Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article



 Titrologie



Sidwaya N° 7317 du 17/12/2012

Voir la Titrologie

  Sondage


 Autres articles

 Météo


Comment

Société

Simon Compaoré, maire sortant de Ouagadougou : "Quand on gère une ville comme Ouagadougou, on ne fait pas de sentiment..."
Publié le lundi 17 decembre 2012   |  Sidwaya


Conférence
© aOuaga.com par A.O
Conférence de presse : Simon Compaoré fait ses adieux après 17 ans à la tête de la Ville
vendredi 14 décembre 2012. Burkina Faso, Mairie de Ouaga : Le maire Simon Compaoré fait ses adieux après 17 ans à la tête de la Ville en présence du maire de Benin et ses collaborateurs


 Vos outils




Simon Compaoré a livré son dernier grand entretien avec la presse écrite et en ligne en sa qualité de maire, le 13 décembre 2012 à Ouagadougou. Cet entretien de 3h30 mn a porté sur ses échecs, ses succès, mais aussi sur la dette de la mairie et l’ambitieux projet Tramway. Le maire parle aussi de ses motivations de son retrait, de ses désillusions, ses joies et ses mésaventures.

La police municipale
Quand je venais en 1995, ce corps n’existait pas, mais aujourd’hui, ils sont 478 à émarger au budget communal et nous avons perdu certains en cours de route pour raison de décès. Nous avons en plus, 100 volontaires qui réglementent la circulation. Ces derniers ont été recrutés dans le cadre d’un projet mis en œuvre avec ONU-Habitat et le PNUD. L’Etat central vient de nous permettre, dans le cadre de sa politique globale, de donner de l’emploi aux jeunes, de recruter 3000 personnes pendant trois ans pour l’assainissement de la ville. 697 jeunes travaillent actuellement dans le cadre de ce projet Haute intensité de main- d’œuvre (HIMO). Leur action est encadrée par la police municipale, car ils n’ont pas de prérogative de policiers.

La masse salariale des agents municipaux
Il n’ya pas de mystère. Nous sommes une excroissance de l’Etat central. Ce n’est pas moi qui taille les grilles salariales. La masse salariale des 1800 personnes qui travaillent à la mairie est de 2,3 milliards par an, sans compter la brigade verte et les jeunes du projet HIMO.

La brigade verte
Quand nous sommes arrivés en 1995 à la mairie, nous avons pris cette initiative pour démontrer que même une ville ne disposant pas de ressources conséquentes peut avoir un rayonnement international. Il était bon que nous libérions notre génie. Nous avons décidé de nous appuyer sur les jeunes et les femmes pour la propreté de notre ville. Je signale que nous avons fait de la propreté notre credo, pour que quand on parle de Ouagadougou, ce soit de sa propreté. Nous avons démarré sans budget, avec une vingtaine de femmes et de jeunes. Les jeunes ont abandonné un mois après, trouvant que le boulot est dégradant. Les femmes ont persévéré ; aujourd’hui, elles sont au nombre de 2087. Nous avons dépensé près de 4 milliards pour cette brigade verte. Ces femmes ne font pas partie des effectifs de la mairie. Ce sont des prestataires, organisées en associations. Nous allons prier pour que l’équipe qui va nous succéder jette un regard attentif sur ces femmes.

Le transfert des compétences
11 blocs de compétences sont concernés par ce transfert, et à ce jour, quatre sont effectifs : l’eau et l’assainissement, l’éducation préscolaire et primaire, la santé, le sport, la culture. Mais seuls les secteurs de l’éducation et de la santé ont fait non seulement objet de transfert de compétences mais aussi de ressources. Pour l’éducation, de 2009 à 2012, nous avons reçu 1milliard 250 millions en tout. Pour la santé, nous avons obtenu depuis 2010, 1milliard 152 millions, que nous avons investis dans les réhabilitations et la construction de centres de santé. Ces sommes sont nettement insuffisantes, au vu du nombre d’infrastructures scolaires et sanitaires que nous gérons. Dans le cadre de l’AMBF, nous ne cessons d’interpeller l’Etat central pour que les autres secteurs soient accompagnés d’un transfert de ressources. La contribution de la mairie dans ces deux secteurs s’élève à environ 500 millions par an.

La radio municipale
Je suis fier de cette radio, de même que mes collègues. Au départ, des gens avaient affirmé que je mettais en place une radio pour faire la propagande pour moi-même, mes camarades et mon parti. J’ai dû convaincre l’association des maires francophones à Paris pour pouvoir réaliser ce projet qui est né du constat fait à l’issue de notre premier mandat, que nous n’avions pas su mesurer la place de la communication dans notre action de maire. Nous avons compris qu’il ne fallait pas se limiter à faire de belles réalisations mais qu’il fallait faire comprendre, faire partager et faire en sorte que les actions entreprises s’installent dans la durée. Nous avons compris que beaucoup de nos actions ne sont pas passées au niveau du public, parce que nous n’avons pas bien communiqué. Donc, nous avons placé le deuxième mandat sous le signe de la communication. Et nous avons pensé qu’une radio pourrait servir d’interface entre la population et nous, en permettant à ces derniers de nous lancer des coups de gueule, en interpellant les élus et les techniciens de la municipalité. Aussi, cette radio devrait permettre aux techniciens municipaux d’expliquer les politiques et les actions que nous menons sur le terrain, et aux élus d’expliquer leur politique et de rendre compte de leur délibération.
Si un jour quelqu’un essaie de détourner la radio de son objectif, l’état central interviendra, de même que les populations.

Les lotissements
La question des lotissements est capitale pour certains mais reste une question comme tant d’autres. Pour nous, le travail de maire ne se limite pas au lotissement. Il y a des maires par exemple, qui n’ont pas de parcelles à lotir dans leur arrondissement, mais qui doivent travailler à améliorer le quotidien des populations. C’est dire que le lotissement est vraiment quelque chose d’accessoire. C’est parce que nous avons encore des terrains qu’on parle de lotissement. Mais la terre est devenue au fil du temps, une matière spéculative, au point que le lotissement a fini par faire oublier tout ce que devait faire un maire. Nous avons été élus en 1995 mais il a fallu attendre 1999 pour voir les premiers lotissements. La philosophie qui a guidé ces lotissements trouve son fondement dans trois idées fortes. D’abord, pour les autorités municipales, il fallait être attentives aux besoins exprimés par les populations, et en même temps, résoudre le problème des habitats spontanés qui pouvaient générer des bidonvilles. Ensuite, il fallait faire face aux litiges nés des lotissements antérieurs, notamment les opérations commando sous la Révolution. Enfin, il s’agissait pour la mairie d’accompagner les populations dans leur démarche participative, d’améliorer leur cadre de vie. Les populations des périphéries ont souhaité les lotissements pour bénéficier des infrastructures sociales et des commodités afférant à la vie citadine. Même si nous avons connu des problèmes dans ces opérations de lotissement, il faut savoir que nous avons agi avec droiture. Lorsque nous avons constaté des anomalies, nous avons demandé un audit à un cabinet privé qui a produit un rapport. Nous avons ensuite organisé dans chaque arrondissement, des rencontres avec les populations pour partager avec elles, le contenu de cet audit. L’étude a décelé des faiblesses, des erreurs, des manquements, et tout cela été porté à l’endroit des arrondissements où s’effectuaient des lotissements. Au niveau de chaque arrondissement, il a été demandé au maire de recomposer les commissions et de nommer de vrais caissiers. Nous avons en outre invité les maires à s’impliquer davantage dans les travaux des commissions de lotissement. Nous avons ouvert des enquêtes et des poursuites à l’endroit de certaines personnes, puis nous avons demandé à l’Etat central de nous aider avec le personnel technique nécessaire. Nous avions décidé que désormais, les règles de passation de marché soient respectées. Les procédures de décaissement et les souscriptions liées aux charges de lotissement, requièrent l’implication de la mairie centrale. Les souscriptions devraient en outre être placées auprès d’institutions crédibles de la place. Au niveau de Nongr-Massom, suite aux malversations qui ont été constatées, trois élus locaux, le secrétaire général de l’arrondissement, alors président de la commission, le chef coutumier de la localité, et le caissier ont tous été incarcérés. Tous les membres de la commission ad hoc chargée du recensement du secteur n°27 (Benogo), au nombre de 12, ont séjourné à la gendarmerie pour raison d’enquête. Au niveau de Boulmiougou, nous avons demandé l’ouverture de plusieurs enquêtes, auprès de la police et de la brigade de gendarmerie. 15 personnes ont été arrêtées dont un élu .Une autre enquête à la demande du maire a été ouverte suite aux informations parvenues à son niveau sur des questions de lotissement. Au niveau de Bogogdogo, deux maires, des conseillers municipaux et deux personnes de la société civile ont été envoyés en prison. A ce jour, nous avons dégagé près de 150 000 parcelles, ce qui a fait dire à l’IRD, en 2007 à l’issue d’une enquête que 70 % des populations de Ouagadougou sont propriétaires de leurs maisons. Les lotissements commando sous la Révolution, ainsi que nos actions d’aménagement ont permis à 8O% de demandeurs de parcelles d’être satisfaits. C’est vrai que des élus locaux ont commis des gaffes, de même que la population, les coutumiers, des hommes politiques et chacun a eu pour son compte. C’est pourquoi, nous avons organisé un grand rassemblement pour faire le point des lotissements. Et nous avons eu le courage d’écrire une lettre-bilan avec ampliation au niveau des services centraux et de la société civile, et ceci pour des raisons de transparence. C’est pour dire que nous ne sommes pas restés inactifs face aux problèmes de lotissement. Mais si certains censés être en détention sont hors des prisons, ce n’est pas la faute à Simon. C’est la justice qui, au regard de ses règles, a mis certains en liberté provisoire et jusqu’à présent, certains ne sont pas jugés. Ce n’est pas notre faute, nous avons fait notre job.

La réfection de l’hôtel de ville
Sur cette question, j’ai écrit à la Cour des comptes pour demander si ce dossier mérite que je passe devant la justice. Je suis prêt, mais que cela se passe pendant que je suis encore maire et que j’ai accès aux documents. Sachez qu’il n’ya rien à fouetter sinon, je serais fouetté depuis longtemps.

La sirène
Elle n’est pas faite pour réveiller les gens. Elle est utilisée pour informer les citoyens des graves problèmes. Nous avons arrêté pour des raisons que nul n’ignore. Il ne faut pas que quelqu’un vienne sonner la sirène au moment où nous n’avons pas besoin qu’elle sonne. Mais je vous informe que vous allez à nouveau l’entendre le 31 décembre.

L’adressage de la capitale est trop lié aux personnalités du plateau mossi.
Non, nous avons eu des avenues au nom de personnalités comme Che Guevara qui sont si loin de nous ! C’est dire que nous sommes internationalistes. Si vous aviez le répertoire de ce vaste travail fait sous la direction de Me Titinga Pacéré, vous verriez qu’il y a autant de noms mossi, samo, bobo, peulh… Nous ne disposons pas suffisamment de moyens pour placer les plaques partout, sinon les noms existent. A chaque fin d’année, nous prenons quelques-uns pour organiser des baptêmes. Le conseil municipal a adopté, un document comportant un millier de noms et dans ce répertoire, cette préoccupation est largement partagée et par ceux qui ont fait le travail et par le conseil municipal.

Retrait de parcelles non mises en valeur
Lorsque nous sommes arrivés, nous avons estimé qu’il fallait faire le point de tous les terrains vides attribués depuis des années, qui n’ont pas été mis en valeur et qui étaient devenus des dépotoirs. A cause de cette opération, des gens ont construit nuitamment des maisons à Ouagadougou. Nous avons été pris à partie par certains. Mais quand on gère une ville comme Ouagadougou, on ne fait pas de sentiment, sinon, on ne développe pas. Toutefois, nous avons étudié les cas de personnes handicapées, de veuves, d’orphelins et de parcelles réservées aux rites coutumiers. Du fait que nous ne maîtrisions pas les textes en son temps, nous avons commis des erreurs dans la procédure de retrait. Beaucoup de dossiers sont actuellement en justice, au sujet de ces retraits. Certains ont gagné leur procès et nous sommes obligés de réparer.

Les logements sociaux dans la politique de la mairie.
A l’instar d’autres villes, nous ambitionnions de construire des maisons pour nos fonctionnaires affectés dans nos cités, à des tarifs correspondant à leur bourse, et également pour accroître les recettes de notre ville. Nous avons tenté une expérience à Sig-Noghin, pour un loyer de 20 000 F CFA. Nous nous sommes rendu compte que ce genre de projet coûte cher. Etant donné que nous avions d’autres préoccupations, nous n’avons pas pu poursuivre. Nous espérons que nos successeurs vont y penser.

Les changements au niveau des lotissements
Des mesures ont été prises par le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. Pour lotir maintenant, il faut un kit. Il faut tracer les voies, ouvrir des caniveaux, comme ce qu’on fait à Ouaga 2000 et au niveau de la SONATUR. D’ailleurs, il n’y a plus beaucoup de terrains à lotir. Le lotissement s’arrêtera faute d’espace. En partant, nous ne laissons pas les tiroirs vides. Nous avons au moins deux grands projets. Le premier est un projet d’amélioration des conditions de vie des populations des quartiers périphériques, d’un coût de 90,5 milliards FCFA. Il comporte l’aménagement sur 4,2 km de la partie du canal du Moogho Naaba qui menace des concessions. Il s’agira aussi de construire 44 km de routes bitumées, éclairées. Il s’agit également de construire 84 km de caniveaux, d’élargir le centre de valorisation et de traitement des déchets autrefois appelé Centre d’enfouissement technique, pour continuer à traiter de manière scientifique, les plus de 300 mille tonnes d’ordures produites annuellement par la ville de Ouagadougou. Nous n’arrivons qu’à évacuer 200 à 100 tonnes par an. Nous allons ouvrir des points de collecte au niveau de Ouagadougou parce que les charretiers qui ramassent les ordures ne peuvent pas aller jusqu’à Polesgo. Nous allons en construire encore. Pour la voirie-drainage, on mettra une soixantaine de milliards. Vous serez servi. 90 milliards, ce n’est pas donné. Mais déjà, je vous annonce que la Banque africaine de développement a déjà déposé 17 milliards, prêts à être utilisés courant 2013. Ceux qui vont nous remplacer n’auront qu’à commencer le travail pour les utiliser. Un autre projet va passer devant le Conseil d’administration de l’Agence française de développement avant la fin de ce mois et qui porte sur presque 3 milliards de FCFA dont 2,5 milliards sous forme de prêt. Il va permettre de réhabiliter les gares de Ouagarinter et de Tampouy et de construire la gare de l’Ouest, sur la route de Bobo- Dioulasso. C’est un projet qui devrait débuter normalement courant 2013.
Il y aura de l’argent à la disposition du futur conseil pour travailler et pour assainir ces quartiers où la population souffre encore de manque d’infrastructures et d’accompagnement, notamment la voirie-drainage et la lumière.
Nous avons aussi, avec un partenaire fidèle, la République de Chine Taïwan, décidé d’accélérer l’éclairage de nos voies par le solaire. A ce jour, nous avons deux grandes avenues qui sont éclairées par le soleil, grâce à notre action et grâce au financement de la République de Chine Taïwan. Il s’agit de l’Avenue de la Dignité qui passe devant le Palais de la jeunesse et de la culture, Jean Pierre Guingané. Il s’agit aussi de la route de Bogodogo, longue de 3,3km. Nous souhaitons que les prochaines voies soient éclairées non pas sur le réseau SONABEL mais à partir du solaire, pour que la facture énergétique de la ville continue à diminuer. C’est une perspective qui doit permettre de faire des avancées substantielles au niveau de notre ville.

Les routes
Avec le coup de pouce de l’Etat central, nous avons bitumé quelques centaines de km de routes dans la ville. Il y a plus de six mille rues à Ouagadougou.1 kilomètre de route coûte en moyenne 1,5 milliard, c’est-à-dire le bitumage, les caniveaux et l’éclairage. C’est dire que même si l’Etat nous donnait tout son budget, nous n’aurions pas pu bitumer toutes ses routes. Sur les 2 300 kilomètres de routes dans la capitale, 410 km sont bitumés soit environ 18%. C’est ce qui me fait dire que le charme de notre ville c’est la poussière, contrairement aux autres qui ont la fraîcheur marine… Mais la volonté des élus locaux, c’est d’arriver à au moins un tiers dans les années à venir. Nous avons un gros projet de 90 milliards qui va nous permettre d’augmenter de manière substantielle, les routes bitumées de la capitale dans les années à venir.

Le nouveau découpage de la ville déroute
Nous avons fait ce qu’il fallait pour informer les citoyens. Nous avons été accompagnés par la presse et les partis politiques qui y avaient intérêt. La preuve, c’est que les élections passées ont connu un taux de participation de 75%. C’est petit à petit que les citoyens vont s’habituer. La sensibilisation va continuer et comme les douze maires seront bientôt opérationnels, ils vont créer une dynamique. Nous avons déjà repéré des locaux qui vont abriter ces mairies d’arrondissements, en attendant qu’on puisse construire les sièges. Nous avons localisé des parcelles, les clôtures ont été construites. Bientôt, les gens vont se retrouver. Ce redécoupage constitue pour nous une façon de mieux gérer la ville.

Le budget et la dette
En 1995, le budget de la mairie était de l’ordre de 2 milliards. Aujourd’hui, il est passé à 22, 23 milliards, dont plus du tiers provient de notre capacité à mobiliser les taxes. Nous avons demandé à la Banque mondiale de nous aider à faire une étude sur l’optimisation des finances locales. Nous attendons les résultats pour le mois de janvier. Il n’est pas malsain d’augmenter sa capacité de mobilisation des ressources extérieures, mais par ces temps qui courent, il faut être un caïd pour aller chercher de l’argent à l’extérieur. La crise a gagné les pays développés, l’argent se fait rare, alors, nous pensons qu’il faut améliorer les ressources propres, continuer à développer notre capacité de mobilisation extérieure, sinon, nous ne serons pas capables de bitumer le tiers de nos routes. Nous aurions pu faire beaucoup si certains n’avaient pas combattu la TDC, qui était aussi un moyen de renflouer nos caisses. Au titre des dettes, nous payons au niveau de la Banque mondiale, des prêts rétrocédés, à concurrence de 58 millions par an et au titre de l’AFD, 40 millions, soit une centaine de millions dans l’année.
L’ensemble des dettes s’élève à 2,6 milliards, soit 1,2 milliard au niveau de l’AFD et 1,4 milliard à l’AID/Banque mondiale.

Le parc urbain Bangr-wéogo
Nous avons dans ce parc, 103 travailleurs permanents. Nous venons de leur envoyer 253 jeunes issus du projet HIMO. Nous payons 300 millions FCFA au titre des salaires. Depuis le transfert de sa gestion à la commune, nous avons injecté 3 milliards. Bangr-wéogo, c’est plus de 3 millions de visiteurs par an, composés à 90% de locaux. Entre 1995 et 2012, c’est 36 millions de visiteurs.
La ville alloue 250 millions au parc Bangr-wéogo. En retour, le parc nous retourne 30 millions. Mais l’important c’est ce que ce poumon représente pour la population.

La ceinture verte
La ceinture verte avait été imaginée par l’Etat central pour sauver la ville, comme à Paris avec le boulevard des Maréchaux qui ceinture la ville. Malheureusement, l’augmentation effrénée de la population a entraîné la dégradation d’une bonne partie de cette ceinture verte. Les gens se sont installés dans la zone. Très bientôt, nous devons rechercher les moyens pour la réhabilitation de cette ceinture abimée.

L’élevage dans la capitale
J’avais dit que ‘‘Ne vit pas à Ouagadougou qui veut, mais qui peut’’. Je persiste et je signe. A l’époque, on m’a fait dire que si tu n’es pas riche, tu ne peux pas vivre à Ouagadougou. Ça c’est de la malveillance. Les Peulhs n’ont qu’à m’excuser, mais la ville n’est pas faite pour l’élevage. Il y a des gens qui sont en ville, mais qui refusent de changer, de s’adapter à la vie citadine. On va leur demander d’aller à la périphérie car c’est là-bas qu’on peut mener ce type d’activités. De 1995 à 2012, nous avons capturé 45 424 animaux en divagation. Cela nous a rapporté un peu moins de 166 millions au titre des contraventions. C’est un problème qu’on n’a pas pu résoudre. J’ose espérer que l’équipe entrante va pouvoir relever ce défi.

Les chambres de passe
Dans cette lutte, je n’ai pas été accompagné, et notamment par vous les journalistes .Des gens ont développé des thèses éculées pour démontrer que l’action que je mène va entraîner plus de débauche dans la ville et qu’en contraignant les gens à abandonner les chambres closes, ils iraient dans les jardins.
Ils ont prêché pour qu’on laisse le libertinage. Des parcelles à usage d’habitation ont été transformées en "bordels". Il y a des endroits où on écrit pompeusement « auberge », avec une ampoule rouge. On en a démantelé certains, mais pour gagner cette bataille, il faut que le ministère du Tourisme accompagne la ville, puisque c’est lui qui donne les autorisations d’ouvrir ces établissements. Il doit faire en sorte qu’on ne les transforme pas en un lieu où les gens viennent mener des activités de courte durée. Sur ce point, je n’ai pas honte de dire que je n’ai pas gagné la bataille. Mais je ne désespère pas. Il y a des éléments qui nous permettent de dire que la lutte en valait la peine. Il appartient à l’équipe qui vient, de se faire épauler et par les journalistes et par le ministère en charge du Tourisme et par les populations.

Les nuisances sonores
Quand une ville atteint une population de 2 millions, elle devient difficile à gérer. J’ai été à Bamako, à Porto-Novo, Lomé…mais nous sommes les champions des "maquis". Avec la crise de l’emploi, beaucoup de gens se sont jetés dans cette activité qui marche mais qui joue aussi sur la tranquillité des citoyens. Les gens saisissent la police municipale qui fait des descentes pour discipliner certains usagers. Il faut encore recruter à la police municipale. Dans une ville comme Ouagadougou, il faut au minimum un millier d’agents.

Le port du casque
Pour le port de casque, j’ai mené une bataille pour laquelle une fois de plus, je n’ai pas eu le soutien de ceux dont j’étais en droit d’attendre. Il y a un texte pris par l’Etat central, qui fait obligation à tous ceux qui ont des deux roues de porter des casques. C’est ce que nous avons voulu faire appliquer. Mais à l’époque, une certaine presse a propagé des informations qui venaient de milieux malveillants, en disant que le maire avait commandé un bateau rempli de casques, qu’il voulait écouler. J’avais dit à l’époque que le maire que je suis, n’est pas un commerçant. Et même si j’étais commerçant, je n’ai pas cette possibilité de faire venir des bateaux de casques. Depuis, des gens sont morts sur les routes à Ouagadougou pour fractures crâniennes. En 2011, nous avons eu 8 mille accidents contre 4 mille en 2004. Donc en 6 ans, on a doublé le nombre d’accidents. Nos rues deviennent subitement toutes petites malgré les efforts de l’Etat central et de la commune. Parce que la population ne cesse de gonfler. Elle augmente en moyenne de 120 mille personnes par an, et d’ici à 2025, on sera à 3 millions d’habitants. Les parents doivent prendre des dispositions pour que les tout-petits ne sortent pas avec des engins de mort, des bolides, car c’est de leur responsabilité.

L’arrivée des tricycles à Ouaga
Ce n’est pas nous qui avons accepté ces tricycles. J’étais couché sur mon lit d’hôpital, à Créteil, quand on m’a informé que dans la ville, il y avait des engins nouveaux. J’étais entre la vie et la mort. Je ne pouvais pas distinguer les engins à deux routes des engins à trois roues. Je cherchais, moi, la vie. Avec l’exemple de nos amis béninois avec les "zémidjans", nous aurions voulu que cela n’arrive pas ici. Maintenant, ce sont les trois roues qui sont entrés. L’Etat central a résolu cette question en adoptant des textes en conseil des ministres. Il ne faut pas être plus royaliste que le roi.
Mais quand je suis venu (de Créteil), j’ai rencontré les chauffeurs des tricycles pour leur expliquer le contenu du décret du gouvernement et qu’ils avaient la période de mars-début janvier pour se mettre en règle.

La vente de carburant dans des bouteilles
Presque tous les deux jours, je procède à la saisie du carburant, quelquefois par la police, quelquefois par moi-même. Je m’arrête et je le vide au sol. Il est interdit de vendre de l’essence dans les bouteilles à Ouagadougou. Ces vendeurs d’essence dans les bouteilles ont poussé le culot jusqu’à créer une association. Et ils osent m’envoyer une invitation pour participer à une manifestation de leur association. J’ai saisi le haut-commissaire pour dire que cette association est illégale. Il était d’accord avec moi. Nous avons suffisamment de stations, donc on n’acceptera pas les ventes de carburant dans des bouteilles. C’est dangereux.

L’utilisation du téléphone au volant
Des gens censés connaître la loi téléphonent au volant. Si vous osez dire un mot, on vous balance des insultes. Ce sont des questions que l’Etat central et notre collectivité doivent prendre en compte et conjuguer les efforts.

Le projet tramway
A ce sujet, nous avons été traités de rêveur. Si vous gérez une ville de deux millions et vous n’avez pas de vision, vous n’aurez qu’une compilation d’actions éparses sans consistance et qui ne dureront pas. Une ville qui s’étend sur 30 km a besoin d’assurer à la population une mobilité qui lui permet d’aller et de venir sur ses lieux de production. Aujourd’hui, il est difficile à un habitant des zones excentrées, d’atteindre le centre-ville. Et donc, nous avons créé avec les privés, la SOTRACO (Société de transport en commun de Ouagadougou). Mais qui souffre de non-rentabilité. Il n’y a que 20 à 25 bus pour une ville de 2 millions. Cette société ne marche pas bien, à cause du coût du ticket. Mais compte tenu du pouvoir d’achat, la société a été obligée de diminuer les prix. Ce qui fait que chaque année, il y a des déficits qui se creusent. Et lorsqu’une société ne fait que faire des déficits, elle finit selon l’OHADA, par être classée parmi les sociétés à supprimer. Donc, on a constaté que les bus ne sont pas les solutions d’avenir. Si nous ne faisons pas attention, nous allons atteindre dans un avenir proche, 5 millions d’habitants. Si on n’a pas un moyen de transport beaucoup plus important, plus rapide et moins dispendieux, nous allons avoir des problèmes. C’est pour cela qu’on a pensé au tramway. C’est le moyen de transport de masse qui permet de transporter des centaines et des centaines de personnes d’un bout à l’autre de la ville. J’ai rencontré à Paris le directeur général de l’AFD sur le sujet. Avec notre ville jumelle Lyon, nous avons commandité un pré-travail aux étudiants de sciences politiques de Paris. Ce travail sera repris par un cabinet. En entendant, il y a une solution transitoire. D’abord entre 2013 et 215, nous allons avoir un site propre de bus. C’est-à-dire que sur un axe nous créerons une voie uniquement réservée aux bus.
Entre 2016-2020, d’autres sites propres seront développés, puis consolidés entre 2020-2025. Le tramway n’interviendra que vers les années 30. Peut-être que nous autres ne serons plus là, mais le projet se prépare dès maintenant.

La disparition du club de football (CFO)
Nous avons pris des initiatives de créer un club de football dénommé le CFO (Club de football de Ouagadougou) qui a rejoint les clubs de première division. Il évoluait bien, mais on s’est rendu compte qu’il coûtait très cher. Le jeu n’en valait pas la chandelle, nous avons décidé plutôt d’aider nos petits frères qui sont dans les quartiers, avec des terrains bien aménagés, des ballons, des équipements. Comme il y avait déjà de grands clubs à Ouagadougou nous avons abandonné le CFO.

Le salaire de Simon
Le maire au Burkina n’a pas de salaire mais plutôt une indemnité. J’avais 190 mille FCFA en 1995, quand j’ai commencé, et ce, pendant les cinq ans de mon premier mandat. Je suis un cadre de l’Etat, de la catégorie A1 et je touchais un salaire mensuel d’un peu moins de 200 mille FCFA. Ce qui a fait dire à un maire de Libreville que c’était des broutilles. Lui était dans les 5 briques. On a ensuite demandé à l’Etat central de revoir les choses parce que les maires prennent beaucoup de risques dans leurs activités. Certains collègues des communes rurales touchaient 35 mille francs.
Même avec les 190 mille francs, il fallait vraiment avoir de l’amour pour sa ville et rester avec tous ces problèmes. L’Etat a essayé de changer les choses et à ce jour, j’ai amélioré ma situation et je gagne autour de 400 mille. Si j’étais dans le privé, je toucherai plus. Il y a des jeunes que j’ai encadrés et qui touchent une brique ou plus, par mois.

La motivation de Simon d’être maire
Lorsque les conseillers ont été élus en février 1995, au niveau de notre parti, j’ai été désigné pour être candidat à la fonction de maire au niveau de la ville. J’ai été élu, puis réélu en 2001 et en 2006. La motivation ? D’abord, la discipline du parti : je suis dans un parti, on m’a fait confiance et j’ai assumé les responsabilités. Je ne regrette pas de les avoir assumées. Je savais vaguement que je devais gérer la ville, mais j’avoue qu’avant 1995, je n’avais jamais travaillé dans une mairie. Il n’y a pas une école de formation des élus. Nous avons fait notre expérience sur le tas.

Les succès à la mairie
Si on peut parler de succès pendant ces 17 ans, je citerai notre capacité à mobiliser et notre faisceau relationnel. Nous avons 16 partenariats à notre compteur. Nous avons aussi fait rayonner l’image de la ville. Ce n’est pas pour se vanter. Si on parle de la ville de Ouagadougou, même ceux qui n’y sont pas venus, la connaissent.

Des peaux de bananes
Est-ce qu’il n’y a pas eu des camarades du parti qui m’ont mis les bâtons dans les roues ? Je ne me suis jamais posé cette question. Quand je me lève le matin, j’ai mon programme dans la tête. Réaliser ce programme, c’est ce qui m’importe. Et puis, j’ai une conviction dans mon travail. Ceux qui soupçonnent les autres de les nuire, sont des gens médiocres. Même si quelqu’un veut me déchiqueter les jarrets, j’ai confiance en moi, ‘‘I don’t take care’’. Je fonce, parce que je sais qu’il y a quelqu’un qui n’est pas visible, c’est Dieu. Et quand vous foncez, vous voulez le bien, il vous donne un coup de pouce. Et quand il vous donne des coups de pouce, même si il y a quelqu’un qui essaie de vous tirer par derrière, c’est en vain qu’il peine. Donc cette question ne m’a jamais habité l’esprit.

Des mentors pour sa réélection en 2006
C’est faux, Simon Compaoré ne s’est jamais battu pour être maire. J’ai le sens de l’honneur. Y a quoi dans la gestion que cette passion de transformer sa ville. En matière de traitement (salarial), c’est mieux de chercher à être dans une banque pour être, même planton, que de travailler ici et de toucher ce montant-là. Donc, je n’ai jamais cherché l’appui de personne. Si mon parti disait qu’il y avait un autre candidat plus valable que moi, depuis longtemps je ne serais plus dans le circuit. Je suis de la maison, je sais de quoi je parle. La valeur d’un homme, c’est d’éviter de chercher à avoir des appuis. Si vous êtes un canard, un clébard, même si vous avez des appuis, vous n’allez pas faire des kilomètres. Mais si vous savez ce que vous voulez, vous allez réussir quoi qu’il arrive. Ai-je l’impression de quelqu’un qui court pour demander à être maire, face à plusieurs candidats ? Si ça devrait être ainsi, j’allais partir. La mairie a été conquise de haute lutte et je l’ai assumée avec beaucoup de joie avec mes collègues-maires, avec mes collaborateurs.

Simon et les mutins
Pour la mutinerie, ne remuez pas la plaie. Je vous comprends mais comprenez moi aussi. J’ai frôlé 5 fois la mort durant les 17 années où j’ai géré la ville. Je préfère positiver et oublier certaines choses. S’il y a des gens qui ont souffert, il y a un certain Simon et son épouse. Ils ont vu la mort de très près. C’est parce que Dieu a voulu que je sois toujours en vie et je lui suis infiniment reconnaissant.
Je voulais demander à tous ceux qui sont là, et peut-être c’est le début de mon pastorat, économisez vos sous. Ceux qui prennent les week-ends pour arpenter les villages à la recherche d’appuis, je leur dis : je connais un Grand que vous pouvez consulter et gratuitement. C’est Dieu. C’est « free of charge ».


Simon après la mairie
Je suis un retraité et un retraité ne cherche pas à occuper des postes. J’ai fait mon job, je suis en fin de parcours, laissez-moi souffler. Ce qui va venir après ? ‘‘I don’t know’’. Dieu seul sait. Je suis un fonctionnaire d’abord. Je 19 septembre dernier, j’ai reçu mon arrêté de retraite. Au niveau de la ville, j’ai librement décidé de me retirer de la vie municipale. Je n’ai pas été non plus candidat aux législatives. C’est à vous de tirer les conséquences qui s’imposent. Pour le moment, je vais réfléchir sur ce que je vais faire. Parce que j’ai envie de vivre. Comme je ne suis pas habitué à la vie de retraité. La pension ce n’est pas un salaire complet. Il va falloir que je bosse quelque part. Si dans vos rédactions on veut un petit conseiller, je suis preneur. Dites à vos chefs que le maire de Ouagadougou est prêt à travailler.

Simon Compaoré et le pastorat
Simon Compaoré pasteur ? ‘‘Who knows ? nobody’’. Tout peut arriver. Quand j’étais sur mon lit d’hôpital avec ma triple fracture, une dame pasteur accompagnée d’autres, est venue prier pour moi. Après, la dame m’a dit, ‘‘frère Compaoré, Dieu a encore quelque chose pour vous. Vous allez témoigner’’. Je me suis posé la question : quoi ? Je n’ai pas la carapace pour être pasteur. Je vais être quoi donc ? Je continue de me poser cette question. Mais j’ai vu des gens, comme le pasteur (Mamadou) Karambiri, un haut cadre de l’Etat, titulaire d’un doctorat en économie. Qui savait que ce fonctionnaire de l’Etat central allait jeter les amarres et devenir aujourd’hui un pasteur, un grand homme de Dieu ?
Je ne dis pas que je serai pasteur. C’est mon père qui était pasteur. Mais ‘‘I don’t know’’ . ‘‘If it is a will of god, it will be’’.

Les hommages de Simon
Je termine mes 17 ans avec joie. Parce que j’ai eu des collègues dynamiques, impeccables. J’ai eu des collaborateurs qui constituent une mine aujourd’hui et qui certainement feront encore avancer la vie par des transformations nouvelles, aux côtés de l’équipe entrante. Je retiens aussi que j’ai eu beaucoup de bonheur à travailler avec les journalistes. J’aurai l’occasion le 17, ici-même, lors d’un dîner au cours duquel je vais présenter le livre d’or et donner à chaque rédaction, un exemplaire. J’aurai l’occasion de vous rendre l’hommage mérité avant de prendre congé de vous.

Départ libre
A moins d’avoir la mémoire courte, depuis l’année dernière, j’avais déjà annoncé lors des conseils que c‘était mon dernier mandat, avant que certains événements n’aient lieu. C’est un choix. On ne m’a jamais interdit d’être candidat. On ne m’a jamais dit que ça suffit, jamais. Comme dans notre pays il y a la liberté, tu bois ta bière, tu écris, tu parles et puis tu marches. Sinon, ce n’est pas tout ce que vous dites dans les journaux qui est vrai. A supposer qu’on m’ait forcé et que moi je voulais vraiment faire la politique. Il n’ya-t-il pas de gens qui sont allés créer leurs partis ? Non, je n’ai jamais été contraint à ne pas me représenter. Je veux que l’histoire prenne acte que j’ai décidé après 17 ans, de me retirer. Je n’ai plus rien à montrer. J’ai épuisé toutes mes capacités à faire bouger les lignes au niveau de la mairie. J’ai donné ce que je pouvais donner. Et quand c’est comme cela, il faut avoir l’intelligence de dire que d’autres ont des initiatives nouvelles pour pouvoir prendre le relais. Je ne souhaite pas partir par la fenêtre. Je suis venu par la porte, je repars par la porte. C’est ça qui est digne avec mon départ. Et si je crevais lors de mon accident ? Maintenant, vous m’auriez oublié. Il ne faut pas me flatter, j’ai la tête sur les épaules, laissez-moi partir dignement, parce je suis venu dignement. Il faut savoir que mon temps est arrivé. Comme dit l’Ecclésiaste, il y a un temps pour toute chose, un temps pour être maire, un temps pour mettre fin à la fonction de maire.

Assétou BADOH
Aimé KAMBIRE

 Commentaires