Afrique
Union Africaine : le défi sanitaire et sécuritaire
Publié le lundi 12 janvier 2015 | Diaspora News
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Fin janvier 2015, nos chefs d’Etat se retrouveront pour leur Assemblée Générale ordinaire. Face à la menace sanitaire et sécuritaire - au Sahel, de Boko Haram et des Shebabs - l’heure est à la mobilisation générale. Comment lutter contre tous ces fléaux lorsque l’UA manque cruellement de moyens ?
Selon un agenda quasi-immuable, les chefs d’Etats membres de l’Union Africaine se donnent rendez-vous deux fois par an : toujours au siège à Addis-Abeba à la fin du mois de janvier de chaque année ; et une capitale désignée - au moins un an à l’avance - pour la deuxième session. Et cette fois-ci, ce sera Ndjamena à la fin du premier semestre 2015.
Généralement, l’ordre du jour est établi suivant un thème. Ce choix a été fixé lors du dernier Sommet de juin 2014 à Malabo : « 2015, Année de l’autonomisation des femmes et Développement de l’Afrique pour la concrétisation de l’Agenda 2063 ». Oui, vous avez bien lu 2063 ! Ledit Agenda prend sa source dans la déclaration solennelle et collective de nos dirigeants lors de la commémoration du cinquantenaire de l’OUA/UA, en 2013. Nul ne refuse d’adhérer à ce panafricanisme et encore moins à cette renaissance africaine de bon aloi. Mais l’horizon affiché semble dépasser, et de très loin, les limites que préconisent la science prospectiviste. Dans les meilleurs des cas, quelques tendances lourdes peuvent être dégagées sur 10 ou 15 ans. En effet, à partir des variables déterminants (exemples : démographie, ressources naturelles, progrès technique), des stratégies seront bâties sur 5 à 7 ans. Mais avoir une vision au-delà d’une décennie ne relève plus d’une discipline scientifique. D’ailleurs, les Indicateurs de Développement Humain (IDH) des Nations-Unies ne résumaient-ils pas, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). A l’orée du XXIème siècle, nous avons fait le pari de réduire de moitié la pauvreté sur la planète pour 2015 ; avec le résultat que l’on sait !
Sans être devin, le thème de « femmes et développement » sera escamoté comme le fut le slogan « femmes et jeunesse comme facteurs de développement et de paix », lors du dernier Sommet de la Francophonie de Dakar en novembre 2014. Les préoccupations plus immédiates et les situations d’urgence sont le lot de chaque rencontre des chefs d’Etat. Et les sujets ne manqueront pas : la mobilisation contre le virus Ebola, la sécurité en Afrique et son corollaire le nerf de la guerre. Et sujet ô combien important pour certains dignitaires du continent : la position commune face à la Cour Pénale Internationale (CPI).
Les chefs d’Etat aborderont-ils également l’épineux problème du Sud-Soudan ? Quelques 10.000 morts et plus d’un million de déplacés depuis maintenant un an ; tel est le bilan funeste de ce qui n’était, au départ, qu’une rivalité politique entre le président Salva Kiir et son ancien chef de gouvernement Riek Machar. Malheureusement, le dernier cessez-le-feu convenu par les deux camps adverses, en novembre dernier, n’a pas été respecté. Cette plaie béante s’est transformée en guerre civile larvée entre deux ethnies (Dinka et Nuer) à laquelle s’est maintenant greffée des milices gigognes prédatrices et incontrôlables. Et la préparation des élections présidentielles prévues pour cette année en République Centrafricaine ?
Mobilisation générale contre Ebola
Face à la propagation de l’épidémie en Sierra-Leone, au Libéria et en Guinée, le Conseil Exécutif de l’UA a lancé une initiative, en octobre dernier, pour envoyer dans ces pays affectés 1.500 personnels de santé des Etats membres. Pour l’instant, le compte n’y est pas, et ce malgré les promesses. Les pays de l’Afrique de l’Est forment la majorité des contingents « promis » avec ses 600 volontaires. La RDC, un pays qui a une expertise compte tenu des épisodes passés, s’engage à fournir un millier de personnes pour étoffer l’effectif. Notons, la mobilisation du secteur privé africain ; il a pu collecter 32 millions $ ? Mais cet élan de solidarité se bute sur la réticence de certains pays membres. Ces derniers redoutent le retour au bercail de volontaires qui seraient susceptibles de contracter le virus durant leur mission humanitaire ; une appréhension légitime au regard de la carence de leur système de santé.
Modes d’intervention contre le terrorisme
Quant à la lutte contre le terrorisme au nom du l’islam, l’Afrique réagit en fonction des urgences de la situation. Ce sont les groupes islamistes qui imposent leur agenda et leur communication ; sans que l’Union Africaine ne puisse assurer la coordination des moyens de lutte. La France et les Etats-Unis mènent leur politique et déploient leurs forces, au nom de leur propre sécurité, en fonction de leur zone d’influence. Ils interviennent ensuite – le plus souvent sous mandat onusien - avec des forces armées de la sous-région : l’opération Barkhane dans la bande sahélo-saharienne pour la France ; contre les Shebabs somaliens pour les américains avec le Kenya, l’Ouganda, l’Ethiopie.
La diplomatie française occupe la scène depuis l’opération Serval au Mali en janvier 2013. Paris a lancé l’initiative d’organiser le Forum pour la Paix et la Sécurité en Afrique (décembre 2013) ; elle a encore accueillit le Sommet sur la sécurité au Nigéria (mai 2014) à la suite de l’enlèvement des 250 lycéennes de Chibok par Boko Haram. Et enfin le dernier Forum sur la Paix et la Sécurité en Afrique de Dakar (décembre 2014) a été décidé à Paris – en décembre 2013 -, à l’issue de la conférence des chefs d’Etat au palais de l’Elysée. L’UA y participe mais sa voix n’est pas déterminante au moment des prises de décisions.
Certes, à Dakar, les présidents Macky Sall et Idriss Déby ont dit publiquement les propos mezza-voce qu’ils tenaient face à leurs interlocuteurs occidentaux. Il s’agit de menaces imminentes que font, encore une fois, peser la Libye dans la sous-région ; la récente tournée européenne du maréchal égyptien Al-Sissi dans les capitales européennes confirmerait la gravité de la situation. Même si le chef d’Etat tchadien exige que les occidentaux fassent le « service après-vente » après l’assassinat du colonel Kadhafi, n’en demeure pas moins que la sécurité de l’Afrique est de la responsabilité des pays du continent. La Capacité Africaine de Réactions Immédiates aux Crises (CARIC) est le dernier avatar des Forces Africaines en Attente (FAA), en gestation dès le début des années 2000. Cette volonté politique de créer une force panafricaine de réaction rapide remonte donc au moins à 20 ans. En réponse à cette prise de conscience africaine, naquît le Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix (RECAMP) ; une initiative française avec l’onction de l’ONU et de l’Union Européenne. Outre, le montage complexe au niveau juridique et administratif, plusieurs pays membres militent pour une force sous-régionale, à leurs yeux, plus efficace.
La principale difficulté de mise-en-œuvre de cette force panafricaine découle du manque de moyens financiers. Dans chaque opération de maintien de Paix en Afrique, nous ne pouvons que fournir les hommes et un peu de logistique. Et le financement dépend entièrement des institutions internationales – Banque Mondiale et Union Européenne - ainsi que des fonds versés par les pays partenaires tels que la France, les Etats-Unis, le Japon, la chine... « La main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit » a confessé, un jour, Jean Ping l’ancien président de la commission de l’UA. Comment voulez-vous parler de renaissance africaine sur cette base-là ?
318 millions $ ; tel est le budget de l’UA pour l’exercice 2014. Seulement 40% de ce montant est couvert par les cotisations des Etats membres ; plus de 60% relève donc de fonds internationaux dédiés au programme de développement et de bonne gouvernance pour l’Afrique. Maintenant, si on scrute à la loupe la ventilation des 40% débloqués par les 54 pays membres, les deux- tiers sont libérés par quelques pays : l’Algérie, le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Egypte. Avec la disparition du colonel Kadhafi, l’Afrique pleurait son plus grand pourvoyeur de fonds. La Libye pesait à son temps pour 15% des ressources de l’Union Africaine. Oui, les chefs d’Etat des pays qui refusent de verser leur cotisation n’ont pas le droit de prononcer un discours. Mais ne faudra-t-il pas imposer une sanction plus sévère pour les pays qui oublient trop souvent de s’acquitter de leur quote-part ? Pour l’image de leur chef d’Etat, ces pays préfèrent payer en priorité leur cotisation annuelle à l’ONU. Celle-ci ouvre une tribune à New-York même devant une salle vide ; mais toujours bénéfique pour leur image et leurs ego.
Avant d’aller chercher d’autres moyens de financement, pourquoi ne pas supprimer le Parlement Panafricain dont le siège se trouve à Midran (Afrique du Sud) ? Assemblée consultative créée en 2004, elle est composée d’environ 250 députés (5 élus nationaux par pays). Votre serviteur est allé sur le site internet de cette institution : impossible d’avoir des éléments chiffrés. La partie relative à son budget et les indemnités des parlementaires vous renvoie sur un lien de la Communauté Economique Africaine !
Madame Nkozana Dlamini-Zuma, fraîchement élue en 2012 au poste de présidente de l’UA – grâce aux paiements d’arriérés par l’Afrique du Sud de cotisation de quelques pays - a eu un échange avec son homologue européen Manuel Barroso. Ils en sont convenus à propos du financement de l’organisation africaine : « trouver des solutions africaines aux problèmes africains ». Une mission fut ainsi confiée à l’ancien président nigérian Olesegun Obasanjo. Il a rendu depuis longtemps son rapport sur la recherche de modes de financement alternatifs de l’organisation continentale : taxes sur les billets d’avion, vignette touristique. Pourtant, invité en décembre 2014 au Forum sur la sécurité et la paix en Afrique, le rapporteur réitéra que « le financement de la paix et la sécurité de l’Afrique doit être une affaire africaine ». Pour mémoire, (NDLR : Diasporas –News n°46 de novembre 2013), le budget de l’AMISOM, force panafricaine de 22.000 hommes pour la Somalie revient à environ 500 millions $ par an. L’UA et ses bailleurs de fonds ne devaient-ils pas changer de logiciel : mettre toute son énergie dans la prévention des conflits plutôt que de s’évertuer à jouer les pompiers. Installer les principes de bonne gouvernance, engager les efforts en matière de développement socioéconomique couteraient moins chers ; même en vie humaine !
Alex ZAKA
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