Politique
Présidentielle 2015:« la candidature de Blaise Compaoré n’empêche pas l’alternance »
Publié le vendredi 10 octobre 2014 | Le Pays
© Présidence par DR
Le Président du Faso, Blaise Compaoré, a reçu en audience, le ministre français de la Défense, Jean Yves Le Drian, le vendredi 15 août 2014, dans son hôtel à Paris |
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Dans la réflexion ci-dessous, Dr Harouna Badini, puisque c’est lui qui en est l’auteur, estime que la meilleure solution à la crise actuelle est de permettre à Blaise Compaoré de se présenter à l’élection présidentielle de 2015. Pour lui, la candidature de Blaise Compaoré n’empêche pas l’alternance. Lisez !
Mon écrit précédent a sans doute choqué ceux qui ont réagi avec une colère explicite. Je m’en excuse. Je voudrais donc commencer cet écrit avec une mise au point et prier les lecteurs de me pardonner, si je heurte encore leurs convictions et sensibilités. Mon intention est uniquement de ne pas croiser les bras et être passif au moment où nous devons tous chercher maintenant une solution pacifique et définitive à cette crise qui nous préoccupe tous, afin de ne pas regretter plus tard.
Mise au point :
Je suis un agent de l’Etat. A ce titre, je suis donc au service du pouvoir en place. En dehors de cela, je ne suis militant d’aucun parti politique et je n’ai pas de liens particuliers avec Son Excellence Monsieur le président Blaise Compaoré. Ce n’est donc pas lui que je défends spécialement. Si ce que je dis l’arrange, c’est tant mieux pour lui. Mais pour ma part, et c’est ce que je crois, c’est pour arranger les Burkinabè que j’écris et au stade actuel, je l’aurais fait avec n’importe quel autre président du Faso.
J’espère m’être fait comprendre suffisamment bien pour que le lecteur, au lieu d’imaginer ou supposer des choses (parfois même « limpotekoi »), me démontre plutôt que j’ai tort (j’en serais heureux), ou alors prenne très au sérieux ce que je propose pour éviter tout risque inutile à notre pays, dans le contexte actuel. Ce n’est pas avoir raison qui me préoccupe, mais la prévention de troubles qui mettraient en péril la paix et la sécurité des Burkinabè.
Pourquoi laisser Blaise Compaoré se présenter aux élections ?
Cette mise au point faite, les raisons qui me font penser que « la solution la plus sage est de permettre à Blaise Compaoré de se présenter aux élections » sont les suivantes :
La Constitution de notre pays devrait être sacrée, comme dans toute démocratie. Mais force est de constater que même si elle l’a déjà été, elle ne l’est plus, pour avoir été désacralisée depuis fort longtemps non seulement par ceux qui gouvernent, mais aussi par ceux-là mêmes qui les condamnent aujourd’hui.
Et cela, avec la complicité active ou passive de nous tous.
Je comprends que beaucoup sont aujourd’hui exaspérés, au point d’être prêts à donner même leur vie pour un changement qui profiterait à leurs enfants, mais en aucun cas, moi je ne donnerais ma vie pour défendre une Constitution violée et désacralisée par ceux-là même chargés de la défendre. Une loi ne vaut que par son application. Et on ne peut pas appliquer une loi, encore moins la tenir pour sacrée, si l’on n’a pas la maturité spirituelle, morale, culturelle, socioéconomique et politique pour le faire. Notre Constitution ne sera appliquée comme sacrée que quand nous aurons la maturité qu’il faut pour choisir et encadrer des gouvernants qui n’auront pas d’autre choix que de la tenir pour sacrée. Cela hélas, n’arrive pas brusquement au détour de quelques manifestations violentes de colère, aussi légitimes et justifiées soient-elles ! Cela peut à la rigueur arranger ceux qui sont aujourd’hui pressés pour eux-mêmes. Mais pour être viable, durable et profitable à tous, cette mutation qualitative, qui est à notre portée, doit être un processus préparé dans le calme, la paix et la sécurité.
Certes, il est désormais grand temps d’apprendre à respecter et à faire respecter notre Constitution, mais dans la configuration politique et juridique actuelle de notre pays, je ne suis pas convaincu que quelqu’un puisse résister à la tentation de « tripatouiller ». Et comme par le passé, ce ne sera pas de sa faute. C’est simplement que les institutions appropriées ne sont pas assez fortes et indépendantes au Burkina Faso pour l’en dissuader. Et dans ces conditions, la tentation est surhumaine et n’importe quel homme (y compris vous et moi) y succomberait. C’est précisément l’aubaine créée par ce désordre qui aiguise les convoitises et fait que n’importe qui se croit « directeur généralable », « députable », ministrable, etc. …, et même présidentiable, puisqu’il suffit d’être chanceux et se trouver au bon endroit au bon moment.
Même s’il en assume la responsabilité en tant que président du Faso, Blaise Compaoré n’est pas seul comptable du bilan de ses 27 ans de pouvoir. S’il fallait le condamner pour certains dérapages, je ne suis pas sûr que ce soit juste qu’il le soit tout seul ou même seulement avec ceux qui restent avec lui et le défendent aujourd’hui. C’est donc plus facile et tout le monde y gagnerait, qu’ils s’entendent pour réparer, afin de ne pas embarquer les Burkinabè dans une voie à l’issue incertaine.
La candidature de Blaise Compaoré n’empêche pas l’alternance ! Je ne présage pas de la constitutionnalité ou non de sa candidature. Je suis sûr que les juristes et constitutionnalistes que nous avons, peuvent ensemble vite trancher ce débat. Ce n’est certainement pas un « casse-tête chinois » pour eux, s’ils s’y mettent uniquement avec le droit. J’espère n’outrager aucun d’eux, mais je pense que c’est le bon moment pour ces magistrats de convaincre et rassurer ainsi le peuple burkinabè qu’ils sont capables d’assumer leur indépendance. Si eux-mêmes chargés de dire le droit se laissent déborder, il n’y a rien d’étonnant que d’autres croient pouvoir le dire à leur place.
Même si Blaise Compaoré se présentait aux élections et que les électeurs ne l’élisent pas, je suis convaincu qu’il est assez Gentleman pour vite reconnaître sa défaite. Lui-même et le Burkina Faso avec, n’en sortiraient que plus grandis. Il a suffisamment de noblesse et aussi d’expérience pour cela.
C’est de bonne guerre de chercher à éliminer juridiquement un adversaire politique, mais je crois que l’opposition gagnerait plus à se préparer pour être capable de le battre aux élections, plutôt que de compter sur ce raccourci qui a l’inconvénient de présenter aujourd’hui de hauts risques de troubles de la paix sociale. Et quels que soient les rejets de responsabilités que pourraient faire après, les uns sur les autres, c’est le commun des Burkinabè qui en paierait le prix fort.
C’est pourquoi je crois que la meilleure solution à la crise actuelle est de permettre au président Blaise Compaoré de se représenter aux élections. Les négociations porteraient alors sur la meilleure manière d’organiser des élections libres et transparentes dont le résultat reflèterait le choix des électeurs. Le président élu, qui sera donc celui de l’ensemble des burkinabè et non d’un parti ou d’un clan, aura donc la légitimité et la légalité nécessaires pour poser les fondements sacrés de la Constitution et de la démocratie burkinabè. C’est aussi simple que cela pour celui qui cherche l’intérêt des Burkinabè au lieu du sien seulement !
Dr Harouna BADINI
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