De retour de son périple du Darfour, les 24 et 25 décembre 2012, le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, dresse le bilan de sa mission et les enseignements à tirer. Il se prononce également, sur la démission imminente du gouvernement.
Sidwaya (S.) : Que peut-on retenir de vos rencontres avec les autorités politiques soudanaises ?
Luc Adolphe Tiao (LAT) : Ce qu’il faut d’abord retenir, c’est le respect, la considération et l’amitié que les autorités politiques du Soudan ont pour le Burkina Faso, singulièrement pour le chef de l’Etat. Elles ont salué la qualité des rapports qui existent entre notre pays et le leur. Elles ont souhaité voir les relations de coopération se renforcer entre les deux pays. Nous pouvons étendre davantage le champ de la coopération, échanger des expériences dans des domaines tels que l’agriculture, l’industrie. Les deux pays ont des potentialités qui peuvent se compléter. La partie soudanaise a également reconnu que le Burkina Faso lui a toujours apporté son soutien, au plan international. Elle a particulièrement, mis en avant le rôle joué par notre contingent au Darfour, qu’elle estime être parmi les contingents les plus intégrés et les plus efficaces sur le terrain. Nous avons exprimé également au peuple soudanais, à travers leurs dirigeants, tout notre soutien pour cette période difficile qu’ils traversent. Nous les avons encouragé à maintenir le dialogue avec l’ensemble des mouvements, afin qu’une solution durable soit trouvée aux conflits sur leur territoire.
S. : Vous avez salué la promotion de Burkinabè à des postes importants de la MINUAD ?
LAT : Cette mission a effectivement en son sein des Burkinabè qui occupent des postes importants. On peut citer le cas du général Sidiki Daniel Traoré qui commande le secteur Ouest, l’un des plus importants au Darfour et au sein duquel est basé le Bataillon Laafi et les éléments de la gendarmerie (FPU). Il y a également Mme Maïmouna Kabré qui est responsable des unités de police au secteur Ouest. En outre, plusieurs officiers servent au sein même du staff de la MINUAD à el Fasher. Nous avons effectivement des personnes compétentes qui apportent leurs contributions au fonctionnement de la MINUAD. Lorsque nous avons rencontré les hauts responsables de la mission, ils ont d’abord remercié le Burkina Faso pour sa présence au Darfour. Les Burkinabè font un très bon travail.
Nos soldats sont très engagés et ont d’excellents rapports avec les populations. Dans une situation comme celle-là, quand vous avez des troupes, si elles ne savent pas s’intégrer et répondre aux attentes des populations, elles sont vite rejetées. Or, à la MINUAD, nous avons mis l’accent sur cet aspect. La mission a demandé au chef de l’Etat de continuer à appuyer la médiation dans le conflit soudanais. Cette même demande a été formulée par les autorités soudanaises qui souhaitent voir le chef de l’Etat prendre une part active dans la résolution du conflit. Comme vous savez, le premier accord qui a été signé à Doha sous l’égide de Djibrill Bassolé a été fortement encouragé par le chef de l’Etat. Les Soudanais sont très reconnaissants au Burkina Faso, de même que la MINUAD pour la signature de cette accord qui ouvre des perspectives pour la résolution du conflit au Darfour.
S. : C’est la première fois qu’un Premier ministre vient rendre visite aux troupes de son pays déployées au Darfour. Cette mission périlleuse était –elle nécessaire ?
LAT : Depuis 2009, nous envoyons régulièrement des hommes au Darfour. Un bataillon fait à peu près 800 hommes. Et nous avons 4 bataillons qui ont été successivement déployés, sans compter le détachement de gendarmes et d’autres personnels de la MINUAD. Il était de notre devoir, en tant que gouvernement, de venir voir sur le terrain, si la présence de ces troupes est vraiment utile. Dans un second temps, il s’agissait d’écouter les préoccupations de ces militaires et enfin, de leur prodiguer nos encouragements. Aujourd’hui, toutes les personnes qui étaient avec moi dans la délégation en sont convaincues. La présence du Burkina Faso est très appréciée et nos contingents apportent leur contribution à la pacification du Darfour. Nos soldats, en général, font des patrouilles avec tous les risques, ils participent également à la protection des différentes infrastructures, apportent leurs connaissances à la construction d’écoles, la réhabilition de mosquées, à travers le génie. C’est une présence indispensable et nous pensons avoir bien fait en envoyant nos troupes. Bien sûr, ce n’est pas facile, ni pour ces jeunes soldats qui passaient 12 mois, maintenant 9 mois coupés de leurs familles. Ils ont besoin de sentir de temps à temps que la nation est aussi avec eux. C’est tout cela qui a motivé la décision que j’ai prise sous les conseils du chef de l’Etat, d’aller visiter ces troupes. Cette visite a été très bien perçue. Nous avons passé la nuit de Noël avec eux, ce qui n’arrive pas très souvent. Nous avons eu le plaisir d’emmener des artistes de très grande renommée, ce qui a, sans doute, égayé leur soirée.
S. : Quelles conclusions tirez-vous de cette mission ?
LAT : Nous avons la chance au Burkina Faso. Nous devons retenir que la paix est la base de tout. Au Darfour, il y a des endroits où même, pour que les femmes aillent chercher de l’eau ou du bois, il faut qu’elles soient escortées par des soldats. Qui aimerait vivre de telles situations dans notre pays. Ce n’est pas souhaitable et comme on dit, ça n’arrive pas qu’aux autres. C’est la volonté commune de vivre ensemble, de faire de telle sorte que notre pays soit toujours un pays de paix, un pays stable qui nous fait avancer. La guerre est difficile, effroyable. J’espère que ceux qui reviennent du Darfour deviennent des messagers de paix.
S. : Vous avez été élu député et vous allez bientôt rendre la démission de votre gouvernement, conformément à la Constitution. Avez-vous peur de ne pas être reconduit ?
LAT : Je remercie tous mes électeurs du Sanguié qui m’ont témoigné leur confiance, en permettant à notre parti de remporter cette victoire. Nous l’acceptons avec beaucoup d’humilité, mais aussi la fierté d’avoir un mandat législatif. Je félicite également l’ensemble des acteurs politiques, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité qui ont pris part à cette compétition. Au-delà de nos divergences politiques, les élus ont l’obligation de travailler pour notre pays, le Burkina Faso. C’est vrai, au terme de la Constitution, le gouvernement doit présenter sa démission, le Premier ministre en tête. Dans la mesure où je suis élu, il reviendra au chef de l’Etat, de prendre la décision qu’il estime être la meilleure pour le Burkina Faso. Quoi qu’il en soit, je suis un citoyen et je reste à la disposition de la Nation. Je répondrai toujours prêt là où on m’appellera.
S. Vos vœux pour 2013 ?
LAT : Venant du Darfour, je formule des vœux de paix. Nous avons connu en 2011 une situation difficile. Je souhaite la paix pour mon pays, la cohésion, l’unité nationale et le progrès. Un progrès partagé pour tout le monde et le recul de la pauvreté.