Politique
Harouna Dicko, président du RPN, à propos de la situation nationale: « Le dialogue n’est plus possible »
Publié le jeudi 4 septembre 2014 | Le Quotidien
© Autre presse par DR
Harouna Dicko, président du président du Rassemblement Politique Nouveau (RPN). |
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« Si les gens nous oublient, nous, nous ne nous oublions pas ». A travers cette déclaration, le président du Rassemblement politique nouveau propose que l’opinion nationale accepte un troisième camp, en plus des options classiques à savoir l’opposition et la majorité. Pour ceux que l’on pourrait qualifier de « non alignés », la seule voie pour contraindre le président du Faso à céder son bail au soir de 2015, c’est celle légale. Dans cette perspective, le RPN a initié une pétition, en vue de collecter 30 mille signatures, le 1er février 2014. Mais au finish, ce n’est que 248 signatures qui ont pu être récoltées. Bilan mitigé ? Non, selon le président du RPN qui se console des conséquences que la pétition pourrait avoir. Concernant l’idée de dialogue désormais en vogue dans l’arène politique, Harouna Dicko est sans équivoque : « Le dialogue n’est plus possible, c’est la confrontation ». Tout ceci est à lire dans cette interview réalisée, le 3 septembre 2014.
Le Quotidien : On se souvient que vous avez initié une campagne de signatures d’une pétition visant à faire obstacle au projet de modification de l’article 37. Combien de signatures avez-vous collectées ?
Harouna Dicko, président du Rassemblement Politique Nouveau (RPN) :
Le 1er février 2014, nous avons lancé officiellement la collecte de signatures pour une pétition, en vue de sanctuariser l’article 37 de la Constitution. La loi dit qu’il faut 30000 signatures de personnes ayant le droit de vote. Donc, nous nous sommes engagés parce que nous nous sommes dit qu’il y a plus de 30000 personnes ayant le droit de vote qui sont contre la modification de l’article 37. Ainsi, nous avons collecté à l’Espace Or, 128 signatures et nous avons eu 30 collecteurs volontaires, c’est-à-dire des gens qui se sont portés volontaires pour prendre des fiches afin de collecter des signatures. A la date du 1er septembre, nous avons pu collecter 248 signatures. Nous avons déposé notre pétition sur la table de la CENI, ce qui n’avait jamais été fait auparavant, qui a accepté de la certifier. Toutes les pétitions initiées, avant nous n’ont pas pu obtenir une autorisation de certification. Il y en a qui ont collecté 60 mille signatures mais leur pétition n’a jamais été certifiée parce qu’elle comportait des erreurs. Que ce soit le MBDHP ou Augustin Loada, tous ceux qui l’ont fait avant nous, l’ont fait sur des bases illégales. Nous sommes passés les voir tous pour leur dire qu’ils avaient fait un mauvais travail.
Etes-vous satisfaits du nombre de signatures que vous avez collectées ?
Le nombre n’est pas important pour nous parce que, qu’on ait 3, 27999 ou 60000, il faudrait que ça puisse arriver à aboutir à quelque chose.
Justement, dans votre déclaration publiée dans ‘’Le Quotidien’’, vous tirez les conséquences de cette pétition en disant qu’aucun projet de loi, ni de proposition de loi, nepeut être examiné en vue de la modification de l’article 37. Concrètement, que faut-il entendre par là?
Je vous ai dit qu’il y a plus de 30 mille personnes, disposant du droit de vote qui sont contre la modification de l’article 37. Mais quel chemin ceux-ci veulent ? A la marche du 23 août, les organisateurs ont dit qu’il y avait 100 mille personnes. Si ces 100 mille avaient fait une pétition, on ne parlerait plus de l’article 37. Mais quel est l’objectif de notre pétition ? Nous avions dit en février que notre objectif était de concurrencer toute proposition venant de la FEDAP-BC et par conséquent, notre objectif est atteint. Cette année, on ne peut plus initier de pétition.
Sur quelle base, soutenez-vous cela ?
Sur la base de la Constitution.
Et quelle disposition de la Constitution ?
L’article 87 de la Constitution dispose qu’il y a 2 sessions dans l’année. La 1ère s’ouvre le premier mercredi du mois de mars et cette année c’était le 5 mars. Or, la loi 27-94 dit qu’il faut déposer 1 mois à l’avance les pétitions d’initiative législative. Donc c’était le vendredi 31 janvier le délai pour déposer la pétition pour ce qui concerne la première session.Quant à la deuxième session elle s’ouvre le dernier mercredi selon l’article 87. Le dernier mercredi de septembre prochain, c’est le 24. Il faut déposer un mois avant le 24 Septembre, donc le 24 août qui est un dimanche, un jour non ouvrable donc, le dernier jour sera le 22 août. Passé ce délai, aucune pétition ne peut être examinée. L’article 26 dit que d’autres projets peuvent être déposés et non la pétition.
Vous dites dans votre déclaration que jusqu’au 24 octobre 2014, le président du Faso et les députés peuvent prendre l’initiative de la révision, aux termes de l’article 161. A contrario, vous voulez dire que passé ce délai ce n’est plus possible. En quoi vous trouvez qu’il n’est plus possible de modifier l’article 37 par l’initiative de projet de loi ou de proposition de loi ?
Ce n’est plus possible, on ne pourra plus examiner le projet lors de la session qui s’ouvre le 24 septembre 2014. Après le 24 octobre, on ne peut pas légalement toucher à l’article 37. L’article 26, alinéa 4 du règlement de l’Assemblée nationale dispose : « Tout dossier, avant d’être examiné au cours d’une session, ne pourra être déposé 30 jours après l’ouverture de ladite session ».Cela veut dire clairement que pour la session ordinaire, le vendredi 4 avril était le dernier délai pour examiner le dossier. Le vendredi 24 octobre 2014 est le dernier délai pour qu’un projet de loi ou une proposition de loi soit examinée. Nous ne prévoyons plus de lancer une campagne de signature de pétition. Nous avons compris que les gens ne sont pas d’accord avec notre message. Ils veulent autre chose : la force. Ils se disent que Blaise veut passer par la force, nous aussi, nous passerons par la force. Ils sont dans une position de bagarre, nous, nous ne sommes pas dans cette logique.
Vous semblez dire alors que l’opposition politique se trouve dans une rigidité…
Pas de rigidité, de confrontation. Ils sont dans une position de confrontation. Ils le disent et le font savoir. Ils ont dit que prochainement ils vont aller même s’il y a des zones rouges. Dans notre état d’esprit, quelqu’un qui a un bidon d’essence, qui menace de le verser et vous dites, si vous le faites, je vais mettre une bûchette d’allumette sur ça. En cas de feu qui l’a allumé ? Nous voulons prier la personne à déposer le bidon d’essence, à ne pas le verser. Mais s’il verse, nous nous courrons, nous n’allons pas être là pour assister au feu. Depuis 2005, nous avons fait remarquer que tel que Blaise est arrivé au pouvoir, il n’est pas prêt de partir de lui-même et il faudra que nous nous organisions légalement pour trouver la voie pour le faire partir. Mais si des gens, qui mangeaient avec lui, ne sont plus d’accord avec lui sortent pour réclamer autre chose, je ne suis pas dans ça. La pétition n’étant plus possible, la voie est ouverte à la confrontation. Nous, nous avons fait ce que nous pouvons, les gens ont fait ce qu’ils voulaient. Ils ont choisi de marcher. Vous les journalistes, vous êtes dans la même logique. Vous dites « Vous êtes combien ? » Et vous refusez de signer.
La question du dialogue est encore remise au goût du jour désormais. Quel est votre avis sur la possibilité de nouer un dialogue entre l’opposition et la majorité ?
Le Front républicain a dit à Gaoua qu’il voulait le dialogue mais pas de négociation. Qu’est-ce qu’il faut en comprendre ? L’opposition dit depuis 2011: nous n’allons pas dialoguer tant que le pouvoir ne va pas dire qu’il ne va pas modifier l’article 37. Quand le président Jean-Baptiste Ouédraogo a initié le dialogue, nous avons dit qu’il ne pouvait pas, parce qu’il n’y a pas de dialogue possible. Il n’y a plus possibilité de dialogue. Qu’est -ce que le dialogue ? Il y a une question et chacun doit montrer sa prédisposition à discuter pour y tirer quelque chose. Aujourd’hui, les positions sont figées. C’est d’un côté, oui pour le référendum, oui pour la modification et oui pour le Sénat. Et de l’autre non à la modification de l’article 37, non au référendum, non à la mise en place du Sénat. Les positions sont figées. Mais nous, nous disons qu’il n’y a qu’un seul oui ou un seul non. C’est non à la modification de l’article 37. Les gens refusent la mise en place du Sénat parce qu’ils pensent que c’est une voie ouverte à la modification de l’article 37. Donc, c’est l’article 37 qui est visé. Le référendum vise aussi à la modification de l’article 37. Alors qu’est-ce qu’il faut faire, pacifiquement et légalement, pour empêcher toute modification de l’article 37 ?Nous, nous sommes dans la paix et nous sommes pour la légalité. Il y a un camp qui soutient que Blaise peut user de l’article 49 pour modifier l’article 37. Je dis non. Il y aurait un vice de procédure. Nous l’avons expliqué aux députés qui, a priori, ne semblaient pas comprendre mais par la suite ont compris. Vous demandez si le dialogue est encore possible, je réponds que le dialogue n’est plus possible, c’est la confrontation. Et nous, nous serons des spectateurs.
Mais il faudra en ce moment choisir un camp…
Nous, nous avons notre camp. Il n’y a pas deux camps mais 3. Nous constituons le 3e camp même si nous sommes minoritaires. Tous ceux qui ont signé sont venus le faire sans poser des questions. D’autres sont venus avec leurs femmes pour le faire. Donc, il y a une fraction qui réclame la modification de l’article 37, une autre souhaite que l’article 37 ne soit pas modifié et une troisième qui lutte pour la non modification de l’article 37 mais prône la voie pacifique. Les gens tendent à nous oublier mais, nous n’allons pas, nous oublier nous-mêmes. Nous existons.
Comment réagissez-vous à la déclaration du président du Faso de Washington qui a créé un tollé au sein de l’opposition politique ?
Il a dit ce qu’il veut dire. Il est fort dans sa tête. Il est fort parce que depuis 1983 il est au pouvoir. Pour montrer qu’il n’est pas fort, il faut prouver le contraire. Jusqu’à preuve du contraire, il est fort. Il occupe, une grande place dans l’histoire politique du Burkina. C’est cela le problème du Burkinabè. On veut dénier à quelqu’un ce qu’il est et ce qu’il faut ou ce qu’il a comme droit. Il ne faut superposer les droits. Comme le stipule notre statut, tout déni de droit constitue une insulte à la dignité humaine et toute restriction d’un droit fondamental collectif constitue une menace pour la paix. C’est ce qui est entrain de se passer. Vous, vous avez vos droits mais vous déniez le droit de l’autre, c’est une menace pour la paix. Nous l’avons dit depuis longtemps que Blaise a le droit de modifier l’article 37 et nous, nous avons le droit de lui dire de ne pas modifier. Si nous disons qu’il ne doit pas modifier cela constitue un déni de droit. Les gens qui marchent pour demander à ce que Blaise reste, ont le droit de le faire tout comme nous avons le droit de lui dire de partir : c’est ce que nous avons fait à travers la pétition. Mais si les autres refusent d’user de leurs droits et optent pour la force, cela est une menace pour la paix.
Interview réalisée Par Roger Melchisédech KABRE
et Martine ROAMBA
( Stagiaire)
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