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Comment stopper le tripatouillage des constitutions en Afrique?
Publié le mardi 16 decembre 2014  |  Libreafrique.org




La révision ou la modification de la constitution d’un l’État est un acte important, surtout si c’est pour l’intérêt de la nation. Toutefois, il y a eu souvent une manipulation aléatoire des dispositions fondamentales des constitutions en Afrique et cela pour des intérêts personnels. Le cas du Burkina Faso qui a été plongé dans la tourmente politique, le cas récent du Togo, sont des exemples flagrants.

Fait intéressant, systématiquement les dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat des chefs d’État ont été modifiées de manière à prolonger la durée du mandat de ces dirigeants s’accrochant au pouvoir. N’existe t-il pas de mesures juridiques et institutionnelles en place pour dissuader ces dirigeants et leurs régimes de manipuler ces textes fondamentaux? N’y a-t-il pas des mécanismes politiques qui peuvent être mis en place afin d’empêcher ces dirigeants de manipuler les dispositions fondamentales?

Dans la plupart des Constitutions des États africains telles que celles de la République démocratique du Congo, du Gabon et de la Guinée équatoriale, la disposition relative aux mandats des chefs d’État est facilement modifiable. Il n’existe pas de dispositions qui empêchent la manipulation de clauses aussi importantes.

L’Afrique du Sud et le Botswana ont mis en place des cours constitutionnelles qui garantissent la séparation des pouvoirs. Par exemple en Afrique du Sud, il est difficile pour le pouvoir exécutif (le gouvernement) de réviser les dispositions fondamentales de la Constitution de 1994. D’autres États comme le Togo et le Burkina Faso ont mis en place des Conseils constitutionnels qui se sont avérés être inefficaces dans la prévention de la manipulation des constitutions.

La séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire dans les États africains, reste précaire. Le pouvoir exécutif demeure le plus puissant. Les juges des tribunaux sont toujours nommés par les chefs d’État et sont ainsi contraints de lui prêter allégeance. Avec une telle configuration des rapports de force entre les différents pouvoirs, les chefs d’État continueront à manipuler les dispositions fondamentales des Constitutions de manière à rester au pouvoir le plus longtemps possible.

Une opposition faible est aussi une raison majeure pour laquelle les dirigeants africains continuent de manipuler les constitutions. Selon un article daté du 18 novembre 2014 par « Oeil d’Afrique », les leaders politiques de l’opposition de la République démocratique du Congo, du Congo Brazzaville, du Burundi, du Gabon, du Sénégal et de la Guinée équatoriale se sont réunis à Paris et ont signé une déclaration en vue de stopper le tripatouillage des Constitutions, notamment le nombre et la durée des mandats au pouvoir, par les chefs d’Etat africains. Il est indéniable que la tenue de telles réunions et la signature de ces déclarations ne sont pas la panacée. Les dirigeants des partis d’opposition dans la plupart des États africains n’ont pas été en mesure de parvenir à un consensus pour choisir un candidat, lors des élections présidentielles.

Les États africains ne disposent pas d’une société civile structurée et institutionnalisée en mesure d’empêcher les dirigeants de modifier les dispositions fondamentales des constitutions. Selon un rapport de France 24 en novembre 2014, les groupes de la société civile ont tenté de rejoindre les dirigeants des partis d’opposition dans une campagne pour empêcher le Président de la République du Togo, de manipuler les dispositions fondamentales de la Constitution. Cette action a échoué parce que les groupes de la société civile ne parlent toujours pas d’une seule voix au sujet des raisons pour lesquelles les dispositions fondamentales comme la durée du mandat du chef de l’État ne devraient pas être modifiées.

La presse dans les États africains est encore fragile. De nombreux États africains comme la Gambie ne peuvent pas se vanter d’une presse indépendante. De nombreux journalistes ont été arrêtés et sont morts dans les prisons suite à leur contestation de la modification des dispositions fondamentales des Constitutions.

Il faut donc remettre en cause ce statu quo. Les rédacteurs des constitutions en collaboration avec une société civile dynamique et des dirigeants de partis politiques unis doivent s’assurer qu’il y a une disposition dans les constitutions des États qui interdit expressément la manipulation de la durée et le nombre de mandats du chef de l’État. Un des rôles des Cours constitutionnelles est de prévenir les tentatives d’abus de pouvoir par l’exécutif. Il est donc indispensable que les institutions de l’État comme les Cours et les Conseils constitutionnels soient indépendants pour être en mesure de contester la modification des dispositions fondamentales des Constitutions en Afrique.

Les différents groupes de la société civile en Afrique doivent être bien organisés et parler d’une seule voix lorsqu’il s’agit de questions importantes, comme la manipulation de la durée du mandat des chefs d’État. Pour ce faire, il y a tout un apprentissage pour apprendre à travailler ensemble. L’amélioration du financement et de l’encadrement de ces différentes structures est la seule voie pour faire émerger une société civile servant de contrepouvoir effectif aux caprices des dirigeants africains. Dans le même ordre d’idées, il est incontournable de réformer le cadre juridique des métiers de presse pour améliorer la protection des journalistes contre l’arbitraire. Une protection synonyme d’une presse dynamique et audacieuse capable de dénoncer et de mobiliser contre toute tentative de tripatouillage des Constitutions.

Il ne suffit pas d’avoir une faible séparation des pouvoirs comme c’est le cas dans la plupart des États africains. Encore faut-il qu’il existe des mécanismes politiques et institutionnels qui jouent le rôle de contrepouvoirs pour prévenir la manipulation des excès.
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