Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Diplomatie
Article




  Sondage


 Autres articles

 Météo


Comment

Diplomatie

Sini Pierre Sanou, ambassadeur du Burkina Faso au Ghana : « Plusieurs générations de Burkinabè vivent au Ghana »
Publié le vendredi 7 decembre 2012   |  Autre presse


Sini
© Autre presse par DR
Sini Pierre Sanou, ambassadeur du Burkina Faso au Ghana


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

L’ambassadeur du Burkina Faso au Ghana, avec compétence au Togo et au Bénin, Sini Pierre Sanou, en poste depuis 2004, a accordé une interview à Sidwaya, à Accra. Il a été question, entre autres, des conditions de séjour des ressortissants burkinabè vivant au Ghana, des difficultés qu’ils rencontrent et de leurs relations avec la représentation diplomatique. La stabilité politique et institutionnelle du pays du Dr Kwame N’krumah a été également évoquée.

(S.) : Qu’est-ce qui a milité en faveur de l’ouverture d’une ambassade du Burkina Faso au Ghana aux lendemains des indépendances ?

Sini Pierre Sanou (S. P. S.) : L’ambassade du Burkina Faso au Ghana a été ouverte en mars 1961 et fut dirigée jusqu’en 1963 par Son Excellence Monsieur John Boureima Kaboré, en qualité d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire. Le Burkina Faso et le Ghana ont des liens historiques indéniables. De plus, nous partageons le même espace géographique. Nos populations ont toujours vécu ensemble comme des frères et sœurs. Il était donc naturel que les deux pays renforcent leurs relations à travers l’ouverture réciproque de représentation diplomatique. Onze (11) chefs de missions se sont succédé à la tête de l’ambassade. J’occupe donc le 11e rang. et mes prédécesseurs ont été leurs Excellences : MM. John Boureima Kaboré (1961-1963) ; Aïsse Mensah (1964-1966) ; Victor G. Kaboré, (1969-1972) ; Paul T. Rouamba (1972-1979), Jean Baptiste Ilboudo (1979-1980) ; Jean Paul Bamogho (1981-1983) ; Maïmouna Ouattara (1985-1988) ; Emile Gouba (1988-1989) ; Jérôme Somé (1993-1994) Oubikiri Marc Yao (1995-2002).

S. : Combien de kilomètres de frontières partagent le Burkina Faso et le Ghana ?

S. P. S. : Nos deux pays partagent à peu près 549 kilomètres de frontières qui s’étendent sur quatre provinces et sept villes. Il s’agit de Youga, Bittou et de Baku dans le Boulgou, de Hamélé dans la Bougouriba, de Dakola et de Guelwongo dans le Nahouri, enfin de Ouessa dans la Sissili. Entre les populations ghanéennes et burkinabè, la symbiose et l’harmonie ont toujours guidé leurs relations d’autant plus que ces populations partagent très souvent les mêmes langues, les mêmes cultures, les mêmes familles. Les forces de sécurité ghanéennes et burkinabè, notamment la police, mènent régulièrement le long de ces villes frontalières, des patrouilles mixtes, ceci dans le cadre de la lutte contre l’insécurité et les trafics de tous genres dont celui de la drogue.

S. : Combien de Burkinabè vivent au Ghana et dans quels secteurs d’activités exercent-ils ?

S. P. S. : Dans le contexte ghanéen, nous préférons utiliser les termes personnes d’origine burkinabè plutôt que Burkinabè vivant au Ghana. En effet, notre pays a une longue tradition d’immigration et le Ghana a été l’une des destinations choisie par nos compatriotes. Ce qui fait que nous avons ici environ trois générations de Burkinabè : il y a celle arrivée pendant la période coloniale ou après les indépendances, celle née au Ghana et celle issue de parents nés au Ghana. La majorité de ces personnes a souvent opté pour la nationalité du pays d’accueil qui est, selon les cas, leur pays de naissance. Nous n’avons pas de statistiques fiables, mais les données que nous avons pu recouper font état de près de trois millions le nombre de personnes d’origine burkinabè vivant au Ghana. Une autre catégorie de Burkinabè est installée dans le pays, généralement pour des raisons professionnelles.

Ces personnes font souvent appel aux services de l’ambassade pour l’établissement d’actes divers. Les statistiques consulaires font ressortir plus de 1700 Burkinabè connus des services de l’ambassade. Malheureusement, nombre de personnes ont recours aux services de la représentation diplomatique sans demander la carte consulaire. Cependant, il est de plus en plus question du vote des Burkinabè de l’étranger et la pièce qui sera exigée est la carte consulaire. C’est pourquoi, des missions d’une semaine sont envoyées vers les compatriotes qui résident loin de l’ambassade pour recueillir les informations. Une fois au consulat, les pièces sont établies et leur sont renvoyées. Il en est de même du consulat général à Kumassi. L’objectif de ces missions est de rapprocher la représentation diplomatique des Burkinabè d’origine.

Dans la législation ghanéenne, seuls les nationaux peuvent prétendre à un emploi au Ghana, que ce soit dans le public ou le privé. Et en ce qui concerne l’accès aux services publics, notamment l’éducation et la santé, les frais sont systématiquement majorés au double voire au triple pour les non-nationaux. Cette réalité a poussé les Burkinabè d’origine à s’identifier comme Ghanéens pour pouvoir s’intégrer dans tous les domaines d’activités. En dehors des personnels de l’ambassade, du consulat général à Kumasi et des représentations du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC), de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI. BF) et de l’Organisation des transporteurs routiers du Faso (OTRAF), les ressortissants burkinabè installés au Ghana exercent des professions libérales.

Nous pouvons citer, entre autres, ceux qui sont dans le commerce général, les transitaires, les planteurs, les gardiens, les mécaniciens. Quelques fonctionnaires internationaux burkinabè sont dans des institutions telles que l’USAID, Population Council, SG-SSB Ghana, ECOBANK, Air Burkina, Education internationale, etc. Il y a également quelques chefs d’entreprises burkinabè dans les domaines de l’informatique, de la distribution, de l’imprimerie, etc.

S. : Quelles sont leurs relations avec le Burkina Faso à travers l’ambassade ?

S. P. S. : Les ressortissants burkinabè au Ghana, notamment les personnes d’un certain âge, manifestent avec fierté leur appartenance à la nation burkinabè par une participation massive lors des commémorations de la fête nationale du 11- Décembre. Outre cette célébration annuelle, la communauté burkinabè maintient des relations familiales avec la mère-patrie. En effet, la recherche des documents de voyage, principale cause de fréquentation de l’ambassade, atteste que nos compatriotes restent attachés à leur origine. Dans le domaine social, il convient de souligner que les Burkinabè d’origine témoignent leur solidarité au peuple burkinabè à travers des contributions diverses lors des différentes éditions du mois de la solidarité. Aussi, il y a lieu de retenir que nos compatriotes ont exprimé leur solidarité avec le peuple burkinabè lors de la catastrophe du 1er septembre 2009.

S. : Quelles sont les raisons qui amènent les ressortissants burkinabè vivant au Ghana à recourir au service de l’ambassade ?

S. P. S. : En plus de la recherche des documents consulaires, les ressortissants burkinabè ont recours à l’ambassade dans le cadre de certains litiges fonciers entre héritiers. Par ailleurs, l’ambassade assiste également des compatriotes, particulièrement les étudiants qui sont souvent conduits devant les autorités de la police ou de la justice. En effet, pour louer une maison au Ghana, il faut payer au minimum deux ou trois ans de loyer au propriétaire. Pendant ce temps, des problèmes peuvent subvenir. Si à un moment donné, le propriétaire s’entend avec une autre personne qui offre le double du prix de la maison, il récupère son argent et rembourse les deux ou trois ans de loyer de l’étudiant burkinabè en sommant à ce dernier de quitter les lieux dans les 48 ou 72 heures. Alors que le bail est toujours en cours. Une fois que l’ambassade est saisie, le responsable du service social et du contentieux accompagne l’étudiant en question à la police et le problème se résout à l’amiable. Nos compatriotes ont aussi recours à l’ambassade lors de certains événements heureux ou malheureux à savoir le mariage, la maladie, le décès.

S. : Existe-t-il des problèmes de cohabitation entre Ghanéens et Burkinabè ?

S. P. S. : La communauté burkinabè au Ghana jouit d’une bonne cohabitation avec les Ghanéens. De par l’histoire ou la géographie, les Burkinabè sont parfaitement intégrés dans la société ghanéenne. Cet état de fait a permis l’institution sur presque tout le territoire national, des chefs traditionnels de toutes les ethnies assez représentées. Egalement, le mariage mixte (deux nationalités) a contribué à une parfaite intégration des Burkinabè dans la société ghanéenne. Cependant, il y a lieu de retenir que des problèmes de cohabitation subsistent dans la partie-nord du pays entre la communauté des éleveurs peulh et les autochtones. Les peulhs sont souvent accusés à tort ou à raison de destruction de champs, de vols et même de viols. Ce qui a donné lieu ces dernières années à des conflits sanglants que l’ambassade tente de régler avec les autorités locales.

S. : Le fait d’être diplomate, n’y a-t-il pas un impact sur votre carrière de militaire ?

S. P. S. : Vous savez, la diplomatie et la défense sont un binôme indissociable ! Le diplomate et le militaire sont tous des « soldats » qui défendent fermement les intérêts vitaux du Burkina Faso : l’un, le diplomate, par les arguments et la négociation. L’autre, le militaire, par les armes si la situation l’exigeait. Donc, c’est un honneur pour moi d’être soldat et diplomate.

S. : Le Ghana fait exception dans une sous- région en proie à des crises sociopolitiques comme au Mali et en Côte d’Ivoire. Comment selon vous, le Ghana arrive-t-il à maintenir cette stabilité politique et institutionnelle ?

S. P. S. : Effectivement, le Ghana fait partie des exemples démocratiques réussis en Afrique. Cela peut s’expliquer par la maturité politique des populations qui, après des années de régime d’exception, ont manifesté et réclamé plus de liberté dans le choix des dirigeants qui les gouvernent. Au fil des ans, le pays a pu maintenir le cap par l’organisation régulière d’élections libres et transparentes. Une stabilité politique et institutionnelle que nous saluons tous.

S. : Vous avez compétence au Togo et au Bénin. Comment arrivez-vous à avoir un regard sur la vie des ressortissants burkinabè dans ces deux pays ?

S. P. S. : Au niveau du Conseil des burkinabè de l’étranger (CBE), un système a été mis en place d’où la présence de trois délégués à Lomé avec lesquels l’ambassade travaille pour faire passer les messages au sein de la communauté burkinabè. Pour ce qui concerne le Bénin, nous avons un consul honoraire en la personne de Mohamed Lamine Ouédraogo. Donc à travers le consul honoraire, les délégués et les associations des Burkinabè, l’ambassade a un regard sur la vie des compatriotes dans ces deux pays. Actuellement, la mission du gouvernement du Burkina Faso est d’ouvrir un consul général à Lomé. Les procédures diplomatiques sont en cours.

Interview réalisée à Accra par Souaibou NOMBRE

 Commentaires