L’un des faits qui a marqué la fin du mois d’août 2012, c’est bien le sommet du Mouvement des pays non-alignés (MNA), tenu à Téhéran, en Iran. Les 30 et 31 août donc, les 120 pays qui militent dans le MNA ont exposé, au grand jour et à la face du monde, la nécessité et l’urgence qu’il y a de revoir la façon dont le monde est dirigé. Ils ont plaidé pour une gouvernance mondiale plus équilibrée, en réclamant une réforme des grandes institutions et organisations qui décident du destin du monde.
Tout simplement, ces pays du mouvement dont les pères fondateurs ont refusé de militer activement, « dans un bloc ou dans l’autre », à l’époque de la guerre froide, crient à l’injustice ! Ils pensent que c’est une poignée de pays qui dirige ce monde globalisé, pourtant diversifié ! Ont-ils raison ? Y a-t-il vraiment de l’injustice dans la gouvernance mondiale, de nos jours ? Analysons quelques faits pour le savoir.
La revendication-phare porte sur la réforme de l’Organisation des Nations unies (ONU), créée en 1945, pour veiller essentiellement à l’instauration et au maintien de la paix dans le monde, après la deuxième guerre mondiale. Les pays non-alignés estiment qu’il y a lieu de procéder à une refondation de l’organisation pour se conformer à l’évolution du monde et équilibrer les forces. Est-ce une revendication saugrenue ?
A l’évidence, disons que non, car il est de bon ton de rééquilibrer les forces en présence, de faire participer tout le monde, même les plus faibles, à la prise de décision. Cela, en faisant rentrer des pays d’autres continents, notamment africains, au sein du Conseil de sécurité. D’où le cri du cœur du ministre iranien des Affaires étrangères, Manoucheh Mottaki, pour la « création d’un conseil de sécurité plus démocratique, qui devrait être considéré comme une partie importante de la réforme de l’ONU ».
En tous les cas, il y a matière à discussion. Et pour cause, une organisation qui compte 193 pays peut-elle fonctionner démocratiquement, si c’est seulement cinq Etats (Etats-Unis, Grande Bretagne, France, Russie et Chine) qui prennent les décisions ou les bloquent à souhait ? Car, dit-on, ils sont détenteurs du droit de veto ! La pilule est d’autant plus difficile à avaler, quand on sait que parmi les cinq puissants qui décident, certains sont les chantres de l’exportation de la démocratie, de la défense des droits humains, de la gouvernance participative… Ne serait-ce qu’en voyant les choses sous cet angle, il y a de quoi crier à l’injustice et soutenir le combat du MNA.
Cependant, il y a lieu aussi pour ces pays, s’ils veulent vraiment être soutenus dans leur combat, de resserrer leur rang. Comme l’a si bien dit le président du Faso, Blaise Compaoré, à ses pairs, à Téhéran, « Le devoir historique nous commande de poursuivre leur œuvre (NDLR : l’œuvre des pères fondateurs du MNA), en consolidant l’unité et la cohésion au sein de notre mouvement, en vue de faire triompher ses idéaux. C’est pourquoi, si notre mouvement veut continuer à jouer un rôle au sein de la communauté internationale, ses Etats membres doivent, eux-mêmes, promouvoir à leur niveau, la bonne gouvernance, l’Etat de droit, les droits de l’Homme, qui constituent les fondements d’une paix durable dans le monde ».
Ajouter à cela, si les Etats des pays non-alignés veulent entrer au Conseil de sécurité et être respectés, ils doivent revoir leurs contributions financières et autres au sein de l’organisation. C’est vrai qu’ils contribuent énormément, pour les actions de soutien à la paix, en fournissant les hommes. Mais il faut savoir que l’ensemble des réalisations de l’organisation sont rendues possibles, grâce à la contribution financière des pays membres. Alors que les chiffres montrent que 22% du budget onusien provient des Etats-Unis, 19,5% du Japon, 8,7% de l’Allemagne, 6,12% de la Grande Bretagne et 6,07% de la France. Il ressort que les cinq pays ci-dessus, qui n’ont pas tous le droit de véto, financent le budget de l’ONU, à environ 62% ! Cela, juste pour dire que pour la réforme de l’ONU, il y a des efforts à fournir, de part et d’autre. Tout compte fait, le combat des pays membres du Mouvement des non-alignés a du sens.
Un autre fait leur donne raison. Le MNA regroupe 120 Etats sur les 193 que comptent les Nations-unies, et une vingtaine d’observateurs. Si on considère que la démocratie, c’est aussi et surtout le nombre, la voix des 120 pays sur les 193 devrait être entendue. Ce qui donnera tort aux pays membres du MNA qui ont des arguments pour démontrer que jusqu’à preuve du contraire, le monde actuel est unidirectionnel. Les plus forts et leurs alliés dictent leurs lois et la voie à suivre aux plus faibles. Ceux-ci ne peuvent rien faire que de subir, en attendant cette injustice internationale ?