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Le ministre Diéguimdé Moumouni veut-il mettre fin à la longue trêve des confiseurs(1) burkinabè ?
Publié le mercredi 31 decembre 2014  |  Présidence
Moumouni
© Autre presse par DR
Moumouni Djiguimdé,Ministre des Infrastructures, du Désenclavement et des Transports




La situation nationale née de l’entêtement de l’ ex-président Blaise Compaoré à modifier la constitution de son pays pour rester au pouvoir au- delà de ce que l’ Article 37 de la même constitution lui permet aura révélé à la face du monde une armée de « journalistes » en ligne (de réserve) engagés qui ont surtout choisi la voie de la transparence, signant crânement leur billet de leur nom et souvent même, y apposant leur photo. Ce n’était pas un acte de narcissisme puisque cette transparence en rajoutait à l’insécurité contre leur personne dans une lutte où rien n’était clair, et sachant que le régime ne rigolait pas quand il s’agissait de conserver son pouvoir à tout prix. C’est un acte politiquement chargé de signification: dire à la face de Blaise Compaoré que trop, c’est trop et que cette fois, il pouvait seulement faire deux choses, pas plus: laisser notre constitution en l’état ou nous tuer tous avant d’instaurer son royaume de Kosyam. Il ne pouvait vraiment faire plus. C’était là où l’homme a perdu le combat qu’il livrait contre son peuple. Mais depuis la chute du géant qui n’avait que des pieds d’argile, privé du socle du peuple qu’il était, on sent la baisse du mercure dans les journaux en ligne, et dans toute la presse écrite en général. Du moins, jusqu’à récemment, avec ce qui convient d’ appeler l’ Affaire Diéguimdé. Pourquoi ce « silence » ? Le Ministre Dieguimdé osera- t- il être l’homme qui mettra fin à ce joli modus vivendi ? Cette contribution tentera de répondre à ces questions.

Je souhaite une excellente année 2015 au peuple combattant du Burkina Faso. Qu’elle se passe dans la Santé, la Paix et la joie, et que la flamme allumée pour une vraie démocratie ne faiblisse pas. J’ai une pensée pieuse en cette année finissante pour tous nos frères et sœurs qui sont tombés sur le champ de bataille et de l’honneur pour avoir espéré une société plus juste et plus démocratique. Ces jeunes avaient des rêves et un jeune sans rêves est n’est qu’ une momie animée. Que leurs proches directs et amis et connaissances trouvent le réconfort dans le sens hautement patriotique de leur engagement. Si le peuple burkinabè peut vaquer librement à ses activités aujourd’hui, c’est grâce à leur sacrifice car sans eux, il est à parier qu’ on aurait passé la Noël avec quelques baluchons sur la tête( pour ceux qui auraient eu plus de chance), les yeux hagards, les cheveux ébouriffés au vent, le pas lourd et la peur au ventre, sur les chemins poussiéreux d’ un exil incertain(Ouaga-la frontière, c’est vraiment loin); ou blottis les uns contre les autres quelque part dans une mosquée ou dans une église sous la supervision de la Croix- Rouge. Et ces images auraient fait le tour du monde pour encore renforcer cette image déséquilibrée et déshonorante de l’afrique de la violence, des guerres, des famines, en somme de l’afrique qui perd, du continent où rien ne va, où rien ne peut aller. Nous revenons de loin et nous ne saurons rendre grâce à Dieu assez pour ce gros cadeau qu’il nous a fait. Que l’on ait du tô ou du caviar, de l’eau plate, du dolo de mil ou du vin millésimé à table lors de ces fêtes de fin d’année, cela n’a aucune espèce d’importance. Soyons simplement heureux car nous avons déjà été comblés par la mansuétude du Tout- Puissant.

Pourquoi ce Silence : Une Très Bonne Question qui Mérite une Tentative de Réponse

Pourquoi ce silence donc depuis que nous avons terrassé Blaise Compaoré, comme si on s’était concertés? Beaucoup d’internautes avec qui j’échangeais au plus fort de la crise créée par Blaise m’ont envoyé des messages où ils me posent personnellement cette question. Je suis à peu près certain que d’autres online freedom fighters (les internautes combattants de la liberté) ont été interpelés, chacun à son niveau, car une vraie chaîne de commandos invisibles travaillaient en symbiose avec les fantassins de la liberté, ceux que l’ « Homme Fort » pouvait voir directement sur le terrain. Pourquoi ce silence après tant d’énergie pour libérer notre pays qui était confisqué à travers un holdup politique qui fermait les horizons à la jeunesse à n’en point finir ? Pour ma part, je tente une réponse pour démystifier la théorie selon laquelle, morte la bête, mort le venin; encore faut- il même se rassurer que la bête est morte et bien morte. On pourrait supposer que maintenant que Blaise est parti physiquement; que les militaires ont finalement accepté de céder le pouvoir pour une transition civile (je félicite l’armée burkinabè pour avoir agi dans l’ère du temps, étant donné que si c’était ailleurs, les militaires allaient garder le pouvoir que la pratique politique sous les tropiques a de facto consacré comme la chose de la Grande Muette. Encore une fois de plus, donc, l’exemple burkinabè aura séduit); que les institutions sont en place et sont fonctionnelles, il n’y ait plus trop à s’en faire sous peine de paraître comme un rabat- joie, un trouble- fête, ou un morbide pessimiste poisseux.

Le Silence, l’Autre Nom de la Parole en Communication Transactionnelle

Le silence peut paraître un moment gênant car Blaise Compaoré a régné pendant 27 longues années. Il est parti mais il a laissé un système en place qui agit toujours de façon subliminale en nous, sans que nous le sachions dans notre conscience claire, comme le software (disque mou) de notre mental à nous tous, sans exception. Nous n’allons pas nous flageller outre mesure car ce mental a été formaté pendant 27 ans par le même individu et son système. Le dé- formater ne saurait prendre juste une année. Le silence, cependant, pourrait donner l’impression que tout se passait comme si la lutte était finie, Blaise parti. On n’aurait que nos yeux pour pleurer si on se contentait de si peu. C’est maintenant même que la lourde tâche de détricoter tout ce que nous n’avons pas aimé de la nuit noire du règne de Blaise Compaoré commence puisqu’ elle n’avait pas droit de cité sous l’ère Compaoré. Afin de libérer les horizons pour un développement durable. Evidemment, tout n’a pas été que négatif, mais les quelques éclaircies semblent avoir été plus accidentelles que dues à des choix politiques rigoureux, cohérents et raisonnés découlant d’ un projet de société avec des indicateurs et autres repères pour mesurer les jalons atteints pour le bien- être du peuple. L’environnement national se prête donc à l’expression plurielle de nos idées constructives, sans avoir peur d’être « fait et puis y a rien ».

Cependant, dans toute communication (par exemple, pédagogique ou politique), le silence est aussi porteur d’un sens que, respectivement, les enseignants dans le cadre de la classe, et les dirigeants dans le domaine politique, doivent savoir décrypter s’ils sont « malins », et ils le sont, en plus d’être même intelligents. Le wait- time ou temps d’attente, est pédagogique, ou simplement, il enrichit la transaction. Il permet à l’apprenant de murir sa question avant de lever sa main pour répondre à une question, et il permet aux hommes politiques qui viennent d’arriver au pouvoir et qui méritent la clémence du peuple pour cela de réfléchir aux implications de tout acte qu’ils voudraient poser, et cela, à tête reposée, sans avoir l’impression qu’ils ont le couteau à la gorge.

Dans un conte Igbo, l’aigle a envoyé son jeune aiglon pour piquer un poussin dans une basse- cour. Mission accomplie. De retour, Maman Aigle demande à son petit comment Mère Poule s’est comportée. Il lui dit qu’elle était dans tous ses états, a foncé sur lui, a battu des ailes, a caqueté, et a ameuté toute la basse- cour. Maman Aigle en conclut qu’il faut que, sans attendre, ils passent à table pour savourer ce plat délicat, et que rien ne sortira de rien. Un autre jour, elle l’envoie chercher un caneton. Au retour de celui-ci, elle demande encore à son petit comment a été la réaction de Maman Cane. Quand elle a entendu que la cane n’avait rien dit, rien fait, elle recommanda de retourner illico presto cette viande maudite qui allait leur rester au travers de la gorge s’ils s’entêtaient à l’avaler. Moralité: le silence n’est pas forcément synonyme d’acquiescement, ou à tout le moins, d’acquiescement total. Le silence aussi peut parler plus fort que les mots. Nous ne voulons pas dire que l’action du gouvernement mérite d’être décriée sur les toits. Si d’aventure, nous avions l’impression que c’était le cas, nous ne serions pas allé du dos de la cuillère pour tirer la sonnette d’alarme, afin qu’ il puisse exploiter nos griefs s’ il les trouvait pertinents et s’ il le voulait. Il est notre avis, toutefois, que le gouvernement avait simplement besoin d’une sorte de moratoire surveillé pour avoir la quiétude minimale, tout en respectant et en ayant peur du peuple, afin de déblayer le terrain parce que « plus rien ne sera comme avant », au- delà de la coquetterie de la formule.

Le pouvoir est bon. Il est même délicieux. Avouons- le. Et cela vaut pour tout le monde, quel que soit ce que l’’on voudra que vous croyiez. C’est pourquoi le pouvoir n’est jamais bien loin de la corruption. Cela a amené Lord Acton, historien et philosophe anglais du XIXème siècle, à postuler que le pouvoir corrompt et que le pouvoir absolu corrompt absolument. Ne pas gêner la transition par des sorties « intempestives », même justifiées, pour toute erreur que le gouvernement de transition commettrait nous éviterait surtout l’impression de vouloir faire du micro- management de l’action gouvernementale. Cette posture de silence donc est un comportement politiquement et socialement responsable. Le gouvernement civil de la transition et le CNT ont besoin de la sérénité pour travailler mais ils doivent avoir à l’esprit que le peuple veille au grain avec la rigueur d’un Cerbère, ce chien à plusieurs têtes (craint même par les dieux olympiens) qui garde les portes de l’Enfer pour que le mal et les malins qui y sont enfermés ne s’avisent pas de s’évader.

C’est le sens que personnellement nous donnons à notre «silence» qui n’est pas passif; il est dynamique et constructif. En politique, au moins, le silence n’est pas l’absence de parole. Et le repos du combattant au front n’est ni défection ni capitulation mais participe d’une tactique qui doit toujours servir la stratégie. Dans le cas d’espèce, la stratégie, c’est comment amener la transition à bon port pour ouvrir la porte à des élections transparentes, libres et acceptées de tous. Si elle échoue, son échec sera l’échec du Président, du Premier Ministre et du CNT, mais il sera surtout la trahison de la jeunesse et du peuple. Tous ceux qui se sont fait connaître comme n’étant pas avec Blaise ont un interêt particulier à ce que la transition réussisse, d’ abord, pour ne pas donner raison à Blaise que sans lui, le Burkina , c’est le chaos, et plus sérieusement alors, ils s’imaginent un peu ce qui aurait pu être leur sort si Blaise était sorti victorieux du pugilat qu’il a engagé avec le peuple et qu’il croyait par mauvaise appréciation gagner assis sur une chaise longue (décidément, « devant » n’a jamais été « maïs » en fait). La plupart auraient été pendus haut et court! D’ ailleurs, beaucoup ont pu déjà déjouer des tentatives d’assassinat (pas forcément avec le fusil). Ils ont dû leur salut à leur sixième sens et surtout à Dieu qui est le plus fort; il ne suffit pas aux assassins de décider de la mort de quelqu’ un pour que la personne meure. Mes petits- fils, les Mossé, ont ce grand proverbe qui pousse au courage: "A Wend Naam pa kou, Naamb’ pa kou". Si Dieu n’a pas tué, le chef ne saurait tuer". On ne prend donc pas des risques si énormes pour s’arrêter en si bon chemin.

La Longue Trêve des Confiseurs, Version Burkinabè

Encore une fois, nous ne prétendons pas parler ici au nom de tous les combattants en ligne ni au nom de tous les combattants tous azimuts. Mais il est clair comme de l’eau de roche que c’est notre nombre (des combattants)qui a vraiment fait la différence car l’adversaire était débordé, surtout au regard de la tactique inattendue de la résistance avec les mains vides. Nous croyons que c’ est la trêve des confiseurs, version très originale burkinabè d’ un peuple qui se fâche lentement, se met debout comme un seul homme quand sa calebasse de tolérance est pleine, chasse un dictateur onctueux et tueur froid en un jour, s’ occupe de la « désorganisation » lui - même le lendemain comme s’ il s’ agissait d’ une kermesse ou d’ une surprise – party, en débarrassant la ville de toute trace de casse et le surlendemain, repart bonnement au boulot, vaque à ses activités quotidiennes banales, comme si tout ça ne s’ était agi que d’ un épiphénomène; voilà - là la grandeur d’ un peuple, c’est ça la spécificité burkinabè, la vraie, pas cette spécificité archaïque et artificielle burkinabè made in Kosyam qu’ on voudrait inventer pour incruster des dictateurs au pouvoir. Nous disions dans un de nos écrits que la Haute- Volta n’a pas accepté le parti unique en 1975 avec le MNR d’un Général et à un temps où ça ne choquait personne de louer le Père Fondateur de la Nation, le Timonier, le Génie du Sahel ou de la Forêt, à défaut de parler du Génie des Carpates (qui ne se trouvent pas en afrique). Nous disions alors que Blaise se fourrait le doigt dans les deux yeux jusqu’ à se les pocher comme s’ il était un masochiste, en croyant que lui, un capitaine à la retraite pouvait imposer sa dictature sur le peuple patient et très poli de la Haute- Volta devenu Burkina Faso, là où un général de corps d’ armée a piteusement échoué, et cela, pendant le printemps des dictatures africaines paternalistes. Cela a valu à un Traoré Natchaba, dernier Président de l’ Assemblée Nationale de Eyadéma Père et l’ un des juristes du système, que les burkinabè, alors les voltaïques étaient des anarchistes. Il aura appris la belle leçon sur le tard en 2005, à la mort de Éyadéma Père, que les anarchistes n’étaient pas toujours ceux qu’ il croyait.

Le silence, en ce qui nous concerne, c’ est pour permettre au gouvernement de transition de travailler sans avoir l’ impression qu’ on ne lui fait pas un minimum de confiance; mais on reste vigilant, car en fait, on n’ a pas encore quitté l’ arène, on ne va même plus la quitter, surtout pas quand on a appris la leçon qu’ on ne meurt pas deux fois. Il est très dangereux de quitter une lutte quand on l’a entamée, et qu’ on n’est pas sûr de l’ avoir achevée, et surtout, quand on sent que l’on est dans le mouvement, dans le sens du vent. Et il n’y a pas de bon vent pour qui ne sait pas où il va. Le peuple burkinabè sait ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas, et il sait qu’il a le vent en poupe. Même si sa politesse légendaire est souvent mal lue par certains pouvoirs qui ont perdu le « réseau » avec le peuple. Il faudrait que les dirigeants sachent comment corrompre ce peuple, puisque tout le monde est corruptible même si ce n’est pas avec la même "monnaie"; ce peuple, il ne peut le corrompre qu’en faisant bien le bien, le juste, non seulement en souscrivant aux valeurs d’égalité qui peuvent ne pas toujours servir la justice sociale parce que mécanique, mais surtout aux valeurs d’équité ou idéalement, chacun doit être servi selon ses besoins humains minimum. Les jeunes qui ont donné leur poitrine frêle pour faire fuir l’ « Homme Fort » de Ouagadougou qui est allé défier Obama dans sa basse-cour ont déjà vu pire. Ils sont donc vaccinés.

Ils n’accepteront plus jamais que le sens de leur lutte soit dévoyé même par une armée, soit- elle la plus puissante du monde, ou par qui que ce soit. C’est ça, le peuple en mouvement. Tant qu’on se plaignait en solo du système de prédation et de déprédations de Blaise Compaoré, que ce soit sur le plan des vies humaines, de la justice (/l’ injustice ?), des pillages économiques, des passe- droits, des consommations ostentatoires tape-à-l’ oeil qui rendaient les pauvres encore moralement plus misérables parce qu’ ils devaient subir le supplice de tantale en plus de n’ avoir pas le minimum, « devant », c’ était «maïs » pour le système. Mais dès que le peuple a commencé à ne plus être un agrégat d’individus spoliés et piétinés, larmoyant sur son sort, à prendre conscience de sa commune destinée, on a vu les murs subtils de la vaste prison du Burkina dont Blaise était le régisseur se craqueler. Acte Un. Le peuple qui se reconnait a commencé à s’organiser en menant colloques par-ci, symposia par- là, conférences en-deça, meetings au- delà, etc. Acte 2. Et Acte 3, ces actions apparemment éparses que le système Compaoré n’ avait pas vraiment prises au sérieux s’abreuvaient à la même veine de la résistance du peuple contre ce système inique et dangereux qui ne nous menait nulle part, du moins juste droit dans le mur, sinon dans un gouffre sans fond. Le peuple qui opérait au même diapason, s’est reconnu et a compris la science de sa misère et a décidé de secouer les chaînes qui le maintenaient dans l’obscurité. Et il a vu la lumière. Personne d’autre que lui ne pouvait le sauver de Blaise Compaoré et de son système.

Le Printemps burkinabè, Solidaire de l’ Interafricaine de l’ Anti- Compaorose

Si le Printemps d’Octobre burkinabè peut donner une quelconque leçon à nos frères africains qui sont toujours en butte à leur Compaorose à eux, c’est la leçon que seuls, eux- mêmes devront se mobiliser, déployer les stratégies nécessaires spécifiques aux différents contextes historiques et sociopolitiques et culturels afin d’abattre les régimes –guinarous qui sucent le sang du peuple et qui n’en auront jamais assez. Et le peuple burkinabè, en retour, n’en sera que plus en sécurité, car chaque dictateur qui tombe, c’est un maillon fort dans la chaîne de l’Interafricaine Dictatoriale de moins. Vous comprendrez pourquoi des faux démocrates ont pleuré et nous ont boudés quand nous avons, à l’unanimité, renvoyé le faux démocrate du Faso et l’ avons poussé à se bannir lui- même de notre communauté. Les faire partir de gré ou de force, ces cannibales politiques qui se nourrissent des enfants du peuple, est la seule alternative viable. Mais ils ont montré qu’ils ne partiront jamais de gré. Les « debbascheries »( pour faire allusion à tous les mics- macs qui ont entouré l’ accession grossière de Faure Eyadéma au pouvoir au Togo voisin « grâce » à «l’ expertise » d’ un professeur de droit français, ci- devant conseiller de Éyadéma Père) ont la vie dure car elles ont plusieurs manières de flouer le peuple. Le peuple devra donc travailler à ratisser large en jetant très loin son filet pour pêcher assez d’hommes dans le camp des « présidents à vie » en dépit ou à cause des «constitutions» afin de faire le surnombre. Il y a là donc un piège de taille à éviter.

Le piège du Purisme Révolutionnaire

Pour cela, il importe d’éviter le piège du purisme révolutionnaire qui est une vue de l’esprit. Je profite de l’occasion pour rendre hommage à tous ceux qui ont collaboré avec le régime de Blaise mais qui, à un certain moment, ont eu leur moment d’épiphanie et ont décidé de le larguer. Collaborer avec Blaise (ou peut- être plus exactement le servir parce que Blaise, ne connaissant que de façon notionnelle la dialectique, ne voyait pas en eux des collaborateurs puisqu’ il a toujours estimé que c’est lui qui les a faits) n’était pas nécessairement à célébrer, ni n’était particulièrement méritoire. C’est le quitter qui l’est, et de façon univoque, sans ambigüité aucune. Car ce n’était pas facile. On ne quitte pas Blaise Compaoré comme on quitte un moulin. C’est lui qui te quitte, pas toi, même si la relation amoureuse est reconnue incestueuse, déviante, tyrannique et dégradante pour l’autre. Ils auraient toujours pu rester avec lui malgré les humiliations qu’il leur servait. D’ ailleurs, certains intellectuels qui ont fait la fierté des burkinabè par le passé sur le plan de leur expertise, sont restés, même si chacun a eu plus ou moins sa part d’humiliation.

Du reste, aucune révolution n’a réussi sans que des éléments qui ont servi l’ancien régime ne fassent dissidence. C’est ceux qui quittent sincèrement le régime anti- peuple pour rejoindre le camp du peuple qui fragilisent davantage la muraille de l’ancien camp, apportent une énergie renouvelée et une connaissance de l’intérieur (en droit des affaires, on parlerait de délit d’ initié), rendant ainsi le peuple encore plus fort et plus courageux. La révolution qui réussit rien qu’avec des « éléments purs » est contraire à la dialectique. C’est de la fiction. Bien entendu, les actes que ces éléments dissidents ont posés ou n’ont pas posés, quand il fallait les poser par le passé, ne sont pas dissouts pour autant. Il n’est pas question d’oublier ces actes que nous aurions eu à condamner. L’amnésie pour un peuple est aussi nuisible que l’immobilisme. Ces actes n’auront pas acquis une virginité morale qu’ils n’avaient pas, juste parce que les auteurs en auraient posé d’autres de plus acceptables par la suite. Sous la Révolution d’Août, Thomas Sankara disait que tout manquement à un principe révolutionnaire serait sanctionné comme il se doit, (indépendamment des actes héroïques que celui qui s’est rendu coupable aurait posés auparavant). C’était un appel du pied à toujours mieux faire, à ne pas croire que comme on a bien fait hier, on peut se permettre de se la couler douce aujourd’hui et ne rien faire même demain. C’est ainsi que celui qui aspire au changement qualitatif est un homme d’action (et partant un homme qui commet des fautes) apprendra à limiter ses fautes puisqu’ il se remet perpétuellement en cause par l’auto- réflexion. Nous avons tous besoin de reconquérir cette anxiété permanente à bien faire afin de ne pas dormir sur nos lauriers. Et la justice bien comprise est indépassable, afin que chacun soit mis en face de ses responsabilités.

D’ Où la Nécessité d’ une Justice Forte et Humaine

Encore faut- il qu’une justice aseptisée soit mise sur pied afin que chacun puisse s’exprimer de façon contradictoire. Et qu’à la fin, le droit soit dit sans passion ni faiblesse, puis, que suive la purgation de la peine, s’ il y a lieu, et le pardon après la réconciliation du bourreau avec sa victime, dans un processus de justice plus restorative (porteuse donc de réconciliation) que rétributive (sèchement punitive), où le bourreau et la victime s’ engagent dans une relation authentique de dialogue. Si tu as tué mon parent et que tu es reconnu pour cela, la justice rétributive peut te donner 30 ans de prison ou la prison à perpétuité ou même la mort. Mais, pour ta défense, tu peux refuser de parler, de partager les circonstances du crime, les mobiles, etc. On a beau te passer par les armes, cela ne me soulagera pas vraiment car tu n’auras rien appris de mes douleurs, de ce que je ressens en tant que je suis celui qui a été privé de l’amour de mon être cher et tu n’auras appris aucune leçon. Revisitons la frustration de tout un peuple quand les Diawara et les Moussa Ngom qui ont dissipé des milliards de la CEAO ont été passés aux Tribunaux Populaires de la Révolution(TPRs) en 1986 sous la Révolution. Comme stratégie de défense, ils ont refusé de parler. Ils ont été condamnés tout de même, mais cela nous a fait beaucoup mal, à nous burkinabé à l’ époque. Nous ne sommes pas sortis soulagés d’un tel procès. La justice rétributive ne conduira pas au désarmement des cœurs, condition sine qua non du vrai pardon(qui n’est pas celui extorqué un 30 mars), de la réconciliation vraie.

Donc, que le pouvoir actuel ne se méprenne pas sur le sens du silence des citoyens en général et sur celui des online freedom fighters en particulier. Cela doit être perçu comme une alliance nouvelle pour que la coupe de cette alliance soit versée au profit de l’immense majorité, pour paraphraser les Saintes Écritures. Nous nous attendons, comme dans toute relation contractuelle, à ce que le pouvoir de la transition agisse de sorte à préserver les intérêts du peuple réel, celui qui s’est fait trouer la peau (passez- moi l’expression) afin qu’une aube nouvelle se lève sur le Burkina Faso. Notre silence doit être vu comme un acte de bonne foi (bona fides) qui ne doit rien à la duplicité (males fides). Ce serait un grand gâchis, et pour le burkina, et pour la jeunesse africaine, si la transition venait à trahir la Révolution d’Octobre en déniant à la jeunesse les bénéfices dont le peuple attend de ce contrat social. Il ne reste même plus douze mois, c’est sûr, pour nettoyer les écuries d’Augias abandonnées à l’incurie sur 27 longues et douloureuses années. Nous attendons que les autorités de la Transition soient les Hercules qui vont dévier le cours de la rivière Styx sur le Faso pour le commencement de la nécessaire Opération Mana Mana (Opération Pays Propre) qui doit remettre notre pays sur les rails car les chantiers sont immenses.

Le CNT et le gouvernement de transition ne peuvent pas tout faire dans le temps qui leur est imparti mais ils seront jugés à l’ aune des bases qu’ ils auront posées dans le cadre de la feuille de route qui leur a été assignée; c’est cela surtout qui leur vaudra le brevet de satisfecit délivré par la cour du peuple qui n’ est pas un assemblage monolithique de juges « acquis», et donc, qui jugera sans complaisance, même si la transition a commencé avec des préjugés favorables du peuple. Le gouvernement de la transition sera édifié s’il se pose toujours certaines questions avant de prendre une décision : « À qui profite cette décision ?» Quelle section du peuple gagne et quelle section perd ? Parce que dans toute décision qui sera prise, il y aura un winner et un loser, un gagnant et un perdant (la théorie des jeux à somme nulle s’applique ici). Quand on veut redresser les tares d’une société où l’injustice sociale était érigée en méthode de gouvernement, le win- win (gagnant- gagnant) n’est pas possible, il est impossible d’agir à équidistance de ceux qui avaient le vent en poupe et des autres qui étaient « les damnés de la terre ». S’il se pose ces petites questions, il pourra aussi anticiper sur la réaction du peuple. L’État ne gagnera pas en autorité si ses décisions sont fréquemment contestées par la rue, surtout quand cette rue croit détenir des éléments vérifiables sur ses incriminations. C’est embarrassant, tout de même. Si dans l’ ensemble, il n’ y a pas trop à redire quant au casting pour l’ attelage gouvernemental tiré par le Premier Ministre Zida, ce sont les quelques chevaux cagneux comme Mr. Adama Sagnon et Mr. Diéguimdé Moumouni qui nous intéressent. On s’en fout du chien qui mord la chèvre. C’est la chèvre qui mord le chien qui crée l’événement. Si Mr. Sagnon a eu une lumière tardive et s’est rangé pour ne pas gêner la transition, Mr. Diéguimdé, quant à lui, fait de la résistance, mais il est dans une mauvaise passe et il passera à la casserole parce que nul ne doit oublier de sitôt l’ origine de ce nouveau pouvoir. C’est le peuple qui est allé au beau milieu des abeilles pour chercher son pouvoir. Il n’aura peur d’aucune mouche qui voudra le narguer. Et c’est un peuple responsable qui a le sens de la mesure et qui n’ abuse pas de sa « raison ». Il l’a prouvé à suffisance.

Mr. Diéguimdé, il faut Quitter la Table quand l’Honneur est Desservi

Comme dit plus haut, la rue va saper l’autorité de l’État, mais la réaction de la rue n’est que l’effet, pas l’ agent causal. Nous voulons réaffirmer ici que nous avons chassé Blaise Compaoré de haute lutte, par la rue et ce n’est pas aujourd’hui, si on veut être honnête, qu’on va condamner ce qui a mis Kafando et Zida là où ils sont. Il suffit simplement de ne pas provoquer la rue. Il paraît que les mêmes causes produisent les mêmes réactions. J’ai foi que si la transition ne marche pas sur les sentiers battus de la 4ème République, notre traversée d’un an sera calme. Il suffit de rester à l’écoute des populations et des jeunes qui savent qu’il ne faut rien exagérer. L’enfant fait des crises de nerfs souvent pour exprimer un mal qu’il ressent. Il faut savoir l’ écouter, afin de traiter le mal à sa racine ; ainsi nous éviterons les convulsions de ce genre.

C’est sur cette base que nous demandons humblement au gouvernement de démettre immédiatement sans attendre le Ministre Diéguimdé Moumouni qui sera toujours un boulet qu’il traîne au pied. La plaie a assez suppuré. S’il le fait, il aura vraiment compris que notre silence, et sûrement le silence de milliers de burkinabè, est ce silence bienveillant mais vigilant. On lui reproche assez de choses, à ce monsieur. Si nous comprenons l’ anglais, et nous croyons le comprendre assez bien puisque nous l’ utilisons comme langue d’ instruction dans un pays anglophone, il a été condamné à quatre mois et demi de prison après avoir plaidé coupable, c’est très important, et il a fait appel pour ne pas subir la dure loi de la déportation pour des non américains qui commettent des crimes (Mr. Diéguimdé sait qu’ il a commis a felony et il sait ce que cela veut dire aux USA où c’est très sérieux). Après avoir commis a felony, on est presqu’ exclu de la plupart des boulots, pas seulement les postes sensibles. Et même si l’intéressé considère que ce n’est pas bien grave parce qu’ au Burkina on nomme des voleurs et décore des paresseux, qu’ il sache que la femme de César doit être au- dessus de tout soupçon dans cette transition et que la Charte de la dite transition en son Article 15 ne saurait s’accommoder de repris de justice. Ce n’est pas honorable. Aucune justification ne pourra vous sauver, Monsieur Diéguimdé, et si vous voulez que la trêve des confiseurs à la sauce burkinabè se poursuive plus longtemps, rendez le tablier même si vous estimez que la clameur publique a tort. Vous allez enlever une grosse épine du pied du chef de gouvernement qui ne doit pas être à l’aise pour gérer une telle situation. Parce qu’après tout, il lui incombe en premier lieu la tâche de choisir des hommes probes au- dessus de tout soupçon. Personne ne peut gagner contre son peuple. Plus vous insistez à rester, plus la méfiance grandira, et la défiance avec. Ne nous dites pas qu’on en veut à votre personne. Le gouvernement compte 26 membres. Pourquoi c’est juste vous et Mr. Sagnon qui a été suffisamment intelligent en acceptant le verdict de l’ histoire. C’est comme ça. Quand on est jeune cadre, on est pressé, on veut avoir accès aux ressources, et au plus vite, et finalement on se brûle la bouche avant que le vrai manger n’arrive. Cet argument ne volera pas très haut, Mr. Diéguimdé. A l’en croire, le Président Kafando a construit sa villa sur près de trente ans. D’ où nous vient que des jeunes cadres veuillent construire des duplex en un an de service Pourquoi se hâter tant ? Avons- nous oublié que la route est longue mais que la vie courte ? Où est la gloire et la joie même d’avoir fait un effort? Nous sommes tombés très bas, car nous ne pouvons même pas apprécier à leur juste valeur ces biens que l’on accumule. Ils n’auront pas d’histoire à nous raconter et on les trouvera bien fades.

Monsieur Le Président, s’il est vrai que Mr. Le Ministre a fait une route pour que vous alliez dans votre champ personnel, il vous a bien piégé. Mr. Le Premier Ministre, s’il a aménagé les voies autour de l’église que vous fréquentez dans un état où la séparation de l’Église, de la Mosquée et du Tenkugri ne fait pas l’objet de débat, il ne vous a pas rendu service. Il est vrai que ces routes, quand viendra 2016 et que vous devrez quitter le pouvoir qui n’est que de transition, vous ne pourrez pas les enlever. Ces routes, donc, restent le patrimoine de l’État mais c’est de la très mauvaise gouvernance. Et surtout, en toute chose, c’est l’esprit qui compte. Quel pouvait être l’esprit de Mr. Diéguimdé? Si Diéguimdé prend sur lui la responsabilité de vous faire ses libéralités comme si l’argent du contribuable était son argent à lui au point qu’il puisse faire des investissements pour des motifs qui n’entrent pas dans le cadre de vos fonctions, il doit avoir sa petite idée quelque part. Qu’est-ce qu’il gagne dans cette « gentillesse»? Il ne pourra pas nous convaincre qu’il l’a fait sans arrière-pensée.

Quelqu’ un nous a rappelé sur lefaso.net que le Général Lamizana regrettait que les dignitaires de la 1ère République n’aient pas compris que la Haute- Volta est un pays pauvre et dans un pays pauvre, il faut savoir ordonner ses priorités. La jeunesse qui a des attentes fortes, ce qui l’a dopée à affronter des commandos armés de chars et d’auto- mitrailleuses, ne l’a pas fait pour que plus ça change, plus ce soit la même chose. Ces pratiques du ministre ne sont en rien différentes des pratiques patrimonialistes qui avaient cours sous « l’ancien régime ». La jeunesse et le peuple en général ont raison de ne pas être contents. Touchons du bois que vous n’allez pas entamer le capital de confiance que vous avez mobilisée, et cela malgré vous. Que le Ministre Diéguimdé sache quitter la table quand l’honneur est desservi. Et si sa fibre morale n’est pas assez étoffée pour qu’il démissionne de lui- même, il faudra que le Premier Ministre prenne ses responsabilités. Il a dû le nommer sans être au courant de son passé mais il devra assumer. Cyniquement, disons- le que c’était à lui de le savoir. L’erreur est humaine, mais il en est responsable. Maintenant, si votre bras gauche a péché, il faut le couper, Monsieur le Premier Ministre. N’attendez pas qu’il gangrène tout le corps (social). Parce que le bras de fer est déjà engagé et il partira, Diéguimdé, de gré comme de force, parce que fort de l’Article 15 de la Charte de la transition, il y a là une base légale pour contester sa présence dans le gouvernement de transition. Son mémoire en défense n’a pas convaincu.

Le cas Diéguimdé est porteur d’un grand incendie dont personne n’a besoin pour cette transition qui nous est chère et qui est chère à tous les peuples africains qui y voient une lueur de libération d’un continent meurtri par des dictateurs, champions en tripatouillage des constitutions populaires. L’ expérience burkinabè est si belle que nous n’ avons pas le droit de la flétrir avec des individus qui polarisent tant. Mr. Diéguimdé a déjà suffisamment fait du mal à notre transition de par sa présence dans ce gouvernement de transition et de par ses premiers actes posés au Ministère des Infrastructures et du Désenclavement. Nous serions assez cons d’attendre qu’il en pose d’autres, comme si ce que nous voyons déjà et, excusez- nous du peu, le peu que nous connaissons de son track record (antécédents), comme si ces choses- là n’étaient pas suffisamment sujettes à caution. Chers travailleurs de ce ministère- clé où la route du développement passe par le développement de la route, nous sommes personnellement avec vous de cœur et d’esprit. Votre combat est légitime. Mr. Diéguimdé risque de mettre fin à la longue trêve des confiseurs burkinabè, et ce serait bien dommage.

(1) L’expression a évolué à partir de la Trêve de Dieu au 13ème siècle où l’église catholique exigeait que les combats entre troupes ennemies soient suspendus dans pendant l’ Avent, à la Noël. Aujourd’hui, elle est utilisée pour parler de la trêve dans les activités politiques et sur le front social vers la fin de l’année, trêve pendant laquelle les marchands font bien leur commerce.

Touorizou Hervé Somé, Ph. D. Sociologie de l’Éducation/Éducation Internationale Comparée
Maître de Conférences (Associate Professor)
Ripon College, Wisconsin États- Unis
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