Au Burkina, les administrations publiques et les institutions prestataires de services sociaux ne disposent généralement pas de données et de renseignements personnels de base, nécessaires à la gestion et au suivi des ressources publiques. En effet, les décideurs connaissent mal les populations dont ils sont responsables de sorte que de nombreux burkinabè naissent et meurent sans laisser de traces dans un registre légal et sans faire l’objet de statistiques officielles, ce qui rend d’autant plus difficile pour l’administration publique la gestion et le suivi de son capital humain.
Cette situation est qualifiée de « scandale de l’invisibilité », car l’absence de données fiables sur les naissances ainsi que sur les décès et leurs causes fait, qu’une majorité des personnes de notre pays est invisible, impossible à compter et par conséquent non comptabilisée.
Bien que remontant à l’époque coloniale, l’enregistrement systématique des événements de l’état civil (naissances, décès, mariages et divorces) au Burkina Faso accuse trop de retard par rapport aux normes internationales pour que leurs services soient en mesure d’appuyer les activités de mise en place et de soutien du développement multisectoriel national.
En effet, notre système actuel de l’état civil se caractérise par une inadaptation de l’offre de services d’état-civil aux demandes des usagers, et leur décalage par rapport à celles-ci. Sur le terrain en effet, on assiste bien souvent à un dysfonctionnement du service public local, en l’occurrence celui de l’état civil, qui se traduit essentiellement par : – une absence d’uniformisation de l’offre de services sur l’ensemble du territoire national ; – un remplacement des règles par des jugements de valeur ; – un contexte caractérisé par un inachèvement juridique et un faible soutien de l’Etat central aux communes ; – un mode de gestion « rétrograde » des services de l’état civil ; – une « absence de recoupement entre offre et demande de services de l’état civil » ; – une insuffisance de la formation et un manque de motivation des acteurs de l’état civil ; – une forte spéculation sur les coûts d’expédition des actes de l’état civil ; – un manque de sensibilisation ou une insuffisance de politiques d’information, d’éducation et de communication vers les populations ; – une insuffisance des centres d’enregistrement des faits d’état civil, leur éloignement des populations ; – une mauvaise conservation des archives d’état civil. Pourtant, l’état civil est une institution légale permettant l’enregistrement officiel, obligatoire, permanent et continu des faits (naissances, mariages et décès) relatifs à l’état des personnes et de leurs caractéristiques dans un but administratif et juridique. Il constitue de ce fait, le socle de toute politique qui vise à renforcer la citoyenneté, à mieux asseoir le jeu démocratique, à accroître l’efficacité de l’Etat en matière prospective ainsi que celle des collectivités locales dans le domaine de la planification et du développement. En clair l’enregistrement des faits d’état civil a principalement trois fonctions : juridique, statistique et sécuritaire. Sur le plan juridique, une personne qui n’est pas identifiée, n’a pas d’existence légale. L’enregistrement des faits à l’état civil est donc le seul moyen de déterminer et de protéger les identités, la citoyenneté, les droits de propriété et l’accès aux services.
Sur le plan statistique, l’état civil permet d’organiser, de structurer et de suivre la population à l’intérieur d’un territoire national de manière permanente. Ainsi l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques et programmes nationaux de développement sont étroitement liés à la disponibilité d’un système d’enregistrement des faits d’état civil fiables et à la production des statistiques qui en découlent. En effet, le suivi de plusieurs cibles des OMD, à savoir l’éradication de la pauvreté extrême et de la faim, la promotion de l’éducation primaire pour tous, la promotion de l’égalité des sexes et la promotion de la femme, la réduction de la mortalité infantile, l’amélioration de la santé maternelle, le combat contre le VIH/SIDA, la prise en charge effective des orphelins et autres enfants vulnérables, le paludisme et les autres maladies, repose sur la disponibilité de données fiables sur la fécondité, la mortalité et les causes de décès qui peuvent provenir de l’exploitation des faits d’état civil enregistrés continuellement et convenablement.
Sur le plan sécuritaire, les phénomènes de la mondialisation, les guerres et la montée du terrorisme et de la criminalité intra et transfrontalière induisent de fait, une fonction sécuritaire aux faits d’état civil.
En effet, le système d’identification national, le contrôle des passeports et de l’immigration, les transactions commerciales, la protection des couches vulnérables de la population contre les abus et l’exploitation, le respect du genre, l’administration de la justice civile et pénale, la lutte contre le terrorisme et de la criminalité intra et transfrontalière, l’intégration régionale etc. sont hautement tributaires du bon fonctionnement du système d’enregistrement des faits d’état civil.
Au niveau de la plupart des pays africains, en dépit des avantages légaux et protecteurs de l’enregistrement des faits d’état civil pour les citoyens et les avantages administratifs et statistiques que procure un système d’enregistrement fonctionnel et entretenu, force est de reconnaitre que l’importance requise n’a pas toujours été accordée à l’enregistrement des faits d’état civil et aux statistiques de l’état civil. En conséquence, les systèmes d’enregistrement des faits d’état civil sont incomplets et incapables de fournir des statistiques requises pour la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques et programmes de développement.
L’enregistrement des faits d’état civil est donc d’intérêt public. C’est pourquoi il est temps pour notre pays de rompre le statu quo en s’appropriant et en contrôlant le système national d’enregistrement des faits d’état civil et de statistiques de l’état civil par l’élaboration d’une stratégie nationale de l’état civil.
Pour relever un tel défi et rompre avec cet état de fait, la modernisation de l’état civil au Burkina Faso devient un impératif qui doit se traduire par des actions concrètes du Gouvernement et des PTF, en vue de mettre en place un système d’état civil universel, continu, obligatoire, gratuit, statistiquement utile, accessible et fiable. Dans cette optique, le Gouvernement s’est engagé politiquement pour la maîtrise d’un système performant relatif à l’enregistrement des faits d’état civil, basé sur le potentiel qu’offrent les TIC en matière de gestion et de prestations de services de qualité aux citoyens.
C’est pourquoi, le Gouvernement a décidé de développer un vaste programme de modernisation de l’état civil par la mise en place d’un système intégré de gestion de l’état civil Burkinabè.
La stratégie nationale de l’état civil
Le processus consiste, à partir de la stratégie nationale de l’état civil au Burkina Faso et de l’état des lieux de la question ou de la problématique de l’état civil, à bâtir un plaidoyer qui emportera l’adhésion de tous, notamment celle des Organisations de la Société Civile (OSC) et des Partenaires Techniques et Financiers (PTF). Le Gouvernement du Burkina Faso a consenti des efforts et pris des initiatives en matière d’utilisation des TIC au Burkina Faso.
Aujourd’hui, le monde actuel vit au rythme des TIC. Cet univers TIC révolutionne chaque jour davantage la manière dont les hommes se prennent pour communiquer, partager les informations, apprendre, faire des affaires, livrer ou accéder à des services de qualité de toute sorte, en s’affranchissant des contraintes d’espace et de temps. C’est pourquoi, prenant conscience de la nécessité pour notre pays de réussir son insertion dans cette nouvelle société de l’information, le Gouvernement a adopté en 2000, un plan de développement national d’information et de la communication (NICI), suivi en 2004 de l’adoption de la stratégie nationale d’opérationnalisation de ce plan appelée « cyberstratégie nationale ».
Outre la cyberstratégie nationale, le Gouvernement du Burkina Faso a également décidé d’élaborer des cyberstratégies sectorielles. Celles-ci constituent une feuille de route du pays pour son entrée dans la société de l’information : E-éducation ; E-santé ; E-commerce ; E-protection sociale ; E-gouvernement. Parmi les stratégies sectorielles, figurent en bonne place la stratégie de e-gouvernement qui a pour objectifs de renforcer la bonne gouvernance et d’assurer une administration au service du citoyen, équitable, transparente et efficace. Il s’agit entre autres de poursuivre le déploiement à l’échelle nationale d’outils informatiques dans les services de police, de gendarmerie, des tribunaux et dans les administrations des communes afin d’améliorer l’efficacité de l’appareil judiciaire et la gestion de l’état civil, des cartes d’identités et du fichier électoral. Les applications informatiques ont concerné entre autres, au niveau local, la Gestion de l’état civil (GESTEC).
Le système intégré de gestion de l’état civil Burkinabè Il s’agit de mettre en place un système informatisé intégré de gestion de l’état civil Burkinabè impliquant tous les acteurs du domaine (Ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité, le Ministère de la justice, le Ministère des affaires étrangères et de la coopération régionale, le Ministère de la santé, les collectivités locales, le citoyen).
Un tel système aura les avantages suivants : standardiser les procédures de gestion de l’état civil pour toutes les communes ; uniformiser la présentation des actes d’état civil ; offrir de outils de statistique et de « reporting » sur l’état civil ; gérer les échanges de données entre communes sur l’état civil ; sécuriser les documents d’état civil ; offrir un portail d’information et de services aux citoyens.
Informatiser le processus d’état civil dans toutes les municipalités et enclaves territoriales burkinabè à l’étranger ; servir le burkinabè en extraits d’acte d’état civil à partir de tout centre d’état civil municipal relevant de la municipalité détentrice du registre de l’acte, mais également à partir de tout autre centre dans toute autre municipalité.
L’acte de naissance, un droit pour commencer !
Ministère de l’administration territoriale de la décentralisation et de la sécurité