Société
Abdoul Karim Sango, enseignant à l’ENAM: « Je crains que dans 2 ou 3 mois, on ne puisse même pas payer les salaires des fonctionnaires »
Publié le vendredi 26 septembre 2014 | Le Quotidien
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« Mon engagement pour la démocratie ne se marchande pas ». Cette assertion de Abdoul Karim Sango atteste largement de ses sorties sur les grandes questions de l’heure qui intéressent la société burkinabè. Juriste de formation et enseignant permanent à l’Ecole nationale d’administration et de la magistrature (ENAM), Abdoul Karim Sango, très prolixe, est politiquement engagé et sa conviction est qu’on « ne pas faire de la démocratie sans des démocrates ». Dans cette interview qu’il nous a accordée, Abdoul Karim Sango revient sur le dialogue direct qu’il a proposé pour résoudre la crise politico-institutionnelle qui divise la classe politique burkinabè. « Je suis très lucide quand j’appelle les acteurs politiques à un dialogue direct », avertit-t-il dans cet entretien que nous avons eu avec lui, le 18 septembre dernier, à l’ENAM.
Le Quotidien : Monsieur Sango, il est vrai que vous n’êtes pas un inconnu de la scène nationale, mais pouvez-vous nous rappeler vos différentes fonctions?
Abdoul Karim Sango : Je suis juriste de formation.Je suis professeur permanent de droit public à l’ENAM et membre de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) depuis 2006 au titre de l’opposition. Je suis à mon deuxième et dernier mandat. A la CENI, ce sont des mandats de 5 ans renouvelables une seule fois. Je mène aussi des activités de consultation dans divers domaines : gouvernance démocratique, décentralisation, droit des médias.
Avec toutes ces charges, n’êtes-vous pas souvent débordé ?
Effectivement, ça commence à peser lourd sur moi. Lorsque vous êtes à la fois, sur plusieurs fronts, peut-être intéressants, mais comme une machine qu’on utilise un peu trop, il y a risque d’essoufflement et d’épuisement. Il se trouve que malheureusement dans ma situation, je suis très passionné par tout ce que je fais : que ce soit à la CENI, à l’ENAM, que ce soit les nombreuses conférences publiques que j’anime au cours de l’année. Mais il va falloir à un moment donné que je limite certaines de mes interventions, ne serait-ce que pour me ménager moi-même.
Vous avez traité du droit de l’information comme thème de votre doctorat. Comment appréciez-vous le traitement de l’information au Burkina dans le contexte actuel ?
A mon avis et c’est l’avis qui est beaucoup partagé par beaucoup d’acteurs, je crois que globalement, la presse burkinabè est une presse professionnelle. Ce n’est pas de la démagogie, mais de la réalité. Quand on connait la presse africaine, de la sous-région, on peut être fier du travail que vous faites. La presse burkinabè fait l’effort d’être indépendante quelles que soient les convictions politiques des uns et des autres. Globalement, j’allais dire que dans la presse privée, il y a un véritable équilibre de l’information. Si on prend des sujets qui fâchent, vous constaterez qu’aujourd’hui, la presse fait l’effort de relayer les deux positions antagonistes, autour du référendum, sur l’article 37 et de la mise en place du Sénat.
Certains la trouvent trop en faveur de l’opposition. Cela serait-il votre avis ?
Non, je crois qu’elle n’est pas en faveur de l’opposition. N’oubliez pas que la liberté de la presse ne peut-être effective et réelle que dans une démocratie, que dans un Etat de droit. Si vous n’êtes pas dans une démocratie véritable, si vous n’êtes pas dans un Etat de droit, les premières victimes sont les journalistes, les hommes de médias. Les prédateurs de la presse, ce sont ceux qui sont contre la démocratie. Regardez ce qui se passe en Gambie, chez Yaya Jahmmey !Donc globalement, quand vous regardez dans les démocraties avancées, les journalistes travaillent en sécurité. Là où ils sont en insécurité, c’est là où malheureusement, la démocratie ne fonctionne pas. Or, les sujets qui font l’actualité, depuis 2 ans, qui feront l’actualité dans les jours à venir, ce sont des sujets, en réalité, qui sont en rapport avec le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit. Donc, la presse, en le faisant, ce n’est pas qu’elle prend position pour l’opposition. C’est un peu comme la position défendue par l’Eglise catholique. C’est une position de principe. S’il est vrai qu’il n’y a pas de modèle de démocratie prêt à porter, il est tout aussi vrai que la démocratie est construite autour des valeurs et des principes. Que vous soyez aux Etats Unis ou au Pakistan, il ya des principes. La preuve, c’est que l’Union africaine et la CEDEAO ont dégagé, ce qu’on appelle les principes de convergence constitutionnelle, parmi lesquels est citée la limitation des mandats présidentiels.
Dans une de vos récentes déclarations parues dans la presse, vous appelez les protagonistes de la crise nationale à un dialogue direct ? Qu’entendez-vous par dialogue direct ?
C’est vrai que je n’ai pas été compris par beaucoup de gens. Lesquels gens, très souvent, sont de bonne foi, d’autres sont très proches de moi. Mais, il ne faut pas se tromper. Je suis très lucide quand j’appelle les acteurs politiques à un dialogue direct. Je réfléchis sur les intentions des uns et des autres. J’analyse les actes et les comportements des uns et des autres. De la même façon, j’avais demandé à soutenir la médiation qui avait été menée, à l’époque, par l’ancien chef de l’Etat, Jean Baptiste Ouédraogo, et ses autres collègues. Cela part d’une idée qui est très simple, qui est une évidence. C’est que tout conflit, tôt au tard, se résout au tour d’une table de négociation. Ce n’est pas que je pense que le parti au pouvoir ne fait pas de la ruse. Mais, vous savez, tout homme politique, dans tout acte qu’il pose, il y a une dose de ruse. Quand un homme politique pose un acte, il veut dribbler l’autre parce que tout homme politique veut tirer le maximum de profit des actes qu’il pose. Seulement, c’est que la ruse, la roublardise, les dribbles ont leur limite. Et je pense que la ruse, la roublardise, les dribbles du régime de la 4e République ont atteint leur limite. Parce que ça ne peut pas être une solution à ce que nous sommes en train de vivre. Ça va être simplement de gagner un temps et de reporter la crise à plus tard avec des conséquences plus graves. Alors, lorsque vous aimez votre pays, vous encouragez toute initiative qui donne l’impression d’amener les acteurs politiques au dialogue. Dans toutes les religions, on nous demande d’être des artisans de la paix !
J’ai fait exprès pour utiliser ce concept, « dialogue direct ». Parce que c’est un concept qui a été développé par le président Compaoré dans ses médiations. C’est lui qui a développé ce concept. Donc, je le prends au mot : « Monsieur le président, vous êtes à mesure d’organiser le dialogue direct dans les autres pays, organisez le dialogue direct avec les acteurs principaux de la situation que nous vivons. C’est-à-dire, avec d’une part, l’opposition affiliée au Chef de file de l’opposition et d’autre part la majorité avec tout ce qui est compris dedans ». Mon appel semble avoir été entendu ! Mais il est trop tôt pour se prononcer là-dessus ! J’attends de voir le contenu qu’on va mettre dans le cadre de dialogue en cours. J’ai appris que des termes de référence seront remis aux différentes parties.
Et l’opposition non affiliée au Chef de file de l’opposition ?
Elle n’est pas crédible. L’opposition non affiliée au Chef de file de l’opposition n’est pas crédible. Il y a une expression en Afrique qui dit qu’on ne peut pas vouloir poser ses fesses sur deux tabourets à la fois. C’est-à-dire, dire que je suis de l’opposition et défendre les positions de la majorité. Avec tout le respect que je dois à certains de leurs leaders, j’estime que ce sont des confusionnistes ! On ne peut pas être de l’opposition et soutenir en même temps la majorité. Il y en a même qui sont au gouvernement et qui prétendent être toujours des opposants ! J’ai eu en son temps à critiquer la loi sur le statut de l’opposition dans certains de ses aspects. On ne peut pas prétendre vouloir respecter la République et en même temps, contribuer à créer la confusion dans la mise en œuvre des lois de la République. Et la médiation de JBO l’avait bien compris. Elle s’est adressée à l’opposition affiliée au CFOP et à la majorité. Ce sont les deux acteurs majeurs. Il y a les acteurs principaux, c’est-à-dire l’opposition affiliée au CFOP et vous avez la majorité comme le CDP et l’ADF/RDA comme têtes de proue et vous avez les acteurs de la société civile que sont les notabilités, les religieux. Et dans le dialogue direct que j’ai préconisé, j’ai dit que dans un premier temps, il faut qu’il soit un dialogue entre le président du Faso, la majorité et l’opposition. Elle s’élargira par la suite aux autres acteurs dont notamment la société civile. Celle-ci d’ailleurs doit continuer de faire pression sur les acteurs politiques engagés actuellement dans le dialogue pour ne pas qu’il trahisse les objectifs de la lutte.
Qui sera l’arbitre ?
On n’a pas besoin d’un arbitre. Il faut qu’il y ait le courage de se regarder en face. Le président va présenter ses prétentions. Et je suppose qu’une de ses prétentions, c’est la modification de l’article 37 ou la prolongation de son mandat. L’opposition va lui dire, monsieur le président, non : respectons les termes de la Constitution. Prolongez votre mandat ou modifier la Constitution, ce sera ouvrir une parenthèse dangereuse pour le renforcement de notre démocratie. Le président va dire, alors j’ai peut-être des inquiétudes. Vous savez qu’en Afrique, lorsque vous perdez le pouvoir, vous pouvez être objet d’humiliations de toutes sortes en raison des actes et actions que vous avez posés quand vous étiez au pouvoir. En 2006, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest avait publié un excellent rapport intitulé « la vie après le palais présidentiel » qui traitait de cette problématique. Au moment où l’esprit de dialogue semble faire consensus au sein des acteurs politiques, je leur demanderai de consulter ce document. Ceux qui ne l’ont pas peuvent me consulter pour en avoir une version électronique. Mais ils peuvent l’obtenir en ligne aussi. Dans la peur et dans la panique, beaucoup de dirigeants sont prêts à compromettre tous les acquis qu’ils ont eus à engranger dans l’histoire de leur pays.
Alors on dira au président : « Monsieur le président, nous vous avons donné la loi d’amnistie. Peut-être qu’elle n’est pas suffisante. Alors, vous voulez qu’on vous donne quoi en termes de garanties supplémentaires ? Est-ce qu’il y a d’autres possibilités. Alors discutons monsieur le président. C’est ça qu’il vous faut ? Oui ! Alors, nous allons vous en donner ». Alors dans ce jeu, dans ces discussions, on pourrait alors obtenir un consensus sur les garanties de protection du président. Je vais plus loin. S’il doit y avoir un arbitrage, je souhaite que ce soit un arbitrage international. Il faut une implication de la communauté internationale. Parce qu’on ne doit pas se voiler la face. Le président peut avoir des craintes au plan interne. Mais, je pense que ses plus grosses craintes peuvent venir de certaines affaires au plan international ou régional.
Justement, est-ce que l’opposition burkinabè peut lui donner des garanties sur ces affaires internationales dont vous parlez ?
Quelqu’un m’a posé la question hier. Je lui ai répondu qu’on peut lui donner des garanties au plan national. Mais, s’il va, par exemple, à Bruxelles en Belgique, à Paris en France, et que des gens pensent qu’il est impliqué dans les affaires et qu’il porte plainte, le juge belge ou français va l’interpeller. Vous voyez bien qu’eux-mêmes, il ne laisse pas leurs présidents. N’en parlons pas un président africain ! Mais, vous pouvez contourner cela d’une certaine manière. Cela peut se faire avec l’appui de la communauté internationale. C’est-à-dire qu’il faudra rechercher un statut d’homme d’Etat international pour le chef de l’Etat. Reconnaissons qu’il a peut-être fait du tort si tout ce que j’entends et lis est vrai ! Je ne veux pas rentrer dans les détails parce que le diable est dans les détails, mais il faut aussi reconnaître que ces dix dernières années il a beaucoup contribué à apaiser certains conflits. Donc, je pense que s’il y a eu un consensus au plan national, et que le président accepte de se conformer à la Constitution, il contribuera sans doute à renforcer la démocratie au Burkina, il aura ainsi donné un bon exemple qui peut faire tâche d’huile ailleurs en Afrique. A partir du cas burkinabè, désormais il sera difficile de réviser les Constitutions en Afrique pour se maintenir au pouvoir.
C’est-à-dire ?
N’oubliez pas que la première révision de la Constitution pour sauter le verrou du mandat présidentiel a été faite au Burkina. Et je disais à des amis africains dans le cadre d’une mission internationale que c’est par le Burkina que ce phénomène allait aussi prendre fin. Et j’en suis très fortement convaincu. .
Avec les positions figées des uns et des autres, est-ce possible le dialogue, c’est-à-dire réconcilier les positions ?
Vous savez, en politique, rien n’est impossible. Parce que la politique n’est pas une science exacte. Ce qui est vrai aujourd’hui peut être faux demain. Ce qui est faux aujourd’hui peut être vrai demain. Avez-vous pensé un seul instant que Monsieur Alassane Dramane Ouattara et monsieur Henri Konan Bédié seraient des complices ? Au point où Henri Konan Bédié saborde son parti politique au profit de Alassane Dramane Ouattara. Qui l’aurait cru ? Donc, en politique, il n’y a pas de positions inconciliables. Surtout quand il s’agit de la préservation de la paix, de l’intérêt général. Quand vous discutez à l’informel avec les acteurs des deux camps, tout le monde prétend agir pour le Burkina. Et pour cela, il y a un certain nombre de concessions qui doivent être faites. Les concessions ne peuvent pas être faites contre les principes et valeurs démocratiques. Si vous manipulez la Constitution aujourd’hui pour des intérêts personnels, cela vous rattrapera demain. Si vous refusez de tripatouiller la Constitution, vous allez permettre à la démocratie d’avancer. Nous en sommes dans cette crise, pourquoi ? C’est parce que nous avons pris trop de liberté avec la Constitution. En Afrique, on pense que la Constitution est un papier lotus. J’ai coutume à le dire aux étudiants que la Constitution est la fondation de l’Etat. Quand vous voulez construire une maison solide, vous investissez au maximum dans la fondation. Parce que quand la fondation est bien faite, la maison dure longtemps. Il y va de même de la Constitution. Lorsque la Constitution est bien rédigée et bien respectée, vous avez la paix civile dans l’Etat. Et c’est ça qui produit la richesse, le développement. Les Etats unis sont la première puissance économique mondiale depuis de nombreuses années. C’est en raison de la qualité de leurs institutions. Ce n’est pas en raison seulement de la qualité des hommes. Même s’il ne faut pas souvent négliger le rôle des hommes. Donc, je pense qu’il est possible de réconcilier les deux parties dans le sens de l’intérêt général. J’aime rappeler par exemple que le rapport du MAEP, dans un de ses paragraphes indique que « toute révision de l’article 37 de la Constitution requiert un large consensus au sein de la société ». Et qu’à défaut, il y a un risque de crise généralisée. Et vous ne faites pas un large consensus en organisant le référendum parce que le référendum viendra diviser la population. C’est d’ailleurs ce que j’ai lu dans la déclaration du parti socialiste français à la suite de la visite du CFOP. Ce parti a dit qu’il faut qu’il y ait un consensus large pour modifier l’article 37. . Il a repris presque les termes du rapport du MAEP. Cela est une évidence, on n’a pas besoin de sortir de sciences politiques pour le comprendre. Donc oui, je pense que les positions sont réconciliables aussi longtemps que cela doit se faire autour des principes et des valeurs de la démocratie.
Selon vous, est-ce qu’il est normal de sacrifier la justice sous le prétexte que quelqu’un refuserait de quitter le pouvoir, parce qu’il est inquiété par le droit?
Non, ce n’est pas un problème de droit ici. C’est un problème politique. C’est l’histoire particulière de chaque Etat qui oblige à passer par là. C’est ce qu’on appelle dans un langage de plus en plus développé par la communauté internationale, la justice transitionnelle. La gestion de nos Etats est souvent très complexe. Pour construire un Etat dans la durée, vous êtes obligés à un moment donné dans des contextes comme celui des Etats africains, de faire des compromis historiques . Et un compromis peut consister à ne pas poursuivre les auteurs d’un certain nombre de crimes, d’un certain nombre d’actes au nom de la paix sociale. Rappelez-vous que c’est ce qui est arrivé, en Afrique du Sud. Je ne connais pas un Etat africain qui a connu une tragédie comme celle de l’Afrique du Sud. Mais pour construire la nation arc-en-ciel, il a fallu se pardonner. Mais dans un processus de ce genre c’est important qu’on sache la vérité sur ce qui s’est réellement passé afin que les générations actuelles et futures ne reproduisent plus les mêmes actes. Donc, oui le pardon, mais il faut qu’on sache ce qui est arrivé. Il ne faut pas avoir honte de son histoire. C’est un peu ce que les Ivoiriens tentent de faire avec la CDVR. C’est une sorte de catharsis qui permet à une nation qui sait tirer les bonnes leçons d’une crise de progresser. A défaut de recourir à cette justice transitionnelle, vous allez vous inscrire dans une logique de crise perpétuelle. Ma conviction, avec tout le respect que je dois aux nombreuses victimes du régime de la IVème République, c’est qu’il faut s’engager dans un processus sincère de pardon.
Vous parlez de dialogue en excluant un acteur très important dans la vie politique de notre pays. Il s’agit de l’armée ? Pensez-vous qu’aujourd’hui qu’elle est prête à respecter un arrangement qui serait en sa défaveur ?
Mes propositions ne visent pas à trancher en faveur d’un camp. Je demande de trancher en faveur de l’intérêt général. Et l’intérêt général est au-dessus des intérêts d’un groupe particulier. Quels peuvent être les intérêts particuliers des militaires ? Ont-ils un intérêt supérieur à l’intérêt général, à la paix sociale, à la stabilité? Je ne crois pas. D’ailleurs, il est grand temps qu’en Afrique, les armées, comme l’a préconisé le rapport des collèges des sages, deviennent républicaines. Qu’elles soient au service de l’Etat et non au service d’un groupe. Quand vous parlez de défaveur, c’est parce que l’armée est instrumentalisée pour servir des intérêts autres que ceux de la collectivité. Donc, je ne crois pas que s’il y a un compromis, cela puisse léser les intérêts de l’armée. Les compromis doivent servir d’abord les intérêts du peuple. C’est lorsque l’intérêt du peuple est compromis que l’armée peut être obligée de procéder à un arbitrage. Ce n’est pas le contraire. Il faut qu’on se comprenne très bien. Je ne néglige pas le rôle de l’armée. Je suis de ceux qui pensent que ce serait un recul terrible que nous nous retrouvons avec l’arbitrage des militaires, après 23 ans de vie constitutionnelle. Donc, je crois que l’armée doit s’en tenir à son rôle de défense des institutions et des lois de la République. Je comprends souvent que les manipulations des institutions et le verrouillage de la démocratie poussent certains à penser que le recours au coup d’Etat peut être salutaire. Je pense que nous devons œuvrer à opérer des transitions constitutionnelles sans parenthèse militaire.
Dans votre déclaration également, vous le dites : « le parti a posé un acte de haute portée historique », parlant de la visite du CDP à l’UPC. Me Sankara n’entend pas cela de cette oreille. Alors, revenons sur cette visite et comment avez-vous apprécié la déclaration de Me Sankara ?
Je suis conscient des ambigüités dans les relations que le parti au pouvoir veut vouloir tisser avec tel ou tel autre parti. Je ne néglige pas cet aspect des choses. Mais, j’ai trouvé que politiquement, c’était un acte correct, en me disant que le parti présidentiel comprend de plus en plus que les rapports de forces ne sont pas en sa faveur. Et si vous vivez au Burkina, vous pouvez constater que ce que je dis est vrai. Et, qu’il n’y a aucune solution dans sa volonté de faire un passage en force. Ça c’est le premier aspect. Deuxième aspect, je pense que certains membres du parti présidentiel, au-delà de leurs intérêts personnels,peuvent aussi être des patriotes. Nul n’a le monopole du patriotisme. Comme l’avait si bien dit mon bien aimé grand frère le député Myemba Ouali, dans une interview dans un journal de la place, les patriotes se trouvent dans tous les camps. Donc, quand ils se créent une dynamique pareille, il faut les encourager tout en restant vigilant. Vous savez, je me rends de plus en plus compte que le parti présidentiel a un sérieux problème de crédibilité. En fait, toutes les critiques sur cette visite a été de dire à l’UPC, méfiez-vous ! N’allez pas vendre notre lutte ! Effectivement, on était habitué à la ruse du parti présidentiel. Pour le reste, on ne peut pas construire une démocratie sérieuse en disant que les principaux acteurs ne doivent pas se rencontrer, les principaux acteurs ne doivent pas discuter. Ça ne sera pas un bon message. Mais, je comprends la méfiance de l’UNIR/PS. On dit chat échaudé craint l’eau chaude. Donc, moi j’ai trouvé cette visite comme étant un acte de civilité dans une démocratie. Ceci dit, je comprends la réaction des uns et des autres. Quand vous regardez dans le rétroviseur de l’histoire, vous n’accorderez aucun crédit à toute initiative qui vient de la majorité, de ce qui vient du parti présidentiel. Mais hélas ! Ils ont la responsabilité de gérer la destinée pour 5 ans de 17 millions de Burkinabè. Et en raison de cela, il faut trouver des espaces de discussions. J’ai écouté sur des radios FM où on disait que si l’UPC reçoit le parti présidentiel, les militants du parti présidentiel diront dans les quartiers que l’UPC est avec eux pour aller au gouvernement. Vous voyez que ça brouille le message. Donc, ce qui était un acte de bonne foi devient un acte de mauvaise foi. Il faut que les gens du parti au pouvoir comprennent que c’est cette manière de faire la politique au sens le plus abject du terme qui nous a conduits dans ce que nous vivons aujourd’hui. Il faut en tirer toutes les leçons pour avoir beaucoup plus de d’humilité, beaucoup modestie. Tous les problèmes que nous avons aujourd’hui dans ce pays sont des problèmes posés par le parti au pouvoir dont certains militants, à la dernière minute, ont eu de la lucidité en quittant le navire.
Effectivement, le 3 janvier dernier, ils quittaient le navire, alors que plus de 20 ans durant, ils ont, dans une opacité totale, géré le pays. Est-ce qu’aujourd’hui on peut leur accorder du crédit ?
Je ne sais pas si la question aujourd’hui c’est de savoir s’il faut leur accorder ou pas un crédit. Restons objectifs. Si nous rentrons dans la subjectivité, ce serait compliqué. Je crois que voilà un groupe de personnes, comptables au même titre que le président Compaoré, mais qui, à un moment donné de leur histoire, ont dit qu’il faut qu’on arrête ce que nous faisons de mal. Ils ont combattu l’opposition, la diviser, la brimer, et tout ce que vous voulez. Mais, l’histoire de ce pays ne peut pas s’écrire rien qu’avec cela. Il faut marquer une pause. Ils se sont dits alors, « allons renforcer le camp de l’opposition républicaine, de l’opposition qui lutte pour l’avancée de la démocratie ». Certains d’entre eux ont même dit que l’article 37 était un article anti démocratique ! Mais, ce qui est important, à mes yeux, et aux yeux d’une bonne partie de l’opinion, c’est ce qu’ils disent aujourd’hui. Ils disent que beaucoup de choses qu’ils ont faites ont affaibli la démocratie. Aujourd’hui, ils viennent renforcer la démocratie. Alors, accordons-leur le crédit sur ces mots. Il ne faut pas se faire d’illusion. Je n’ai pas l’art de mentir quand je défends mes opinions, d’aucuns disent d’ailleurs que je ne ferai pas un bon politicien. Si les gens du MPP n’étaient pas sortis des rangs du CDP, le CDP ne serait pas autant affaibli. Effectivement, l’opposition était dans une certaine ferveur, mais ils sont venus renforcer cette ferveur. Les querelles que je vois en perspectives sont des querelles de positionnement. Qui va être premier ? Qui va être deuxième ? Moi je ne rentre pas dedans. Ce qui est important aujourd’hui, c’est le respect de la Constitution. Après, nous allons organiser des élections. Celui qui est fort sera élu et il sait qu’il est élu pour 10 ans. Il sait aussi qu’on l’attend sur la corruption. Il sait que les Burkinabè sont soucieux de la bonne gouvernance, de la justice sociale. S’il fait autrement, le peuple va le chasser pour le remplacer par quelqu’un d’autre. Pour le moment, l’enjeu, c’est d’encourager le président du Faso à respecter la Constitution. C’est de le rassurer. Comme il l’a dit lui-même que ce n’est pas tellement sa vie après la présidence qui le préoccupe. Parce qu’effectivement, il est conscient qu’il ya une autre vie. C’est de lui démontrer que ce qu’il dit est vrai Quand on va régler cette question, alors les autres acteurs vont se regarder en face. S’il y a des comptes à demander à X ou à Y, on le lui demandera. Mais, ne mélangeons pas les choses. Restons callés sur la contradiction principale. C’est celle de faire respecter la limitation des mandats ici, aujourd’hui et pour toujours.
Ceci n’est pas la volonté de 81 députés qui ont appelé le président à convoquer le corps électoral pour le référendum?
Vous savez, l’article 37 sera ou ne sera pas révisé. Tout le monde commence à en avoir marre. Je crois qu’il y a du dépit dans l’attitude des députés de la majorité. C’est vrai que le pays ne marche plus. Je crains que dans les deux ou dans trois mois à venir, on ne puisse même pas payer les salaires des fonctionnaires. Les recettes fiscales ne rentrent pas. Nous sommes dans un pays qui ne peut pas souffrir d’une crise sérieuse d’un mois. Les gens ont leurs familles, leurs enfants. Quand ils rentrent chez eux, ils réfléchissent aussi. Ils savent que la clef de voûte du système, c’est le président et que c’est lui qui a la solution. En fait, c’est un piège. J’allais dire, que les députés du parti majoritaire ont tendu au président. C’est-à-dire qu’il assume la responsabilité historique devant le peuple et devant la communauté internationale de ce qui va arriver s’il décidait d’aller au référendum. N’oubliez pas que constitutionnellement, les députés de la majorité ont le droit eux aussi d’introduire un recours pour réviser la Constitution.
Vous étiez un fervent militant du PAREN, vous étiez, chaque fois, aux côtés du professeur Laurent Bado. On ne vous voit plus dans les activités dudit parti. Qu’est ce qui s’est passé ?
Je me suis longuement expliqué sur cette question. Vous dites, vous étiez… Mais, je suis militant de base. Vous savez les militants de base des partis, il y en a beaucoup. Moi, je ne suis membre d’aucune instance du parti. Je suis simplement membre de la Commission électorale nationale indépendante au compte de l’opposition. A partir du moment où je n’ai aucune fonction officielle dans le parti, qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Si on m’invite à une rencontre du parti, je m’y rends. Si les responsables actuels du parti pensent qu’ils assument un leadership suffisant au point de se passer de mon expérience et de mes conseils, je ne peux que les regarder. Il se trouve simplement qu’à côté d’eux, il ya d’autres acteurs politiques qui recourent à mes conseils que je leur donne humblement. Et j’ai le sentiment que mes conseils leur sont utiles. La société civile aussi fait recours à mon expérience. L’important pour moi c’est d’être utile à mon pays !
C’est quand même inadmissible que quelqu’un de votre trame n’occupiez pas un poste dans l’instance dirigeante d’un parti politique, du reste qui n’a pas assez de cadres.
C’est vous qui le dites ! Les actuels responsables du MPP n’ont-ils pas été éjectés des instances décisionnelles du CDP ?C’étaient pourtant des gens très importants qui ont construit le parti. On a trouvé à un moment donné au CDP qu’ils étaient un problème et qu’il faut les mettre de côté. Eux au moins ils ont eu le courage d’aller créer un parti. Moi, je n’ai pas encore eu ce courage !
Donc, on a trouvé que vous étiez un problème ?
Ceux qui m’ont enlevé du bureau ont peut être estimé que je n’étais pas suffisamment efficace. Vous savez la presse peut monter les gens. Le fait que je sois tout le temps dans les médias peut donner l’illusion que je suis un homme politique et un intellectuel de grande envergure alors que les responsables du Paren peuvent être d’un avis tout à fait contraire. Mais au moins, j’ai mes compétences qui ne sont pas discutables. En matière électorale, en droit constitutionnel, en droit public en général, je peux donner des conseils et je les donne utilement dans d’autres cadres.
Ceci dit, mon combat c’est d’assister à l’émergence de grandes forces politiques de l’opposition et cela passe par des alliances, des unions. Je ne crois pas en l’avenir d’un parti politique de l’opposition pris de façon isolée. L’avenir est dans les grands ensembles, il faut encourager cette dynamique. Les partis sankaristes sont en train de le comprendre. L’histoire va se construire avec les partis qui l’auront compris. Vous voyez très bien que la classe politique est en train de se reconfigurer. Très bientôt, les partis récépissés disparaitront.
On vous suspecte d’être très proche de l’UPC, sinon que vous y êtes, selon certains ?
Moi je n’ai pas la carte de l’UPC. Mais, c’est un parti pour lequel j’ai beaucoup de respect et j’y ai de nombreuses amitiés. C’est un parti dont le leader, Zéphirin Diabré, m’inspire beaucoup de considération, beaucoup de respect. C’est un grand frère comme beaucoup d’hommes politiques, avec lequel j’ai de très bons rapports et j’en suis très fier. Modestement et humblement, quand il a besoin de mon avis, il me le demande. Quand j’ai un avis à lui donner, je le lui donne. Je pense que c’est une personnalité qui a beaucoup de qualités intellectuelles et humaines et capables d’apporter une part considérable au développement de ce pays. On voit comment il a réussi, en moins de deux ans, à donner une identité plus forte à l’opposition burkinabè. Donc moi, je n’ai aucun problème avec cela. Je ne me gêne pas de dire à qui veut l’entendre que j’ai de très bons rapports avec le président Zéphirin Diabré. Ceci dit en général, j’ai toujours eu de bons rapports avec les leaders de l’opposition. Les gens ne le savent peut être pas, mais feu mon doyen Issa Tiendrebeogo m’invitait au moins une fois par mois à venir prendre le petit déjeuner avec lui pour discuter des problèmes du pays. Quand il était hospitalisé à Tunis, on s’appelait. Et le dernier coup de fil que j’ai reçu de lui, c’était trois jours avant sa mort. Il me donnait des conseils me disant de me ménager. J’ai aussi de très bons rapports avec des personnalités comme Norbert Tiendrebeogo, Me Sankara, Me Gilbert Noêl Ouédraogo, y compris Me Herman Yaméogo. Je les appelle tous grands frères…Faire la politique pour moi, c’est être utile à sa collectivité et non chercher à être premier ou deuxième…
Est-ce que vous en tant qu’intellectuel vous croyez en l’idéologie politique ?
C’est important pour les intellectuels. Mais il faut du pragmatisme en politique. Je pense qu’aujourd’hui en Afrique, on a des problèmes de compréhension avec ces idéologies qui sont toutes d’origine occidentale. Que vous soyez de gauche ou de droite, si vous ne réglez pas ces problèmes d’incompréhensions, vous allez échouer en politique. C’est qui aujourd’hui un socialiste ou un libéral ? Analysez très bien ce qui se passe dans les pays d’où nous sont venues ces idéologies et vous comprendrez qu’on perd le temps dans des débats stériles. Il y a une seule idéologie qui m’intéresse si c’en est une et en cela, je suis d’accord avec le professeur Bado. On peut tout lui reprocher, mais je pense qu’il a eu la force de mener une réflexion authentique sur nos institutions. Cela est important. Mélégué l’a repris maladroitement dans sa récente déclaration qui n’apporte pas grand-chose au débat. C’est clair que les Africains doivent prendre leur destin en main et ne pas être toujours à la remorque des autres. Nous devons repenser sérieusement nos institutions à l’aune de notre culture. Mais, nous devons en même temps définir ce qui est notre culture parce que nous sommes dans des sociétés très diversifiées. Notre problème en Afrique est qu’on ne se connait pas. Si vous ne connaissez pas votre histoire, vous ne pourrez pas avancer sereinement vers de hautes cimes. Quel que soit le parti politique qui prendra le pouvoir, il y a un élément important : il nous faut des réflexions endogènes. Là même encore, on n’a pas besoin d’inventer parce qu’on a des prédécesseurs qui nous ont devancé dans la réflexion. Je vais citer, paix à son âme, le professeur Joseph Ky Zerbo. Il a passé une bonne partie de sa vie à réfléchir là-dessus. On a les Julius Nyerere, Senghor et tout près de nous, le professeur Laurent Bado. Qu’est-ce qu’il faut mettre d toujours des opposants ! J’ai eu en son temps à critiquer la loi sur le statut de l’opposition dans certains de ses aspects. On ne peut pas prétendre vouloir respecter la République et en même temps, contribuer à créer la confusion dans la mise en œuvre des lois de la République. Et la médiation de JBO l’avait bien compris. Elle s’est adressée à l’opposition affiliée au CFOP et à la majorité. Ce sont les deux acteurs majeurs. Il y a les acteurs principaux, c’est-à-dire l’opposition affiliée au CFOP et vous avez la majorité comme le CDP et l’ADF/RDA comme têtes de proue et vous avez les acteurs de la société civile que sont les notabilités, les religieux. Et dans le dialogue direct que j’ai préconisé, j’ai dit que dans un premier temps, il faut qu’il soit un dialogue entre le président du Faso, la majorité et l’opposition. Elle s’élargira par la suite aux autres acteurs dont notamment la société civile. Celle-ci d’ailleurs doit continuer de faire pression sur les acteurs politiques engagés actuellement dans le dialogue pour ne pas qu’il trahisse les objectifs de la lutte.
Qui sera l’arbitre ?
On n’a pas besoin d’un arbitre. Il faut qu’il y ait le courage de se regarder en face. Le président va présenter ses prétentions. Et je suppose qu’une de ses prétentions, c’est la modification de l’article 37 ou la prolongation de son mandat. L’opposition va lui dire, monsieur le président, non : respectons les termes de la Constitution. Prolongez votre mandat ou modifier la Constitution, ce sera ouvrir une parenthèse dangereuse pour le renforcement de notre démocratie. Le président va dire, alors j’ai peut-être des inquiétudes. Vous savez qu’en Afrique, lorsque vous perdez le pouvoir, vous pouvez être objet d’humiliations de toutes sortes en raison des actes et actions que vous avez posés quand vous étiez au pouvoir. En 2006, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest avait publié un excellent rapport intitulé « la vie après le palais présidentiel » qui traitait de cette problématique. Au moment où l’esprit de dialogue semble faire consensus au sein des acteurs politiques, je leur demanderai de consulter ce document. Ceux qui ne l’ont pas peuvent me consulter pour en avoir une version électronique. Mais ils peuvent l’obtenir en ligne aussi. Dans la peur et dans la panique, beaucoup de dirigeants sont prêts à compromettre tous les acquis qu’ils ont eus à engranger dans l’histoire de leur pays.
Alors on dira au président : « Monsieur le président, nous vous avons donné la loi d’amnistie. Peut-être qu’elle n’est pas suffisante. Alors, vous voulez qu’on vous donne quoi en termes de garanties supplémentaires ? Est-ce qu’il y a d’autres possibilités. Alors discutons monsieur le président. C’est ça qu’il vous faut ? Oui ! Alors, nous allons vous en donner ». Alors dans ce jeu, dans ces discussions, on pourrait alors obtenir un consensus sur les garanties de protection du président. Je vais plus loin. S’il doit y avoir un arbitrage, je souhaite que ce soit un arbitrage international. Il faut une implication de la communauté internationale. Parce qu’on ne doit pas se voiler la face. Le président peut avoir des craintes au plan interne. Mais, je pense que ses plus grosses craintes peuvent venir de certaines affaires au plan international ou régional.
Justement, est-ce que l’opposition burkinabè peut lui donner des garanties sur ces affaires internationales dont vous parlez ?
Quelqu’un m’a posé la question hier. Je lui ai répondu qu’on peut lui donner des garanties au plan national. Mais, s’il va, par exemple, à Bruxelles en Belgique, à Paris en France, et que des gens pensent qu’il est impliqué dans les affaires et qu’il porte plainte, le juge belge ou français va l’interpeller. Vous voyez bien qu’eux-mêmes, il ne laisse pas leurs présidents. N’en parlons pas un président africain ! Mais, vous pouvez contourner cela d’une certaine manière. Cela peut se faire avec l’appui de la communauté internationale. C’est-à-dire qu’il faudra rechercher un statut d’homme d’Etat international pour le chef de l’Etat. Reconnaissons qu’il a peut-être fait du tort si tout ce que j’entends et lis est vrai ! Je ne veux pas rentrer dans les détails parce que le diable est dans les détails, mais il faut aussi reconnaître que ces dix dernières années il a beaucoup contribué à apaiser certains conflits. Donc, je pense que s’il y a eu un consensus au plan national, et que le président accepte de se conformer à la Constitution, il contribuera sans doute à renforcer la démocratie au Burkina, il aura ainsi donné un bon exemple qui peut faire tâche d’huile ailleurs en Afrique. A partir du cas burkinabè, désormais il sera difficile de réviser les Constitutions en Afrique pour se maintenir au pouvoir.
C’est-à-dire ?
N’oubliez pas que la première révision de la Constitution pour sauter le verrou du mandat présidentiel a été faite au Burkina. Et je disais à des amis africains dans le cadre d’une mission internationale que c’est par le Burkina que ce phénomène allait aussi prendre fin. Et j’en suis très fortement convaincu. .
Avec les positions figées des uns et des autres, est-ce possible le dialogue, c’est-à-dire réconcilier les positions ?
Vous savez, en politique, rien n’est impossible. Parce que la politique n’est pas une science exacte. Ce qui est vrai aujourd’hui peut être faux demain. Ce qui est faux aujourd’hui peut être vrai demain. Avez-vous pensé un seul instant que Monsieur Alassane Dramane Ouattara et monsieur Henri Konan Bédié seraient des complices ? Au point où Henri Konan Bédié saborde son parti politique au profit de Alassane Dramane Ouattara. Qui l’aurait cru ? Donc, en politique, il n’y a pas de positions inconciliables. Surtout quand il s’agit de la préservation de la paix, de l’intérêt général. Quand vous discutez à l’informel avec les acteurs des deux camps, tout le monde prétend agir pour le Burkina. Et pour cela, il y a un certain nombre de concessions qui doivent être faites. Les concessions ne peuvent pas être faites contre les principes et valeurs démocratiques. Si vous manipulez la Constitution aujourd’hui pour des intérêts personnels, cela vous rattrapera demain. Si vous refusez de tripatouiller la Constitution, vous allez permettre à la démocratie d’avancer. Nous en sommes dans cette crise, pourquoi ? C’est parce que nous avons pris trop de liberté avec la Constitution. En Afrique, on pense que la Constitution est un papier lotus. J’ai coutume à le dire aux étudiants que la Constitution est la fondation de l’Etat. Quand vous voulez construire une maison solide, vous investissez au maximum dans la fondation. Parce que quand la fondation est bien faite, la maison dure longtemps. Il y va de même de la Constitution. Lorsque la Constitution est bien rédigée et bien respectée, vous avez la paix civile dans l’Etat. Et c’est ça qui produit la richesse, le développement. Les Etats unis sont la première puissance économique mondiale depuis de nombreuses années. C’est en raison de la qualité de leurs institutions. Ce n’est pas en raison seulement de la qualité des hommes. Même s’il ne faut pas souvent négliger le rôle des hommes. Donc, je pense qu’il est possible de réconcilier les deux parties dans le sens de l’intérêt général. J’aime rappeler par exemple que le rapport du MAEP, dans un de ses paragraphes indique que « toute révision de l’article 37 de la Constitution requiert un large consensus au sein de la société ». Et qu’à défaut, il y a un risque de crise généralisée. Et vous ne faites pas un large consensus en organisant le référendum parce que le référendum viendra diviser la population. C’est d’ailleurs ce que j’ai lu dans la déclaration du parti socialiste français à la suite de la visite du CFOP. Ce parti a dit qu’il faut qu’il y ait un consensus large pour modifier l’article 37. . Il a repris presque les termes du rapport du MAEP. Cela est une évidence, on n’a pas besoin de sortir de sciences politiques pour le comprendre. Donc oui, je pense que les positions sont réconciliables aussi longtemps que cela doit se faire autour des principes et des valeurs de la démocratie.
Selon vous, est-ce qu’il est normal de sacrifier la justice sous le prétexte que quelqu’un refuserait de quitter le pouvoir, parce qu’il est inquiété par le droit?
Non, ce n’est pas un problème de droit ici. C’est un problème politique. C’est l’histoire particulière de chaque Etat qui oblige à passer par là. C’est ce qu’on appelle dans un langage de plus en plus développé par la communauté internationale, la justice transitionnelle. La gestion de nos Etats est souvent très complexe. Pour construire un Etat dans la durée, vous êtes obligés à un moment donné dans des contextes comme celui des Etats africains, de faire des compromis historiques . Et un compromis peut consister à ne pas poursuivre les auteurs d’un certain nombre de crimes, d’un certain nombre d’actes au nom de la paix sociale. Rappelez-vous que c’est ce qui est arrivé, en Afrique du Sud. Je ne connais pas un Etat africain qui a connu une tragédie comme celle de l’Afrique du Sud. Mais pour construire la nation arc-en-ciel, il a fallu se pardonner. Mais dans un processus de ce genre c’est important qu’on sache la vérité sur ce qui s’est réellement passé afin que les générations actuelles et futures ne reproduisent plus les mêmes actes. Donc, oui le pardon, mais il faut qu’on sache ce qui est arrivé. Il ne faut pas avoir honte de son histoire. C’est un peu ce que les Ivoiriens tentent de faire avec la CDVR. C’est une sorte de catharsis qui permet à une nation qui sait tirer les bonnes leçons d’une crise de progresser. A défaut de recourir à cette justice transitionnelle, vous allez vous inscrire dans une logique de crise perpétuelle. Ma conviction, avec tout le respect que je dois aux nombreuses victimes du régime de la IVème République, c’est qu’il faut s’engager dans un processus sincère de pardon.
Vous parlez de dialogue en excluant un acteur très important dans la vie politique de notre pays. Il s’agit de l’armée ? Pensez-vous qu’aujourd’hui qu’elle est prête à respecter un arrangement qui serait en sa défaveur ?
Mes propositions ne visent pas à trancher en faveur d’un camp. Je demande de trancher en faveur de l’intérêt général. Et l’intérêt général est au-dessus des intérêts d’un groupe particulier. Quels peuvent être les intérêts particuliers des militaires ? Ont-ils un intérêt supérieur à l’intérêt général, à la paix sociale, à la stabilité? Je ne crois pas. D’ailleurs, il est grand temps qu’en Afrique, les armées, comme l’a préconisé le rapport des collèges des sages, deviennent républicaines. Qu’elles soient au service de l’Etat et non au service d’un groupe. Quand vous parlez de défaveur, c’est parce que l’armée est instrumentalisée pour servir des intérêts autres que ceux de la collectivité. Donc, je ne crois pas que s’il y a un compromis, cela puisse léser les intérêts de l’armée. Les compromis doivent servir d’abord les intérêts du peuple. C’est lorsque l’intérêt du peuple est compromis que l’armée peut être obligée de procéder à un arbitrage. Ce n’est pas le contraire. Il faut qu’on se comprenne très bien. Je ne néglige pas le rôle de l’armée. Je suis de ceux qui pensent que ce serait un recul terrible que nous nous retrouvons avec l’arbitrage des militaires, après 23 ans de vie constitutionnelle. Donc, je crois que l’armée doit s’en tenir à son rôle de défense des institutions et des lois de la République. Je comprends souvent que les manipulations des institutions et le verrouillage de la démocratie poussent certains à penser que le recours au coup d’Etat peut être salutaire. Je pense que nous devons œuvrer à opérer des transitions constitutionnelles sans parenthèse militaire.
Dans votre déclaration également, vous le dites : « le parti a posé un acte de haute portée historique », parlant de la visite du CDP à l’UPC. Me Sankara n’entend pas cela de cette oreille. Alors, revenons sur cette visite et comment avez-vous apprécié la déclaration de Me Sankara ?
Je suis conscient des ambigüités dans les relations que le parti au pouvoir veut vouloir tisser avec tel ou tel autre parti. Je ne néglige pas cet aspect des choses. Mais, j’ai trouvé que politiquement, c’était un acte correct, en me disant que le parti présidentiel comprend de plus en plus que les rapports de forces ne sont pas en sa faveur. Et si vous vivez au Burkina, vous pouvez constater que ce que je dis est vrai. Et, qu’il n’y a aucune solution dans sa volonté de faire un passage en force. Ça c’est le premier aspect. Deuxième aspect, je pense que certains membres du parti présidentiel, au-delà de leurs intérêts personnels,peuvent aussi être des patriotes. Nul n’a le monopole du patriotisme. Comme l’avait si bien dit mon bien aimé grand frère le député Myemba Ouali, dans une interview dans un journal de la place, les patriotes se trouvent dans tous les camps. Donc, quand ils se créent une dynamique pareille, il faut les encourager tout en restant vigilant. Vous savez, je me rends de plus en plus compte que le parti présidentiel a un sérieux problème de crédibilité. En fait, toutes les critiques sur cette visite a été de dire à l’UPC, méfiez-vous ! N’allez pas vendre notre lutte ! Effectivement, on était habitué à la ruse du parti présidentiel. Pour le reste, on ne peut pas construire une démocratie sérieuse en disant que les principaux acteurs ne doivent pas se rencontrer, les principaux acteurs ne doivent pas discuter. Ça ne sera pas un bon message. Mais, je comprends la méfiance de l’UNIR/PS. On dit chat échaudé craint l’eau chaude. Donc, moi j’ai trouvé cette visite comme étant un acte de civilité dans une démocratie. Ceci dit, je comprends la réaction des uns et des autres. Quand vous regardez dans le rétroviseur de l’histoire, vous n’accorderez aucun crédit à toute initiative qui vient de la majorité, de ce qui vient du parti présidentiel. Mais hélas ! Ils ont la responsabilité de gérer la destinée pour 5 ans de 17 millions de Burkinabè. Et en raison de cela, il faut trouver des espaces de discussions. J’ai écouté sur des radios FM où on disait que si l’UPC reçoit le parti présidentiel, les militants du parti présidentiel diront dans les quartiers que l’UPC est avec eux pour aller au gouvernement. Vous voyez que ça brouille le message. Donc, ce qui était un acte de bonne foi devient un acte de mauvaise foi. Il faut que les gens du parti au pouvoir comprennent que c’est cette manière de faire la politique au sens le plus abject du terme qui nous a conduits dans ce que nous vivons aujourd’hui. Il faut en tirer toutes les leçons pour avoir beaucoup plus de d’humilité, beaucoup modestie. Tous les problèmes que nous avons aujourd’hui dans ce pays sont des problèmes posés par le parti au pouvoir dont certains militants, à la dernière minute, ont eu de la lucidité en quittant le navire.
Effectivement, le 3 janvier dernier, ils quittaient le navire, alors que plus de 20 ans durant, ils ont, dans une opacité totale, géré le pays. Est-ce qu’aujourd’hui on peut leur accorder du crédit ?
Je ne sais pas si la question aujourd’hui c’est de savoir s’il faut leur accorder ou pas un crédit. Restons objectifs. Si nous rentrons dans la subjectivité, ce serait compliqué. Je crois que voilà un groupe de personnes, comptables au même titre que le président Compaoré, mais qui, à un moment donné de leur histoire, ont dit qu’il faut qu’on arrête ce que nous faisons de mal. Ils ont combattu l’opposition, la diviser, la brimer, et tout ce que vous voulez. Mais, l’histoire de ce pays ne peut pas s’écrire rien qu’avec cela. Il faut marquer une pause. Ils se sont dits alors, « allons renforcer le camp de l’opposition républicaine, de l’opposition qui lutte pour l’avancée de la démocratie ». Certains d’entre eux ont même dit que l’article 37 était un article anti démocratique ! Mais, ce qui est important, à mes yeux, et aux yeux d’une bonne partie de l’opinion, c’est ce qu’ils disent aujourd’hui. Ils disent que beaucoup de choses qu’ils ont faites ont affaibli la démocratie. Aujourd’hui, ils viennent renforcer la démocratie. Alors, accordons-leur le crédit sur ces mots. Il ne faut pas se faire d’illusion. Je n’ai pas l’art de mentir quand je défends mes opinions, d’aucuns disent d’ailleurs que je ne ferai pas un bon politicien. Si les gens du MPP n’étaient pas sortis des rangs du CDP, le CDP ne serait pas autant affaibli. Effectivement, l’opposition était dans une certaine ferveur, mais ils sont venus renforcer cette ferveur. Les querelles que je vois en perspectives sont des querelles de positionnement. Qui va être premier ? Qui va être deuxième ? Moi je ne rentre pas dedans. Ce qui est important aujourd’hui, c’est le respect de la Constitution. Après, nous allons organiser des élections. Celui qui est fort sera élu et il sait qu’il est élu pour 10 ans. Il sait aussi qu’on l’attend sur la corruption. Il sait que les Burkinabè sont soucieux de la bonne gouvernance, de la justice sociale. S’il fait autrement, le peuple va le chasser pour le remplacer par quelqu’un d’autre. Pour le moment, l’enjeu, c’est d’encourager le président du Faso à respecter la Constitution. C’est de le rassurer. Comme il l’a dit lui-même que ce n’est pas tellement sa vie après la présidence qui le préoccupe. Parce qu’effectivement, il est conscient qu’il ya une autre vie. C’est de lui démontrer que ce qu’il dit est vrai Quand on va régler cette question, alors les autres acteurs vont se regarder en face. S’il y a des comptes à demander à X ou à Y, on le lui demandera. Mais, ne mélangeons pas les choses. Restons callés sur la contradiction principale. C’est celle de faire respecter la limitation des mandats ici, aujourd’hui et pour toujours.
Ceci n’est pas la volonté de 81 députés qui ont appelé le président à convoquer le corps électoral pour le référendum?
Vous savez, l’article 37 sera ou ne sera pas révisé. Tout le monde commence à en avoir marre. Je crois qu’il y a du dépit dans l’attitude des députés de la majorité. C’est vrai que le pays ne marche plus. Je crains que dans les deux ou dans trois mois à venir, on ne puisse même pas payer les salaires des fonctionnaires. Les recettes fiscales ne rentrent pas. Nous sommes dans un pays qui ne peut pas souffrir d’une crise sérieuse d’un mois. Les gens ont leurs familles, leurs enfants. Quand ils rentrent chez eux, ils réfléchissent aussi. Ils savent que la clef de voûte du système, c’est le président et que c’est lui qui a la solution. En fait, c’est un piège. J’allais dire, que les députés du parti majoritaire ont tendu au président. C’est-à-dire qu’il assume la responsabilité historique devant le peuple et devant la communauté internationale de ce qui va arriver s’il décidait d’aller au référendum. N’oubliez pas que constitutionnellement, les députés de la majorité ont le droit eux aussi d’introduire un recours pour réviser la Constitution.
Vous étiez un fervent militant du PAREN, vous étiez, chaque fois, aux côtés du professeur Laurent Bado. On ne vous voit plus dans les activités dudit parti. Qu’est ce qui s’est passé ?
Je me suis longuement expliqué sur cette question. Vous dites, vous étiez… Mais, je suis militant de base. Vous savez les militants de base des partis, il y en a beaucoup. Moi, je ne suis membre d’aucune instance du parti. Je suis simplement membre de la Commission électorale nationale indépendante au compte de l’opposition. A partir du moment où je n’ai aucune fonction officielle dans le parti, qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Si on m’invite à une rencontre du parti, je m’y rends. Si les responsables actuels du parti pensent qu’ils assument un leadership suffisant au point de se passer de mon expérience et de mes conseils, je ne peux que les regarder. Il se trouve simplement qu’à côté d’eux, il ya d’autres acteurs politiques qui recourent à mes conseils que je leur donne humblement. Et j’ai le sentiment que mes conseils leur sont utiles. La société civile aussi fait recours à mon expérience. L’important pour moi c’est d’être utile à mon pays !
C’est quand même inadmissible que quelqu’un de votre trame n’occupiez pas un poste dans l’instance dirigeante d’un parti politique, du reste qui n’a pas assez de cadres.
C’est vous qui le dites ! Les actuels responsables du MPP n’ont-ils pas été éjectés des instances décisionnelles du CDP ?C’étaient pourtant des gens très importants qui ont construit le parti. On a trouvé à un moment donné au CDP qu’ils étaient un problème et qu’il faut les mettre de côté. Eux au moins ils ont eu le courage d’aller créer un parti. Moi, je n’ai pas encore eu ce courage !
Donc, on a trouvé que vous étiez un problème ?
Ceux qui m’ont enlevé du bureau ont peut être estimé que je n’étais pas suffisamment efficace. Vous savez la presse peut monter les gens. Le fait que je sois tout le temps dans les médias peut donner l’illusion que je suis un homme politique et un intellectuel de grande envergure alors que les responsables du Paren peuvent être d’un avis tout à fait contraire. Mais au moins, j’ai mes compétences qui ne sont pas discutables. En matière électorale, en droit constitutionnel, en droit public en général, je peux donner des conseils et je les donne utilement dans d’autres cadres.
Ceci dit, mon combat c’est d’assister à l’émergence de grandes forces politiques de l’opposition et cela passe par des alliances, des unions. Je ne crois pas en l’avenir d’un parti politique de l’opposition pris de façon isolée. L’avenir est dans les grands ensembles, il faut encourager cette dynamique. Les partis sankaristes sont en train de le comprendre. L’histoire va se construire avec les partis qui l’auront compris. Vous voyez très bien que la classe politique est en train de se reconfigurer. Très bientôt, les partis récépissés disparaitront.
On vous suspecte d’être très proche de l’UPC, sinon que vous y êtes, selon certains ?
Moi je n’ai pas la carte de l’UPC. Mais, c’est un parti pour lequel j’ai beaucoup de respect et j’y ai de nombreuses amitiés. C’est un parti dont le leader, Zéphirin Diabré, m’inspire beaucoup de considération, beaucoup de respect. C’est un grand frère comme beaucoup d’hommes politiques, avec lequel j’ai de très bons rapports et j’en suis très fier. Modestement et humblement, quand il a besoin de mon avis, il me le demande. Quand j’ai un avis à lui donner, je le lui donne. Je pense que c’est une personnalité qui a beaucoup de qualités intellectuelles et humaines et capables d’apporter une part considérable au développement de ce pays. On voit comment il a réussi, en moins de deux ans, à donner une identité plus forte à l’opposition burkinabè. Donc moi, je n’ai aucun problème avec cela. Je ne me gêne pas de dire à qui veut l’entendre que j’ai de très bons rapports avec le président Zéphirin Diabré. Ceci dit en général, j’ai toujours eu de bons rapports avec les leaders de l’opposition. Les gens ne le savent peut être pas, mais feu mon doyen Issa Tiendrebeogo m’invitait au moins une fois par mois à venir prendre le petit déjeuner avec lui pour discuter des problèmes du pays. Quand il était hospitalisé à Tunis, on s’appelait. Et le dernier coup de fil que j’ai reçu de lui, c’était trois jours avant sa mort. Il me donnait des conseils me disant de me ménager. J’ai aussi de très bons rapports avec des personnalités comme Norbert Tiendrebeogo, Me Sankara, Me Gilbert Noêl Ouédraogo, y compris Me Herman Yaméogo. Je les appelle tous grands frères…Faire la politique pour moi, c’est être utile à sa collectivité et non chercher à être premier ou deuxième…
Est-ce que vous en tant qu’intellectuel vous croyez en l’idéologie politique ?
C’est important pour les intellectuels. Mais il faut du pragmatisme en politique. Je pense qu’aujourd’hui en Afrique, on a des problèmes de compréhension avec ces idéologies qui sont toutes d’origine occidentale. Que vous soyez de gauche ou de droite, si vous ne réglez pas ces problèmes d’incompréhensions, vous allez échouer en politique. C’est qui aujourd’hui un socialiste ou un libéral ? Analysez très bien ce qui se passe dans les pays d’où nous sont venues ces idéologies et vous comprendrez qu’on perd le temps dans des débats stériles. Il y a une seule idéologie qui m’intéresse si c’en est une et en cela, je suis d’accord avec le professeur Bado. On peut tout lui reprocher, mais je pense qu’il a eu la force de mener une réflexion authentique sur nos institutions. Cela est important. Mélégué l’a repris maladroitement dans sa récente déclaration qui n’apporte pas grand-chose au débat. C’est clair que les Africains doivent prendre leur destin en main et ne pas être toujours à la remorque des autres. Nous devons repenser sérieusement nos institutions à l’aune de notre culture. Mais, nous devons en même temps définir ce qui est notre culture parce que nous sommes dans des sociétés très diversifiées. Notre problème en Afrique est qu’on ne se connait pas. Si vous ne connaissez pas votre histoire, vous ne pourrez pas avancer sereinement vers de hautes cimes. Quel que soit le parti politique qui prendra le pouvoir, il y a un élément important : il nous faut des réflexions endogènes. Là même encore, on n’a pas besoin d’inventer parce qu’on a des prédécesseurs qui nous ont devancé dans la réflexion. Je vais citer, paix à son âme, le professeur Joseph Ky Zerbo. Il a passé une bonne partie de sa vie à réfléchir là-dessus. On a les Julius Nyerere, Senghor et tout près de nous, le professeur Laurent Bado. Qu’est-ce qu’il faut mettre dans nos Constitutions ?Comment concevoir les institutions parce que Montesquieu disait que les lois et les institutions d’un Etat doivent être établies selon l’histoire des Etats et des peuples. Donc, c’est un travail à faire que les intellectuels que nous sommes avons abandonné au profit du mimétisme. Aujourd’hui, c’est la seule idéologie à laquelle je crois. Le reste que vous soyez de gauche ou de droite, il faut mettre les gens à l’école, c’est-à-dire mettre en place un système éducatif de qualité, il faut que les gens puissent se soigner, il faut revoir la qualité de l’accès à la santé, Il faut qu’il y ait l’autosuffisance alimentaire. Chose que le président Thomas Sankara a bien réalisé. Retournons vers cela. Aujourd’hui, on parle de l’environnement et de quoi, retournons seulement à certaines idées de Thomas Sankara. C’est plutôt cela que nous devons être capables de réaliser au lieu de rester dans des débats qui nous éloignent de l’objectif du progrès économique et social.
Monsieur Sango, on vous aperçoit souvent aux Etats Unis. Quel deal avez-vous là-bas?
Je n’ai aucun deal aux Etats Unis, mais je suis admirateur de la démocratie américaine et de l’histoire de ce pays.
Juste pour aller admirer la démocratie?
Non, j’en viens. Je suis un admirateur de l’histoire de ce pays. Après qu’est ce que je vais faire aux Etats Unis ? Vous savez très bien que moi, je ne peux pas me payer un billet d’avion pour aller aux Etats-Unis. Quand vous me voyez aux Etats Unis, ce sont les américains qui m’y invitent. J’y ai été par 2 fois. La première fois, j’ai été invité par le président parce que je suis de la première promotion des Young African leaders. C’est avec nous que le président Obama a lancé son projet où pour la première fois, il y avait 500 jeunes. D’ailleurs cette année, j’étais membre du jury de sélection au Burkina. On m’a fait l’honneur d’être dans le jury. La 2e fois, c’est le département d’Etat américain qui m’a donné une bourse pour aller à l’université de Floride pour réfléchir sur les systèmes électoraux de l’Afrique Sud saharienne, notamment les Etats du Sahara. Disons aussi qu’il y a un aspect de mon parcours qui intéresse les américains. C’est mon engagement pour la démocratie. Le professeur Augustin Loada, lorsque je terminais ma formation pour être un formateur accrédité Bridge, relevait cet aspect de ma personnalité en affirmant qu’il y a un côté de Sango que le CGD aime : c’est son engagement pour la démocratie. Et mon engagement pour la démocratie ne se marchande pas. Il y a 2 ou 3 ans, j’avais dit dans un journal, qu’en Afrique, on a voulu faire la démocratie sans des démocrates. Et cela nous rattrape. Au quotidien, mes actes et mes pensées, c’est comment renforcer la démocratie. Les Américains ont leur défaut. C’est qu’ils aiment trop leur pays. Je souhaite que les Burkinabè, les Africains aient ce défaut. Aimons trop nos pays, aimons trop l’Afrique de sorte que tout acte, toute action qui peut compromettre l’intérêt général de notre pays, de l’Afrique, nous nous en détournons1
C’est-à-dire qu’il assume la responsabilité historique devant le peuple et devant la communauté internationale de ce qui va arriver s’il décidait d’aller au référendum. N’oubliez pas que constitutionnellement, les députés de la majorité ont le droit eux aussi d’introduire un recours pour réviser la Constitution.
Vous étiez un fervent militant du PAREN, vous étiez, chaque fois, aux côtés du professeur Laurent Bado. On ne vous voit plus dans les activités dudit parti. Qu’est ce qui s’est passé ?
Je me suis longuement expliqué sur cette question. Vous dites, vous étiez… Mais, je suis militant de base. Vous savez les militants de base des partis, il y en a beaucoup. Moi, je ne suis membre d’aucune instance du parti. Je suis simplement membre de la Commission électorale nationale indépendante au compte de l’opposition. A partir du moment où je n’ai aucune fonction officielle dans le parti, qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Si on m’invite à une rencontre du parti, je m’y rends. Si les responsables actuels du parti pensent qu’ils assument un leadership suffisant au point de se passer de mon expérience et de mes conseils, je ne peux que les regarder. Il se trouve simplement qu’à côté d’eux, il ya d’autres acteurs politiques qui recourent à mes conseils que je leur donne humblement. Et j’ai le sentiment que mes conseils leur sont utiles. La société civile aussi fait recours à mon expérience. L’important pour moi c’est d’être utile à mon pays !
C’est quand même inadmissible que quelqu’un de votre trame n’occupiez pas un poste dans l’instance dirigeante d’un parti politique, du reste qui n’a pas assez de cadres.
C’est vous qui le dites ! Les actuels responsables du MPP n’ont-ils pas été éjectés des instances décisionnelles du CDP ?C’étaient pourtant des gens très importants qui ont construit le parti. On a trouvé à un moment donné au CDP qu’ils étaient un problème et qu’il faut les mettre de côté. Eux au moins ils ont eu le courage d’aller créer un parti. Moi, je n’ai pas encore eu ce courage !
Donc, on a trouvé que vous étiez un problème ?
Ceux qui m’ont enlevé du bureau ont peut être estimé que je n’étais pas suffisamment efficace. Vous savez la presse peut monter les gens. Le fait que je sois tout le temps dans les médias peut donner l’illusion que je suis un homme politique et un intellectuel de grande envergure alors que les responsables du Paren peuvent être d’un avis tout à fait contraire. Mais au moins, j’ai mes compétences qui ne sont pas discutables. En matière électorale, en droit constitutionnel, en droit public en général, je peux donner des conseils et je les donne utilement dans d’autres cadres.
Ceci dit, mon combat c’est d’assister à l’émergence de grandes forces politiques de l’opposition et cela passe par des alliances, des unions. Je ne crois pas en l’avenir d’un parti politique de l’opposition pris de façon isolée. L’avenir est dans les grands ensembles, il faut encourager cette dynamique. Les partis sankaristes sont en train de le comprendre. L’histoire va se construire avec les partis qui l’auront compris. Vous voyez très bien que la classe politique est en train de se reconfigurer. Très bientôt, les partis récépissés disparaitront.
On vous suspecte d’être très proche de l’UPC, sinon que vous y êtes, selon certains ?
Moi je n’ai pas la carte de l’UPC. Mais, c’est un parti pour lequel j’ai beaucoup de respect et j’y ai de nombreuses amitiés. C’est un parti dont le leader, Zéphirin Diabré, m’inspire beaucoup de considération, beaucoup de respect. C’est un grand frère comme beaucoup d’hommes politiques, avec lequel j’ai de très bons rapports et j’en suis très fier. Modestement et humblement, quand il a besoin de mon avis, il me le demande. Quand j’ai un avis à lui donner, je le lui donne. Je pense que c’est une personnalité qui a beaucoup de qualités intellectuelles et humaines et capables d’apporter une part considérable au développement de ce pays. On voit comment il a réussi, en moins de deux ans, à donner une identité plus forte à l’opposition burkinabè. Donc moi, je n’ai aucun problème avec cela. Je ne me gêne pas de dire à qui veut l’entendre que j’ai de très bons rapports avec le président Zéphirin Diabré. Ceci dit en général, j’ai toujours eu de bons rapports avec les leaders de l’opposition. Les gens ne le savent peut être pas, mais feu mon doyen Issa Tiendrebeogo m’invitait au moins une fois par mois à venir prendre le petit déjeuner avec lui pour discuter des problèmes du pays. Quand il était hospitalisé à Tunis, on s’appelait. Et le dernier coup de fil que j’ai reçu de lui, c’était trois jours avant sa mort. Il me donnait des conseils me disant de me ménager. J’ai aussi de très bons rapports avec des personnalités comme Norbert Tiendrebeogo, Me Sankara, Me Gilbert Noêl Ouédraogo, y compris Me Herman Yaméogo. Je les appelle tous grands frères…Faire la politique pour moi, c’est être utile à sa collectivité et non chercher à être premier ou deuxième…
Est-ce que vous en tant qu’intellectuel vous croyez en l’idéologie politique ?
C’est important pour les intellectuels. Mais il faut du pragmatisme en politique. Je pense qu’aujourd’hui en Afrique, on a des problèmes de compréhension avec ces idéologies qui sont toutes d’origine occidentale. Que vous soyez de gauche ou de droite, si vous ne réglez pas ces problèmes d’incompréhensions, vous allez échouer en politique. C’est qui aujourd’hui un socialiste ou un libéral ? Analysez très bien ce qui se passe dans les pays d’où nous sont venues ces idéologies et vous comprendrez qu’on perd le temps dans des débats stériles. Il y a une seule idéologie qui m’intéresse si c’en est une et en cela, je suis d’accord avec le professeur Bado. On peut tout lui reprocher, mais je pense qu’il a eu la force de mener une réflexion authentique sur nos institutions. Cela est important. Mélégué l’a repris maladroitement dans sa récente déclaration qui n’apporte pas grand-chose au débat. C’est clair que les Africains doivent prendre leur destin en main et ne pas être toujours à la remorque des autres. Nous devons repenser sérieusement nos institutions à l’aune de notre culture. Mais, nous devons en même temps définir ce qui est notre culture parce que nous sommes dans des sociétés très diversifiées. Notre problème en Afrique est qu’on ne se connait pas. Si vous ne connaissez pas votre histoire, vous ne pourrez pas avancer sereinement vers de hautes cimes. Quel que soit le parti politique qui prendra le pouvoir, il y a un élément important : il nous faut des réflexions endogènes. Là même encore, on n’a pas besoin d’inventer parce qu’on a des prédécesseurs qui nous ont devancé dans la réflexion. Je vais citer, paix à son âme, le professeur Joseph Ky Zerbo. Il a passé une bonne partie de sa vie à réfléchir là-dessus. On a les Julius Nyerere, Senghor et tout près de nous, le professeur Laurent Bado. Qu’est-ce qu’il faut mettre dans nos Constitutions ?Comment concevoir les institutions parce que Montesquieu disait que les lois et les institutions d’un Etat doivent être établies selon l’histoire des Etats et des peuples. Donc, c’est un travail à faire que les intellectuels que nous sommes avons abandonné au profit du mimétisme. Aujourd’hui, c’est la seule idéologie à laquelle je crois. Le reste que vous soyez de gauche ou de droite, il faut mettre les gens à l’école, c’est-à-dire mettre en place un système éducatif de qualité, il faut que les gens puissent se soigner, il faut revoir la qualité de l’accès à la santé, Il faut qu’il y ait l’autosuffisance alimentaire. Chose que le président Thomas Sankara a bien réalisé. Retournons vers cela. Aujourd’hui, on parle de l’environnement et de quoi, retournons seulement à certaines idées de Thomas Sankara. C’est plutôt cela que nous devons être capables de réaliser au lieu de rester dans des débats qui nous éloignent de l’objectif du progrès économique et social.
Monsieur Sango, on vous aperçoit souvent aux Etats Unis. Quel deal avez-vous là-bas?
Je n’ai aucun deal aux Etats Unis, mais je suis admirateur de la démocratie américaine et de l’histoire de ce pays.
Juste pour aller admirer la démocratie?
Non, j’en viens. Je suis un admirateur de l’histoire de ce pays. Après qu’est ce que je vais faire aux Etats Unis ? Vous savez très bien que moi, je ne peux pas me payer un billet d’avion pour aller aux Etats-Unis. Quand vous me voyez aux Etats Unis, ce sont les américains qui m’y invitent. J’y ai été par 2 fois. La première fois, j’ai été invité par le président parce que je suis de la première promotion des Young African leaders. C’est avec nous que le président Obama a lancé son projet où pour la première fois, il y avait 500 jeunes. D’ailleurs cette année, j’étais membre du jury de sélection au Burkina. On m’a fait l’honneur d’être dans le jury. La 2e fois, c’est le département d’Etat américain qui m’a donné une bourse pour aller à l’université de Floride pour réfléchir sur les systèmes électoraux de l’Afrique Sud saharienne, notamment les Etats du Sahara. Disons aussi qu’il y a un aspect de mon parcours qui intéresse les américains. C’est mon engagement pour la démocratie. Le professeur Augustin Loada, lorsque je terminais ma formation pour être un formateur accrédité Bridge, relevait cet aspect de ma personnalité en affirmant qu’il y a un côté de Sango que le CGD aime : c’est son engagement pour la démocratie. Et mon engagement pour la démocratie ne se marchande pas. Il y a 2 ou 3 ans, j’avais dit dans un journal, qu’en Afrique, on a voulu faire la démocratie sans des démocrates. Et cela nous rattrape. Au quotidien, mes actes et mes pensées, c’est comment renforcer la démocratie. Les Américains ont leur défaut. C’est qu’ils aiment trop leur pays. Je souhaite que les Burkinabè, les Africains aient ce défaut. Aimons trop nos pays, aimons trop l’Afrique de sorte que tout acte, toute action qui peut compromettre l’intérêt général de notre pays, de l’Afrique, nous nous en détournons1
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