Politique
Burkina: manifestation monstre contre la révision constitutionnelle, affrontements avec la police
Publié le mardi 28 octobre 2014 | AFP
© aOuaga.com par G.S
Marche-meeting de l`opposition : des milliers de personnes dans la rue contre la révision consitutionnelle Mardi 28 octobre 2014. Ouagadougou. Des milliers de personnes se sont retrouvées à la 8e marche-meeting de l`opposition organisée contre la modification de l`article 37 de la Constitution |
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Ouagadougou - Des centaines de milliers de Burkinabè sont descendus dans la rue mardi pour dénoncer un projet de révision constitutionnelle permettant le maintien au pouvoir du président Blaise Compaoré, une manifestation d’une ampleur historique sur le continent.
Une marche organisée dans la capitale Ouagadougou a rassemblé "un million" de personnes, selon l’opposition, et s’est conclue par des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, qui ont pris fin en milieu d’après-midi.
Selon le journaliste de l’AFP, la mobilisation était bien supérieure à celle de la marche du 23 août, qui s’étendait sur plusieurs kilomètres et pour laquelle l’opposition avait revendiqué plus de 100.000 participants.
Au son des sifflets et des vuvuzelas, les protestataires ont arboré des milliers de pancartes hostiles au régime, dont les messages étaient: "Judas, libérez les lieux", "Blaise dégage" ou encore "Article 37 intouchable".
Une telle mobilisation populaire pour une manifestation politique est rare en Afrique subsaharienne.
A la fin de la marche, les affrontements ont duré plusieurs heures entre des centaines de manifestants munis de pierres et de barres de fer et les forces de l’ordre répliquant avec des gaz lacrymogènes.
Dans l’après-midi, la police a obligé une dizaine d’entre eux à dégager des barrages de fortune, permettant une reprise progressive du trafic.
- Un scénario classique -
L’opposition avait appelé à manifester dans tout le pays contre ce qu’elle appelle un "coup d’Etat constitutionnel" du président Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans.
L’Assemblée nationale doit examiner jeudi un projet de loi gouvernemental visant à réviser l’article 37 de la Loi fondamentale pour faire passer de deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels.
Ce changement permettrait à M. Compaoré, qui devait achever en 2015 son dernier mandat, de concourir à nouveau à l’élection présidentielle.
Arrivé au pouvoir en 1987 par un putsch, il terminera l’an prochain son deuxième quinquennat (2005-2015) après avoir effectué deux septennats (1992-2005).
L’opposition craint que ce changement constitutionnel, qui ne devrait pas être rétroactif, conduise le chef de l’Etat, déjà élu quatre fois avec des scores soviétiques, à accomplir non pas un mais trois mandats supplémentaires, lui garantissant 15 années de plus au pouvoir.
Le scénario est classique en Afrique. Ces dernières années, il a été employé dans au moins huit pays (où certains présidents sont aux affaires depuis plus d’une trentaine d’années): Algérie, Tchad, Cameroun, Togo, Gabon, Guinée équatoriale, Angola, Ouganda, Djibouti.
Alors que l’agenda politique africain s’annonce très chargé en 2015-2016, avec une vingtaine de scrutins présidentiels, au moins quatre pays - en plus du Burkina - préparent ou envisagent des révisions constitutionnelles: le Congo Brazzaville, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et le Bénin.
- ’Pouvoir à vie’ -
Au Burkina, ce projet suscite l’hostilité de l’opposition, d’une grande partie de la société civile et de nombreux jeunes - plus de 60% des 17 millions d’habitants ont moins de 25 ans et n’ont jamais connu d’autre dirigeant.
Si la modification de l’article 37 est évoquée depuis des mois, l’annonce le 21 octobre du projet de loi a fait franchir un cap aux contestataires, avec une surenchère verbale des deux camps et des risques manifestes de dérapages.
Le chef de file de la majorité parlementaire, Assimi Kouanda, a dénoncé des agressions de députés par des militants de l’opposition, demandant au chef de l’Etat de prendre "toutes les mesures" pour préserver leur "sécurité".
Quant à l’opposition et à la société civile, qui appelaient à la "désobéissance civile", elles lancent désormais "ultimatums" et "mises en garde" au pouvoir, demandant la "démission" du chef de l’Etat, accusé de viser le "pouvoir à vie".
Plusieurs centaines de manifestants, que la police tentait d’évacuer, ont décidé d’occuper mardi après-midi dans le calme la place de la Nation, lieu symbolique de la capitale.
"Nous nous organisons pour le siège. (...) Nous n’avons pas d’arme, que nos idées", a lancé le chanteur Smockey, une figure du camp anti-Compaoré.
Et la semaine s’annonce encore chaude: des personnalités d’opposition ont appelé le peuple à bloquer le Parlement jeudi pour empêcher le vote.
Blaise Compaoré est un partenaire majeur de la communauté internationale en Afrique, avec un rôle-clé de médiateur dans plusieurs crises, notamment dans
la bande sahélienne.
S’il a longtemps eu une image sulfureuse en raison du rôle présumé de son pays dans des crises régionales, notamment en Côte d’Ivoire voisine, le président burkinabè jouit d’une solide réputation à l’étranger, notamment en France, l’ex-puissance coloniale.
Son putsch en 1987 avait été marqué par l’assassinat - jamais élucidé - du président Thomas Sankara, icône du panafricanisme.
Blaise Compaoré a rétabli le multipartisme en 1991 et a déjà modifié à deux reprises l’article 37 de la Constitution, en 1997 puis en 2000, pour pouvoir participer aux élections.
En 2011, son pouvoir avait vacillé à la suite d’une immense vague de mutineries dans l’armée.
roh-jf-hba/tmo
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