La ville de Koudougou a enfin vécu sa part des festivités commémoratives de la proclamation de l’indépendance de notre pays. Célébré à tour de rôle dans les chefs-lieux de région du Burkina Faso, l’événement avait été différé d’un an pour diverses raisons. Promesse a donc été tenue hier mardi 11 décembre par les ressortissants du Centre-ouest. En dehors du faste habituel, la commémoration a revêtu, cette fois-ci, la réhabilitation au triple plan politique, économique et infrastructurel de toute une région : celle du tout premier chef de l’Etat, Maurice Yaméogo.
C’est lui qui, après avoir lu la proclamation de l’indépendance, avait conduit les destinées de l’ancienne Haute Volta, aujourd’hui Burkina Faso, jusqu’au 3 janvier 1966. « M. Maurice », comme on l’appelait, avait alors été renversé par un soulèvement populaire, lequel avait fini par être récupéré par l’armée. Depuis, aucun civil n’a encore accédé au pouvoir. Longtemps, ses partisans, et pratiquement toute sa région d’origine, avaient espéré sa réhabilitation politique. En vain. Tentatives vaines également de la part de son fils aîné, l’avocat Hermann Yaméogo. N’étant pas parvenu à se hisser au sommet de l’Etat, il a fini par se faire discret. De longues années durant, les frustrations se sont accumulées à Koudougou.
Les récriminations à l’égard du pouvoir d’Etat se sont accentuées au gré des événements. Parmi les plus funestes, on compte la répression de compagnons d’armes du contingent militaire de Koudougou, entrés en rébellion armée après la césure intervenue dans le processus révolutionnaire et la mort de son leader, le capitaine Thomas Sankara, le 15 octobre 1987. Il y a aussi celle du journaliste Norbert Zongo, le 13 décembre 1998, originaire de la région, tout comme le décès de l’élève Justin Zongo, victime d’une bavure policière, il y a à peine deux ans. Enfin, l’on retiendra dans l’histoire de la ville de Koudougou, la crise universitaire survenue cette année suite aux démêlés entre étudiants et administration universitaire. Et si elles n’ont pas encore permis de trouver de solutions définitives aux problèmes soulevés, les médiations en cours auront tout de même permis de décrisper l’atmosphère pour un temps, notamment celui de la commémoration du 11-Décembre.
Le 11-Décembre aura donc permis de réhabiliter la ville de Koudougou. Des édifices nouveaux y ont fait leur apparition. De jour en jour, la capitale du Centre-ouest devient un pôle d’attraction économique et touristique, avec la construction de nouvelles routes. Cela permettra de désenclaver l’immense zone cotonnière par Dédougou, et de desservir à la fois le pays San par Tougan, et la vaste région du Nord par Yako et Ouahigouya. La troisième ville du pays reprend donc progressivement sa place de centre névralgique, aux côtés des deux grandes villes que sont Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. En dépit du caractère frondeur que d’aucuns lui prêtent, Koudougou n’est point Benghazi qui a vu naître et se déferler sur la capitale, Tripoli, la vague du mouvement contestataire qui a fini par renverser le régime de feu le colonel Mouammar Kadhafi de Libye. Les natifs du Centre-ouest mettent surtout en avant leur esprit d’ouverture, leur quête de liberté et d’indépendance. Selon eux, tant qu’il y aura injustices et pratiques négatives, il y aura du grabuge. L’essentiel, c’est de travailler à faire triompher la vérité et à ne pas laisser ressurgir les vieux démons.
Au-delà de la fête, la commémoration du 11-Décembre à Koudougou a encore fait la preuve que les promoteurs de ces festivités tournantes ne sont pas au bout de leurs peines. Les mêmes problèmes perdurent : il faut toujours harceler ceux qui sont commis aux tâches de construction des routes et des villas. D’année en année, on retrouve les mêmes failles : déblocage tardif des fonds en raison d’une bureaucratie pesante, chantiers inachevés ou mauvaise qualité des infrastructures. Cette année encore, il aura fallu le déplacement parfois inopiné sur les lieux du chef du gouvernement, lui-même fils de la région, pour que certains opérateurs économiques s’activent. Malgré tout, Luc Adolphe Tiao n’a pu cacher sa déception devant les difficultés d’achèvement des chantiers. Que se serait-il donc passé, s’il n’avait pas procédé à ces inspections ? L’expérience date de longtemps mais, manifestement, il manque un coordonnateur national chargé exclusivement de tels dossiers et disposant de réels pouvoirs. En effet, de la signature des contrats à la réception des infrastructures, c’est presque toujours la même histoire. Des problèmes d’hébergement aux divers aspects de la logistique, la chaîne révèle un amateurisme déconcertant.
A quoi sert donc la commission nationale d’organisation de ces manifestations ? Non seulement on baigne toujours dans l’à-peu-près, mais jamais les responsables ne sont désignés, encore moins punis. Par ailleurs, il est temps d’en finir avec la discrimination positive consistant à faire la part belle aux entrepreneurs locaux. Il faut trier sérieusement pour ne retenir que ceux capables de faire le boulot. Les particuliers locaux qui ont du mérite ne devraient être retenus qu’à la condition d’avoir des preuves dans ce type d’engagements. Il faut arrêter de nous divertir avec ces opérateurs économiques d’opérette : ils font le travail avec la bouche ! On devrait se limiter à accorder la sous-traitance aux particuliers de la région, parmi les mieux organisés. Certains grands travaux devraient revenir à l’Etat à travers ses structures comme la SONATUR. La mobilisation du secteur privé devrait être confiée à la Chambre de Commerce ou à la Maison de l’Entreprise avec un suivi plus rigoureux. Il nous faut avancer et non pas reculer.
La ville de Koudougou a plus ou moins gagné son pari. Il faut espérer que ce soit un nouveau départ pour cette ville et les ressortissants de la région. La relève étant assurée en 2013 par Dori, aux responsables de cette ville du Sahel de tirer rapidement leçon des expériences de Koudougou et des autres villes. Aux dires du ministre Jérôme Bougouma de l’Administration territoriale, on s’y attelle déjà. Vivement que des mesures soient prises pour que les choses se passent au mieux. Même si la capitale du Séno est entre les mains de l’opposant Hama Arba Diallo…