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Forces armées nationales : sur les traces des « femmes-militaires »
Publié le jeudi 29 janvier 2015  |  Le Pays




Depuis 2004, le Ministère de la Défense Nationale et des Anciens combattants (MDNAC) conduit un projet d’accroissement des effectifs militaires féminins dans les Forces Armées Nationales (FAN). L’objectif global est de porter l’effectif des femmes militaires à 5% du nombre total de militaires à l’horizon 2015. A quelques mois de l’échéance, nous avons fait le tour de quelques garnisons pour découvrir comment celles-ci tiennent leur place de personnel militaire féminin (PMF).

« Une femme dans l’armée ? », s’offusquerait encore plus d’un de nos jours au Burkina Faso. Et pourtant, en juillet 2007, le Groupement d’Instruction des Forces Armées (GIFA) sis au Camp Ouezzin Coulibaly à Bobo-Dioulasso avait reçu comme premières femmes issues du projet, soixante-neuf jeunes filles en vue leur formation. A la suite du GIFA, successivement l’Ecole Nationale des Sous-Officiers de Kamboincin, l’Ecole Nationale de la Gendarmerie, le Prytanée Militaire du Kadiogo (PMK), et l’Académie Militaire Georges Namoano, ont aussi reçu chacun leurs premières jeunes filles.

Sept années après leur recrutement, on peut se demander ce que deviennent ces femmes militaires actuellement intégrées dans les rangs des FAN. Pour avoir une réponse à cette interrogation, nous avons fait un tour au Génie Militaire sis au Camp Général Aboubacar Sangoulé Lamizana (CGASL) le 08 septembre 2014. Là-bas, nous avons rencontré le Sergent-chef Binta Sorgho. Recrutée en 2007 et affectée dans ce corps, elle est employée à la section Mécanique Auto où elle nous assure que tout se passe bien. Bien qu’étant la seule femme dans ce service, elle affirme n’avoir jamais fait l’objet de scènes de machisme. Bien au contraire, son intégration s’est déroulée sans difficulté.

Idem pour sa consœur, le Sergent Martine Da qui travaille au Service Etudes et Planification et pour qui la collaboration est parfaite avec les autres collègues. Par ailleurs, on apprend que même au niveau des activités physiques, elles sont soumises aux mêmes rigueurs, mais avec des barèmes tout de même différents. Du côté de la famille, le Sergent-chef Binta, légalement mariée, soutient n’avoir jamais eu de scènes de ménage avec son conjoint. Il n’est pas question pour elle de donner des ordres à la maison, contrairement à ce que peuvent penser certaines personnes.

Quelles conditions faut-il remplir par un personnel militaire féminin pour se retrouver au Génie Militaire, à l’Intendance Militaire ou encore au Service de Santé des Armées ? Nous n’en savons pas trop. Mais ce qui est sûr, d’aucuns n’ont point hésité à tirer la conclusion selon laquelle « les femmes sont dédiées à des tâches peu ardues au sein de l’armée ». Et pourtant !

Bien avant notre excursion au Génie Militaire, nous nous sommes rendus à Loumbila où nous avons fait le tour des quatre compagnies qui forment le bataillon Gondaal actuellement en formation pour un déploiement au Mali, dans le cadre de la Mission Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA). Sur place, nous avons rencontré des femmes manipulant les armes et exerçant leur commandement comme les hommes. En effet, en cette matinée pluvieuse du mardi 2 septembre 2014, c’est avec un grand étonnement et une grande admiration que nous avons suivi le Sergent Minata Kaboré, commandant une patrouille à pied en ces termes : « Direction : le Nord-ouest. Point à atteindre : le village situé à trois cent mètres environ, est-ce vu ? Itinéraire : tout droit en utilisant les côtés de la route. Progression : en colonne double … » a-t-on pu retenir des ordres qu’elle donnait aux éléments de son unité.

Et maintenant que l’on s’approche de la troisième compagnie regroupée sous un hangar, c’est la voix d’une autre femme qui se fait entendre. Le Sergent-chef Françoise Liliou est en train de dispenser un cours sur le secourisme au combat, devant un auditoire de plus de cent soldats captivés par l’art oratoire de la jeune dame. Inutile donc de dire que dans l’armée, tout comme partout ailleurs, les femmes tiennent aussi bien leur place que les hommes. Ce n’est pas le Colonel Sié Kambou, Commandant du Bataillon Gondaal, qui, dira le contraire, puisqu’il affirme confier les missions en fonction des aptitudes de chacun et de chacune et sans tenir compte du sexe.

Autre milieu, autres compétences : l’Ecole Nationale de Sapeurs-Pompiers de Bobo-Dioulasso. Là, nous rencontrons le Sous-Lieutenant Chamiratou Madina Ouédraogo en stage de perfectionnement en natation. Après deux ans passés à l’Académie Militaire Georges Namoano (AMGN) de Pô où elle a décroché son diplôme de chef de section infanterie, elle a été affectée au sein de la Brigade Nationale de Sapeurs-Pompiers (BNSP) depuis 2012. Officier de l’armée, elle occupe le poste de Commandant Adjoint de la Première compagnie de la zone du centre. A ce poste et en l’absence de son supérieur hiérarchique, elle est chargée de coordonner les actions de sauvetage.

L’Académie Militaire Georges Namoano (AMGN) : la prestigieuse école d’officiers des FAN d’où est issue le Sous-Lieutenant Chamiratou M. Ouédraogo. Nous y avons fait un tour le samedi 30 août 2014. Ce jour-là , nous avons rencontré la 14e promotion qui est actuellement en fin de formation. Forte de quarante-trois (43) élèves officiers, cette promotion compte trois filles : Diane Ouédraogo, Linda Gwladys Kandolo et Némata Derra. Pour nous donner la preuve qu’il n’y a point de discrimination entre hommes et femmes, les responsables de l’Académie ont simulé ce qu’il convient d’appeler une journée ordinaire de l’élève- officier à l’AMGN.

Tout a commencé par une parade militaire. Et, honneur aux dames, c’est Diane Ouédraogo qui a conduit la séance. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’élève- officier Ouédraogo s’en est tirée avec brio. Après cette parade, les jeunes élèves-officiers se sont mis rapidement en tenue de combat, et c’est parti pour une embuscade où il faut mettre hors d’état de nuire l’ennemi. Cette fois-ci, c’est Némata Derra, qui donne les ordres. Et là aussi, c’est une jeune dame apte à commander une section d’infanterie que nous avons vue à l’œuvre. Quant à Linda G. Kandolo, nous avons apprécié ses aptitudes physiques au niveau du parcours d’obstacles. Cet exercice consiste en effet à franchir un certain nombre d’obstacles dans un temps très court.
Il faut dire que, civils, nous n’étions pas les seuls à être émerveillés, puisque les encadreurs ont dit aussi être souvent très surpris par les des résultats qu’obtiennent les filles.

« Sur le plan intellectuel, ces filles sont très bien car elles sont très studieuses. Sur le plan physique, c’est vrai qu’au début, certaines peuvent avoir quelques difficulté, mais très rapidement elles s’adaptent et se mettent au même niveau que leurs camarades garçons », a indiqué le Capitaine Mahamadi Bonkoungou, chef du bureau- formation. Constat confirmé par le Colonel Yves Thiombiano, Commandant de l’AMGN pour qui une fille qui a satisfait au test de recrutement ne peut avoir de problèmes lors de la formation. En tout cas, les trois élèves-officiers que nous avons rencontrées sont très fière de porter le treillis et elles invitent leurs camarades qui remplissent les conditions requises à ne pas hésiter à les rejoindre.

Mieux, le Colonel Yves Thiombiano pense que le fait d’avoir beaucoup de femmes dans l’armée peut aider à démystifier la vision que beaucoup ont du corps militaire et à changer l’état d’esprit des hommes. Toute chose qui peut contribuer à lutter, entre autres, contre les viols lors des conflits armés, a expliqué l’Officier- supérieur avant d’ajouter qu’à l’AMGN, il y a des places à prendre pour les filles. Donc, à bon entendeur…

JL-INTERACTIV
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