Société
Interdiction du sachet plastique : en attendant 2015…
Publié le vendredi 29 aout 2014 | L`Observateur Paalga
© Autre presse par DR
Janvier 2015 : date d’entrée en vigueur de l’interdiction d’importer et de commercialiser les sachets plastiques au Burkina. |
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A partir du 1er janvier 2015, l’importation, la vente et la distribution des emballages plastiques non biodégradables, autrement dit les sachets plastiques, seront interdites au Burkina Faso.
A quelque quatre mois de l’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition législative, l’inquiétude subsiste néanmoins chez les commerçants qui se disent favorables à la nouvelle mesure. Mais du côté des fabricants d’emballages biodégradables, on s’en frotte déjà les mains.
«C’est la vie chère qui va devenir encore plus chère», prédit Ablassé Soré, boutiquier à Tanghin.
Les méfaits des sachets noirs, comme celui qu’il vient de tendre au client en guise d’emballage, il en est conscient. Approuve-t-il, même si c’est du bout des lèvres, la nouvelle loi ? Mais, tient-il à prévenir, en français approximatif : «le nouveauté-là, woh, on va vendre ça maintenant ou bien on va ajouter son argent dans prix des produits».
Par «nouveauté», entendez les emballages biodégradables appelés à remplacer définitivement ceux en plastique à partir du 1er janvier 2015.
En effet, le mardi 20 mai 2014, l’Assemblée nationale a voté, à l’unanimité des 107 votants, la loi (n°2014-017/AN) portant interdiction de l’importation, de la commercialisation et de la distribution des emballages et sachets plastiques non biodégradables au Burkina Faso.
Une révolution copernicienne dans ce pays parmi les rares qui vivent toujours à l’âge du polymère. Avec les conséquences que cela entraîne sur la santé (humaine et animale), les sols, le cadre de vie, les points d’eau et nous en oublions.
Autant de méfaits qui ont depuis longtemps conduit les autorités en charge de l’environnement à l’initiative d’actions ponctuelles de sensibilisation, d’information, de rachat de déchets plastiques, et autres campagnes «zéro plastique».
Malgré tous ces efforts, rien ne semble arrêter l’évolution du «cancer des villes africaines», ainsi qu’on nomme le péril plastique, au Burkina.
Alors, aux grands maux, les grands remèdes.
Par la nouvelle loi portant interdiction d’importation et de commercialisation des emballages et sachets plastiques non biodégradables, les autorités burkinabè entendent combattre le mal à la racine.
Dans l’ensemble, la récente mesure est accueillie avec soulagement. Mais dans certains milieux, elle suscite réserves et inquiétudes. «Dès que nous avons entendu parler de cette loi, nous nous sommes dit que c’est impossible d’interdire les sachets plastiques, parce qu’ils font aussi du bien aux Burkinabè. C’est un commerce qui a contribué à nourrir des familles, c’est une forte industrie. Nous avons donc approché le ministère en charge de l’Environnement qui nous a dit que ce n’est pas une suppression mais un changement de matière. On passera du sachet plastique non biodégradable au sachet plastique biodégradable. On a alors dit que si c’est ainsi, il y a lieu de discuter», explique Mahamadou Sanfo, secrétaire général de l’Organisation nationale des commerçants du Burkina (ONACOMB), que nous avons rencontré le 12 août 2014 dans son bureau à Samandin.
A l’issue de plusieurs rencontres avec les autorités, l’organisation a obtenu un différé dans l’application du nouveau texte. «Les opérateurs économiques ont donc fait savoir que les usines d’où ils importent le sachet plastique sont prêtes à produire des emballages biodégradables. Raison pour laquelle nous avons demandé la date butoir de janvier 2015 pour permettre à la filière de se refaire. Il y a des quantités énormes de plastiques déjà sur le marché et il faut du temps pour les écouler», a-t-il plaidé. Avant d’ajouter : «si à la date butoir, il y a toujours des sachets non biodégradables sur le marché, nous allons approcher le ministère pour savoir la conduite à tenir pour qu’il n’y ait pas de préjudice sur les commerçants qui en ont fait leur gagne-pain. Il ne faut pas oublier que les Burkinabè ont ça dans leurs mœurs».
Mais pour Moussa Dabo, président de la section du Kadiogo de l’ONACOMB, il ne faut pas pousser jusqu’au fétichisme la solution par le biodégradable : «Nous sommes conscients du danger du plastique, mais la vérité, c’est qu’il faut une sensibilisation et nous devons accompagner les autorités dans ce sens. Notre pays a aussi un plan d’assainissement précaire et c’est plus ça qui nous coûte cher que le plastique. Même le bio ne pourrit pas immédiatement, et tant que le nettoyage ne sera pas une réalité dans nos villes, ce sera toujours la même chose. Il faut un meilleur plan d’assainissement. Je pense que l’interdiction des sachets plastiques n’est pas la solution, ce n’est pas la panacée. Sachet biodégradable ou pas, sans assainissement, c’est la même chose».
La gestion des déchets plastiques est soumise à une réglementation générale applicable à l’ensemble des déchets à travers le code de l’Environnement, le code de l’Hygiène publique, le code de Santé publique et le code général des Collectivités territoriales. Une disparité réglementaire qui ne permet pas de définir un régime juridique clair et spécifique nécessaire pour faire face efficacement au péril du sachet plastique. Mais avec la loi 017, la parade est tout trouvée : plus de sachets plastiques non biodégradables.
Quid du recyclage de déchets plastiques, comme autre moyen de lutte contre l’envahissement par les sachets ? Sur ce point, le gouvernement a pris la décision de la création d’un projet national de traitement et de valorisation des déchets plastiques. Le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Salif Ouédraogo, a d’ailleurs lancé, le 14 août dernier à Koudougou, l’opération d’achat des déchets plastiques dans la région du Centre-Ouest. Le gouvernement a mis en place un projet de trois (03) ans qui consiste à organiser les populations dans les régions pour la collecte, le stockage et le recyclage des sachets plastiques.
L’après-plastique non biodégradable
Nous ne sommes pas encore en 2015. Mais à l’approche de cette échéance, la grande question demeure : «Quoi pour remplacer les fameux sachets» ? Réponse : des emballages bio.
Ce type de produit est depuis quelques temps en fabrication et en commercialisation au Burkina Faso. Mais face au sachet plastique nettement moins cher, côté consommation, il n’y a pas match, comme qui dirait : l’emballage biodégradable fait figure d’un pot de terre contre un pot de fer. Et ceux qui se sont lancés dans la promotion de l’emballage écologique en savent quelque chose.
C’est le cas de Mamadou Konaté, coordonnateur du Projet Production Eco (PPE) et président de l’Association internationale des éco-citoyens du Faso (AIEC-Faso). Depuis maintenant quatre ans, qu’il dirige cette petite unité de production, le marché fait toujours grise mine. Sa principale clientèle : les organismes. «Nous n’arrivons pas, pour le moment, à vendre nos produits à l’échelle nationale, parce qu’il n’y a pas véritablement de marché. Le plastique est très ancré dans les habitudes des gens, et depuis 4 ans que nous sommes dans cette activité, nous n’avons pas encore eu de commande émanant d’un commerçant ordinaire. Nos clients sont des structures consciencieuses qui commandent nos emballages pour leurs clients et partenaires, avec parfois leurs logos dessus».
Pour le coordonnateur du Projet Production Eco, avec la loi 017, 2015 augure d’heureux auspices puisqu’il va falloir disputer le marché local avec le nouvel emballage importé.
En effet, le gouvernement a autorisé l’importation des emballages biodégradables, seul moyen plausible de reconversion des commerçants de sachets plastiques. Alors la concurrence entre le «made in Burkina» et le «venu d’ailleurs» s’annonce dure. Mais il en faut plus pour décourager les promoteurs locaux. «Nous ne sommes pas inquiets, les qualités et les modèles de ce type d’emballage sont aussi variés que différents. Et nous allons mettre toutes les chances de notre côté pour livrer le meilleur aux consommateurs», promet Evariste Ouédraogo, fabricant d’emballages biodégradables installé à la Cité AZZIMO de Tampouy. Pour le moment, poursuit-il, «il est vrai que les emballages que nous produisons coûtent plus cher que le sachet plastique, mais c’est parce que nous n’en produisons pas à grande échelle».
Pour le directeur général de la société belge Graphi-West arrivé à Ouagadougou en vue d’étudier un projet de création d’usine du Projet Production Eco, le savoir-faire burkinabè ne fait plus de doute : «Nous avons vu ce qu’ils produisent artisanalement ici et je puis vous assurer que ça respecte les normes. Reste à le faire en quantité industrielle, car au-delà du business, il y a un projet de santé publique et de protection de la planète qui nous a simplement été prêtée et que l’on doit léguer, en bon état aux générations futures». Reste maintenant à mettre en place une politique de promotion des entreprises locales.
Notre pays est un grand consommateur de produits plastiques qui mettent en moyenne 400 ans à se décomposer dans la nature. Ces articles vont du sachet d’emballage aux bidons en passant par les chaises et les seaux. Abdoul Aziz Koala est collecteur-revendeur d’objets en plastique usagers à Tampouy. «Nous collectons le plastique dur que nous broyons et revendons au Ghana. Là-bas, nous revendons le produit broyé à des usines qui le recyclent en fabriquant des seaux, des chaises, des bidons, des pavés…», explique-t-il.
Depuis 2009, avec son réseau d’une centaine de collaborateurs, il fait certes de bonnes affaires, mais aussi œuvre utile à la capitale.
En effet, ce sont 2 à 4 tonnes d’objets plastiques usagers dont Abdoul Aziz Koala et son bataillon de collecteurs débarrassent Ouaga. Gigantesque œuvre de salubrité. «Nous achetons le kilo de déchets plastiques à 100 F et 200 F pour les chaises usées et nous revendons au Ghana entre 80 et 100 tonnes de plastique broyé par mois», nous a-t-il confié. Soit un chiffre d’affaires mensuel d’environ 10 millions de FCFA.
Mais pourquoi vendre cette matière au Ghana et non sur place au Burkina ? A en croire M. Koala, il n’y a pas de débouchés au Burkina. Raison pour laquelle sa cargaison prend la route du Ghana. «C’est vrai que c’est une bonne affaire, mais si on avait plus de moyens, on pourrait agrandir notre activité et l’améliorer. S’il y avait des usines au Burkina pour nous racheter cette matière première, nous aurions mieux prospéré, car le transport au Ghana nous revient parfois cher, ce qui réduit notre marge bénéficiaire. Les chaises, les seaux, les bouilloires et autres ustensiles en plastique dont nous raffolons ici pourraient être fabriqués sur place, et nous les achèterions moins cher, puisqu’il n’y aurait pas de dédouanement». Et de poursuivre : «Il y a tellement de plastique usager ici qu’on n’aurait pas besoin d’aller chercher la matière ailleurs. La preuve, nous sommes obligés souvent de revenir avec une partie de nos marchandises étant donné que les usines ghanéennes ne peuvent pas toujours en prendre la totalité».
Avec ce qu’il a gagné en 4 ans d’activité, le collecteur a pu se procurer six broyeurs qu’il a importés de Chine. Il aspire même à mettre en place une unité de fabrique d’ustensiles en plastique ici au Faso mais, pour le moment, les finances lui font défaut. «Il faut de gros moyens pour installer des usines : au moins 100 millions de francs CFA mais, inch’allah, un jour nous y parviendrons. Quand nous commencions, nous n’étions pas à ce niveau, c’est la persévérance qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui».
La collecte du sachet plastique ne fait pas encore partie des activités d’Abdoul Aziz Koala car, dit-il, il est plus difficile de le transformer en matière commerçable». «Nous n’en avons pas, en tout cas, les moyens pour le moment», poursuit-il, avant de féliciter la représentation nationale pour le vote de la loi 017.
Une loi qu’il considère salutaire pour la santé publique. Lui qui est régulier au pays de Kwame N’Krumah est chaque fois enchanté par la propreté des villes et l’absence presque totale d’emballages plastiques non biodégradables.
Arnaud Ouédraogo
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