Les Centrafricains ont le regard tourné vers la capitale du Gabon, Libreville, depuis hier 7 janvier. Autorités, opposants et rebelles s’y sont donné rendez-vous pour des pourparlers de paix. Grâce à une implication active de la sous-région, le président centrafricain, François Bozizé, et la coalition rebelle Séléka vont se rencontrer au pays de Ali Bongo Ondimba pour des négociations placées sous l’égide du président Sassou N’Guesso. Durant ces pourparlers qui sont prévus en principe pour le 10 janvier, la diplomatie s’emploiera à faire taire à jamais les canons. Une véritable gageure au regard essentiellement de deux faits. Le premier est l’attitude de la rébellion sur le terrain. En effet, elle a conquis deux localités et s’est, de ce fait, rapprochée davantage de la capitale Bangui. A l’approche des pourparlers, c’est une façon pour eux de mettre la pression sur le pouvoir et de négocier ainsi en position de force. Certes, la coalition a contourné la ville de Damara qui a été décrétée ligne rouge par la force armée régionale, mais elle a tout de même violé la trêve des confiseurs, généralement observée en pareille situation. Dès lors qu’il est question de négociations, les parties en conflit doivent geler leurs positions sur le terrain pour donner la chance aux pourparlers. Apparemment, la Séléka n’en a cure et c’est à se demander si elle croit aux négociations de Libreville. Le deuxième fait qui pourrait compliquer la tâche du médiateur est la demande de départ immédiat du pouvoir de François Bozizé formulée par la coalition rebelle même si cela ne fait pas l’unanimité en son sein. Cette demande ne manquera pas de venir sur la table à Libreville et il faudra beaucoup de perspicacité au médiateur pour concilier les positions des parties en conflit. Denis Sassou N’Guesso parviendra-t-il à persuader les rebelles de ne pas demander le départ immédiat du président en exercice pour, d’une part, ne pas faire achopper les débats et, d’autre part, éviter de créer un grave précédent pour tous les chefs d’Etat africains en proie à des rébellions dans leur pays ? Bozizé, le principal concerné par cette demande, obtempérera-t-il si malgré tout les rebelles réclament sa démission ? Qu’adviendra-t-il si François Bozizé demande à rester jusqu’à la fin de son mandat en 2016 ? A voir de près, on peut dire sans risque de se tromper que tout repose sur le président centrafricain. Le succès ou l’échec, la fin des hostilités sur le terrain ou leur reprise dépend de son attitude lors des pourparlers. François Bozizé joue son va-tout à cette rencontre. En effet, il a intérêt à tout faire pour trouver une solution pacifique à la crise. On n’a pas besoin d’être devin pour savoir qu’une solution militaire ne lui sera pas, en principe, favorable à moins d’un sérieux coup de main de la force armée régionale et du contingent sud-africain dépêché à Bangui pour, manifestement, protéger son pouvoir. Les regards sont beaucoup plus tournés sur lui et, en cas d’échec, il risque de porter l’entière responsabilité. Les rebelles qui le comprennent, ne manqueront pas de placer la barre haut. Seulement, il reste à savoir jusqu’où il est prêt à aller. Certes, il voudra sauver son pouvoir mais il n’est pas sûr que, pour une question de dignité, il soit disposé à faire n’importe quelle concession. En d’autres termes, Bozizé ne voudrait pas aller à Libreville comme s’il allait à Canossa.