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Sanctions contre des étudiants de Koudougou : La F-SYNTER exige leur « annulation pure et simple »
Publié le jeudi 6 decembre 2012   |  Autre presse


Université
© Autre presse par DR
Université de Koudougou du Burkina Faso


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Depuis l’affaire des sanctions infligées à des étudiants de l’Université de Koudougou, les déclarations et les prises de position font florès. Chacun y va de son avis, de son commentaire. Les organisations syndicales n’y échappent pas. Si certaines approuvent les sanctions, d’autres la désapprouvent. Dans cette dernière catégorie, c’est le cas, par exemple, de la Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche (F-SYNTER). Dans la déclaration ci-dessous, cette fédération demande « l’annulation pure et simple » des sanctions contre les étudiants en question.

« Le grand débat qui agite le monde éducatif depuis quelque temps est ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire des sanctions contre les étudiants de l’Université de Koudougou. De la relation des faits aux débats sur les grands thèmes qui se sont invités dans la crise, beaucoup de choses ont été dites par les différents partenaires. La F-SYNTER s’est déjà prononcé sur les évènements dans le message de rentrée du Bureau National Fédéral et dans la déclaration du comité d’université de Ouagadougou. Avec ledit comité d’université, le Bureau National Fédéral revient sur la situation et présente l’analyse ci-après.

Tout semble se cristalliser autour des points suivants :

• Le rôle de l’enseignant face aux étudiants dans une perspective foncièrement réactionnaire ;

• Le sens de l’action syndicale à l’université tant pour les enseignants et les autres travailleurs que pour les étudiants ;

• Le droit de grève pour les étudiants ;

• La place et la gestion d’un conseil de discipline ;

• Le caractère liberticide du décret n° 2012-646/PRES/PM/MESS du 24 Juillet 2012 portant régime disciplinaire applicable aux étudiants et aux candidats aux examens et concours organisés par les universités publiques du Burkina Faso.

Pour un examen judicieux de ces différentes questions, il est nécessaire de jeter un regard sur le contexte de l’enseignement universitaire. Tous les observateurs sont unanimes pour reconnaitre la situation catastrophique faite aux acteurs du système universitaire et en particulier les étudiants par le gouvernement de la IVème république. Une chercheure de l’Université de Johannesburg fait l’analyse suivante à propos des conditions de vie et d’études à l’Université de Ouagadougou : « En 1991 commence l’application des Plans d’ajustement structurel (PAS). Au niveau de l’université, cela signifie notamment le contingentement des bourses et, par la suite, l’instauration d’un prêt d’études avec intérêt (cf. supra). Depuis le début de la période post-révolutionnaire, les bourses n’ont cessé de se raréfier. Alors qu’en 1988-1989, 98 pour cent des étudiants en bénéficiaient, ils n’étaient plus que 35 pour cent en 1995-1996. En 2006-2007, sur les 67 pour cent des étudiants bénéficiaires d’un soutien financier public, seuls 11 pour cent étaient boursiers (2 245 étudiants), 60,1 pour cent aidés (12 830), et 29,3 pour cent (6257)... endettés. Autant dire que le boursier est en voie d’extinction.1 Parallèlement, les effectifs étudiants ont augmenté substantiellement sans que ceux des enseignants ne suivent : l’UO comptait 9 000 étudiants en 1994 et 35 000 en 2006-2007 (+ 288 %) ; le nombre d’enseignants est passé de 272 en 1996 à 383 en 2006 (+ 40,8 %). A quoi s’ajoute le manque sensible d’infrastructures qui entraîne une programmation des activités pédagogiques de 7 h à 21 h, six jours sur sept. Ainsi, depuis une vingtaine d’années, les revendications spécifiques des étudiants ont en grande partie trait à leur situation socioéconomique. Depuis la signature des PAS, les mobilisations sur les campus vont crescendo. Chaque année des manifestations paralysent les activités pédagogiques, avec des degrés de mobilisation et de répression différents. ». Lila CHOULI, Chercheure-associée au Centre de recherche sociologique de l’Université de Johannesburg. La domestication des étudiants. 2010.

Depuis 2006 la situation s’est considérablement dégradée, puisque les effectifs de l’université de Ouagadougou atteignent maintenant les 50 000 étudiants. L’université de Koudougou créée pratiquement sans infrastructures d’accueil, connait des contraintes encore plus draconiennes.

Dans de telles conditions inhumaines, vivre et étudier sur le campus des universités du Burkina relève d’actes de bravoure au quotidien. L’incident qui suscite soit disant une certaine indignation mérite d’être examiné en considérant ces différents éléments. De quoi s’agit-il ? Des étudiants organisent une lutte pour de meilleures conditions d’études et d’examen. Un enseignant en l’occurrence M. Oubda Mahamoudou désigne à la vindicte populaire un dirigeant de l’ANEB pendant son cours en le traitant de responsable inconséquent qui aurait déclenché un mot d’ordre que lui-même ne suit pas. En faisant chorus derrière ce collègue qui, visiblement, s’est fourvoyé dans un rôle de zélateur de l’administration universitaire contre une lutte estudiantine, les nombreux enseignants qui se sont indignés du traitement à lui réservé par les étudiants sont-ils solidaires des actes antigrèves qu’il a posés ? Nous avons entendu des collègues soutenir que quel que soit le tort causé par un enseignant à un étudiant, rien ne peut justifier que les étudiants aient pu en venir à l’extrémité d’obliger Oubda Mahamoudou à s’expliquer devant les étudiants sur ses propos de dénigrement d’un dirigeant de l’ANEB. Une telle vision nous fait entrer au cœur de la problématique de l’autorité de l’enseignant. L’autorité du maître est-elle le résultat d’une confiance acquise ou découle-t-elle de l’ordre donné ou d’une répression qui ne laissent d’autre choix que l’obéissance aveugle ou la révolte ? La fracture entamée par l’hostilité et même l’agression par un enseignant contre un droit constitutionnel des étudiants et accentuée par cette espèce de consensus des enseignants à l’encontre des « étudiants qui sont des délinquants », nous oriente tout droit vers la deuxième alternative.

Il est nécessaire que les enseignants et leurs organisations syndicales partisans de la répression des étudiants et de leur organisation authentique se ressaisissent, il suffit de répondre honnêtement avec ce que le haut niveau de pensée permet, aux deux questions suivantes : qui gagne à la confrontation entre les structures d’enseignants et celles des étudiants ? Et qui perd à ce qu’elles parlent le même langage : celui de la recherche des améliorations du système universitaire ?

La vie du monde universitaire est inconcevable sans la présence des organisations syndicales de travailleurs et d’étudiants. En effet depuis les indépendances formelles de 1960, différents syndicats ont marqué de leur empreinte l’évolution de la vie universitaire, depuis 1974 pour les syndicats enseignants dont le premier fut le Syndicat Unique Voltaïque des Enseignants du Secondaire (SUVESS aujourd’hui SNESS) créé en 1972, suivi du Syndicat National des Travailleurs de l’Education et de la Recherche (SYNTER aujourd’hui F-SYNTER) créé en 1981. Le dernier né des syndicats des enseignants de l’enseignement supérieur est le Syndicat National Autonome des Enseignants-Chercheurs (SYNADEC) créé en 2003 et qui a tenu son premier congrès ordinaire en octobre 2011. Quant à l’Union Générale des Etudiants Burkinabè (UGEB), elle fut créée en 1960. De grandes luttes ont ponctué la vie de ces différentes organisations dans le secteur de l’enseignement supérieur et on peut citer notamment : • La grève du SUVESS en 1979 ;

• La grève conjointe du SNESS-SYNTER lors des épreuves du bac en 1993 ;

• Les grèves conjointes SNESS-SYNTER, suivies du boycott des évaluations en 1993 et en 1995 ;

• La grève du SYNTER contre la remise en cause du bac comme premier grade universitaire en 1996 ;

• La lutte du SYNTER et du SNESS contre la refondation de l’université de Ouagadougou en 2000, refondation dont nous voyons les dégâts aujourd’hui ;

• La grève du SYNADEC, suivie du boycott des évaluations en 2008-2009 ;

• Etc.

Ces différentes luttes ont permis d’engranger des acquis matériels et moraux importants qui ont contribué à élever le niveau de conscience syndicale et d’organisation des travailleurs de l’enseignement supérieur et d’améliorer chaque fois un peu plus les conditions de vie et de travail.

Pendant toutes ces années, ces différentes luttes ont bénéficié du soutien des étudiants à travers la principale organisation syndicale qui les mobilisent : l’UGEB et sa section nationale l’ANEB. Pas une seule fois, cette Union ne s’est mise en travers d’une lutte des travailleurs de l’enseignement supérieur, en ses 52 ans d’existence.

Ce que l’histoire syndicale de ce pays nous enseigne, ce que nos aînés dans la lutte syndicale nous ont appris par leur exemple, jamais, au grand jamais, une organisation syndicale de l’enseignement supérieur n’a manifesté pour en appeler à réprimer une autre. Dans tous les cas, l’histoire de notre pays montre que les organisations qui ont applaudi les gouvernants lorsqu’ils ont adopté des textes et mesures liberticides à l’encontre de ceux qui luttent, en ont été à leur tour victimes.

C’est pourquoi, la F-SYNTER considère comme des précédents extrêmement graves : l’implication déclarée de Oubda Mahamoudou (membre du bureau national du SYNADEC) dans les tentatives de sape de la grève des étudiants, l’engagement déclaré de membres du SYNADEC dans le conseil de discipline pour la prise et le maintien des sanctions contre les étudiants en lutte pour leurs droits, la déclaration de la section SYNADEC de Koudougou appuyée par celle du bureau national qui ont clairement félicité le conseil de discipline pour ses sanctions, le préavis du SYNADEC, appelant à une grève de 72heures pour le maintien des sanctions contre les militants de l’ANEB présentés comme des « délinquants » au conseil de la formation et de la vie universitaire (CFVU) extraordinaire, tenu le 12 octobre 2012.

Au lieu de le dénoncer, des universitaires et syndicalistes qui devraient être des sentinelles des libertés et des droits se réfugient derrière le décret liberticide et antigrève n° 2012-646/PRES/PM/MESS du 24 juillet 2012, portant régime disciplinaire applicable aux étudiants et aux candidats aux examens et concours organisés par les universités publiques du Burkina Faso. Décret qui qualifie clairement d’acte d’indiscipline « toute attitude de nature à compromettre l’action pédagogique ». Et lors d’une grève, quelle attitude adopte-t-on ?

Les évènements de l’université de Koudougou, dans leur nature, ne sont pas vraiment nouveaux comme nous l’avons vu, mais inédits par le traitement qu’en font certaines organisations syndicales. En effet, que le régime de la IVe république, à l’instar de ses prédécesseurs, tous inféodés aux puissances impérialistes pour qui « l’enseignement supérieur est un luxe pour les Africains », veuille écraser les étudiants et leur organisation authentique, ils sont dans leur rôle et tout le monde comprend. Mais que des enseignants d’université, qui ont leur sort lié à celui des étudiants, ne fassent pas preuve de discernement et se lancent dans une aventure aussi périlleuse laisse perplexe. Et à la F-SYNTER, nous nous interrogeons sur ce nouveau type de syndicalisme qui fait semblant de ne pas voir les dégâts de la politique de l’enseignement supérieur et s’en prenant aux victimes, aide les tenants du pouvoir à les broyer.

La F-SYNTER, qui reste attachée au principe de la solidarité syndicale entre travailleurs, élèves et étudiants, au respect du droit de chaque structure à s’organiser et à lutter pour l’amélioration des conditions de ses membres, dénonce encore une fois les sanctions contre les militants de l’ANEB, exige leur annulation pure et simple, appelle les organisations syndicales des travailleurs et étudiants à la défense des libertés démocratiques et syndicales. »

Ouagadougou, le 26 novembre 2012

Pour le Bureau National Fédéral Mamadou BARRO

Secrétaire Général Fédéral

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