BAMAKO - Les islamistes armés qui contrôlent le Nord du Mali ont pris jeudi une localité du centre du pays où des témoins ont vu l`armée "battre en retraite" après quelques jours de combats, au moment où Paris et Bruxelles appellent à accélérer les préparatifs d`une intervention internationale.
Des témoignages indirects et des informations sur plusieurs sites de réseaux sociaux font état de nombreuses victimes dans les affrontements de ces derniers jours entre l`armée malienne et les islamistes - les premiers depuis neuf mois - dans la région de Mopti (au centre du pays, à 640 km au nord de Bamako).
Aucun bilan n`a pu être obtenu, mais un témoin joint par l`AFP a dit avoir appris de ses parents qu`il y avait eu "un carnage" dans la localité de Konna, finalement tombée aux mains des islamistes.
"Nous sommes actuellement à Konna pour le jihad", a annoncé à l`AFP un responsable du groupe armé Ansar Dine, Abdou Dardar.
"Nous contrôlons la cité presque en totalité. Après, nous allons continuer" à progresser vers le Sud, a assuré ce responsable joint par téléphone depuis Bamako et dont les propos ont été traduits à l`AFP par un interprète nigérien.
Il affirmait parler au nom des trois groupes jihadistes qui occupent le Nord - Ansar Dine, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l`unicité et le jihad en Afrique de l`Ouest (Mujao) - et prônent tous l`application de la charia (loi islamique). Sa déclaration était la première d`un responsable jihadiste à l`AFP depuis le début des mouvements de troupes
lundi.
Sollicité par l`AFP, l`état-major de l`armée malienne basée à Mopti, à environ 70 km de Konna, n`a pas souhaité réagir à ces propos.
Mais des témoins joints par l`AFP ont vu les militaires quitter Konna.
"Les islamistes sont entrés à Konna, ce sont eux qui contrôlent la localité. Les militaires retournent actuellement vers Sévaré", à 12 km de Mopti, où l`armée dispose d`un poste de commandement opérationnel, a affirmé un des témoins.
"Les militaires maliens ont battu en retraite en direction de Sévaré. C`est la débandade totale ici", a dit un autre témoin. "Les gens sont affolés. Les islamistes ont juré qu`ils vont marcher sur le sud du pays".
"Urgence à agir"
Selon plusieurs sources militaires, des affrontements à l`arme lourde avaient eu lieu dans la nuit et repris dans la matinée. Puis une source sécuritaire régionale avait fait état d`affrontements jeudi après-midi à la périphérie de Konna, en disant: "L`armée cherche à résister".
Ces affrontements font croire au "début d`une guerre qui ne dit pas son nom", a commenté le journaliste et analyste malien Alexis Kalambry.
Des préparatifs sont en cours pour le déploiement d`une force internationale au Mali, approuvé par l`ONU le 20 décembre et prévu par étapes, mais sans calendrier précis.
En novembre, l`émissaire de l`ONU pour le Sahel Romano Prodi avait estimé une intervention impossible avant septembre 2013.
La France et l`Union européenne ont estimé jeudi qu`il y avait urgence à agir.
Les derniers événements soulignent "la nécessité de procéder au déploiement rapide d`une force africaine au Mali ainsi que de la mission européenne de formation et de conseil", a déclaré le ministère français des Affaires étrangères.
La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton a souligné que la planification de la mission européenne de formation de l`armée malienne se poursuivait "exactement comme prévu". "Ces événements ne font que renforcer la pertinence et l`urgence d`agir", a-t-elle dit.
Par ailleurs, des policiers ont été déployés à Bamako où une marche pacifique a été organisée jeudi, notamment en soutien à l`armée. Mercredi, de premières manifestations s`étaient soldées par des violences dans la capitale et à Kati (près de Bamako), faisant un blessé, tandis que six personnes étaient interpellées. Les écoles ont été fermées jusqu`à nouvel ordre dans ces deux villes.
Les organisations appelant à manifester, pour la plupart favorables au coup d`Etat militaire de mars 2012, réclament tout à la fois la guerre contre les islamistes, l`organisation de concertations nationales ou le départ du pouvoir du président intérimaire.
Au nom de l`UE, Mme Ashton a réitéré "son soutien au président" Traoré et à son gouvernement. Elle a "appelé au calme et à la retenue" et réaffirmé "la possibilité d`adopter des sanctions contre toutes les personnes qui tenteraient de déstabiliser la transition".