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Insurrection des 30 et 31 Octobre 2014 : l’analyse rétrospective de Tambi François Kaboré
Publié le mardi 30 decembre 2014  |  FasoZine
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© aOuaga.com par Sk
Les manifestants se dirigent vers la RTB




Tambi François Kaboré, directeur de cabinet de l’ex-Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso, revient ici sur les évènements des 30 et 31 octobre qui ont entrainé la démission du président Blaise Compaoré et la mise en place d’autorités de transition.

« LE PROCESSUS DE L’INSURRECTION POPULAIRE

La lutte contre la modification de l’article 37 de la Constitution et contre la politique de la 4ème république a commencé le 2 mai 2013 par une retraite organisée à Kombissiri par les groupes parlementaires UPC et ADJ à l’issue de laquelle un appel a été lancé pour le rejet de la mise en place d’un Sénat au Burkina Faso. Cette retraite a été suivie par le boycottage de la plénière de l’Assemblée nationale, le 21 mai 2013 et la tenue d’une conférence de presse au siège de l’Opposition politique pour dénoncer l’adoption du projet de loi portant organisation et fonctionnement du Sénat.

Depuis cette date les partis de l’Opposition politique regroupés derrière le Chef de File de l’Opposition politique, Monsieur Zéphirin DIABRE, ont organisé une série de manifestations avec l’appui des élèves, des étudiants, des travailleurs, des femmes, des petits commençants et des organisations de la société civile. Ces manifestations visaient essentiellement à prévenir et à sensibiliser le pouvoir en place et notamment le Président Blaise COMPAORE, sur les aspirations du peuple burkinabè en matière d’alternance démocratique paisible et de gouvernance. A travers des conférences de presse, des meetings et des marches qui ont chaque fois mobilisé du monde, le Chef de File de l’Opposition Politique (CFOP) a su dans un esprit républicain , entretenir et organiser les revendications du peuple sans violence et sans casse. A cet effet, il convient de rappeler les principales manifestations ci-après :

• L’organisation le 29 juin 2013 de la journée de protestation nationale contre la mise en place du Sénat, la vie chère et la mauvaise politique du gouvernement. Cette manifestation a mobilisé plusieurs milliers de manifestants à travers le pays. Cette journée de protestation a été l’occasion pour l’Opposition de signifie au Président du Faso les principales préoccupations du peuple détaillées en 8 points.

• La marche meeting du 28 juillet 2013 qui a encore mobilisé plus de monde. Lors de ce meeting, le CFOP a réitéré dans son message, le rejet par l’Opposition politique de la mise en place du Sénat et de la modification de l’article 37 de la Constitution.

• La marche meeting du 18 janvier 2014 contre toujours la modification de l’article 37 de la Constitution a mobilisé un nombre historique de manifestants, environ 500.000 personnes. Les leaders de ceux qui viennent de démissionner du CDP ont pris part à cette manifestation.

• La marche meeting du 23 août 2014 pour signifier au Président Blaise COMPAORE un ultime avertissement afin qu’il arrête son projet de modification de l’article 37 de la Constitution.

• Les meetings de Bobo-Dioulasso, de Dori et de Kaya.

Malgré l’intensification de la lutte et la détermination de l’Opposition, Blaise COMPAORE, soutenu par son clan, notamment le CDP, les partis regroupés au sein du Front Républicain et surtout de l’ADF/RDA, s’est entêté à poursuivre la mise en œuvre de son projet de modification de l’article 37 de la Constitution afin de se présenter à l’élection présidentielle de 2015. Cet entêtement de Blaise COMPAORE a abouti au dépôt à l’Assemblée nationale d’un projet de loi portant révision de la Constitution dont l’examen et l’adoption devrait avoir lieu le 30 octobre 2014 à 16 heures.

L’Opposition politique a réagi à cette provocation de plus, en organisant le 28 octobre 2014 une marche meeting qualifiée de phénoménale. Cette manifestation a connu la participation de plus d’un million de manifestants et la suspension de toutes les activités économiques dans la ville de Ouagadougou. Au cours de cette manifestation le CFOP a décrété la désobéissance civile sur toute l’étendue du territoire burkinabè. Des manifestations ont eu lieu également dans les principales villes du Burkina notamment à Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Koudougou, Manga, Kaya, Dori…

En dépit de cette mobilisation nationale pour exiger le retrait pur et simple du projet de loi, le Président Blaise COMPAORE a maintenu et réaménagé son plan afin de permettre l’adoption de la loi par l’Assemblée. La séance d’examen et d’adoption de la loi a été ramenée de 16 heures à 10 heures du 30 octobre 2014. Les députés favorables à l’adoption de la loi ont été cantonnés au même endroit à proximité de l’Assemblée nationale. Les forces de l’ordre ont été autorisées à faire usage de leurs armes pour empêcher par la force les troubles à l’ordre public (réf. Réquisition complémentaire spéciale du Premier Ministre datée du 29 octobre 2014).

Ce faisant, le Président Blaise COMPAORE et son clan ont eu une très mauvaise lecture de la profondeur des attentes de la population en matière d’alternance et de gouvernance. Malgré un déploiement impressionnant des forces de l’ordre autour de l’Assemblée nationale, la population, toute couche confondue, est sortie très massivement, les mains nues, le 30 octobre 2014 pour braver le pouvoir afin d’empêcher le vote du projet de loi. C’est une marée humaine qui a pris d’assaut très tôt ce 30 octobre 2014, l’Assemblée nationale pour empêcher les députés de voter le projet de loi. La presque totalité de la population de Ouagadougou, des chefs-lieux des régions et des provinces est sortie pour exprimer d’une manière ou d’d’une autre son ras-le- bol ou son rejet de la modification de l’article 37 de la Constitution.

Ce soulèvement général, qualifié très rapidement d’« insurrection populaire » a conduit à la démission du chef de l’Etat et à sa fuite vers la Côte d’Ivoire le 31 octobre 2014. Cette insurrection populaire est la résultante de plusieurs années de sentiments d’injustice et d’exclusion sociale très souvent refoulés. Ce relâchement populaire s’est exprimé à travers des actes de vandalisme que nous regrettons tous. Pire elle a enregistré plusieurs blessés et des décès parmi les populations. Nous espérons que la nation saura rendre hommage à ceux qui ont payé le prix fort pour le succès de la lutte pour l’alternance démocratique et contre la politique de la 4ème république.

Les forces de défenses et de sécurité avec à sa tête le Lieutenant-colonel, Yacouba Isaac ZIDA ont pris leur responsabilité, comme le demandait la population, afin d’assurer l’ordre public et de faire cesser les actes de vandalisme. Le Lieutenant-colonel ZIDA s’est déclaré Chef de l’Etat et a promis de remettre le pouvoir au civil pour une transition démocratique civile. Cette bonne disposition de l’armée a permis aux forces vives et les forces de défense et de sécurité de s’organiser avec l’appui de la communauté internationale notamment la mission conjointe nations Unies, Unité africaine et la CDEAO, pour élaborer et adopter une Charte de la transition que je qualifie d’endogène, le 16 novembre 2014. Cette transition se veut inclusive. Malgré un avis défavorable de certaines composantes de la population, l’ex majorité a été prise en compte dans la composition du CNT et du gouvernement.

La charte de la transition met en place trois organes pour conduire le processus de la transition dont la durée ne devrait pas excéder 12 mois. Il s’agit du Président de la transition, élu par un collège de désignation de 23 membres issus des partis de l’Opposition, de la Société civile, des autorités religieuses et coutumières et des forces de la défense et de la sécurité, du Conseil national de la transition(CNT) qui est un organe législatif de 90 membres et du gouvernement qui comprend 25 membres conduit par un Premier Ministre, nommé par le Président de la transition.

Au sein du gouvernement, il a été crée auprès du Premier Ministre une commission de la Réconciliation nationale et des réformes, chargée de restaurer et de renforcer la cohésion sociale et l’unité nationale. Cette commission comprend cinq sous commissions qui sont :

• La sous commission vérité et réconciliation nationale ;

• La sous commission des réformes constitutionnelles politiques et institutionnelles ;

• La sous commission réforme électorale ;

• LA SOUS COMMISSION FINANCES PUBLIQUES ET RESPECT DU BIEN PUBLIC.

• La sous commission gestion des médias et de l’information.

LE ROLE DE L’OPPOSITION POLITIQUE
L’insurrection populaire est porteuse d’attentes majeures des populations qui doivent nécessairement être adressées pour permettre au peuple burkinabè de se retrouver pour construire son développement. C’est pourquoi l’objectif majeur de la Charte est de consolider la démocratie, de renforcer la cohésion sociale et de construire un environnement réglementaire pour conduire des élections présidentielle, législative et communale transparentes et équitables.

La victoire de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 n’appartient ni à un parti politique ni à une organisation de la société civile et ni aux forces de défenses et de la sécurité nationale. Chaque composante de la population a joué sa partition.
Je voudrais dans les lignes qui suivent restituer, analyser et tirer des leçons sur le rôle joué par les partis de l’Opposition politique regroupés autour du Chef de File de l’Opposition Politique, Monsieur Zéphirin DIABRE, Président de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC).

Les évènements que nous avons vécus les 30 et 31 octobre 2014 auraient pris une autre forme en absence de l’Opposition politique. Sans la partition de celle-ci, il aurait été difficile d’imaginer le Président Blaise COMPAORE démissionner et fuir son pays suite à une insurrection populaire. Ce rôle déterminant dans le processus qui a conduit à la démission du Président Blaise COMPAORE a été possible grâce à la qualité de l’Opposition et à l’esprit républicain qui a guidé sa lutte. Il me semble important de retenir les aspects fondamentaux ci-après qui ont présidé au succès de la lutte de l’Opposition politique :

• Une responsabilité collective de l’Opposition
Dans son discours de prise de fonction, le 17 avril 2013, le Chef de File de l’Opposition Politique, Monsieur Zéphirin DIABRE, a lancé comme un défi à relever par l’Opposition politique, la nécessité pour celle-ci « d’inspirer confiance aux burkinabè, d’être capable de fédérer les espoirs et porteuse d’un véritable projet alternatif ». Tout au long de la lutte le CFOP a travaillé à rassembler l’opposition autour d’un minimum de consensus.

Pour lutter contre la mise en place du Sénat le CFOP a demandé une déclaration commune signée de l’Opposition contre la mise en place du Sénat. Sur les 44 partis de l’Opposition seulement 37 ont accepté de se soumettre publiquement à cette épreuve de solidarité. Cette déclaration a été publiée dans les médias. La qualité de l’Opposition n’est pas dans le nombre des partis qui la composent mais dans leur conviction commune.

Après cette clarification sur les objectifs majeurs de l’Opposition, le CFOP s’est efforcé à appliquer une méthode de travail qui fait appel à la concertation, à la collégialité et à l’esprit d’équipe au sein de l’Opposition politique. Grâce à cette méthode de travail, le CFOP a créé un noyau dur qui, au prix de multiples sacrifices, a gardé le cap sur la nécessité d’œuvrer à permettre une alternance démocratique en novembre 2015.

Chaque parti de l’Opposition dans la limite de sa disponibilité a été associé à la réflexion et à la mise en œuvre des activités de l’Opposition. Ce faisant le CFOP a mis en application une de ses stratégies exprimées lors de sa prise en fonction. Il disait : « j’estime que la responsabilité de Chef de File de l’Opposition, même si par définition elle incombe à un individu choisi parce qu’issu d’un parti victorieux, a de meilleurs chance de conduire à une action efficace si elle s’exerce avec un certain degré de collégialité ».

Cette responsabilité commune a été obtenue en dépit du nombre des partis de l’Opposition et surtout de leur diversité idéologique. En avril 2013, les partis de l’Opposition étaient au nombre de 44 partis. Ils étaient 47 partis en décembre 2013 et 32 au 30 octobre 2014.
Ce noyau dur de l’Opposition malgré sa diversité a accepté d’œuvre dans l’unité avec pour objectif d’assurer l’alternance. Cette évolution qualitative de l’Opposition a fait dire le CFOP lors de la marche meeting du 28 juillet 2013 que « l’Opposition est déjà soudée, unie, engagée et déterminée ».

• Un partenariat efficace avec les organisations de la société civile
Dans son discours lors de la marche du 29 juillet 2013, le CFOP disait : « Dans le combat pour l’alternance nous avons besoin de l’aide de tout le monde, de tous les burkinabè quelles que soit leurs origines, leurs religions ou leurs convictions idéologiques ».
Pour construire une opinion favorable et agissante autour de la lutte engagée par l’Opposition le CFOP a développé un mécanisme de concertation et d’information continu avec d’une part les organisations de la société civile et avec les syndicats d’autre part. La société civile et les syndicats ont toujours été informés ou/et associés à la réflexion et à la mise en œuvre des initiatives de l’Opposition.

Aucune marche, aucune manifestation n’a été réalisée sans que la société ne soit informée.
En plus de la mobilisation au sein du CFOP et de chaque parti pris individuellement, la jonction avec la société civile et les syndicats a créé une dynamique forte pour la mobilisation de la population à chaque manifestation de l’Opposition politique.

• Une maturité du peuple burkinabè
Les manifestations organisées par l’Opposition politique ont suscité de la sympathie au sein de la population. Contrairement aux attentes de la majorité politique, les nombreuses marches-meetings de l’Opposition se sont déroulées toujours dans le calme.
Ceci a été possible grâce au travail de sensibilisation de l’Opposition politique. A chaque manifestation le CFOP, Monsieur Zéphirin DIABRE, n’a cessé de rendre public par tous les moyens des consignes rappelant aux manifestants leurs devoirs républicains qui consistent à respecter les personnes et les biens privés et publics.

Ces consignes ont participé au renforcement de la maturité de la population en matière de revendication populaire et de patriotisme. Cette façon républicaine d’organiser les manifestations ont convaincu les populations sur la pertinence des objectifs de l’Opposition. Elle a gagné en crédibilité aux yeux des populations, laquelle crédibilité a contribué à mobiliser davantage de participants lors des différentes manifestations de l’Opposition.

• Une campagne d’information soutenue
Le CFOP a tenu à rappeler constamment à l’opinion nationale et internationale les préoccupations du peuple burkinabè, l’essence de la lutte de l’Opposition à travers un système d’information étalé dans le temps et bien ciblé. Au niveau national l’Opposition a rencontré, à chaque étape cruciale de la lutte de l’Opposition, les leaders d’opinion pour leur tenir informés de l’état d’avancement de la situation nationale. Au niveau international, les organisations sous régionales, régionales et internationale ainsi que les pays étrangers représentés au Burkina Faso ont systématiquement été informés de la situation au fur et à mesure que l’Opposition avançait dans sa lutte pour une alternance démocratique paisible en 2015.

Cette campagne d’information a permis d’accroitre la pression sur le Président Blaise COMPAORE et sur son Gouvernement et à faciliter le passage à une transition civile. En effet, au regard du processus qui a conduit à la transition, aucune couche de la population et aucun partenaire qu’il soit interne ou externe ne pouvait imaginer une transition militaire. Ceci explique en partie la promptitude avec laquelle la communauté internationale s’est organisée pour apporter son appui à la mise en place des institutions de la transition.

CONCLUSION
Au lendemain de la victoire, certaines composantes de la société se sont organisées pour essayer de prendre en gestion la transition au nom de principes inavoués et inavouables. Heureusement toutes ces tentatives ont plus ou moins échoué. Toute chose étant égale par ailleurs, je voudrais encore souligner le rôle déterminant de certains partis de l’Opposition qui par leur humilité ont facilité le choix des représentants de l’Opposition au sein des organes de la transition en renonçant de réclamer les fruits de leur engagé jadis exigé par leurs compères. Je déplore l’altitude malsaine de certains partis de l’Opposition qui ont sauté sans vergogne et dignité sur ces opportunités, sommes toutes uniques pour eux, tant ils sont invisibles dans le paysage politique du Burkina Faso.

L’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 n’appartient ni à une personne, ni à une composante de la société. Néanmoins il ne serait pas juste de passer sous silence le rôle déterminant joué par l’Opposition politique sous le leadership de son Chef de File, Monsieur Zéphirin DIABRE. Je voudrais conclure cette analyse en établissant un parallèle entre les succès enregistrés par l’Opposition dans sa lutte contre la modification de l’article 37 de la Constitution et celui enregistré par l’ Union pour le Progrès et le Changement (UPC), le parti de Zéphirin DIABRE, aux élections législatives et communales de 2012 après seulement deux ans d’existence. Le point commun entre ces deux succès c’est l’existence d’une vision claire, un homme attaché à ses convictions et une méthode travail qui rassemble. Je suis de ceux qui croient que les MEMES CAUSES PRODUISENT LES MEMES EFFETS.

La deuxième leçon que je voudrais tirer de l’expérience du CFOP, est la nécessité de l’Opposition de tout faire pour maintenir la sympathie du peuple burkinabè. L’Opposition burkinabè a souvent montré un visage de division et de moindre cohérence dans sa conquête du pouvoir. Je ne me fais pas d’illusion sur la diversité idéologique des partis de l’Opposition. Mais j’estime que la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance en générale, la lutte contre l’injustice à l’instar de la lutte pour l’alternance auraient besoin d’une unité d’action des principaux partis ex membres du CFOP.

Fort de cette pensée et à défaut d’avoir une candidature unique à la prochaine élection présidentielle, j’encouragement très fortement les partis ex membres de l’ex CFOP à se regrouper à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle de 2015, autour d’un candidat unique quand bien même les deux premières places seraient occupées par deux partis membres de l’ex CFOP. Cette proposition aurait pour avantage de civiliser la campagne électorale et surtout d’unir les efforts des membres de l’ex CFOP autour des préoccupations majeures du Peuple burkinabè.

Les blessures laissées par les 27 ans de régime de Blaise COMPAORE sont si profondes que la démocratie quantitative qui consiste à laisser le pouvoir aux mains du gagnant ne donnera pas la légitimé requise pour entreprendre les grandes réformes structurelles requises. »

Tambi François KABORE,
Directeur de Cabinet de l’ex-Chef de File de l’Opposition
02 BP 5261 Ouagadougou 02
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