Politique
Article 37: empathie prémonitoire pour Blaise Compaoré
Publié le mercredi 17 septembre 2014 | L`Observateur Paalga
© Présidence par DR
Le Président du Faso, Blaise Compaoré, a reçu en audience, le ministre français de la Défense, Jean Yves Le Drian, le vendredi 15 août 2014, dans son hôtel à Paris |
|
Le débat sur la révision de l’article 37 de la Constitution par référendum dont on ne sait toujours pas si celui-ci va se tenir ou pas, se poursuit de plus belle. On est inquiet même à mesure que le temps passe, nous rapprochant d’une probable date, au regard des tensions du landernau politique au Pays des hommes intègres. Kayaba Gomsé Roger, à travers l’écrit qui suit, exprime déjà son « empathie pour Blaise Compaoré » qu’il croyait « différent du commun des hommes, pondéré, au-dessus des basses contingences… ».
"L'habituel défaut de l'homme, disait Machiavel, est de ne jamais prévoir l'orage par beau temps". Je croyais Blaise Compaoré différent ; différent du commun des hommes, capable de faire mentir Machiavel tant il m'avait paru réfléchi, pondéré, au-dessus des basses contingences, visionnaire, prévoyant, tout au long de ses 27 années de pouvoir et... de "beau temps" ! Comment donc n'a-t-il pas pu voir venir l'orage? Comment en est-on arrivé à cet imbroglio ? On pourrait se poser mille et une questions, pointer du doigt ou spéculer à l'infini, une chose est certaine: ce bourbier politique dans lequel nous nous enfonçons chaque jour davantage ne présage d'aucuns lendemains paisibles pour notre pays, encore moins pour son Président. C'est pourquoi j'éprouve de l'empathie pour le Président Blaise Compaoré ; beaucoup d'empathie ; de l'empathie prémonitoire; l'empathie étant définie comme "la projection d'une personne dans la situation de l'autre". En termes simples, "Je me mets à sa place", "J'ai peur pour lui", "je tremble, d'avance, pour lui". "Je compatis, d'avance, à ses douleurs. Nous verrons pourquoi…
L'honorable Sir Winston Churchill, alors Premier ministre du Royaume Uni, aimait dire en ironisant : "en Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En France, tout est permis, même ce qui est interdit. En URSS, tout est interdit, même ce qui est permis". Et au Burkina Faso d'aujourd'hui? Comme la France bien sûr (peut-il en être autrement ?) ! En effet, à en croire les rumeurs de la ville, au pays des hommes intègres, tout semble permis, voire surtout ce qui est interdit. On affirme ainsi que le non-respect de la loi, soit-elle fondamentale, y est devenue la norme. Mais me rétorquera-t-on, l'amendement de l'article 37 n'est pas interdit ! La loi fondamentale n'est en rien violée! Certes oui, dans sa lettre, et nous l'avons dit et répété, la constitution est "changeable". La question est : pourquoi la changer ?
Se rapprocher de l’idéal démocratique (1)
La démocratie a ses limites. Elle ne constitue pas le régime politique parfait. Peu s'en faut ! N'est-elle d'ailleurs pas considérée par Platon comme "le mauvais des régimes politiques"? II en est de même de tout cadre constitutionnel en démocratie. II a aussi ses faiblesses. Le nôtre ne fait pas exception. L'essentiel d'ailleurs n'est pas là. L'essentiel, le plus important, particulièrement dans le cadre de notre jeune démocratie est que, dans tout acte que nous posons, dans toute décision que nous prenons, nous cherchions toujours et sans relâche à améliorer ; à aller de l'avant, vers le meilleur; vers le parfait, vers l'idéal. Dans le débat sur l'article 37 qui fait rage en ce moment, je voudrais que chacun se pose les questions suivantes : la suppression de la limitation des mandats nous rapproche-t-elle de l'idéal constitutionnel ? Nous apporte-t-elle quelque chose de plus; une valeur ajoutée, dans notre aspiration à une vie démocratique meilleure ? Le flou artistique qui entoure l'article 49 qui donne au Président de la république le pouvoir de soumettre au référendum tout projet de loi "portant sur toute question d'intérêt national [non définie]" n'aide pas, c'est le moins qu'on puisse dire, à la clarification.
Le monde semble aujourd'hui divisé en deux camps. D'un côté, des pays aux traditions démocratiques établies. On les retrouve en Europe, aux Amériques, dans un grand nombre des Etats asiatiques, dans les pays du Pacifique et çà et là en Afrique (Sénégal, Ghana, Afrique du Sud, Tanzanie, Kenya, Botswana, Nigéria pour ne citer que quelques exemples). Dans ces pays, la Constitution est respectée. Le Président de la République s'en va à la fin de ses mandats constitutionnels. De l'autre, des pays comme la Biélorussie, Cuba, la Corée du Nord, l'Erythrée, le Soudan, le Zimbabwe, la Gambie, l'Ouganda, les monarchies arabes, etc., où la Constitution, taillée sur mesure ou tout simplement inexistante, n'est là que pour servir des pouvoirs à vie. Entre ces deux pôles, le choix me paraît clair : la limitation du nombre de mandats du Président de la république constitue aujourd'hui un élément fondamental du corpus constitutionnel des pays développés, émergents ou qui, comme le Burkina Faso, aspirent à l'émergence. Elle fait partie des plus-values qualitatives qui renforcent le jeu démocratique. La non-limitation des mandats, par contre, demeurera l'exception. Elle ne sied qu'aux Etats paria. Dans quel camp les Burkinabè voudraient-ils se retrouver ?
Des « patriotes » à la Gbagbo
Au début de la crise qui secoue notre pays, j'étais convaincu, pour les raisons données plus haut, que le Président Blaise Compaoré, à la lumière des réactions négatives, pas seulement de l'opposition, que suscitaient les plans qu'on lui prêtait, et en homme avisé et prévoyant - gouverner c'est prévoir n'est-ce pas ? était à même de prévenir l'orage qui s'annonçait. Il lui aurait suffi pour cela de provoquer une réflexion approfondie sur le sujet au sein de sa majorité politique, mettre dans la balance les avantages et les risques que le pays pourrait encourir et réévaluer ses objectifs dans l'intérêt général. Cela aurait sans aucun doute constitué non seulement un coup de maitre, mais aussi une marque de sagesse.
Tristement, il nous semble qu'après de longs mois de guerre sans merci par joutes verbales, déclarations, conférences de presse, meetings, marches et contremarches, visites et étalages médiatiques interposés, la sagesse a déserté les cœurs et les esprits, particulièrement de celui qui tient en main la destinée de notre pays, de tout son appareil état et de ses thuriféraires. Quand j'entends par exemple Alfred Kaboré, un homme à l'orée du 4e âge, prêcher la confrontation comme moyen de résoudre les conflits, je me dis que, contrairement aux jeunes internautes qui pèchent parfois par excès de jeunesse, oncle AI pèche par excès de sénilité. Il ne représente pas la voix de la sagesse !
Je lui conseillerai de prendre un de ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants sur les genoux et lui parler de la paix, de la tolérance, des vertus de la non-violence et de se préparer à finir ses jours dans la dignité, en... silence. Quand j'entends Assimi Kouanda affirmer que la majorité veut "dialoguer [avec l'opposition]" mais pas "négocier", je me dis qu'il dit n'importe quoi (c'est devenu une habitude) et a perdu, là encore, une bonne occasion de se taire. Il ne représente pas la voix de la sagesse! Quand j'entends le discours enflammé et les cris de ralliement des représentants de la jeunesse CDP, des jeunes "Loyalistes" ou "Républicains", je crois y déceler des accents de "Patriotes" à la Gbagbo; des accents "Blé Goudé". Je me dis que ça devient inquiétant, alarmant, grave! Ces jeunes n'expriment certainement pas la voix de la sagesse! Quand j'entends enfin le Président du Faso déclarer, pince sans rire, dans Jeune Afrique qu'il pourrait faire supprimer par référendum la limitation des mandats présidentiels prévue à l'article 37 de la Constitution mais ne pas être candidat à sa propre succession, je me dis que là, en plus de nous prendre pour des c..., le comble est atteint. La sagesse a définitivement déserté le locataire du palais de Kosyam.
Le Burkina Faso avait, pour la première fois de son histoire, la chance inouïe de connaître une alternance démocratique tranquille, avec, pourquoi pas, un autre Homme (ou femme) de la majorité politique à la tête du pays. Malheureusement, pour emprunter encore à Machiavel, "la soif de dominer est [chez l'homme] celle qui s'éteint la dernière". Blaise a la soif de dominer. Comme les faits le montrent, il n'avait aucunement l'intention de quitter le pouvoir. L'amour du pays ? Des projets à achever ? Rien que des alibis confortables pour continuer à assouvir une soif qui n'est pas près de s'éteindre. Pour cela, il veut un référendum. Il veut faire appel au peuple. Le PEUPLE : mot magique, référence suprême ! Dépositaire mythique d'un pouvoir virtuel, absolu et omnipotent! Il faut consulter le peuple", lance-t-on à la ronde. Et chacun y va de sa métaphore de choc: "Il faut donner la parole au peuple" ! "C'est le peuple qui décide "! "C'est le peuple qui détient la légitimité du pouvoir" ! Etc. "[Peuple], que de crimes ne commet-on pas en ton nom!", serais-je tenté de dire, en paraphrasant madame Roland, qui, en parlant de la liberté, lançait ce cri avant que sa tête ne tombât sous la guillotine de Robespierre.
Tant pis pour la horde des aigris
A moins d'un revirement de dernière heure, Blaise Compaoré convoquera le corps électoral. Il organisera Son référendum et le "peuple" "décidera" ; par "OUI" ou par "NON". Les psychologues confirmeront : dire "NON" est un acte de refus; de rébellion. Par le "NON", on affirme son indépendance et sa liberté. Dire "OUI", par contre, n'est qu'un acte d'allégeance, de soumission, de reddition. Blaise veut son "OUI". Battra-t-il le "peuple" jusqu'à soumission? Rien de moins sûr, mais tout est possible. Il possède les moyens de son référendum : le nerf de la guerre, l'argent. Lui et sa galaxie financière en
ramassent chaque jour à la pelle. Ils savent où le trouver.
Ne nous faisons donc pas d'illusion: de gré ou de force, à coups de menaces ou de promesses, par l'argent ou par le ventre, à coups d'achats de votes ou de consciences, à coups de conditionnement médiatique, etc, Blaise soumettra le "peuple". Comme Henri IV chez le Pape Grégoire VII, le "peuple" "ira à Canossa" prêter allégeance au beau Blaise. Et tant pis pour l'opposition, la horde des aigris et des pas contents et autres empêcheurs-de-régner-en-rond. Ils n'auront que leurs yeux pour pleurer ! La dictature du chiffre l'aura une fois encore emporté. Les pauvres deviendront plus pauvres, et la vie continuera son cours, comme avant. Sûr?
Non! Pas sûr! Car, rien ne sera plus jamais comme avant. On se rendra bien vite compte que le référendum n'était pas la solution à la crise qui secoue le pays ; que tout ce qui est permis ou permissible n'est pas forcément à faire; que surtout il y a des situations qui ne peuvent se résoudre par un "OUI ou par un "NON". La solution parfois se trouve quelque part entre les deux. La situation qui prévaut en ce moment dans notre pays est si volatile, si imprédictible et si dangereuse que le référendum, quelle qu'en soit l'issue, ne pourra qu'exacerber, polariser, diviser. Que faire? Simple question de rhétorique !
Rendons au Président Blaise Compaoré ce qui est au Président Blaise Compaoré : il a beaucoup fait pour le pays. Je l'ai dit et répété. Je persiste et signe. Cependant, en s'obstinant à s'éterniser au pouvoir, il risque de jeter par la fenêtre tout son héritage et l'énorme contribution qu'il a apportée au développement du Burkina Faso. En échange de quoi? Un mandat de plus: le mandat de trop! Le Président Blaise Compaoré doit savoir qu'un "homme fort" n'est pas forcément un homme invincible. Dans le monde des hommes, chaque
"Achille" a son "tendon"; chaque "Samson", sa "Dalila". Un jour, tôt ou tard, on trouvera son "tendon" et, aussi sûr que le soleil se lèvera demain matin, il sera trahi; par les siens; par beaucoup de ceux qui sont en ce moment avec lui et partagent son pain. Le Président devrait savoir, plus que toute autre personne au monde, qu'il n'y a ni "frère", ni "sœur", ni "amis" en politique. Le nombre d'années qu'il a passé au pouvoir ne constituent qu'un coefficient, un chiffre indiciaire, un logarithme multiplicateur de l'avoir financier (bien ou mal acquis) des zélateurs qui l'entourent. Plus il se maintiendra longtemps au pouvoir, plus leur argent se multipliera. Quand le moment sera venu, ces personnes n'hésiteront pas une seule seconde à changer de camp. C'est pourquoi, au moment où il s'apprête à prendre la décision la plus controversée et la plus dangereuse de sa vie, j'éprouve de l'empathie pour Blaise Compaoré, beaucoup d'empathie. Même si ce n'est qu'à titre prémonitoire. C'est triste, mais certain, après l'orage, il n'y aura pas d' arc-en-ciel sur un fond de ciel bleu.
La faute à la «goinfrerie » politique (dixit l’Observateur Paalga). J’ajouterai comme ce journal : quand même !!!.
Que Dieu sauve le Burkina.
Kayaba Gomsé Roger
Commentaires
Dans le dossier
Sondage
Autres articles
Pourparlers intermaliens : Harouna Touré, le mouton noir des hommes bleus ?
L`Observateur Paalga - 17/9/2014
SYNACIT : 48 heures de grève… chez les inspecteurs du travail
L`Observateur Paalga - 17/9/2014
Situation nationale : l’indépendance, Obama et nous
L`Observateur Paalga - 16/9/2014
Femmes du MPP : «la marche vers Kosyam est amorcée»
L`Observateur Paalga - 16/9/2014
Démissions de militants du MPP Banfora: des jeunes se désolidarisent
L`Observateur Paalga - 16/9/2014
Tous les articles d'actualités
L`Observateur Paalga - 17/9/2014
L`Observateur Paalga - 17/9/2014
L`Observateur Paalga - 16/9/2014
L`Observateur Paalga - 16/9/2014
L`Observateur Paalga - 16/9/2014