Politique
A l’université de Ouagadougou, joie et frustration mêlées après la nomination du président de la transition
Publié le lundi 17 novembre 2014 | AFP
© Autre presse par DR
Vacances à l’université de ouaga: les étudiants entre petits boulots et révisions |
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Ouagadougou - "Il y a comme un goût d’inachevé". Jérôme Oubda, étudiant de l’université de Ouagadougou, ne sait sur quel pied danser: sa joie de voir le Burkina Faso doté d’un président intérimaire, ou sa colère de savoir Michel Kafando nommé.
"Pourquoi chasser le président Compaoré si c’est pour le remplacer par son sbire?", s’interroge le jeune trentenaire, vêtu d’un survêtement bleu.
"Désigner M. Kafando, c’est perpétuer le règne du parti majoritaire et de Blaise Compaoré", accuse-t-il.
Il y a un peu plus de deux semaines, le Burkina Faso vivait ce que certains appellent sa "révolution noire": des centaines de milliers de jeunes, las de 27 années de règne de l’ex-chef de l’Etat Blaise Compaoré qui souhaitait encore modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir, manifestaient à Ouagadougou. Ils incendiaient le parlement et obtenaient finalement la fuite du président le 31 octobre.
Après deux semaines de pouvoir militaire, la désignation lundi matin de Michel Kafando, candidat proposé par l’armée mais personnalité peu connue, pour succéder au lieutenant-colonel Isaac Zida, l’actuel homme fort du pays, frustre cette jeunesse.
Figure de la diplomatie burkinabè, cet ancien ambassadeur de la Haute-Volta (l’ancien nom du pays) puis du Burkina Faso auprès des Nations unies, respectivement en 1981-1982 et 1998-2011 a été choisi par un collège de civils et de militaires après une nuit de discussions à Ouagadougou.
"Je suis dubitatif, non sur les capacités de l’homme à mener la transition, mais à répondre aux aspirations du peuple", estime M. Oubda, étudiant en communication.
"Ce choix est le signe que la révolution du peuple a été volée par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP)", dont M. Zida est le numéro deux, affirme Philippe Edouard Kaboré, 26 ans, en 3e année de droit.
Michel Kafando "candidat de l’armée, donc du RSP", et de la "communauté internationale", "préservera les dossiers" de l’ex-majorité et de "Blaise Compaoré, qui l’a fait ambassadeur pendant plus de 10 ans", commente-t-il sur un ton grave, entouré par ses camarades aux poings levés.
- ’Que connaît-il de la révolution burkinabè ?’ -
Qu’importe que l’ancien diplomate soit reconnu pour son intégrité, cet ex-ministre des Affaires étrangères âgé de 72 ans ne correspond par vraiment au portrait-type du président intérimaire dont rêvaient les jeunes Burkinabè.
"Que connaît-il de la révolution burkinabé, lui qui a quitté le pays sous cette même révolution?", interroge Frédéric Sodré, enseignant vacataire de 25 ans, qui fait ici référence à la révolution menée par Thomas Sankara, président du Burkina de 1983 à 1987, jusqu’à son assassinat lors du coup d’Etat de Blaise Compaoré.
L’ombre de Sankara, homme intègre, idôle du panafricanime et héros des Burkinabè, a plané sur toutes les manifestations anti-Compaoré.
Or Michel Kafando n’entretenait pas de bonnes relations avec le "Che" burkinabè, dont la mémoire a été réhabilitée ces dernières semaines. L’avoir choisi est "une forfaiture", tranche M. Sodré.
"Je suis fier de ce que nous Burkinabé avons fait ces derniers jours, mais le choix du président me rend moins fier", poursuit-il, repris en écho par tous les étudiants interrogés.
Un fanion national à la main, assis sur sa moto, Harouna Tapsoba, 28 ans, ne masque pas son enthousiasme. "Je ne connais pas M. Kafando, mais il est le témoin de l’après Blaise Compaoré dont le pays a tourné la page", observe cet étudiant en lettres modernes.
"Le cas burkinabè fera école dans la sous-région, se réjouit-il. Personne ne pouvait le prédire, mais nous avons réussi en deux semaines à écrire une nouvelle ère pour l’histoire de notre démocratie."
str-jf/hba
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