le 11 octobre 2015. Juliette Bonkoungou n’avait pas besoin de quota genre.
J’ai dit Saran Sérémé ? Hum ! Il y a une autre amazone. La dame Lopez, née Zongo. Monafion ! Saran Sérémé n’a qu’à bien se tenir.
Je perds le nord moi…Où en étais-je ? Voilà, mon association de femmes. Qu’on s’entende bien, il ne s’agit pas d’une association d’aide aux femmes. Les associations de ce type il y en a dans tous les 6 mètres. Je vais plutôt créer une association d’aide aux hommes battus par les femmes. Il en existe plus que vous ne le savez. Avec la prolifération des salles de judo, de karaté, d’aïkido et d’autres arts martiaux beaucoup d’hommes souffrent le martyre dans leur chambre conjugale. Ces hommes ont besoin d’assistance psychologique et de protection contre les femmes barbares et ce sera la mission de l’association que je vais créer et qui va me procurer des Euros du FED et m’ouvrir les portes du CNT.
Ah, les OSC…C’est donc ainsi ? Je me doutais bien qu’il y avait à boire dedans mais j’étais loin de m’imaginer qu’il y avait à boire et à manger.
J’ai écouté le gars Seydou Rassabl’ga Ouédraogo du FREE AFRIK cette semaine encore. Jusque là il ne s’exprimait que sur des questions d’économie. Mais suite à l’affaire du RSP il a parlé politique. Ici encore, comme pour la dame Lopez, je redis, monafion ! Je croyais entendre Hervé Kam ou Hervé ouattara, ou Mathias Tankoano. Je vais vous dire une chose : suivez cet homme ! Il parlait économie mais il n’est pas qu’économiste.
Mais d’où vient-il ce Rassabl’ga ? Quelle chapelle ? Il a apparu soudain comme sorti de nulle part et lorsqu’il parle on ne veut pas qu’il s’arrête de parler.
Dans la semaine aussi, nous avons eu droit à deux annonces de candidature à la présidentielle de 2015 de la part de deux chefs de parti politique : monsieur Roland Tondé du parti PARIS et Ram Ouédraogo du REBF.
Quiconque prend la décision de se présenter à l’élection présidentielle, avec la volonté d’être le Président du Burkina Faso, pays de plus de 25 millions d’habitants, n’est pas n’importe qui. Pour cette raison, désormais dès qu’il y a une déclaration de candidature, il faut sortir les tams-tams et les flûtes et organiser une marche allant de l’échangeur de l’Est à l’échangeur de l’Ouest afin que cela soit dit et écrit. Rien ne doit plus être comme avant. Sinon, comme l’a dit le Président Roland Tondé du PARIS ; « C’est plus pire qu’avant »,
Elucubrations…On arrête ou on continue ? On continue. Sinon, si on arrête les élucus alors qu’il y a encore de la place sur la page 6 on pourrait être amené à parler du RSP et de ce Mercredi où la terre a failli s’arrêter au Faso. Ce Mercredi où le Conseil des ministres a été reporté sans être annulé.
C’est dans la banlieue nord de la ville que j’ai appris la nouvelle :
-Allo Toégui ? Tu es où ?
- Je suis derrière Tanghin Barrass en partance pour Toudoubwéoghin.
- Rebrousse chemin Toégui. Ça chauffe
-Quoi qui chauffe ? Qui qui chauffe ?
- Ça chauffe au RSP. Il a fui.
-Qui a fui ? Kafando ?
-Non, Zida. Il n’est réfugié chez le Moro.
-Pourquoi ?
-Les gars du RSP sont après lui et demandent sa démission.
A ces mots je dis à Ted :
-La démission du PM ? Ted, tu veux que je te dise ? Du vent ! Y a rien au village ! Je continue sur Toudbwéoghin.
J’étais effectivement convaincu que cette histoire du RSP était un non évènement. Ceux qui demandent la démission du Premier ministre Zida font une mauvaise appréciation de la situation. L’expression « Rien ne sera plus comme avant » ne doit pas être prise comme un simple slogan, une rengaine. C’est une expression qui doit être prise à la lettre, c’est-à-dire dans son sens littéral à savoir que dans le pays les mauvaises pratiques ne seront plus tolérées, qu’elles émanent du citoyen lambda ou des gouvernants.
On fait souvent la comparaison entre l’Insurrection Populaire du 30 octobre et le Mouvement du 3 janvier 1966. Il y a une grande différence entre les deux soulèvements. Le 3 janvier 66 il y a eu un soulèvement qui a renversé un pouvoir, mais ce pouvoir a été aussitôt remplacé par un autre pouvoir. A l’Insurrection Populaire du 30 octobre les insurgés n’ont pas fait que chasser un pouvoir. Ils ont pris le pouvoir même si cela ne se dit pas ouvertement. Le RSP doit le savoir, tous les militaires doivent le savoir, le pouvoir Kaki est d’une autre époque. La ruecratie est un bien vilain mot, mais heureusement ou malheureusement, la ruecratie est désormais réelle et vivante. Elle n’attend que des occasions pour se manifester. Et elle se serait manifestée si le RSP avait persisté dans son désir de faire partir le Premier ministre. Que Dieu nous épargne des manifestations de la ruecratie.
Il y a aussi cette fameuse Communauté Internationale qui veille au grain. Le Secrétaire Général Adjoint qui était dans nos murs il y a deux jours n’ a pas porté de gant pour nous le rappeler à haute et intelligible voix devant les caméras.
Rien ne sera plus comme avant.
Cela dit, est-il vrai que la dissolution du RSP est dans l’agenda de la Transition ? Si tel est le cas, il y avait une autre manière d’y parvenir et le Premier ministre n’était pas l’autorité indiquée pour mener cette décision à bien, compte tenu de ses affinités avec le RSP. C’est une décision qui devait être annoncée par le chef de l’Etat et de façon solennelle. Pour ce faire il lui suffisait d’en informer les chefs militaires puis de faire la déclaration suivante à la Nation :
- Le Régiment de Sécurité Présidentielle, comme son nom l’indique, a été créé pour ma protection personnelle. Pour compter de ce jour j’estime que je n’ai plus besoin d’être protégé par un régiment spécial. Je décide par conséquent de la dissolution du RSP et de son redéploiement.
Comme on dit, on ne peut être plus royaliste que le roi. On ne peut donc être plus « présidentialiste » que le Président du Faso. Qui trouverait à y redire ?
Charles Guibo
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