Politique
Démission de Blaise Compaoré : après le Burkina, à qui le tour ?
Publié le mercredi 12 novembre 2014 | Le Pays
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Chaque peuple, dit-on, mérite ses dirigeants. Le peuple burkinabè qui a estimé ne plus être en phase avec ceux qui le dirigeaient, vient de s’en débarrasser. Exit donc Blaise Compaoré et son régime. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette révolte du peuple burkinabè a pris de court plus d’une personne. En tout cas, très peu de personnes pour ne pas dire aucune n’osait encore imaginer les Burkinabè capables d’une telle prouesse en si peu de temps. Car, il faut bien le reconnaître, il n’est pas aisé de chasser du pouvoir, en 48 h, un président qui totalisait 27 ans de règne sans partage et qui passait pour être l’un des hommes politiques les plus habiles de sa génération. En effet, Blaise Compaoré aura survécu à de nombreuses tempêtes depuis son arrivée au pouvoir, mais il a su chaque fois se tirer d’affaire. Mais, toute chose a une fin et cette fois-ci, il n’a pas su ou pu esquiver le coup du peuple.
Le peuple burkinabè a le mérite d’avoir osé déjouer les plans de Blaise Compaoré
Ce soulèvement populaire au Burkina ne laisse personne indifférent. Les réactions sont ainsi nombreuses et diverses. Ainsi, il y a des dirigeants qui semblent avoir rapidement tiré leçon de ce qui est arrivé au Burkina. C’est la lecture qu’on peut avoir de l’attitude du président béninois, au lendemain de la chute de Blaise Compaoré. En effet, Boni Yayi s’est empressé d’annoncer le retrait du projet de révision constitutionnelle de l’Assemblée nationale dans son pays. Les autorités politiques de la République Démocratique du Congo (RDC) et du Congo Brazzaville, elles, pour leur part, n’ont ménagé aucun moyen pour que les événements burkinabè qui contrarient leurs propres projets de s’accrocher au pouvoir, ne soient pas suivis par les populations. Au Togo voisin, l’opposition se mobilise et une de ses composantes s’apprête à entreprendre des démarches pour obtenir la limitation du nombre de mandats présidentiels et le principe d’un deuxième tour de scrutin à la présidentielle, certainement requinquée par ce qui vient de se passer au pays des Hommes intègres. Au Tchad de Idriss Déby Itno, l’opposition donne de la voix pour exiger le départ du pouvoir de l’« homme fort de N’Djamena » en 2016, en se référant également à l’insurrection populaire au Burkina. La Guinée équatoriale de Obiang N’Guema n’a pas failli à sa mauvaise réputation de dictateur, en menaçant de répression tout média qui s’aviserait de se faire l’écho de cette épopée du peuple burkinabè qui a sonné le glas des projets de pouvoir à vie de Blaise Compaoré. En somme, tandis que les démocrates jubilent ou se ressaisissent parce qu’ayant compris qu’ils faisaient fausse route, les partisans des pouvoirs à vie font grise mine et aiguisent leurs armes de répression.
Toute cette agitation prouve si besoin en était encore que les gens suivaient de près les événements au Burkina Faso. En effet, Blaise Compaoré était le porte-drapeau d’une race de chefs d’Etat qui ont la foi chevillée au corps qu’ils sont les seuls qui méritent d’être à la tête de leurs Etats respectifs. Il était une sorte de chef de file des tripatouilleurs de Constitutions et il semblait ravi de jouer son rôle à fond. On se souvient de sa sortie médiatique à Washington où il a donné la réplique au président Barack Obama, arguant en substance que contrairement à ce que pense le locataire de la Maison Blanche, les hommes forts sont indispensables à la mise en place d’institutions fortes. Convaincu de sa force, l’enfant inconsolable de Ziniaré devait ouvrir le bal du tripatouillage et s’il réussissait le coup, la tâche aurait été rendue plus facile aux autres. Grisé par son statut de faiseur de paix, de médiateur hors pair, il ne pouvait pas se douter que son projet pouvait échouer. N’avait-il du reste pas mis les petits plats dans les grands pour sonner la mobilisation tous azimuts de ses troupes en vue d’une victoire qu’il s’attendait à fêter ce 30 octobre ? Ses prouesses en termes de gestion des conflits et de libération d’otages ne constituaient-elles pas une garantie contre toute velléité de sanction de la soi-disant communauté internationale ?
Mais c’était sans compter avec son peuple qui en avait ras-le-bol et qui entendait se faire respecter. Le peuple burkinabè a ainsi le mérite d’avoir osé déjouer les plans de Blaise Compaoré et mis au passage du sable dans le couscous des chefs d’Etat qui étaient en embuscade pour lui emboiter le pas.
L’exemple burkinabè est une sorte de moteur pour les autres peuples
Il faudra maintenant espérer que dans les pays qui croupissent encore sous le joug de dictateurs, la société civile et l’opposition puissent être confortées dans leur engagement par l’exemple burkinabè. Car, il y a encore hélas, des chefs d’Etat qui ont l’oreille dure sur le continent. Chez eux comme dans le Burkina de Blaise Compaoré, oser s’afficher dans l’opposition politique sonne comme une sorte de suicide. Traques et intimidations de toutes sortes s’abattent sur ceux qui s’aventurent à braver le prince du moment. Pour cette raison, il faut aussi saluer à sa juste valeur le courage de tous ces hommes et femmes qui ont osé, pendant longtemps, s’opposer au régime de Blaise Compaoré et qui ont payé d’une manière ou d’une autre, leur engagement au prix fort. Cette victoire du peuple rend hommage également à leur persévérance pour l’avènement effectif de la démocratie et de l’Etat de droit au Burkina, à leur esprit de sacrifice. Il faudra donc que les opposants togolais, béninois, rwandais, bissau-guinéens et des deux Congo, pour ne citer que ceux-là, tiennent bon et que la société civile de chacun de ces pays se dynamise davantage et prenne à bras-le-corps le combat pour une démocratisation réelle qui ne saurait être laissée aux seuls hommes politiques.
Car, seule la lutte paie. Les chefs d’Etat qui continuent à ramer ou à vouloir ramer à contre-courant des aspirations des populations, doivent se convaincre qu’ils sont en train de mener un combat d’arrière-garde. Rien, ni personne ne peut arrêter la marche d’un peuple vers la liberté. Le peuple burkinabè vient encore d’en administrer la preuve si besoin en était encore. Aux autres peuples de s’assumer aussi à leur manière. Mais, il y a lieu de ne pas perdre de vue le fait que dans les démocraties verrouillées comme l’était celle du Burkina Faso de Blaise Compaoré, les possibilités d’alternance par la voie ordinaire des urnes, sont réduites à jamais, pour ne pas dire nulles. C’est certainement conscient de cela que le président Compaoré narguait son peuple et disait en substance à qui voulait l’entendre que la rue n’a jamais fait changer une loi. Mais, la leçon, il l’aura apprise à ses dépens. Et cela sonne comme un avertissement sans frais aux autres pyromanes, tripatouilleurs de Constitutions confirmés ou en herbe. L’exemple burkinabè est une sorte de moteur pour les autres peuples qui sauront certainement, avec leur génie personnel, l’adapter à leurs moyens et à leurs ambitions particulières. Toujours est-il que les peuples aspirent de plus en plus et invariablement à la liberté, à la démocratie. Cela promet des nuits blanches pour bien des dictateurs sur le continent. Satrapes de tous pays, tremblez donc !
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