Les assises nationales sur la corruption qui ont ouvert leurs portes à Ouagadougou le 19 décembre dernier affichent a priori des objectifs pour le moins ambitieux. Le thème de cette rencontre inédite au Burkina, qui invite les participants à proposer des « actions fortes et concrètes pour des avancées décisives » dans la lutte contre la corruption, en dit long sur la volonté qui sous-tend son organisation. Les ressources financières de 100 millions de F CFA et humaines de 650 participants mobilisées pour la circonstance doivent en principe permettre, si elles sont utilisées à bon escient, de produire des conclusions utiles.
L’objectif étant de faire le diagnostic de la corruption au pays des Hommes intègres, en vue de formuler des recommandations pour son éradication. Il est en tout cas évident que, comme les autres fora du même genre qui les ont précédées dans d’autres domaines, les présentes assises pondront des suggestions au terme des travaux prévus pour prendre fin le 21 décembre prochain. Dans le meilleur des cas, les propositions des participants aux rendez-vous de ce genre qui se sont tenus dans le passé ont suscité chez les décideurs politiques des résolutions ou des mesures qui attendent toujours désespérément des décrets d’application.
Dans le pire des cas, et c’est malheureusement le plus souvent le cas, après avoir promis devant toutes les parties prenantes de tout mettre en œuvre pour une application stricte et exhaustive de leurs recommandations, l’autorité compétente les envoie moisir dans les tiroirs en attendant d’être écrasées par le poids combien pesant d’autres rapports similaires. Nous n’en sommes pas encore à ce stade en ce qui concerne le brainstorming en cours sur la corruption. Mais les circonstances et le contexte dans lesquels se tiennent ces échanges incitent quand même à un peu de crédulité. La rencontre placée sous l’égide de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) pourrait en effet ne pas être juste une de plus dans la mesure où elle a été en partie inspirée par la récente crise sociopolitique dont les fâcheuses conséquences n’ont plus besoin d’être rappelées.
Les assises sur la corruption sont en outre la mise en œuvre d’une instruction du chef du gouvernement, Luc Adolphe Tiao (LAT) qui, lors de sa visite du 13 septembre dernier au siège de l’ASCE, a recommandé leur tenue avant la fin de l’année. Le « Premier ministre de crise », comme on avait surnommé LAT à sa prise de fonction au temps fort de la crise, veillera donc, osons-nous espérer, personnellement à ce que les résultats de ce colloque soient judicieusement exploités. Il y va de son honneur à travers le respect de sa parole donnée, lui qui a promis de s’attaquer sans merci à la mal gouvernance en général, la mauvaise gestion, la fraude et la corruption en particulier. Il y va aussi de la consolidation de la paix sociale, certes, retrouvée, mais qui mérite d’être entretenue. Car, il n’est point besoin de préciser que la montée et l’exacerbation de la tension sociale en 2011 étaient en partie dues à l’expression par les populations de leur ras-le-bol face aux inégalités criardes qu’engendrent des phénomènes comme la corruption et l’enrichissement illicite.
Il est donc impératif, pour la préservation d’un bon climat social, que la montagne de ces assises accouche de plus qu’une souris. Au regard des moyens qui y seront injectés, l’on peut s’attendre à des travaux de qualité. La balle sera maintenant dans le camp des dirigeants qui devront œuvrer et user de toutes leurs influences et prérogatives pour que l’on en finisse avec le folklore que l’on nous a toujours servi dans ce genre de situation. Non seulement il est temps de passer des discours aux actes, mais aussi il est urgent et il serait plus efficient de préférer au placebo auquel l’on a toujours eu recours, un véritable remède. La mise en œuvre des recommandations doit avoir pour but de permettre de sensibiliser les acteurs du développement au respect des procédures légales, à la reconnaissance et à la dénonciation systématique des actes et transactions suspects. Les citoyens, même les moins instruits, doivent être amenés à prendre conscience des effets pervers de la corruption et surtout de savoir quelles sont les voies de recours pour ceux qui en sont victimes. L’éducation civique à tous les niveaux et dans tous les secteurs d’activités doit être conjuguée à un effort politique manifeste de débusquer, de traquer et de sévir contre les auteurs et complices d’actes à visée corruptive. Pour ce faire, il faudra travailler à rendre plus efficaces les structures publiques et privées impliquées dans la prévention et la lutte contre la corruption. En somme, il faudra éviter de vider le thème si évocateur des assises de son sens réel, à savoir agir réellement, vigoureusement et quotidiennement de sorte à tendre le plus tôt possible vers la tolérance zéro.