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Sortie de crise au Burkina Faso: le regard du juriste
Publié le mardi 4 novembre 2014  |  FasoZine
Dialogue
© aOuaga.com par A.O
Dialogue politique : le chef de l`Etat rencontre l`opposition
Mardi 23 septembre 2014. Ouagadougou. Palais présidentiel de Kosyam. Le chef de l`Etat, Blaise Compaoré, a rencontré une délégation de l`opposition conduite par son chef de file, Zéphirin Diabré, dans le cadre du dialogue politique




Le 31 octobre 2014, une insurrection populaire contraignait Blaise COMPAORE à quitter le pouvoir d’Etat au Burkina Faso. Derrière la chronique des événements qui se sont accélérés ces derniers jours, se jouent à la fois le destin du droit et le destin de la nation.

LE DROIT PRIS AU PIEGE D’UN ECROULEMENT INSTITUTIONNEL

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la référence au droit a été brouillée par diverses mesures successives dont certaines ont précipité l’écroulement des institutions républicaines.

Une mesure salutaire : la démission du Président
Prenant la mesure de « la forte aspiration du peuple au changement », Blaise COMPAORE annonçait sa démission. Cette annonce a eu le mérite d’opérer une clarification juridique et d’éloigner, au moins pour un temps, le spectre du« coup d’Etat » – on sait qu’en la matière, la sémantique compte pour beaucoup et que tous préfèrent parler d’« insurrection populaire ». La démission du Président dispensait aussi les manifestants d’un autre « assaut final », encore plus sanglant et périlleux, pour la conquête du palais présidentiel.

Mais, si l’on a vite jubilé à l’annonce de cette démission qui devait aider au retour à l’ordre constitutionnel normal, il n’en a pas été ainsi des annonces qui ont suivi, provenant de l’ancien Président et du nouveau Président.
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Les deux annonces présidentielles problématiques
1.L’annonce de la vacance du pouvoir

Ceux qui comprennent le sens profond des choses juridiques, et les intentions que peuvent dissimuler les mots du droit, sont restés perplexes face à l’annonce de la vacance du pouvoir par l’ancien Président. C’est que la vacance du pouvoir, conséquence de la démission, pose ici plusieurs problèmes, au regard du contexte.

Tout d’abord, l’ancien Président ne pouvait déclarer la vacance du pouvoir, qui plus est après sa démission, car la vacance du pouvoir n’opère pas d’office. Seul le Conseil constitutionnel a compétence pour la « constater », si l’on se réfère à l’article 43 de la Constitution.

Le même article précise, dans ce cas de figure, que « les fonctions du Président du Faso sont exercées par le Président du Sénat ». Or, il n’existe pas de Sénat, et l’Assemblée nationale ainsi que le Gouvernement ont été dissous. Aussi le socle institutionnel qui aurait permis la mise en œuvre de l’article 43 a-t-il été fortement érodé, mais pas totalement puisque le Conseil constitutionnel demeurait, du moins jusqu’à la suspension de la Constitution.
2.L’annonce de la suspension de la Constitution

La suspension de la Constitution, décrétée par le nouveau Président, est une mesure lourde de conséquence sauf à espérer qu’il ne s’agit que d’une éclipse, la Constitution devant être très vite rétablie. Cette suspension pourrait, en effet,priver l’organe de transition d’un précieux levier pour assurer la légalité de ses actes.

La suspension de la Constitution pose également problème du fait que c’est la symbolique même que la Constitution incarne qui a servi d’assise à la mobilisation populaire.

QUELS REPERES POUR L’AVENIR ?

La mise en place d’un organe de transition doit être l’urgence du moment. De même, toutes les actions devront avoir la Constitution pour boussole et le droit pour repère.

La mise en place urgente de l’organe de transition

L’organe de transition devra se caractériser par une composition consensuelle, et se donner pour mandat principal d’organiser l’élection présidentielle.

1.Une composition consensuelle

C’est une lapalissade de soutenir que la mise en place de l’organe de transition devra être consensuelle. Mais l’on verra que les discussions qui auront lieu autour de la composition de cet organe exigeront beaucoup d’humilité de la part de toutes les parties prenantes. Il faudra que chacun sache s’incliner devant la majesté du peuple victorieux sans chercher à revendiquer pour soi la paternité d’une victoire quelconque.

2.Un mandat principal : organiser les élections

La mission principale de l’organe de transition sera d’organiser l’élection présidentielle, et ceci à brève échéance. Fort heureusement, cette élection ne demandera pas de très longs mois, puisque la liste électorale avait déjà été révisée par la Commission électorale nationale indépendante qui dispose d’une ingénierie électorale bien rodée.

La sagesse commande que l’organe de transition ne s’attribue pas une surcharge de travail en plus de l’organisation de l’élection. Il faut surtout éviter d’ajouter à sa charge l’élaboration d’une nouvelle Constitution, car cette tâche est trop cruciale pour être gérée dans le laps d’une transition.

La Constitution pour repère, le droit pour boussole !

Préserver la Constitution permettra de réhabiliter le Conseil constitutionnel dans son rôle, non seulement au moment de la composition de l’organe de transition mais aussi dans la régularité des élections à venir. Au regard de ce que le Conseil constitutionnel peut se saisir d’office, il pourrait être utilement mis à contribution pour « sauver les meubles ».

Notre Constitution n’est pas mauvaise en soi. C’est son application qui ne s’est pas faite dans la sincérité. Certes, elle ne bénéficie plus de tous les ressorts institutionnels qui lui servent de béquilles mais l’histoire nous enseigne qu’il faut préférer encore se revêtir des lambeaux d’une constitution que de l’étoffe d’un chef. Seule la référence au droit peut nous préserver contre toute « sortie de piste » imprévisible.

L’article 37 et Nous, peuple du Burkina Faso

Les peuples du monde entier attendent la mise en route réussie du processus de transition au Burkina Faso avant de nous acclamer. Si nous avons su mobiliser les foules pour arrêter avec élégance la marche d’un « homme fort », il nous reste encore à gagner la mobilisation des intelligences pour bâtir des« institutions fortes ». Notre Constitution sera la charpente de cette nouvellearchitecture institutionnelle, car elle porte en elle notre plus précieux joyau: «l’article 37».


Arnaud OUEDRAOGO
Jurisconsulte
Auteur du Manuel juridique de la vie quotidienne
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