Zitibmi Albert Yameogo, president de L’ABBEF : « on ne peut vouloir agir sur la fécondité sans offrir des alternatives pour éviter les grossesses précoces »
Depuis mars de l’année en cours, l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF) est présidée par M. Zitibmi Albert Yaméogo. Pour ce conseiller des Affaires économiques, c’est simplement une consécration dans une structure qu’il connaît depuis une vingtaine d’années, comme volontaire et aussi en tant que Directeur exécutif, entre 1998 et 2001. Dans cette interview, M. Yaméogo prend de nouveaux engagements pour le bien-être familial et commente des reconnaissances nationales et internationales dont l’association vient de bénéficier.
Sidwaya (S.) : Vous avez été élu à la tête de l’ABBEF courant mars. Sous quel signe placez-vous votre mandat ?
Zitibmi Albert Yaméogo (Z.A.Y) : A notre élection le 30 mars 2012, j’avais indiqué que la priorité de notre bureau était la réussite de l’accréditation, la mobilisation de volontaires aux profils diversifiés et compétents, la remobilisation des anciens volontaires, la mobilisation des ressources pour la mise en œuvre du plan stratégique 2011-2015 de l’ABBEF. Aussi, en tant qu’association œuvrant dans le domaine de la santé et de la population, notamment la planification familiale, nous devons nous préparer par rapport à deux événements majeurs que sont les rendez-vous de la CIPD en 2014 et l’après-OMD en 2015. Et pour être en phase avec l’IPPF (Fédération internationale pour la planification familiale), nous nous fixons aussi comme objectif de remplir les trois (03) buts de changements, à savoir l’unité au sein des associations-membres de la fédération ainsi qu’avec tous nos partenaires avec lesquels nous travaillons à faire changer qualitativement les choses. Le deuxième but de changement est l’élargissement et l’amélioration continue de nos services, et enfin, nous voulons avoir des associations ayant des organes de gouvernance forts et des directions fortes.
S. : L’IPPF a célébré en fin novembre 2012, les 60 ans de sa création. Quel sens, l’ABBEF, en tant qu’association-membre, donne-t-elle à cet événement ?
Z.A.Y : L’ABBEF qui s’est toujours distinguée comme l’une des associations-modèles de l’IPPF ne peut naturellement être en marge de cette commémoration. Et le sens que nous donnons à cette célébration est une invite à l’ensemble des volontaires et du personnel, à toujours persévérer dans le sens de l’amélioration constante de nos services. Nous voulons que la confiance que les plus hautes autorités ainsi que les différents partenaires placent à l’ABBEF se traduise dans les faits par une satisfaction des clients qui fréquentent nos cliniques. Nous visons également avec l’accompagnement de l’Etat, de nos partenaires, à être en phase avec les défis que l’IPPF entend relever, à savoir l’amélioration continue de nos services et leur accroissement. Nous visons le doublement de nos services d’ici à 2015, et leur triplement d’ici à 2020. C’est un grand défi, mais nous devons nous y atteller si l’on sait que les besoins non satisfaits dans le domaine de la planification familiale sont encore énormes dans notre pays (de l’ordre de 31% en milieu urbain et de 11% en milieu rural pour les femmes vivant en union). Le sens que nous donnons à cette célébration c’est aussi une réflexion pour anticiper sur l’après-CIPD en 2014 et l’après-OMD en 2015.
S : Quelle est la contribution de l’IPPF en 60 ans d’existence ?
Z.A.Y : Sans verser dans l’auto-satisfaction, nous pensons que notre fédération avec ses associations-membres ont rendu d’énormes services aux couches les plus vulnérables à travers le monde. Et c’est justement pour cela qu’au niveau national, nous avons décidé de célébrer les 60 ans de l’IPPF avec la journée du volontaire sous le thème : "60 ans d’engagement et d’actions de l’IPPF et de ses associations-membres pour le bien-être des familles". L’IPPF, c’est plus de 170 associations-membres qui s’investissent chacune dans la promotion et l’amélioration de la santé de la mère, de l’enfant, des jeunes, et même dans certains pays, de celle des personnes du 3e âge. L’IPPF est pionnière dans le domaine de la Planification familial (PF). Elle a fortement contribué à créer un environnement favorable à la PF, et aujourd’hui nul ne peut dénier le bien-fondé de la planification familiale. Et comme le dit si bien le Directeur de l’IPPF région Afrique, qu’aurait été le monde sans l’IPPF, qu’aurait été l’Afrique sans l’IPPF ? Moi, j’ajoute en disant qu’aurait été le Burkina sans l’ABBEF ? Qu’aurait été notre pays en termes de démographie, sans le courage et la détermination des pionniers de notre association qui ont bravé toutes sortes d’entraves lorsqu’ils créaient l’association en 1979 et parlaient de PF en cette date ?
S. : A la faveur des festivités commémoratives des 60 ans de l’IPPF, tenues en Afrique du Sud, l’ABBEF a reçu son certificat d’accréditation. Comment avez-vous accueilli cette distinction ?
Z.A.Y : L’ABBEF a accueilli cette distinction avec beaucoup de joie. Notre fédération a mis en place ce système d’accréditation qui est comme un outil pour jauger la performance de ses associations membres. L’accréditation signifie que vous respectez les normes de l’IPPF. Ces normes prennent en compte des aspects comme la bonne gouvernance de l’instance dirigeante de l’association, la santé financière, la performance dans la gestion, le fait d’être une association-leader dans le domaine de la PF dans son pays. Donc, savoir que vous respectez ces normes et que vous êtes en conformité est une performance pour les associations membres qui y parviennent. Donc, nous sommes heureux d’être accréditée par la plus grande fédération de planification familiale dans le monde. Ce qui est la preuve de notre sérieux et de la qualité de nos prestations.
S. : Quelles sont les implications de l’accréditation pour une association-membre de l’IPPF ?
Z.A.Y. : L’accréditation implique qu’il faut maintenir le cap pour rester toujours une association-membre performante. Notre fédération a maintenant adopté le financement basé sur les performances pour toutes ces associations. Vous convenez avec moi que si vous n’êtes pas accrédité, cela pourrait avoir une incidence sur les ressources que vous recevrez. L’accréditation est également une reconnaissance qui vous permet de développer le partenariat avec d’autres structures au plan national et international.
S. : L’ABBEF souffle sur ses 33 bougies ce 19 décembre. Quelles appréciations faites-vous de l’apport de votre association dans le domaine de la santé en général, et de la planification familiale en particulier ?
Z.A.Y : L’ABBEF a énormément contribué au bien-être des familles burkinabè. Et en tant que Président national, je voudrais rendre ici un hommage appuyé aux pionniers de notre association, aux volontaires actuels et à l’ensemble du personnel pour l’immense travail accompli en 33 ans. Notre association accompagne l’Etat dans l’offre de services dans le domaine de la santé en général et de la PF en particulier. Nous avons contribué à l’acceptation de la PF dans notre pays. Aujourd’hui l’ABBEF, c’est deux cliniques adultes, 5 centres d’écoute pour jeunes à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou et Koupèla, un jardin d’enfants à Bobo. Et notre association a très vite pris en compte la dimension santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes dans ses interventions à travers le modèle des Centres d’écoute pour jeunes (CEJ). Pour un pays qui a une population, composée en grande partie de jeunes, on ne peut vouloir agir sur la fécondité de la population sans chercher à offrir aux jeunes, des alternatives pour éviter les grossesses précoces. Nous avons également des équipes mobiles qui vont vers les populations de certaines zones éloignées de nos centres pour leur offrir des services dans le domaine de la PF, de la gynécologie, etc. En 33 ans d’existence, l’ABBEF est fière de la confiance que l’Etat place en elle, et continuera à s’engager à ses côtés pour toujours offrir des services de qualité aux population de nos zones d’intervention.
S. : L’ABBEF a une nouvelle fois été récompensée par le gouvernement à travers la médaille de Commandeur de l’Ordre du mérite. Ça ne court pas les rues, les associations et ONG qui reçoivent ce genre de distinction. Quel est votre secret ?
Z.A.Y : Vous me permettrez d’abord de saluer les plus hautes autorités de notre pays pour les nombreuses distinctions que le gouvernement accorde à notre association, dont la dernière en date est celle de Commandeur de l’Ordre du mérite. Nous le ressentons comme une invite à toujours maintenir le cap et à donner le meilleur de nous-mêmes. Aussi, je voudrais, au nom de l’ensemble des volontaires de l’ABBEF ainsi que du personnel, traduire encore une fois notre reconnaissance pour toutes les distinctions reçues. Vous parlez de secret, je dirais plutôt qu’il s’agit juste de la reconnaissance de notre association dans ses actions de tous les jours. Il faut aussi saluer l’action de toutes les personnes qui ont permis à ce que les mérites de l’ABBEF soient connus et reconnus.
Je voudrais également remercier votre journal et les hommes qui l’animent. Et dire simplement que la presse dans sa grande diversité contribue fortement au développement de notre pays. Vous jouez un rôle éminemment important dans le sens de l’information et de l’éducation du peuple. Et pour finir, j’invite toutes les personnes de bonne volonté à adhérer massivement à l’ABBEF en vue de contribuer à faire avancer la cause des femmes, des jeunes à un accès universel à des services de santé sexuelle et de la reproduction de qualité.
