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Respect du délais de la transition : « Il n’est pas question de parler de « lenga », Adama Sosso, secrétaire général national de l’UPC
Publié le lundi 2 fevrier 2015  |  Le Quotidien




Plusieurs mois nous séparent des élections présidentielle, législatives et municipales prochaines. Mais d'ores et déjà la houle politique s'annonce. Les alliés d'hier semblent se regarder aujourd'hui du coin de l'œil. Certaines formations politiques vont jusqu'à prédire leur victoire à l'issue de l'élection présidentielle. Pourtant, des questions cruciales alimentent la scène politique et nourrissent bien des débats. Pour apporter de l'aliment aux débats, nous avons rencontré le secrétaire général national de l'Union pour le progrès et le changement (UPC) le 27 janvier 2015. A l'en croire, le parti du lion est en train de « préparer une surprise » loin des fanfaronnades.

Le Quotidien : L'Union pour le progrès et le changement effectue actuellement une tournée dans plusieurs localités du territoire national. Pouvez-vous rappeler l'essentiel du message qui est adressé aux militants à travers cette initiative ?

Adama Sosso, Sécretaire général de l'UPC : Les tournées que nous organisons présentement, ont deux aspects. En tant que structure centrale, nous avons un devoir de compte rendu envers nos militants. Ainsi, il s'agit pour nous, de faire un compte -rendu à la base, de tout le travail qui à été fait depuis les évènements des 30 et 31 octobre pour que chacun soit au même niveau d'information. Le second aspect est de voir l'état de fonctionnement de nos structures sur le terrain. Comme vous le savez, nous avons depuis longtemps pratiquement couvert tous le pays en termes d'installation de nos comités de base, de nos sous-sections et sections. Actuellement, il est bien de retourner voir comment les structures fonctionnent et quelles sont les difficultés rencontrées.

Après l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre, la barque du CDP a chaviré et l'heure est à la recherche de bouée de sauvetage dans les autres formations politiques. Est-ce que l'UPC a reçu des manifestations d'adhésion de la part de certains ténors du CDP ?

Les propositions d'adhésion pour nous, ne datent pas des 30 et 31 octobre, parce qu'au début notre bureau politique faisait 11 membres et aujourd'hui nous sommes à 150 membres. Nous pensons que c'est normal qu'à un moment donné des camarades puissent se sentir intéressé par le programme d'un parti. Ceci dit comme dans les autres formations politiques nous recevons de nouveaux adhérents . Comprenez donc que les adhésions ne datent pas de maintenant. Pour nous, ce qui compte le plus, ce n'est pas de savoir d'où ils viennent ; ce sont des stigmatisations qui n'ont pas d'importance pour nous. Ce qui nous intéresse, c'est ce qu'un nouvel adhérent peut apporter au parti, en termes d'organisation, de visibilité et de conquête du pouvoir.

Le gouvernement a annoncé un budget d'austérité dans l'exécution duquel, il envisage la réduction du train de vie de l'Etat. Certains pensent à des simples effets d'annonces pour amadouer et craignent qu'aucune action concrète ne soit prise en ce sens. Etes-vous aussi sceptique comme ces derniers ?

Je ne pense pas qu'il y ait lieu de faire des reproches à quelqu'un, d'autant plus que chacun fait son travail. Nous avons travaillé d'arrache-pied pour que la transition ait lieu, aujourd'hui nous pensons, à l'Union pour le progrès pour le changement, qu'il ne serait pas bon de créer des problèmes au sein du fonctionnement de cette structure transitoire. On a dit que la transition c'est pour une année. Si en une année il faut vous immiscer dans son fonctionnement en tirant çà et là chaque fois, je pense que c'est empêcher ceux que vous avez vous- même responsabilisé de travailler. C'est pourquoi nous restons vigilants, nous suivons de près, mais jusqu'à preuve du contraire nous n'avons pas eu d'élément qui puisse nous amener à nous impliquer dans le fonctionnement de la transition, d'autant plus qu'à notre sens, la transition continue son chemin normalement.

Après l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre derniers, les manifestations des populations sont devenues monnaie courante. Faut-il s'en réjouir ou le déplorer ?

D'abord, il faut se dire que les manifestations qui ont eu lieu ne sont pas politiques ; elles ont essentiellement des aspects corporatifs. Ce sont des gens qui par rapport à leur milieu de travail, à leur quotidien ont des préoccupations. Et pour nous, il est normal que des gens puissent s'exprimer pendant et même après la transition, quand ils se sentent interpeller par une question. Comme nous l'avons dit au début de la création de notre parti, nous sommes contre tout esprit de violence et tout acte qui peut porter atteinte à la personne physique morale, à l'intégrité de l'homme. Nous pensons que, dans le cadre d'un dialogue républicain, c'est de trouver une solution au problème. Si c'était une question politique, à laquelle des hommes politiques devaient apporter une solution soyez certains que l'UPC interviendra. Mais vous imaginez mal l'UPC se substituer au Syndicat des travailleurs des mines dans leurs manifestations. Non, ce n'est pas notre travail.

La déclaration des biens des membres du gouvernement se fait toujours attendre selon de nombreux citoyens. De leur avis, il ne s'agit pas seulement de remettre un bordereau sous plis fermés, loin de tout regard, mais de rendre la déclaration publique. Selon vous, est-ce que le gouvernement de la transition donne un bon exemple de transparence ? Par ailleurs, est-ce que vous êtes confiant quant à la tenue effective des élections à la date prévue ?

Tout récemment lors de la rencontre des chefs des partis politiques avec le président de la transition Michel Kafando, il a été clairement dit que toutes les dispositions sont prises pour que les membres du gouvernement, les membres d'institutions et autres, puissent faire les déclarations de biens. Nous ne jouons pas aux gendarmes pour chercher à savoir qui a fait ou pas, mais nous disons qu'à l'heure du bilan, chacun pourra s'expliquer. Parce qu'il y a des structures compétentes au sein du pays qui son chargées d'administrer tous ces éléments. Et nous, nous sommes fondamentalement attachés à cette capacité, que les structures ont à faire leur travail. Ce qui est de notre ressort, nous le faisons, que les autres fassent également leur travail. Et nous saluons cet esprit de la déclaration de biens. Mais si dans la pratique il y a des difficultés et que nous sommes saisis, en ce moment, on pourra se prononcer. Pour le moment, nous avons confiance au président qui a lui-même dit, qu'il a même donné des instructions et des délais pour que les uns et les autres fassent leur déclaration. Mais, comme ce n'est pas adressé à l'UPC, à la date où je vous parle, je ne peux pas vous dire si tous les membres l'ont fait ou pas. Ce serait prétentieux.

Que pensez-vous de la proposition de certaines structures de remplacer l'équipe actuelle de la CENI par une CENI professionnelle pour organiser les élections ?

Cette organisation a fait une proposition, mais n'a pas dit de le faire maintenant et tout de suite. Je pense que c'est très bon que des gens réfléchissent et fassent des propositions pour l'amélioration d'une structure. Aujourd'hui, nous sommes tous d'accord qu'il faut qu'on avance vers une CENI professionnelle qui pourra organiser des élections sans qu'il y ait beaucoup de réclamations. Mais il faut reconnaitre aussi que c'est un travail de longue haleine. Nous sommes sortis de l'insurrection il y a quelques mois. S'il faut demander à la CENI dans l'ensemble, de son organisation de faire une refonte et d'organiser les élections dans 7 mois, vous voyez que ce n'est pas possible. Donc nous avons dit que tant que la classe politique dans son ensemble est d'accord pour accompagner la CENI, que ceux qui sont actuellement à la CENI aient en tête que ce sont des injustices qui ont amené le soulèvement. Il faut donc bannir ces injustices de leur comportement et la CENI actuelle, ainsi que ces membres doivent travailler pour le bien de la population. Nous pensons qu'il n'y a pas lieu de trop se précipiter. Nous sommes d'accord qu'il faut réformer la CENI, mais pas tout de suite, parce que vouloir le faire tout de suite c'est dire qu'on ne pourra pas organiser les élections, alors que nous, nous voulons que les élections soient organisées dans les délais prescrits par les autorités.

Jusque-là, aucun calendrier bien circonstancié du processus devant conduire à des élections ne semble disponible. Cela vous inquiète-t-il ?

Il y a une proposition et un travail qui est en train d'être fait. Nous suivons ce qui se passe au niveau de la CENI pour nous assurer de l'avancement des choses. Je peux vous assurer à la date d'aujourd'hui, et en fonction des informations que nous recevons, que les choses bougent. Mais c'est comme le président de la transition l'a lui- même dit, pour arrêter une date et la procédure, la démarche que la transition a eu à entreprendre, notamment l'inclusion fait que ça traine un peu. Mais nous pensons que c'est la meilleure manière. C'est une précaution de dialogue entamée que nous saluons. Il existe des dates qui sont déjà fixées, il ne reste que la procédure pour y arriver. Et de mon point de vue, c'est ce qui est plus important. Je pense que ce ne sont pas des propositions faites au hasard, et en fonction des informations qui nous sont parvenues nous pensons que les choses peuvent bien se passer.

L'ancien idéologue du Front républicain et président de l'UNDD, Hermann Yaméogo, est sorti du bois et a demandé de prolonger le mandat du gouvernement de la Transition. Comment avez-vous accueilli cette sortie jugée provocante par certains ?

Je n'aime pas parler de certaines personnes, au vu du rôle que ces gens ont joué dans la situation insurrectionnelle de notre pays. Ça veut dire que si on devait prendre en compte certains éléments, aujourd'hui on ne serait pas dans la transition, mais plutôt en train de négocier un « lenga » pour le président Compaoré. Nous pensons qu'aujourd'hui il n'est pas question de parler de « lenga », et je ne vois même pas sa nécessité, d'autant plus que rien ne nous empêche d'organiser les élections aux dates prévues par le gouvernement.

Etes-vous confiant que des élections se tiendront dans les délais prévus et que le délais de la transition sera respecté ?

Si vous prenez la Constitution elle-même, logiquement après le départ de Blaise Compaoré, on n'avait que 3 mois pour organiser d'autres élections. Cela laisse entendre que ceux qui ont établi cette loi savent bien que cela est possible. Pourtant nous, nous avons une année pour organiser cela, même si les circonstances ne sont pas pareilles. Je crois qu'en suivant les discours qui se tiennent par les membres du gouvernement, ainsi que les acteurs politiques, on se rend compte que l'organisation des élections est une préoccupation commune. Pour moi, cela est une preuve qu'elle réussira. En ce qui concerne l'ouverture de la révision de la liste électorale, dans tous les cas on sait où on va. Il y avait eu quand même une révision des listes électorales, mais le problème qui se pose aujourd'hui est que si les élections étaient prévues en novembre 2015, naturellement celui qui n'a pas l'âge requis ne se présentera pas si c'est organisé en octobre. Donc il y a quand même tous ces éléments qu'on doit pouvoir élaguer et la CENI a expliqué comment ce travail peut être fait. Au vu de toutes ces informations, nous n'avons pas d'inquiétude, sauf en cas de situation exceptionnelle.

C'est connu, les Burkinabè de l'étranger ne prendront pas part au scrutin présidentiel de 2015 . Pourtant à l'étranger, notamment en Côte d'Ivoire des voix s'élèvent pour exiger la participation de la diaspora. Dans une des déclarations que vous avez rendues publiques, vous semblez ne pas être favorable à la participation des Burkinabè de l'étranger. Concrètement qu'est-ce que vous craignez ?

Ceux qui avaient voulu le vote des Burkinabè de l'étranger étaient bien les partis politiques d'opposition, y compris l'UPC. Ça a été toujours notre souhait qu'ils puissent participer aux votes de leurs dirigeants. Maintenant, entre avoir une ambition, un objectif et avoir les moyens de le réaliser ce sont deux choses différentes. Nous sommes un parti politique, ce n'est pas l'UPC qui va s'occuper aujourd'hui de l'enrôlement des Burkinabè à l'étranger. C'est du ressort du gouvernement. Vous avez vu dans quelles conditions l'enrôlement des Burkinabé en Côte d'Ivoire s'est passé, avec le gouvernement déchu. Tout le monde savait que c'était du faux. Aujourd'hui est-ce qu'il faut organiser les élections avec ce faux, et dire qu'on a organisé des élections crédibles ? Cela nous fait mal de voir nos concitoyens de l'étranger ne pas pouvoir participer à ces élections, mais à l'impossible nul n'est tenu. Mieux vaut leur expliquer la situation, et leur fournir des informations. S'il y a des mécontents aujourd'hui c'est parce que les gens n'ont pas les mêmes informations. A 8h , avant la rencontre avec le chef de l'Etat sur la question, on était pour leur vote. Mais à 10h quand on a eu un certains nombre d'informations on a revu notre position parce qu'il faut tenir compte des informations qu'on nous à données avant de juger. Aujourd'hui, nous, nous pensons que si les mêmes informations qui nous sont parvenues, sont données à nos compatriotes à l'étranger et si l'intérêt de la Nation est mis en avant, parce que c'est une question de sécurité nationale, je pense qu'il faut être un dur, pour dire que malgré tout on force.

On a entendu, Abdoulaye Mossé, représentant des jeunes du MPP, lors de la Convention des jeunes du parti soutenir que tous ceux qui ont apporté un soutien au projet de révision de la Constitution ne devraient pas prendre part aux scrutins à venir. Meme si Salif Diallo a semblé recadrer ces propos, ils suscitent assez de commentaires. Quel commentaire faites- vous de tels propos ?

C'est parce qu'à un moment donné, la direction du parti s'est rendue compte que les jeunes prenaient une direction qui n'était pas la bonne. Au niveau de l'UPC, notre vision des choses est qu'il faut construire le Burkina avec tous les Burkinabè, mais dans l'ordre des choses. Ce qui ne signifie pas que si le code électoral exclut quelqu'un du jeu électoral, qu'il faille aller le chercher, non. Vous comprenez donc que pour nous ce problème d'exclusion n'est pas la solution. Et si on veut exclure, il faut bien baliser. A partir de quand le problème du référendum s'est posé ? Si ont doit aller jusqu'à cette origine, vous comprenez avec moi que ceux qui parlent aujourd'hui d'exclusion ne vont pas le faire. A l'UPC, nous pensons qu'il faut donner la chance à tous les Burkinabè de décider librement de celui qui va diriger. Quelle que soit la personne, si elle est démocratiquement élue, nous n'y trouvons pas d'inconvénient. Mais nous ne rentrons pas dans cette guéguerre pour dire qui doit se présenter ou non. C'est à la loi que revient cette décision. Alors attendons de voir. Que le code électoral soit revu. Que la commission justice et vérité fasse son travail. Que les rapports qui sont au niveau de la Cour des comptes, de l'ASCE soient traités. A partir de ce moment, on nous dira qui est propre pour aller à une élection. Sinon, évitons au maximum de retomber dans les travers du CDP. C'est-à-dire, faire de l'exclusion qui entraine des frustrations.

Après que des jeunes aient demandé la candidature de Djibrill Bassolé, ancien ministre des Affaire étrangères et de la Coopération régionale, selon une source, un parti devra voir le jour le 31 janvier pour porter la candidature de Djibrill Bassolé qui, par ailleurs est un général de l'armée. Qu'est-ce que cela vous fait, qu' un homme de tenue pourrait diriger le pays ?

Notre réflexion est tout autre. Aujourd'hui, Blaise Compaoré n'est plus président, le maire de Bobo a dit qu'il lui réserve un retour triomphal. Ce n'est pas pour autant qu'on va lui couper la tête. C'est son point de vue, et c'est ça la liberté d'expression. Je crois que le choix de l'homme qui va diriger le pays incombe à tous les Burkinabè. Raison pour laquelle nous pensons aujourd'hui que s'il faut aller à l'extrême, que si tous les Burkinabè se mettent d'accord qu'il faut faire revenir Blaise dans le cadre d'une élection libre et transparente, personne ne s'y opposera. Ainsi il faut laisser les gens dire ce qu'ils veulent. La Constitution n'interdit pas la création d'un parti, à condition de respecter les textes. Elle n'interdit pas non plus que des gens se réunissent pour réclamer la candidature de telle ou telle personne. Nous aurons un code électoral, et nous avons une loi fondamentale qui définit les candidats. Donc attendons sa décision. Si la loi ne l'interdit pas, nous non plus, car nous ne sommes pas des hors-la-loi. Pour nous ce sont des éléments d'animation politique normale jusqu'à ce que les uns et les autres se rendent compte qu'ils sont en erreur et reviennent à la réalité. Djibril Bassolé est un Burkinabè comme tous les autres, c'est vrai que c'est un militaire, nous avons toujours souhaité que l'armée s'occupe des questions militaires et que les civils puissent gérer. Donc, pour nous l'armée au pouvoir n'est pas la solution. Mais l'armée est composée d'hommes et la Constitution dit qu'un militaire peut se présenter, à condition qu'il se décharge de ses fonctions de militaire. C'est le peuple qui a voté cette loi. Et au vu de cela, nous ne pensons pas qu'il y ait lieu de faire marche-arrière.

Concernant le RSP, son démantèlement comme l'a annoncé le Premier ministre Yacouba Isaac Zidsa, s'est révélé vite comme un serpent de mer. Et fin décembre, cette unité s'est signalée, en faisant une démonstration de force pour entrer dans ce qu'elle considère comme des droits acquis. Si le principe du démantèlement du RSP semble être accepté par bien des personnes, la procédure par contre est matière à débat. Comment y parvenir ? Que feriez –vous si vous étiez aux commandes ?

Cette question a été traitée par le président de la transition lui-même, qui a dit que le RSP n'existera plus en tant que RSP puisqu'il n'a pas besoin de protection particulière. C'est-a-dire que la fonction de président n'a pas besoin de protection particulière, et que la question du RSP était traitée dans un cadre un peu plus corporatif. A cet effet, des réflexions étaient en cours pour que ce corps qui est quand même un corps d'élite puisse être utilisé pour d'autres missions que l'Etat voudra bien luiconfier. Cette tâche ne revient pas à l'UPC. Si nous sommes au pouvoir nous saurons quelle direction prendre. Mais nous ne voulons pas imposer une position au pouvoir actuel, pour la simple raison que la question du RSP délicate dans la mesure où on ne peut pas le démanteler par un décret. Ainsi, il faut travailler avec ceux qui l'ont créé afin que son démantèlement ne porte pas préjudice.

Comment concevez-vous le mandat de la Commission nationale pour la justice, la vérité et la réconciliation aussi bien dans ses attributions que dans son délai ?

La loi organique fixe la durée du mandat des commissaires à 5 ou 6 mois maximum pour qu'ils puissent produire un résultat. Nous, nous pensons qu'il ne faudra pas que les gens pensent que le Burkina se limite à la transition. C'est un processus. Tout ce que nous demandons, c'est que cette commission puisse commencer déjà son travail quitte à ce qu'on arrive à la fin de la transition sans qu'elle n'ait fini, les résultats de ses travaux pouvant être reversés à une autre structure pour parachever le travail. L'œuvre de réconciliation ne peut pas être accomplie en un laps de temps. Tant que vous vivez ensemble, vous avez toujours besoin de réconciliation et tant que vous vivez vous avez toujours besoin de justice et de vérité. Ce n'est pas comme si aujourd'hui, on viendra dire : nous avons dit la vérité et c'est tout. Non ce n'est pas comme cela. La vérité d'aujourd'hui n'est pas celle de demain. Donc, nous saluons déjà la création de cette commission et nous invitons les autorités à tout mettre en œuvre pour qu'elle puisse commencer son travail afin que les résultats profitent à la bonne tenue des élections à venir. Dans le manifeste de l'UPC, nous avons un principe, celui de ne jamais dire que ce qui a été fait est totalement mauvais. Nous disons qu'il y a un moment où les gens qui travaillent ont posé des actes. Certains sont bien et nous travaillons à les améliorer, d'autres sont mauvais et nous travaillons à les corriger. Pour les actes qui n'ont pas été posés, nous nous sentons à mesure de les poser. Et c'est ainsi que nous devons évoluer dans la construction d'une Nation. Il ne faudra pas que les gens se fassent des illusions, cette commission ne viendra pas résoudre tous les problèmes de justice, de vérité et de réconciliation du Burkina. Ce n'est pas possible, ce n'est pas un tribunal. C'est une commission qui est chargée de faire un travail de réflexion qui sera soumis au gouvernement ou au peuple. Donc, donnons assez de temps aux gens de pouvoir chercher à comprendre et à travailler. Nous nous réjouissons mais nous demandons au gouvernement d'accélérer pour que la commission puisse travailler. Cela ne sert à rien de créer une commission qui, à l'issue de la transition, n'aura pas tenu une où deux séances.

Le problème qui a conduit aux événements des 30 et 31 octobre est incontestablement le projet de révision de la Constitution. Nombreux sont ceux qui estiment que la priorité des priorités de la commission est le verrouillage de l'article 37, c'est -à-dire inscrire cette disposition constitutionnelle dans le bloc des normes non révisables. Êtes-vous de cette position ?

Regardez dans tous les pays du monde et au Mali voisin où toute atteinte à la Constitution était considérée comme un crime, mais cela n'a pas empêché les militaires de suspendre la Constitution. C'est bien d'écrire, de baliser. Cela permet aux juristes, à un moment donné, de situer les responsabilités. Mais ce qui est le plus important, c'est la mentalité. Il faut que les gens puissent intégrer dans leurs mentalités, leurs vécus quotidiens que lorsqu'on vous confie une responsabilité, elle a des exigences et une durée de vie à l'issue de laquelle vous devez partir. Les textes, c'est bien mais il faut qu'on travaille aujourd'hui les mentalités. Et c'est ce que nous sommes en train de faire à tout moment. Quand nous disons que nous sommes pour l'alternance, ce n'est pas seulement pour ceux qui sont au pouvoir mais pour ceux qui vont venir aussi. Ce qui veut dire que lorsque vous épuisez deux mandats comme l'a prescrit la Constitution, vous puissiez partir. Dans les pays européens, il n' y a pas de limitation de mandats, mais les présidents n'ont jamais fait plus de deux mandats. C'est parce qu'il est ancré dans la tête des gens qu'il faut à un moment donné renouveler. Je me rappelle qu'à l'Assemblée nationale, nous avons soutenu que Montesquieu a dit qu'il faut toucher la Constitution avec des mains tremblantes. Certains ont dit qu'il ne faut même pas la toucher. Mais nous avons dit qu'il faut quand même la toucher parce que c'est une œuvre humaine. Il faut que les gens aient en tête que lorsqu'un texte arrive à l'Assemblée nationale portant modification d'une disposition constitutionnelle, que le premier reflexe soit d'abord de se poser la question ''est-ce qu'on doit la modifier ? ''.

Est-ce que toutes les victimes de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre doivent prétendre à une indemnisation intégrale ?

Vous me demandez de faire la réflexion à la place d'une commission. Il y a une commission qui a été créée et qui doit réfléchir sur toutes ces questions. Quand on parle de victime, cela dépend de ce qu'on entend par victime. Si on brûle votre maison, on doit s'interroger sur les raisons fondamentales qui ont entrainé ce dommage . Les conditions ne sont pas les mêmes. En plus, il y a des cas qui se sont avérés comme une sorte de réaction. Quand vous regardez ce qui s'est passé au domicile du frère cadet de l'ancien président, naturellement tous ceux qui étaient conscients dans ce pays savaient que ce bâtiment tôt où tard allait faire les frais d'une vindicte populaire. Nous pensons que c'est à la commission qu'il appartient de dire ce qu'on fait de ces personnes. Ceux qui sont morts tués par balles ou en transportant des vivres ou d'autres choses sont des victimes. Il faut éviter de faire une réconciliation forcée. Nous sommes en Afrique et la préoccupation des gens ce n'est pas de dire untel a perdu un proche donc il faut lui donner tant de francs, comme si on achetait la vie de quelqu'un mais ce que les gens demandent c'est la reconnaissance morale. Des pas ont été déjà faits par le gouvernement en ce sens. Laissons donc la commission faire son travail et on nous dira quelle est l'ampleur des dégâts et qui doit payer. Il y a cette question fondamentale parce que vous n'allez pas demander que quelqu'un qui a été tué par balles soit indemnisé par vous alors que celui qui a tiré n'est pas inquiété. C'est différent d'un cas comme l'Assemblée nationale qui a été incendiée et que nous sommes tous appelé à contribuer pour la reconstruction.

Au cours d'une conférence de presse au temps fort des manifestations, Zéphirin Diabré, président de votre parti a déclaré : « le lièvre que nous pourchassons tous, c'est l'article 37 ; quand nous l'aurons attrapé, nous discuterons du partage ». Quelles sont les relations actuelles entre les partis politiques après la déchéance du régime Compaoré et la dissolution du CFOP-B . Est-ce qu'on se regarde maintenant en chiens de faïence ?

Je vais vous répondre comme une ancien président en disant que nous ne sommes pas des chiens et on ne regarde pas quelqu'un. Ici, au niveau de l'UPC, nous n'avons aucun problème avec les autres partis. Nous sommes un parti social libéral. Chez nous ce qui est fondamental, c'est de permettre à toute la société de pouvoir de manière libre s'exprimer, vaquer à ses occupations et entreprendre un certain nombre de choses. Quand vous êtes dans une telle logique, vous ne pouvez pas dire que nous sommes contre ceci ou cela. Nous n'avons aucun problème avec tel ou tel parti, ni avec ceux qui étaient de l'opposition ni avec ceux qui étaient au pouvoir. Vous avez constaté qu'avant l'insurrection nous avons reçu au siège de notre parti, le CDP et le MPP et nous nous apprêtions à recevoir d'autres partis. Si au temps fort de la crise nous n'avons pas eu de bagarre, ce n'est pas maintenant que nous en aurons. Ce n'est pas notre préoccupation. Notre préoccupation, c'est de pouvoir s'implanter partout et aider le gouvernement pour que les élections se déroulent de manière libre et transparente en 2015, élections que nous comptons remporter. Si vous aspirez un jour à gérer l'appareil de l'Etat ça ne sert à rien de vous créer des ennemis parce que vous ne pourrez jamais bien travailler tant qu'une partie de la société n'est pas avec vous. Comme on le dit chez nous, quand le mur se fissure, les lézards rentrent. Nous voulons œuvrer à ce qu'il n' y ait pas de fissures au Burkina.

En même temps que vous soutenez n'avoir pas de problème avec les autres partis, est-ce que cela ne vous agace pas d'entendre que le MPP est la première force politique actuelle et qu'aux élections de 2015, le président sera issu du parti du soleil levant ?

Je vais vous raconter une petite histoire pour vous expliquer pourquoi cela ne nous agace pas. Quand il s'est agi de désigner les représentants des partis de l'opposition pour siéger au CNT, vous êtes d'accord que l'UPC avait 19 députés au niveau de l'Assemblée. A la dernière rencontre, des partis qui n'ont participé qu'à une seule activité du CFOP-B sont venus dire que nous sommes tous des partis politiques légalement reconnus et les partis jouissaient des mêmes droits. Ce jour, j'ai dit que certes nous avons les mêmes droits comme le prescrivent les textes, mais en toute humilité, l'honnêteté intellectuelle de chacun voudrait qu'on sache que , comme le disait un de nos collègues, nous sommes et il y a 5 doigts, chacun s'appelle doigt mais nous n'avons pas la même taille. Donc c'est pour dire que selon nous , c'est même normal que le MPP , l'UNIRPS, Le Faso Autrement, le PDS/ Metba, que chacun des partis dise que c'est lui qui a la majorité. Cela peut paraitre démagogique mais si cela peut permettre à un parti d'avoir une petite popularité cela ne nous dérange pas. Nous disons seulement que pour nous, le premier parti politique sera connu au soir du 11 octobre si les élections ont lieu à cette date. On saura quel est le parti le plus représentatif du Burkina. Tout le reste, nous le mettons au compte du débat politique et même politicien. Nous, nous sommes des hommes politiques, pas des politiciens. En tant qu'homme politique, nous n'aimons pas minimiser l'œuvre de l'autre. Avant, ce sont les élections qui ont permis de classer les partis. Maintenant que nous sommes sur la même ligne de départ, nous disons que les partis politiques ont les mêmes chances même s'ils n'ont pas les mêmes moyens. Comme je l'ai toujours dit, au niveau de notre parti, nous avons une vision. Nous disposons d'un certain nombre de valeurs, à savoir l'humilité, la patience. A notre humble avis, ces deux valeurs sont fondamentales parce que dans la vie, il faut savoir rester humble et demeurer patient. Au niveau de l'UPC, pas un jour ne passe sans que nous n'ayons d'activités même si nous ne partons pas remplir les stades recto-verso pour prouver notre force; cependant, nous ne sommes pas en campagne car nous respectons les textes et les lois. Parfois, nous faisons nos sorties avec une couverture médiatique modeste. Même la semaine passée, nous avons effectué une tournée dans la région de l'Est et la semaine à venir nous serons dans les Cascades et le Plateau central. Il y a de cela deux semaines, j'étais personnellement dans le Sourou où nous avons installé les sous-sections. Pour nous, c'est cela le plus important. Quant aux actions de propagande, nous les ferons lorsque la campagne électorale sera officiellement lancée.

Le 28 octobre 2014, au moment où vous meniez la lutte contre la modification de l'article 37, vous avez eu à dire sur France24, que la lutte du peuple burkinabé servira de leçon aux autres peuples. Présentement, en RD Congo, le président, Joseph Kabila, après avoir déclaré à la communauté internationale qu'il n'a point de leçon à recevoir, a finalement revu les choses ; est-ce qu'à votre avis, il pourrait se retrouver dos au mur comme l'a été le président Compaoré, vu qu'il n'a pas encore tiré sa dernière cartouche ?

Une chose est sûre, tant que les dirigeants ne prendront pas en compte les aspirations de leur peuple, je vous assure qu'ils iront tout droit au mur. Ce qui s'est passé au Burkina Faso sert de leçon, ce n'est pas seulement nous qui l'avons dit mais toute la communauté internationale et les chefs d'Etat qui sont venus ici ont proclamé que nous avons fait une belle démonstration de démocratie. Donc, modestement, j'affirme que nous avons contribué à un éveil de conscience au niveau africain et mondial. Certes, je reconnais que les pays ont des spécificités, d'une frontière à une autre, mais ce n'est pas cela le plus important. Ce qui importe, est que tant que les dirigeants ne prendront pas en compte les aspirations de leur peuple, ils seront toujours chassés, un jour. A ce que je sache, le Burkina n'a pas été le premier pays à avoir chassé son président. Seulement, les mouvements n'ont pas été organisés de la même manière mais le résultat a toujours été le même. A cet effet, j'affirme que l'exemple du Burkina doit servir de leçon à tous ceux qui doivent gérer le pouvoir d'Etat. Mais nous ne souhaitons pas que ce qui est arrivé au Burkina arrive un autre pays, parce que le sacrifice humain a été trop lourd. Pourvu que cela serve de boussole aux dirigeants pour qu'ils respectent leur loi fondamentale. Comme l'a prêché un prédicateur, « le jour où on vous responsabilise, retenez également le jour de la fin de votre mission ». Il faut que chaque dirigeant ait cela en tête pour éviter les surprises. Je pense que Kabila a compris cela, puisqu'il a opéré une volte-face. Je ne suis pas dans les dispositions de savoir ce qu'il va projeter mais, je suppose que le simple fait de revenir en arrière prouve qu'il a entendu l'appel de son peuple.

Interview réalisée par Saphnapanéa Roger Pauldroit, retranscrite par Judith Sanou et L.S (stagiaires)
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