Société
Reboutage à Koudougou: Madi Kaboré, le soudeur des os cassés
Publié le vendredi 5 decembre 2014 | Sidwaya
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Dans le domaine du reboutage au Burkina Faso, il y a un nom qui compte aussi : Madi Kaboré, 70 ans bien sonnés, basé à Koudougou dans le Boulkiemdé. Il s’est forgé une notoriété de rebouteur qui va au-delà des frontières. Sa cour, sise au secteur n°7 dans le quartier Sogpélcé, ne désemplit pas. Il reçoit des accidentés de tout genre.
Madi Kaboré est né à Salbisgo, à une quinzaine de kilomètres de Koudougou, un village de la commune rurale de Ramongo. C’est dans son village natal qu’il a commencé le reboutage en 1960 auprès de son père. En 1964, le jeune Madi Kaboré, à l’image de bon nombre d’enfants de sa génération, regagne la ville de Koudougou, à la recherche d’un mieux- être. Dans sa ville d’accueil, il ne révèle pas immédiatement ses talents de rebouteur. Mais à chaque fois qu’il voyait quelqu’un qui traîne des séquelles d’une fracture par exemple, il l’appelait et redressait sa fracture, sans tapage aucun. De par la qualité de ses résultats, le bouche-à-oreille le contraint à assumer au grand jour son savoir-faire. Et depuis 1970, il décide de pratiquer de façon officielle le reboutage. Tous les jours, il reçoit ses patients à partir de 19 h et exerce parfois toute la nuit. M. Kaboré nous précise tout de suite que le fait de ne pas recevoir ses patients dans la journée n’a rien d’occulte, mais simplement pour lui permettre de vaquer à ses occupations. En effet, il dit ne pas vivre du reboutage, car il ne réclame qu’un fagot de bois après guérison. Du bois qu’il lui est interdit de vendre, si ce n’est partager au voisinage quand la quantité déborde sa cour. Toutefois, dans les situations où il est appelé à rejoindre des blessés à la maison, surtout les victimes de fractures à la cuisse, il affirme prendre «1 000 F CFA pour son carburant».
Un don de père en fils
Au début, le vieux Madi Kaboré faisait le travail tout seul. Mais au fil des ans, comme il a été pour son père, certains de ses enfants lui sont venus en appui. Selon lui, ils sont cinq à avoir eu le don de pouvoir remettre en l’état les fractures et autres luxations. Parmi eux, il y a un enseignant et des commerçants pour la plupart. Et comme leur père, ces enfants consacrent leur soirée à aider leur père à soulager les nombreux malades qui inondent leur cour tous les soirs. L’enseignant est le rebouteur par excellence de son lieu d’affectation. Les week-ends, il rentre à Koudougou, non pas pour souffler, mais pour aider son père dans le reboutage. Les autres enfants dont le fils aîné, dès qu’ils rentrent du marché tous les soirs et après le repas, ils se mettent au travail. Le vieux Kaboré explique que le reboutage dans sa famille, est un don naturel de Dieu. Pour preuve, il n’utilise pas de potion pour accompagner la pratique. «Nous n’utilisons aucun produit magique, sauf le beurre de karité pour certains cas», nous a confié Madi Kaboré. Dans la pratique, il reconnaît quelques cas d’échec. «Ce sont surtout ceux qui ont traîné, trois ou quatre mois, avant de solliciter notre aide», justifie le vieux rebouteur. Pour le reste des cas de fracture n’excédant pas un mois, il est formel : «nous n’avons jamais échoué». Madi Kaboré fait savoir que les patients lui viennent de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Bénin, du Togo… et cela est vérifiable dans le cahier tenu à cet effet. Au plan national, ils viennent de toutes les provinces, assure le septuagénaire. Quel que soit l’origine ou le rang social d’un patient, il se soumet à la discipline instaurée par la famille Kaboré en prenant le rang à son arrivée. Côté prestations, c’est le même fagot de bois qu’un Ivoirien, un Malien, un Béninois ou le voisin du rebouteur habitant le secteur n°7 de Koudougou donnera en contrepartie du service rendu. «Il y a certes, des gens qui viennent après nous gratifier de cadeaux divers, mais parmi 100 patients, ils ne dépassent pas un ou deux», confesse Madi Kaboré. Avec la direction régionale de la Santé du Centre-Ouest, le rebouteur dit avoir de très bons rapports de collaboration. "Je réfère souvent les fracturés à l’hôpital pour des sutures avant de revenir pour le reboutage", soutient-il. Il ajoute que des responsables de la santé passent souvent l’encourager pour le travail. «Il y a même eu des missions venues de Ouagadougou pour voir ce que nous faisons», se réjouit M. Kaboré, assurant qu’il dépose un rapport de ses activités à la mairie, à la direction régionale de la santé, au haut-commissariat, au gouvernorat, etc. Le directeur régional de la Santé du Centre-Ouest, le docteur Seydou Barro, confirme : «M. Kaboré Madi est effectivement reconnu par les plus hautes autorités sanitaires de notre pays comme un tradipraticien de santé exerçant dans un domaine bien précis, à savoir la prise en charge des fractures, surtout les fractures fermées et les luxations». Et comme pour attester de l’efficacité des soins qu’il administre aux malades, le ministère de la Santé lui a délivré une autorisation d’exercer la médecine traditionnelle par arrêté daté du 24 octobre 2014. Personnellement, le directeur régional dit avoir pu observer, en tant que médecin, le travail de reboutage de M. Kaboré et confirme que l’«apport de ce rebouteur est très important pour la santé». Dr Barro précise que le rapport de 2013, à eux transmis par le traditipraticien, laisse entrevoir qu’il a eu à prendre en charge plus de six mille patients.
Pour le rebouteur lui-même, ce sont ses bons rapports avec les autorités locales qui lui ont permis également d’obtenir deux terrains pour l’exercice de son savoir-faire. «Mais comment construire ? J’attends toujours de l’aide pour la construction des deux parcelles qui me serviront de logement et de lieu pour le reboutage», a-t-il plaidé. En effet, sa cour actuelle s’est révélée exigüe du fait du flux de plus en plus croissant de patients. Aussi, il souhaite un cadre doté d’abris afin de pouvoir travailler, même en cas de pluie. Pour le moment, dès les premières gouttes, il est contraint de renvoyer les patients chez eux. Ce problème de local est bien connu des autorités sanitaires de la région. «Nous reconnaissons que son domicile n’est pas adapté et cela pose un problème d’hygiène, avoue Dr Seydou Barro. Cependant, l’exercice de la médecine traditionnelle étant une profession libérale, l’accompagnement que peut lui apporter le ministère est d’ordre technique».
Témoignage
d’une septuagénaire
triple-fracturée
Toutefois, il assure que l’administration sanitaire ne ménagera aucun effort pour appuyer M. Madi Kaboré dans la recherche de solutions auprès de partenaires.
La vieille Sibiri Tiendrebéogo est originaire du village de Villy, à une quinzaine de kilomètres à l’Est de Koudougou. Le 15 novembre 2014, elle a été victime d’une triple fracture à la cuisse droite, au tibia gauche et à la mâchoire sur la route nationale N°14, alors qu’elle était venue assister à des funérailles dans sa famille à Koudougou. C’est une motocycliste qui a percuté la vieille Tiendrebéogo. Elle se trouve dans une situation où il faut la rejoindre pour le massage. Le 21 novembre, nous la retrouvons chez elle en famille au secteur n°2 de Koudougou. Elle soutient qu’avec le rebouteur Madi Kaboré, l’intense douleur des premiers jours se dissipe. Elle dit faire confiance au rebouteur Madi Kaboré dont elle a longtemps entendu parler sans le connaître. «A chaque fois qu’il vient pour le massage, dit-elle, je sens un allègement substantiel qui me permet de mieux dormir». Au regard de la gravité de ses fractures, elle recevait, jusqu’à la date du 21 novembre, trois massages par semaine. Agée de 70 ans, la vieille Sibiri Tiendrebéogo a deux mois fermes pour pouvoir se déplacer, rassure le rebouteur Madi Kaboré.
Thomas Béréwoudougou, lui, a été victime d’une luxation consécutive à un choc, lors d’un match de football. Après son premier passage chez Madi Kaboré, il dit être soulagé de la douleur qu’il avait à la hanche. Connaissant déjà le rebouteur, il n’a pas hésité à se déplacer chez lui pour se faire masser. «C’est un rebouteur que j’ai eu à recommander à plusieurs personnes aussi bien de Koudougou que des gens d’ailleurs», indique Thomas Béréwoudougou. Il ajoute que le vieux Madi Kaboré a un don que personne ne peut expliquer. Pour sa part, Sibiri Ouédraogo a eu un accident à Ouagadougou ayant causé un déboîtement au genou. Lui aussi a placé ses espoirs de guérison sur le rebouteur de Koudougou. Il explique avoir été conseillé par un de ses amis d’effectuer le déplacement à Koudougou. Nous l’avons rencontré à son premier jour de traitement, il semblait déjà convaincu de la qualité des soins à lui apportés. «Dès qu’il (le rebouteur) m’a pris en charge, j’ai compris que je suis dans les mains de mon vrai guérisseur», argumente le patient.
François KABORE
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