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Députés Des Groupes CDP, CFR Et Non Inscrit UNDD: «Démissionnez Si…»
Publié le dimanche 21 septembre 2014  |  FasoZine
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© Autre presse par DR
Me Hermann Yaméogo Président de l’UNDD




Trouvant illégale et absurde la démarche des élus des groupes parlementaires CDP, CFR et non inscrit UNDD qui ont pris l’initiative de demander au Président du Faso de convoquer un référendum sur la modification de l’article 37 de la Constitution, Me Guy Hervé Kam, leur demande de démissionner s’ils ne sont plus en mesure d’assumer le mandat à eux confié par le peuple.

«Mesdames et messieurs les députés,
J’ai suivi avec intérêt le compte rendu de la conférence de presse que vous avez animée le samedi 13 septembre 2014. Cette conférence avait pour but d’informer l’opinion publique nationale et internationale de votre initiative de demander au Président du Faso de convoquer un référendum sur la modification de l’article 37 de la Constitution. Au soutien de votre appel, vous expliquez qu’il est nécessaire d’en référer à l’arbitrage du peuple, « seul souverain », pour départager la classe politique. Comme fondement, vous invoquez les prérogatives constitutionnelles du Président du Faso. Depuis lors vous avez réitéré cette demande, avec des justifications les unes plus malheureuses que les autres.

Il est vrai que depuis maintenant près de 5 ans, la question de la limitation du nombre de mandat présidentiel passionne le quotidien des Burkinabè, pour ne pas dire qu’elle l’empoisonne tout simplement. Et, en tant que députés, votre participation à ce débat est est tout à fait normal. Mais, votre appel au chef de l’Etat, interpelle le citoyen que je suis, non seulement parce qu’elle invite le Président du Faso à commettre une violation de la loi, mais aussi et surtout, parce qu’elle est totalement absurde.

Mais avant de revenir sur ces aspects, permettez moi de vous rappeler que la volonté du peuple est déjà connue sur la question de la limitation du nombre de mandat présidentiel. En effet, par deux fois il a signifié sa préférence pour la limitation des mandats, une première fois, en juin 1991 lors du référendum constitutionnel et une seconde fois, en 2000 suite à la grande concertation des forces vives de la Nation par le Collège des sages. Aussi, prenant en compte, les risques de perturbation de la paix sociale qu’une énième modification de cet article pourrait engendrer, les Burkinabè pouvaient s’attendre à tout, sauf à voir leurs députés s’engager dans pareille initiative.

S’agissant de l’illégalité de la convocation du référendum par le Président du Faso, je note que votre appel est soutenue par l’article 49 de la Constitution d’une part et de l’autre, la loi n° 01-97/ADP du 23 janvier 1997 fixant les conditions de mise en œuvre de la procédure de révision de la Constitution. L’article 49 de la Constitution, en ce qu’il traite des pouvoirs du Président du Faso, prévoit en effet, que celui-ci peut soumettre au référendum « tout projet de loi portant sur toute question d’intérêt national ». Dans votre logique, la modification de l’article 37 de la Constitution, puisqu’elle fait l’objet d’un débat national, constitue une question d’intérêt national, justifiant le recours à l’article 49.

Vous auriez tout à fait raison si et seulement si la modification de l’article 37 ne passait pas par une révision de la Constitution. Mais dès lors que l’article 37 ne peut être modifié sans révision de la Constitution, la modification doit en remplir les conditions de fond et de forme. En effet, toute révision de la Constitution est soumise à une procédure spécifique régie par le Titre XV de la Constitution (articles 161 à 165). Il en résulte que toute initiative législative, dès lors qu’elle a pour objet ou pour effet de modifier la Constitution, doit entrer dans les prescriptions de ces articles.

Dans ce sens, il ressort de l’article 161 de la Constitution, que l’initiative de la révision appartient concurremment au Président du Faso, aux membres du parlement (Assemblée nationale, en l’absence du sénat) à la majorité de chacune des chambres et au peuple qui l’exerce sous forme de pétition signée par au moins 30 000 personnes ayant le droit de vote. La procédure de révision est, quant à elle, règlementée par la loi n° 1-97/ADP précédemment évoquée.

L’article 9 de cette loi qui reprend le dernier alinéa de l’article 164 de la Constitution prévoit que le projet de révision est soumis à l’Assemblée nationale qui l’adopte à la majorité de ¾ des députés. Son article 7 quant à lui dispose qu’en cas de vote de rejet par l’Assemblée nationale, le Président du Faso peut décider de soumettre le projet de révision au référendum.

Vous noterez donc que du point de vue de la Constitution et de la loi portant modalité de mise en œuvre de la révision de la Constitution, le référendum ne peut être envisagé en matière de révision de la Constitution qu’en cas de vote de rejet de la loi portant modification par l’Assemblée nationale. Il en résulte que le Président du Faso ne peut, sans violer la Constitution, convoquer le référendum pour réviser la Constitution.

Et si vous vous avisez à demander l’appui de l’alinéa 2 de l’article 7 de la loi de 1997 régissant la procédure de révision, sachez que cette disposition ne peut trouver à s’appliquer, car elle est anticonstitutionnelle. En effet, en disposant que « toutefois, le projet de révision peut être soumis au référendum indépendamment de toute saisine de l’Assemblée », il contredit l’article 163 de la Constitution qui prévoit que « le projet de loi est, dans tous les cas, soumis au préalable à l’appréciation du Parlement ». Or, il est de droit qu’en cas de contrariété entre une norme supérieure et une norme inférieure, la norme supérieure l’emporte. La Constitution étant la norme suprême, cette disposition de la loi portant mise en œuvre de la procédure de révision ne peut donc être d’aucun secours. Dont acte.

Il en résulte, que le Président du Faso ne peut, sur le fondement de l’article 49 de la Constitution, décider de convoquer un référendum pour réviser la Constitution, sans violer la loi. En le faisant, il commettrait au moins deux infractions : l’attentat à la Constitution et le parjure. En l’incitant à le faire, vous vous rendez complices par instigation. Mais par delà de cette question de légalité, votre démarche baigne dans l’absurdité.

D’abord, vous appeler le Président du Faso à convoquer un référendum pour réviser la Constitution alors que vous détenez vous même le droit d’initiative en matière de révision. En effet, l’article 161 de la Constitution prévoit que l’initiative de la révision appartient aux députés, à la majorité des membres de l’Assemblée nationale. Pour un total de 127 députés, 65 députés peuvent donc initier une révision de la Constitution. Que des députés qui n’ont pas cette majorité ou qui ne peuvent pas réunir 30 000 signatures en appellent au Président du Faso serait, certes, inélégant, mais au moins, leur démarche sera compréhensible.

En revanche, que 81 députés, disposant du droit d’initiative en matière de révision, refusent de le faire et en appellent au président du Faso pour y procéder en leur lieu et place, cela est à la fois incompréhensible et inélégant. Pire, c’est un déni d’Etat de droit qui pose à nouveau la lancinante question de la séparation des pouvoirs. Les députés signataires de cet appel viennent nous donner, si besoin en était encore, la preuve que nous n’avons pas une Assemblée nationale forte, mais plutôt une Assemblée nationale aux ordres.

Ensuite, pour justifier votre démarche, vous ne craignez pas d’affirmer qu’il faut consulter le peuple parce que c’est lui seul qui détient la souveraineté. A bien vous suivre, les députés que vous êtes, ne seraient donc pas légitimes à réviser la Constitution. Et pourtant vous l’avez fait, plusieurs fois déjà. Comble de l’absurdité pour des représentants du peuple !

Mesdames et messieurs les députés, dans un système démocratique, en tant que député, vous représentez le peuple au nom et pour le compte vous agissez ès qualité. Il en est ainsi, parce que le peuple, seul souverain, l’a voulu. C’est pour cela que vous votez les lois et levez l’impôt, au nom du peuple. Revoyez toutes les lois que vous votez, elles commencent toute par « Au nom du peuple ». De quel droit, 127 personnes peuvent-elles agir au nom du peuple, au nom de près de 16 millions de burkinabé, si ce n’est en vertu de la volonté souveraine du peuple ?

C’est vrai que compte tenu du contexte des élections de 2012 et de la situation sociopolitique actuelle, la question de votre légitimité se pose. A ce propos, je tiens de M. Emile PARE, dans une interview parue dans le quotidien L’Observateur Paalga n° 8704 du lundi 15 septembre 2015, que des révélations émanant des vos anciens collègues démissionnaires confirme que les résultats des élections étaient truqués. En tout état de cause, il est important d’avoir à l’esprit que la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce soit directement (référendum), soit par délégation (Assemblée nationale).

C’est pour cela, que vous êtes élus, c’est pour cela que vous êtes payés au prix fort, sur nos deniers…
Si vous l’ignorez ou si la charge que le peuple vous a déléguée est trop lourde à porter, alors une seule chose vous reste à faire : démissionner.

Et, vous aurez rendu service à votre peuple souverain.
Vous en souhaitant bonne réception, je vous prie de me croire.»

KAM Guy Hervé
Avocat à la Cour
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