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Burkina : le "Balai citoyen" reste prêt à faire le ménage dans l’après-Compaoré
Publié le vendredi 14 novembre 2014  |  AFP
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© Autre presse par DR
Situation Nationale : le Balai Citoyen Réclame un Deuil National «En Hommage Aux Martyrs»




Ouagadougou - Leur logo, un poing fermé sur un balai, était omniprésent dans les manifestations contre Blaise Compaoré : après la chute de l’ancien président, le "Balai citoyen", mouvement créé par deux chanteurs, reste vigilant au Burkina Faso.

A l’origine du collectif, un reaggaeman à succès, Karim Sama, nom de scène Sams’k le Jah, et un pionnier du rap burkinabè, Serge Bambara dit "Smockey", tous deux 43 ans, tirent à boulet rouge sur l’ex-chef de l’Etat.

"Ce président-là, il faut qu’il parte. Et il partira", chante en début d’année Sams’k le Jah, un couplet destiné aux "chauve-souris" du pouvoir, qui "ont servi mais se sont aussi beaucoup servies dans les caisses du pays".

"Ecoutez sonner le glas de nos indépendances/cinquante ans d’incompétence, fulmine Smockey en 2010. Ce sont les mêmes qui commémorent/qui battent tous les records/dans le bas du classement/des indices de développement."

Le Balai citoyen, créé fin juin 2013, naît "d’une frustration" face à l’immobilisme des opposants traditionnels à Blaise Compaoré, raconte Smockey, assis devant la console de son studio d’enregistrement de Ouagadougou.

"Les partis d’opposition se vendaient, les associations se vendaient (au régime), c’était la norme", dénonce "Soul", pour Souleymane Ouédraogo, autre rappeur et membre du mouvement.

Dans un pays très jeune, où 60% de la population a moins de 25 ans, l’impact individuel des musiciens du Balai citoyen sert leur cause commune.

Des artistes, journalistes, juristes, étudiants... rejoignent rapidement le mouvement. "Le succès a été immédiat", se souvient Soul.

- ’Dynamisme’ -

Le Balai citoyen attire par son "grand engagement", son "dynamisme", voire "son environnement un peu ludique", qui créent "une grande crédibilité chez les jeunes", note Fernand Sanou, sociologue à l’université de Ouagadougou.

Le collectif, dont la devise est "notre nombre est notre force", s’invite en avril au tribunal pour demander davantage de justice. Il fédère les protestataires lors de premières manifestations de masse en janvier, mai et août.

Et il se mobilise pleinement fin octobre, alors que se profile la très controversée réforme de la Constitution devant permettre à l’ex-chef d’Etat de se maintenir au pouvoir. Ses leaders se démènent à la radio, sur le terrain.

"On était déterminés à aller jusqu’au bout, on ne voulait pas que ce soit une nouvelle +balade sur le goudron+", nom que donnent les Burkinabè aux défilés ne débouchant sur rien, narre Smockey.

Il s’agissait de "changer les mentalités", poursuit-il. "Les gens étaient fatalistes, on est un peuple qui manque de victoires dans la lutte."

Musiciens, positions radicales, militantisme citoyen, jeunesse désabusée... autant d’ingrédients rappelant le collectif sénégalais "Y en a marre!", qui joua un rôle dans la défaite d’Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2012.

Si les deux mouvements échangent, et que "Y’en a marre!" est "une belle expérience dont on peut s’inspirer", le Balai burkinabè ne s’est pas "calqué" sur eux, observe le rappeur.

Le 31 octobre, quelques heures avant la démission de Blaise Compaoré, ses leaders, portés par la foule, rencontrent l’armée, à qui ils demandent de se mettre au service du peuple et de chasser l’ex-président.

- Limites -

Le lendemain, des cadres du Balai citoyen sont vus scander le nom du lieutenant-colonel Isaac Zida, alors que l’actuel homme fort du pays n’a pas encore déclaré son appétit pour le pouvoir.

"Confier le pouvoir à l’armée (...) a permis d’éviter des nombreux morts", tempête Smockey, fustigeant des responsables associatifs ou de l’opposition, arrivés en 4X4 au milieu des manifestants une fois Blaise Compaoré parti.

Le Balai citoyen n’était pas la seule organisation venue demander aux militaires de "prendre leurs responsabilités", rappelle Soul.

La chute du régime ne marque pas la fin du mouvement, loin de là. Très vite, le Balai citoyen appelle à cesser les pillages qui ont débuté. Ses fidèles sont aussi mis à contribution pour nettoyer les rues de Ouagadougou.

Mais "la limite, c’est ce que propose le mouvement pour que ça ne se reproduise pas. Ca, je ne l’ai pas vu", souligne le sociologue Fernand Sanou.

Si les membres du Balai citoyen participent aux négociations entre armée et civils pour que les militaires abandonnent le pouvoir - confisqué après la chute du président Compaoré -, les statuts du mouvement leur interdisent de s’investir davantage.

Cette ligne, censée éviter les compromissions, conduira le collectif à laisser la transition aux mains des opposants traditionnels, qu’il critique justement pour leur compromission.

"Les opposants vont gérer le pouvoir et ce n’est pas sûr qu’ils le fassent bien s’ils n’ont pas la pression", craint Smockey, refusant "une énième trahison".

Mais d’avertir : les nouveaux dirigeants "seront face à un nouveau peuple, qui sait qu’on peut faire chuter un régime avec de la détermination."

ayv-jf/sba/jlb
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