L’ambassadeur du Burkina Faso au Mali, Sanné Mohamed Topan a encore respecté sa politique de « diplomatie sociale ». Sa résidence sise au quartier Korofina de Bamako a servi de cadre d’échanges et de partage mutuel, le 1er janvier, au personnel de l’institution diplomatique, aux Burkinabè du Mali et aux amis du Burkina vivant à Bamako. Situation politique oblige, l’ambassadeur a voulu une soirée sobre mais porteuse de messages forts qui en appellent à la paix, au pardon et au rétablissement rapide et définitif des institutions de la République. Entre deux gorgées de jus salutaire, il a répondu à nos questions quasi-debout.
Sidwaya (S.) : L’année 2013 sera-t-elle celle de l’espérance retrouvée pour le Mali secoué depuis dix mois par cette crise politico-militaire qui a scié les fondements de la république ?
Sanné Mohamed Topan (S.M.T) : Merci de me donner l’opportunité de présenter les vœux, non seulement à la communauté burkinabè au Mali mais également aux plus hautes autorités du Burkina Faso et à l’ensemble du peuple burkinabè depuis Bamako. Nous venons de franchir la dernière ligne de l’année 2012 qui a été une année éprouvante surtout pour nos frères et sœurs au Mali. Alors, l’année nouvelle nous donne l’occasion pour en tirer les leçons afin de mieux appréhender l’avenir. Aussi, à la lumière de ce que nous avons vécu, je me joins à l’ensemble de mes compatriotes pour demander au Tout-Puissant de faire en sorte que nous puissions relever les défis de 2013 en bonne santé, dans l’harmonie et surtout avec succès. Et pour que nous puissions relever ces challenges avec succès, il faut la quiétude et la paix dans ce pays frère qu’est le Mali. Notre pays joue un rôle de médiateur dans cette crise malienne qui nous affecte tous au niveau de la sous-région. Toute la communauté internationale est mobilisée pour aider le Mali à s’en sortir et je nourris l’espoir que des voies de dialogue constructif et fécond vont s’ouvrir très bientôt, et qu’avec la conjugaison de l’ensemble des efforts en cours, d’ici à la fin de l’année 2013 ( NDLR : cette interview a été réalisée avant l’accrochage intervenu la semaine dernière entre l’armée malienne et les groupes islamistes à Konna dans la région de Mopti, zone de démarcation entre le Sud et le Nord du Mali) que nous puissions voir, inch Allah, la lumière et la lueur d’espoir au niveau de ce pays afin qu’on puisse redéployer l’administration sur l’ensemble du territoire national, que les frères et sœurs du Mali qui sont à l’extérieur du pays reviennent chez eux et surtout, qu’il soit possible d’obtenir les conditions pour organiser les élections justes et transparentes pour un exécutif légitime dans ce pays. Voilà le mot de nouvel an que je voudrais émettre avec beaucoup d’espoir et souhaiter au peuple burkinabè également de se donner la main pour que, dans l’harmonie, dans l’union et la cohésion nous puissions œuvrer pour l’émergence de notre pays.
S. : Une certaine opinion malienne estime que la médiation burkinabè a été improductive et qu’en réalité, la crise malienne n’a fait que s’enliser.
S.M.T. : Il est important de relever que dans toutes œuvres humaines, il y a des succès et des échecs. Aussi, sans tomber dans un optimisme ou dans l’autosatisfaction, je crois très humblement que la médiation burkinabè a connu des succès. Le premier succès, c’est d’abord le retour assez rapide à une vie constitutionnelle normale au niveau de ce pays frère quand est intervenu le coup d’Etat le 22 mars 2012. En effet, c’est au bout de quelques jours que la médiation burkinabè, aidée par les Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la communauté internationale, a œuvré pour que les fondements de la république soient sauvegardés. Je voudrais rappeler qu’en son temps, le Burkina Faso avait obtenu la compréhension des nouvelles autorités afin que le Comité national pour le redressement de la démocratie et larestauration de l’Etat (CNRDRE, l’instance militaire mise en place à l’époque dans la perspective de gérer le pouvoir d’Etat) puisse remettre le pouvoir aux civils. Cette grandeur de vue, doublée par le souci de sauvegarde de l’intérêt national dont a fait montre le CNRDRE a été unanimement saluée. Et cela est suffisamment un point important à relever car des militaires qui accèdent au pouvoir par des voies non souhaitables et qu’au bout de quelques jours de négociations, ces miliaires remettent de leur plein gré le pouvoir aux civils et que la Constitution du 25 février 1992 puisse être reconnue et les institutions républicaines rétablies, je crois qu’il n y a pas beaucoup d’exemples dans l’histoire. Le deuxième succès de la médiation, c’est aussi la contribution du Burkina Faso qui a pris langue, malgré l’hostilité et les risques de l’époque, avec les belligérants du Nord pour l’envoi des vivres et des médicaments dans les zones occupées du Nord-Mali. Aujourd’hui, je suis confiant qu’un dialogue permanent et productif va s’instaurer entre toutes les parties en conflit pour que le Mali retrouve toute son intégrité territoriale, la paix et arpenter le chemin de son développement. De nos jours, la principale préoccupation de nos pays africains, c’est comment œuvrer à un mieux-être de nos populations, comment aller résolument sur le chemin du développement ; bien sûr, cela passe par un environnement sécurisé et une quiétude. De nos jours, il me semble que nos frères et sœurs du Mali ont compris l’importance de la médiation du Burkina Faso qui est aussi celle de la CEDEAO parce que c’est l’ensemble des chefs d’Etat de la CEDEAO qui ont confié cette médiation au président du Faso à l’aune de son expérience en la matière.
S. : L’Algérie semble aussi proposer ses bons offices pour cette même médiation ouest-africaine.
S.M.T. : Pays frère, l’Algérie a régulièrement été conviée aux différents sommets qui avaient à l’ordre du jour, la crise malienne. Le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, Djibrill Bassolé s’est rendu plusieurs fois en Algérie dans le cadre de la recherche de solutions à ladite crise. Aussi, c’est à la suite de la rencontre de Ouagadougou des 4 et 5 décembre 2012 à laquelle ont pris part les parties comme Ansar Dine et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le gouvernement malien que les parties se sont retrouvées en Algérie. Du reste, tous les cadres de concertation complémentaires à même de contribuer à donner un succès à la médiation confiée à notre pays par la CEDEAO et la communauté internationale ne sont pas, de mon point de vue, à proscrire d’emblée. Il n’y a pas de dichotomie ! La contribution de l’Algérie, un pays frère du Burkina, pays frère et voisin du Mali, pourrait plutôt être une démarche convergente pour inviter les parties à s’inscrire dans la dynamique de la négociation et du dialogue politique permanent déjà amorcée. Le plus important pour notre pays, c’est de créer les solutions et le cadre idoine d’un dialogue inclusif, constructif et fécond qui permette d’avoir plus de chance d’aboutir à une paix durable.
Entretien réalisé par Idrissa NOGO à Bamako au Mali