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Etablissements scolaires la culture livresque se meurt
Publié le jeudi 8 janvier 2015  |  Sidwaya




La lecture des œuvres littéraires, dans les lycées et collèges, est en train de perdre de sa valeur et le livre, de sombrer dans l’oubli. En effet, les fautes grammaticales et orthographiques que rencontrent les professeurs sur les copies de leurs élèves en sont une conséquence. Pourquoi la lecture se meurt-elle ? Quel avenir pour le livre ?

«Quand les professeurs donnent des exposés portant sur des œuvres littéraires aux élèves, ils viennent se procurer les œuvres sur lesquelles portent leurs exposés. Après cela, il est très rare de voir un enfant venir lire délibérément, à part quelques élèves qui s’intéressent aux bandes dessinées, quelques revues sur la sensibilisation », a confié le bibliothécaire du lycée Philipe Zinda Kaboré, Jean Bosco Kambou. C’est dire à quel point la lecture est négligée et la culture livresque des élèves limitée. C’est à juste titre que Pierre Ouédraogo, élève en classe de 3ème au lycée Philippe Zinda Kaboré affirme : «J’ai lu quelques extraits de Maimouna en classe de 4ème. Je n’aime pas lire, la preuve je ne suis pas abonné à la bibliothèque du lycée». Cette négligence de la lecture, selon le chef de service de l’inspection de français, Salifou Yago, est due à plusieurs facteurs à savoir l’absence de politique nationale d’envergure pour doter les établissements en œuvres littéraires, comme cela se fait pour les manuels scolaires. Et d’ajouter que lire ou ne pas lire, pour les élèves, n’a pas de retombées en ce sens qu’en classe de terminale, ils ne sont pas évalués sur le contenu des livres qu’ils ont au programme. Alors que, poursuit-il, dans les années 80, les œuvres intégrales étaient lues parce qu’en son temps, l’épreuve orale de français du second tour s’appuyait sur des extraits d’œuvres.
Quant à Victor Kabré, professeur certifié de français au lycée municipal de Zorgho, il estime que la responsabilité est à la fois politique et sociale. «Le Burkina Faso est un pays pauvre et dans un tel pays on considère généralement les activités intellectuelles comme secondaires parce que la préoccupation première est la recherche de nourriture», soutient-il. Pour lui, les parents font l’effort d’acheter les manuels spécifiques, ce qui n’est pas le cas pour les œuvres littéraires puisqu’ils les trouvent facultatifs. Et, les professeurs n’ont pas aussi le pouvoir de mettre un enfant dehors parce qu’il n’a pas un roman ou une nouvelle. « Au fait, il n’y a pas un accompagnement politique, il n’y a pas de textes qui interdisent l’accès d’un élève en classe faute de n’avoir pas un roman ou une nouvelle à sa disposition. Donc, le professeur fait ce qu’il peut faire avec le minimum qui est à sa disposition et continue son bonhomme de chemin», déplore-t-il. De l’avis du directeur des études au lycée privé, La Renaissance, situé au quartier Tampouy de Ouagadougou, Moussa Porgo, par ailleurs professeur de français, le goût de la lecture n’est pas inné. C’est vrai qu’il faut donner l’envie de lire, dit-il, et cela commence à la base c'est-à-dire à partir du primaire parce qu’on commence avec des portions de textes pour en arriver aux œuvres intégrales. "Nous tous, nous lisons, renchérit-il, parce que, quelqu’un nous a donné l’envie de lire". Il va s’en dire, selon lui, que si à partir du premier cycle on ne donne pas ce goût de la lecture aux enfants, ils vont grandir sans la culture de la lecture. Ainsi, il souligne que cette responsabilité incombe aux professeurs, car certains ne disent pas à leurs élèves du premier cycle qu’ils ont des œuvres au programme.

Internet, un frein à la lecture ?

Le directeur des études du lycée privé, La Renaissance, affirme aussi que plus on a des livres, moins on les lit. Il ajoute que l’absence de bibliothèque n’est pas une excuse pouvant expliquer la méconnaissance des œuvres littéraires. « Il y a des élèves qui n’ont pas de bibliothèques dans leurs quartiers, mais parce qu’ils veulent lire, ils le font. Certains élèves mettent plus d’argent dans les crédits de recharge que dans les documents. Un roman africain peut s’acheter aujourd’hui à 2000 FCFA ou 2500 FCFA. Ce n’est pas une somme pareille qui manque à un élève de nos jours, même si, c’est peut être abusé de le dire », laisse-t-il entendre.
M. Moussa Porgo, lui, pense que l’internet est une autre raison qui conduit les élèves à ne pas s’approprier les contenus des livres. « Ce problème est relatif à l’évolution de ce monde, parce qu’avec l’informatique on veut tout, tout de suite et c’est cet esprit qui anime souvent les enfants. Quand on leur donne un exposé à faire, ils veulent avoir un résultat dans l’immédiat, déjà qu’ils n’aiment pas lire. Ils vont sur internet pour «ramasser» des informations qui n’ont parfois pas trait à l’œuvre en question», regrette Moussa Porgo. Il poursuit : «N’importe qui ne peut pas utiliser les TIC parce qu’il faut d’abord savoir distinguer le vrai du faux sur le net. Les TIC servent à présenter, entre autres, le contexte d’écriture du livre, le résumé, la biobibliographie de l’auteur alors qu’il y a un esprit critique dont il faut faire preuve». En outre, il explique que la condition de la femme dans l’œuvre Tribaliques de Henri Lopèz n’est pas traitée sur le net. Et Jean Bosco Kambou de confirmer que ce sont des bribes, d’information que ceux-ci se procurent quant à leurs travaux de recherche portant sur des thématiques extraits d’œuvres littéraires.

Inciter les élèves à lire

Pour le bibliothécaire du lycée Philipe Zinda Kaboré, il est nécessaire d’initier des concours littéraires régionaux qui seront sanctionnés par des prix aux meilleurs lecteurs ainsi que des prix aux élèves ayant lu un certain nombre de livres pour les stimuler davantage. Selon Salifou Yago, l’étude de l’œuvre au programme peut ne pas susciter le goût de la lecture chez l’élève. De son point de vue, la première des choses est de montrer l’intérêt de la lecture aux élèves, leur apprendre à organiser la lecture et les accompagner dans ce sens.
Moussa Porgo, pour sa part, indique qu’insuffler les habitudes de lecture aux élèves devrait se faire en réactualisant les œuvres au programme que ce soit au premier ou au second cycle. Et de continuer que la plupart de ces livres ne sont pas d’auteurs burkinabè, donc très tôt, l’on demande à l’enfant d’apprendre des réalités d’ailleurs. Il relève qu’au Burkina Faso, l’on a de très grands écrivains qui gagneraient à être promus. Il a fait savoir que plus on lit des œuvres burkinabè, plus on vit des réalités du pays. «C’est bon de lire Zola, mais facilement on lit Combary, Baba Hama parce que de prime à bord, ils ne peuvent pas traiter des réalités d’ailleurs et il y a des valeurs qu’on peut inculquer aux enfants à travers ces œuvres parce que calquées sur nos réalités», précise-t-il. Le programme n’a pratiquement pas changé depuis 1993, ce sont les mêmes œuvres qui sont étudiées et celui qui enseigne depuis cette époque ne fait que répéter les mêmes chansons, indique-t-il. Et au professeur Kabré d’abonder dans le même sens en précisant que les thèmes exploités par les écrivains au programme sont révolus. «Comment dire à un enfant qui a vécu le 11 septembre 2011 en direct de s’intéresser à la colonisation ? Ce sont des thèmes qui ne sont pas de son temps. Il faut que la politique actuelle de l’Etat soit orientée vers les auteurs émergents qui traitent des problèmes récents au lieu de parler du vieux Meka et la médaille», lâche-t-il. Quant à Bonaventure Bélem, professeur de français au lycée privé, La Renaissance, il propose l’organisation dans les lycées et collèges, de récitals, représentations théâtrales, de concours de lecture. Ce qui, selon lui, pourrait inciter les élèves à s’intéresser davantage à la lecture.
La bibliothécaire au lycée Marien N'Gouabi, Marie Thérèse Dabiré/Bénao déplore l’insuffisance des œuvres littéraires et leur ancienneté. «Vu le manque de romans, nos élèves du premier cycle se réfèrent à l’institut français. Nous voulons être dotés en livres. Par exemple «Le Parachutage» de Norbert Zongo, «l’Epine de la rose» de Mathias Kyelem…sont en nombre insuffisant», plaide-t-elle.


Diane
OUEDRAOGO
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