Des élèves du lycée privé mixte Montaigne sont allés le 12 décembre 2012 occuper les locaux du ministère des Enseignements secondaire et supérieur (MESS). Objectif : exiger la libération de leur professeur de français du nom d’Emmanuel Tchandao qui a été arrêté le 5 décembre dernier et déféré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), suite à un différend qui l’a opposé à un Libanais dans une affaire de vente de voiture.
Habituellement, le MESS connaît une affluence due aux enseignants qui viennent pour retirer leurs documents administratifs. Mais le 12 décembre dernier, ce n’était pas le cas avec cette foule d’élèves du lycée privé mixte Montaigne de Ouagadougou, venus nombreux investir les locaux du ministère au point d’amener le ministre Moussa Ouattara et ses collaborateurs à descendre de leurs bureaux pour calmer la situation. Les raisons de cette manifestation matinale seraient liées à un différend qui oppose leur professeur de français, Emmanuel Tchandao, à un Libanais. Selon les informations recueillies sur place avec quelques élèves, Emmanuel Tchandao qui donnait des cours de français à l’enfant du Libanais (qui est propriétaire de voitures), a pris un engagement avec son employeur (le Libanais) : acquérir une de ses voitures dont le montant sera déduit des frais de vacation. « Nous sommes là parce qu’on nous a fait part de l’arrestation de notre professeur de français depuis le mercredi 5 décembre dernier.
En classe, notre professeur nous avait fait part d’un différend entre lui et un Libanais dont il encadrait l’enfant. Ce différend est parti du fait qu’ils s’étaient entendus pour qu’il donne des cours à l’enfant et qu’en retour, le Libanais lui vende une de ses voitures. Au moment de s’exécuter, le Libanais refuse et monte son enfant contre son professeur. C’est alors que le professeur a commencé à le convoquer à la Police pour qu’il lui remette son argent, 1 500 000 F CFA, soit l’équivalent du montant de sa vacation. A chaque fois qu’il convoquait le Libanais, ce dernier envoyait son représentant. Notre professeur nous a informés après que le Libanais a envoyé quelqu’un lui demander pardon. Et après, on nous informe que notre professeur a été arrêté et que c’est ce même jour qu’il a été déféré à la MACO.
C’est pourquoi nous sommes sortis ce matin pour manifester notre mécontentement car, sans professeur de français, comment allons-nous étudier ? », a déclaré Fadila Lingani, élève de la classe de Terminale D du lycée privé mixte Montaigne. Du reste, ces élèves sont soutenus par leurs professeurs, selon une lettre d’information adressée au directeur régional de l’enseignement secondaire du Centre par le directeur du lycée privé mixte Montaigne, lettre qui affirme que « face au mécontentement des collègues professeurs et des élèves, je vous prie, Monsieur le directeur régional, de peser de tout votre poids afin que Monsieur Tchandao Emmanuel puisse être libéré dans les meilleurs délais pour éviter d’éventuels désagréments ». Les élèves ont été rassurés par le conseiller technique Ali Ouédraogo, venu à la rencontre des manifestants, que toutes les mesures seront prises pour une libération effective de l’enseignant, sans toutefois préciser de délai. Cependant, il a fait savoir que cela sera fait dans les plus brefs délais.
Le ministère dit ignorer le fond du dossier
Avant de quitter les locaux du MESS, le Pr Moussa Ouattara a bien voulu donner son point de vue sur cette situation. Pour lui, personne ne sait exactement ce qu’a fait le sieur Emmanuel Tchandao pour mériter la prison. Il affirme qu’on ne connaît pas le fond du dossier sur le plan juridique et insiste sur l’indépendance de la Justice dans notre pays. « Je demande aux élèves de rentrer. Nous allons prendre toutes les informations auprès des différentes structures compétentes pour obtenir, selon le cas de figure, une libération rapide de l’enseignant ». Le ministre dit regretter que, de nos jours, pour un oui ou pour un non, les élèves fassent un mouvement d’ensemble sur le ministère des Enseignements secondaire et supérieur. Pour lui, cette attitude n’est ni civique ni civilisée. Et de demander aux élèves de se référer au thème de la fête de l’Indépendance qui prône la paix, la solidarité et la cohésion sociale. Il leur a par ailleurs conseillé de faire dorénavant preuve de retenue et d’utiliser toutes les structures hiérarchiques correspondantes pour résoudre pacifiquement leurs différends. Au moment où nous quittions les lieux, aux environs de 10 heures, les élèves étaient toujours mobilisés sous la surveillance de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS).
Lettre d’information du directeur du lycée mixte Montaigne au directeur régional de l’enseignement secondaire
« J’ai l’honneur de venir par la présente soumettre à votre haute appréciation les informations suivantes : Il m’est parvenu le vendredi 7 décembre 2012 que monsieur Tchandao Emmanuel, professeur de Français dans mon établissement, a été arrêté le mercredi 5 décembre 2012 sur ordre du procureur puis déféré le même jour à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) suite à un différend qui l’opposerait à un Libanais de la place. Face au mécontentement des collègues professeurs et des élèves, je vous prie, Monsieur le Directeur régional, de peser de tout votre poids afin que Monsieur Tchandao Emmanuel puisse être libéré dans les meilleurs délais pour éviter d’éventuels désagréments. »