Politique
Signature de la charte de la transition : « La réplique à la forfaiture de Blaise Compaoré », selon Zida
Publié le lundi 17 novembre 2014 | Le Quotidien
© Le Quotidien par Bénéwendé Bidima
Transition : la charte officiellement signée Dimanche 16 novembre 2014. Ouagadougou. Maison du peuple. Les représentants des forces vives de la nation et de ceux des forces de défense et de sécurité ont signé la charte de la transition au cours d`une cérémonie solennelle. Photo : lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, chef de l``Etat de la transition |
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L’émotion était vive dans la Maison du peuple, ce lieu symbolique de la lutte indépendantiste des Voltaïques, aujourd’hui Burkinabè. Et pour cause ! Il s’y est tenu, le 16 novembre 2014, la cérémonie du Forum des forces vives et des forces de défense et de sécurité sur l’approbation de la charte de transition. Par acclamation, la charte mettant définitivement fin à l’ère Compaoré, a été approuvée par une foule sortie nombreuse.
Ils étaient nombreux issus de toutes les couches socio-politico professionnelles à être témoins de cet événement historique marquant le début de la transition civile. Après lecture de la charte par Ablassé Ouédraogo, porte-parole de la commission de rédaction de la charte, c’est un tonnerre d’applaudissements qui a suivi. Pour ainsi dire que la charte est approuvée. Le Conseil constitutionnel la valide aussitôt. Intervient ensuite sa signature par les différentes parties prenantes à sa rédaction, à savoir
Zéphirin Diabré au nom du CFOP, Amadou Dabo au nom des autres partis politiques, Pasteur Henri Yé au nom des autorités coutumières et religieuses, Luc Marius Ibriga au nom de la société civile et le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida au nom des forces de défense et de sécurité. « Le soleil s’est levé au Faso. Il porte le nom, paix. L’orage s’est arrêtée », fait remarquer le slameur Ombr’ Blanche. Historique, cette cérémonie le fut. On ne le fera pas dire au lieutenant-colonel Yacouba Zida qui, dans son discours, a ému plus d’un dans la salle.Surtout lorsqu’il affirme que l’insurrection populaire est une « réplique à la forfaiture de Blaise Compaoré »1
Le discours révolutionnaire du lieutenant-colonel Zida
Du haut de la tribune, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, chef de l’Etat, a tenu un discours mémorable au regard de sa teneur. Dans un lexique révolutionnaire marqué souvent des citations d’auteurs philosophiques, le chef de l’Etat a, à jamais, marqué la jeunesse burkinabè. En témoigne, du reste, les acclamations de celle-ci qui ont accompagné son speech. Entre « l’intégrité retrouvée du peuple burkinabè » depuis le 30 octobre, « l’hommage aux martyrs »,
« la forfaiture de Blaise Compaoré et la rapacité de ses adeptes » et « la mise en garde des acteurs politiques », le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, rentre dans l’histoire du Burkina Faso. Jugez-en vous-mêmes avec son discours que nous vous proposons en intégralité.
«Depuis le 30 octobre 2014, le peuple burkinabè s’est réconcilié avec lui-même et avec son histoire. En effet, s’inscrivant dans la dialectique d’une histoire qui s’est répétée, en référence au soulèvement populaire du 3 janvier 1966, et dans le symbolisme de la bravoure, du courage, de l’intégrité et de l’honneur qui ont toujours caractérisée le peuple burkinabè, l’insurrection populaire du 30 octobre 2014 a redonné au Burkina Faso, notre chère patrie , sa dignité et sa respectabilité sur la scène internationale.
Désormais dans notre histoire : « Un avant et un après 30 octobre 2014 »
Comme le disait la Rochefoucauld « dans toutes les existences, on note une date ou bifurque la destinée, soit vers une catastrophe, soit vers le succès ». Ainsi, dans l’histoire de notre cher pays, il y aura désormais un avant et un après 30 octobre 2014.
Nous mesurons toute la dimension et la portée de cet évènement, aussi bien pour notre peuple que pour les autres peuples du continent, voire même au-delà. Il donne ainsi une opportunité de magnifier ce qui nous lie dans ce beau pays qui nous a vu naitre et qui a su donner à chacun de nous, hommes comme femmes, anciens comme jeunes, civils comme militaires, l’identité d’intégrité que nous portons avec fierté depuis la Révolution d’août 1983, et dont la marque incommensurable et inoxydable se trouve dans ce sang qui coule en chacun de nous, celui de nos Pères et de nos Mères, qui, hier se sont sacrifiés pour nous léguer un patrimoine de liberté que rien ni personne ne peut confisquer.
En ce jour, je voudrais à l’ occasion de cette cérémonie consacrant la signature de Charte de la transition, pour rendre un vibrant hommage à notre peuple, dont la grandeur s’est illustrée à bien d’égards, forçant respect et admiration de tous les peuples épris de démocratie, de liberté et de progrès. Forces Vives de la Nation y compris les Forces de Défense et de Sécurité, je salue du haut de cette tribune votre patriotisme et votre attachement à la construction d’une Nation libre, forte, solidaire et prospère.
« L’insistance insensée et la myopie politique de la révision constitutionnelle nous a profondément secoué »
Je voudrais avant tout rendre grâce à Dieu, qui n’a pas permis que notre pays se déchire et sombre dans le chaos, comme certains oiseaux de mauvais augures le prédisaient. L’insistance insensée et la myopie politique de la révision constitutionnelle nous ont profondément
secoué mais une fois encore le peuple burkinabè en est sorti vainqueur. Aujourd’hui, nous sommes ensemble pour asseoir les bases inébranlables d’une démocratie véritable, aspiration profonde de tout notre peuple.
Mesdames et messieurs
Après les nombreuses marches, les meetings, les meetings recto-verso, on peut être tenté de se demander qui a gagné et qui a perdu ? En première analyse, certains diront que c’est l’opposition politique, ou la société civile qui a gagné ; ou encore c’est un tel plutôt que tel autre qui a perdu.
Mais au-delà de l’évidence et de la volonté d’appropriation de cette victoire, compréhensibles du reste, une approche plus vertueuse devrait placer au centre, le peuple burkinabè tout entier, car le coq chante pour tout le village, mais il a un seul propriétaire. Sous cet angle, il s’agit donc de tous les Burkinabè, incluant même ceux-là qui ont osé défier l’intégrité et la bravoure de ce même peuple. En effet, s’il n’y avait pas eu de tentative de modification de l’article 37 de la Constitution, il n’y aurait pas eu d’insurrection populaire, ce 30 octobre 2014, mettant ainsi un terme au mandat du président Blaise Compaoré et ouvrant la voie à l’alternance politique dans notre pays.
« Le sang versé recollera les fissures des murailles de notre société que la rapacité de certains filles et fils égarés, avaient marqués »
Nous déplorons les nombreuses pertes en vies humaines qui ont endeuillé de nombreuses familles et qu’une sagesse bien assumée de la part du Président Blaise Compaoré aurait permis d’éviter. Mais, l’histoire nous enseigne aussi que les Peuples naissent, grandissent et avancent en s’enrichissant des sacrifices d’hommes et de femmes, de fils et de filles, de héros et d’héroïnes, qui contribuent ainsi à l’accomplissement de leur destinée.
Aussi, voudrais-je saluer la mémoire de tous ces martyrs dont le sang versé fortifiera le ciment qui servira à rebâtir les fondements et recoller les fissures des murailles de notre société, que l’égoïsme, l’arrogance, la rapacité et la méchanceté de certains de ces filles et fils égarés, avaient dangereusement et misérablement marqués de leur flétrissure.
Je puis vous assurer que leur sacrifice ne sera pas vain, et dans les jours à venir une journée d’hommages sera organisée et ces filles et fils tombés sur le champ de bataille seront élevés au rang de héros et héroïne nationale en leur mémoire, avec en plus d’autres actions qui seront également initiées. En attendant, et pour le souvenir et le respect que la Nation entière leur doit, je vous invite à observer une minute de silence. Je vous remercie.
« La réplique à la forfaiture de Blaise Compaoré »
Jeunes du Burkina Faso
Comme le disait Frantz Fanon, «chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ». Tu as su remplir ta mission. En effet, les Forces vives, y compris les forces de défense et de sécurité ont su donner la réplique à ce qu’il convient d’appeler désormais la « forfaiture de Blaise Compaoré ». En tout état de cause, nous sommes convaincus que désormais les hommes politiques feraient mieux d’écouter la voix du peuple.
Peuple du Burkina Faso
Au firmament de ta gloire, tu dois de rester digne et conséquent. En effet, une chose est d’avoir chassé Blaise Compaoré du pouvoir par une insurrection populaire, mais une autre est de travailler à sortir de l’instabilité dans le cadre d’une transition apaisée, à même de conduire notre pays vers des élections démocratiques, transparentes, libres et justes.
Par conséquent, l’insurrection populaire ne devrait pas engendrer l’anarchie, toute chose qui sera préjudiciable à la normalisation de la situation dans le cadre d’une transition démocratique apaisée que nous appelons tous de nos vœux. J’en appelle donc à la retenue, à une citoyenneté bien assumée et à la patience de tous, en attendant la mise en place des organes de transition dont le président civil sera désigné ce soir même par le collège de désignation qui se réunit à 18 heures 30 minutes. Certes, les défis sont énormes et les attentes nombreuses, mais ne peuvent être relevés et satisfaits que dans un cadre gouvernemental.
« Vos forces de défense et de sécurité sont patriotes et républicaines et elles le demeureront »
A ceux-là qui ont géré le Burkina Faso jusqu’aux événements du 30 octobre 2014, partout où ils se trouvent, je les invite à la repentance qui si, elle est sincère, doit être dénuée de toute velléité de troubler la sérénité du peuple burkinabè.
A tous, je voudrais rappeler ces mots de Gandhi, « notre pouvoir ne réside pas dans notre capacité à refaire le monde, mais dans notre habileté à nous recréer nous-mêmes ». Il s’agit donc pour chacun de nous de nous remettre en cause pour une société burkinabè plus forte, bâtie sur des valeurs de vivre ensemble plus que jamais réaffirmées.
Ainsi, citoyennes et citoyens comme vous l’avez voulu, le processus pré-transitionnel engagé depuis le 31 novembre 2014 est conduit par les forces armées nationales qui se sont engagées à remettre le pouvoir aux civils. Je reste convaincu qu’en lieu et place des soupçons de confiscation du pouvoir par l’armée que nous entendions ici et là au début de ce processus, s’est définitivement installé dans les esprits des uns et des autres une confiance que nous allons travailler à renforcer dans les jours à venir. Vos forces de défense et de sécurité sont patriotes et républicaines et elles le demeureront.
Concernant l’œuvre de reconstruction, nous exhortons toute la communauté nationale à comprendre que toutes les filles et tous les fils de notre pays doivent y prendre part. C’est pourquoi, nous pensons que cette transition qui se met en place se doit d’être inclusive.
« Que la spécificité burkinabè soit reconnue dans tout sa dimension »
Pour notre part, après avoir relevé le défi de la cohésion au sein de l’armée et assuré la continuité de l’Etat, notamment en arrêtant les pillages, les actes de vandalismes, les velléités de règlement de compte et les menaces d’affrontements qui auraient entrainé notre pays dans la guerre civile, les forces de défense et de sécurité s’engagent à accompagner le processus de transition, conformément à la charte qu’elles ont contribué à élaborer.
Quant à la communauté internationale, tout en saluant une fois de plus sa contribution, nous l’exhortons à continuer de nous accompagner pour une sortie de crise définitive. A cet effet, il serait souhaitable que la spécificité burkinabè soit reconnue dans tout sa dimension et que subséquemment, les résultats auxquels les concertations que nous avons initiées depuis deux semaines maintenant ont abouti, notamment la charte de la transition qui sera signée tout à l’heure, fassent l’objet de la plus grande attention, car il s’agit d’un consensus, national, traduisant ainsi la volonté de tout le peuple burkinabè.
Que Dieu bénisse le Burkina Faso !
Je vous remercie ! »1
Les à-côtés
Paramanga Ernest Yonli chassé de la salle
Ernest Paramanga Yonli, président du Conseil économique et social (CES), n’oubliera pas de sitôt cette journée. Dès son entrée dans la salle de la Maison du peuple, les jeunes l’ont immédiatement sommé de quitter la salle. Hué, il a pris ses jambes au coup et s’est éclipsé. Il n’a finalement pas assisté à la cérémonie. Comme quoi, les temps changent.
Des représentants du MPP Côte d’Ivoire présents à la cérémonie
La cérémonie de signature de la charte a été d’un intérêt national. Même des Burkinabè de la diaspora n’ont pas voulu se faire conter l’événement. Nous avons vu des membres du MPP de la Côte d’Ivoire qui étaient à la signature de la charte1
Par SRK
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