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Suspension du CDP, de L’ADF/RDA et de la Fédap/BC : « La transition ne doit pas jeter de l’huile sur le feu»
Publié le jeudi 18 decembre 2014  |  FasoZine
CDP
© aOuaga.com par A.O
CDP : le Bureau politique tient sa 52e session ordinaire
Samedi 2 août 2014. Ouagadougou. Le Bureau politique national (BPN) du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, parti au pouvoir) a tenu sa 52e session ordinaire dans la salle de conférences du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC)




Suite à la suspension par le gouvernement du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex parti au pouvoir), de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) et de la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fédap/BC), Latif B. Kongo qui, dans une précédente opinion politique publiée sur notre site (http://www.fasozine.com/transition-burkinabe-entre-impostures-et-espoir-de-renouveau-democratique/), se demande, par le biais de cette contribution au débat démocratique, si on assiste pas aux «prémices d’une dérive totalitaire au Burkina» (titre originel de ce papier parvenu à notre rédaction).

«Le CDP, l’ADF/RDA et la FEDAP/BC viennent d’être suspendus par un arrêté du Ministre chargé de protéger les libertés publiques. Les explications données par le Secrétaire Général du Ministère, à la télévision, laissent entendre que la faute commise par ces trois organisations serait qu’elles auraient commencé à exercer des activités, au vu et au su de tous, sans attendre que les regrets qu’elles ont exprimés au sujet de leur position dans le débat relatif à la modification de l’article 37 de la Constitution, soient acceptés.

Je crois me souvenir que, dans un souci d’apaisement, chacune de ces formations a effectivement manifesté son regret d’avoir contribué à l’exacerbation de la crise politique que connaissait notre pays, en soutenant le projet du Président Blaise Compaoré de modifier la Constitution pour obtenir une prolongation de son mandat.

Rien ne les obligeait à se repentir aux yeux de la loi. Face à l’ampleur du soulèvement populaire et à la persistance du climat de tension, entretenu à dessein par certains activistes politiques, elles ont simplement voulu tirer les conséquences de la nouvelle situation, en faisant « profil bas » et en montrant leur disponibilité à la réconciliation nationale.

La décision de soutenir une modification du régime du mandat présidentiel peut être considérée comme un choix erroné, au regard du contexte national et international. Mais ce n’est absolument pas un délit. Elle n’enfreint aucune loi du Burkina. Ceux qui ont fait ce choix ne peuvent, en aucune façon, être regardés comme des « criminels ». Vouloir les transformer en parias de la société relève simplement d’une manipulation politique grossière, à laquelle s’activent certaines factions, dans le but évident d’écarter des prochaines compétitions électorales ceux des adversaires qu’elles craignent le plus.

Ce qui est regrettable, c’est que le Gouvernement de la transition, qui est garant des libertés publiques et de la cohésion nationale, se rende, volontairement ou involontairement, complice de cette manœuvre de liquidation, en prenant un acte qui viole la loi même sur laquelle est fondée cette décision.

Revenons sur les raisons de la suspension, telles qu’elles ont été expliquées par le Secrétaire Général du Ministère de l’Administration Territoriale.

Le CDP et l’ADF/RDA auraient exercé des activités contraires aux dispositions de la Loi N° 032-2091, du 29 novembre 2001, portant Charte des partis et formations politiques.

De quelles activités s’agit-il ? Apparemment, ces deux partis auraient, de notoriété publique, tenu des rencontres et publié des déclarations.

A ma connaissance, depuis l’insurrection de fin Octobre, les seuls échos relayés par la presse sur le fonctionnement de ces partis font état de rencontres discrètes, presque clandestines, pour tenter de remettre sur pied leur organisation, face à des risques divers de divisions internes. Quant aux déclarations qu’ils ont publiées, elles avaient presque toutes pour objet d’exprimer leur contrition devant les conséquences dramatiques de la crise politique. Elles ont été accueillies d’ailleurs par une bordée de commentaires sarcastiques aussi bien dans la presse que dans les réseaux sociaux.

En outre, le Ministère semble se plaindre que ces partis n’aient pas attendu que le pardon qu’ils avaient demandé fut accepté avant d’entreprendre les timides actions qui leur sont reprochées. Cette exigence ubuesque prêterait à sourire si elle ne rappelait pas le souvenir des dérives totalitaires qu’ont connues nombre de pays africains. Quelle disposition de loi régissant les partis politiques prescrit que ceux ci doivent demander pardon s’ils prennent une position politique contestée et attendre qu’un pardon officiel leur soit concédé avant de poursuivre leur activité? Qui proclame ce pardon, en vertu de quelle autorité et sous quelle forme?

Autre critique à la fois cocasse et affligeante, tant elle est absurde: il est reproché à ces partis de ne pas avoir de siège, alors même qu’il est de notoriété publique que ces sièges ont été incendiés durant l’insurrection. Ce qui, au demeurant, n’empêche pas ces formations de disposer de sièges secondaires où elles peuvent tenir leurs rencontres en toute légalité.

La gestion de la transition est forcément complexe. On peut comprendre qu’elle donne lieu à des tâtonnements entre les différentes forces antagonistes qui animent actuellement la vie politique nationale. Encore que tout un pan de la classe politique, qui constituait jusque récemment la majorité issue d’élections présumées régulières, est délibérément exclu de ce débat. Mais il appartient aux organes de la transition, une fois passée l’effervescence insurrectionnelle, de ramener le calme et la raison, afin de préparer le retour du pays à une vie démocratique normale. La transition ne doit pas jeter de l’huile sur le feu pour faire plaisir à certains extrémistes. Elle doit éteindre les feux, là où subsistent encore les braises de l’intolérance et de la haine.

Quels que soient les griefs que l’on peut avoir contre les dirigeants du CDP et de l’ADF/RDA, qui portent la responsabilité des choix éventuellement erronés de leurs partis, il faut se souvenir que ces deux formations représentent des millions de militants et de sympathisants à travers le Burkina, dont l’engagement politique ne se limitait pas à la question de l’article 37 de la Constitution. Quand bien même ils auraient pris position sur cette question par fidélité à Blaise Compaoré, où est le mal?

Gardons également en mémoire que sous le régime réputé « tyrannique » de Blaise Compaoré, aucun parti n’a jamais vu son existence et son activité suspendues, ou simplement entravées, même lorsque certains d’entre eux appelaient ouvertement à la sédition.

Petite remarque incidente que ne manqueront pas de relever les avocats des partis en cause, je note que la loi du 29 novembre 2001, sur laquelle se fonde cette mesure précise à son article 30 alinéa 2 que « l’arrêté de suspension doit être motivé et comporter la durée de la suspension qui ne peut excéder trois mois. »

Tel qu’il a été publié in extenso par la presse, l’arrêté qui suspend le CDP et l’ADF/RDA n’est pas motivé, à en juger simplement par le titre du journal l’Observateur paalga, qui titre dans son édition du 15 Décembre 2014 : « Suspension CDP, ADF/RDA et FEDAP/BC, POURQUOI? » Par ailleurs, l’arrêté ne fait aucune mention de la durée de la suspension.

Pour en revenir à l’essentiel, l’insurrection a réussi en mettant fin au régime trop long de Blaise Compaoré, qui forcément n’est pas exempt de reproches. A présent, ce à quoi aspire la majorité des Burkinabè, c’est la tranquillité, la justice, la liberté, la démocratie et l’amélioration de ses conditions de vie.

On le répète à loisir, les Burkinabè ont montré la preuve de leur lucidité et de leur maturité politiques. Ils sont capables de juger et de choisir leurs dirigeants en toute connaissance de cause et en toute liberté. La transition ne doit pas les priver de ce choix. Si le CDP et l’ADF/RDA ont failli, c’est aux électeurs d’en tirer les conséquences, à l’occasion des prochains scrutins, dans le cadre d’une compétition électorale ouverte et loyale. C’est ainsi que les choses fonctionnent dans une démocratie qui veut se démarquer des « républiques bananières ».

Avec ses heures sombres et ses heures de gloire, l’ADF/RDA fait partie de l’histoire politique du Burkina depuis la période coloniale. Le CDP aussi, quoique moins ancien, est inscrit dans le paysage politique de notre pays depuis une trentaine d’années et il serait injuste de prétendre que son action n’a été que néfaste. Le vent du changement offrira peut être à ces deux formations l’occasion de se régénérer et de refonder leurs bases politiques. Mais cette tâche n’incombe qu’à leurs membres et à leurs dirigeants.

Point n’est besoin de s’attarder sur le cas de la FEDAP/BC. C’était une association dédiée au soutien de Blaise Compaoré. Le départ de celui ci compromet la survie de ce regroupement. Mais il n’appartient pas à l’Administration de supprimer cette association sous le prétexte fallacieux qu’elle a pris des positions politiques. Que fait la multitude des associations de la société civile qui peuple actuellement les rues, les médias nationaux et même les institutions de la transition, si ce n’est de la politique? Laissons la FEDAP/BC suivre son destin difficile et restaurons la paix pour le bénéfice de tous dans notre pays.»

Latif B. Kongo
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