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CSPS de Yagma aménage pour accueillir d’éventuels malades d’ébola : une décision qui suscite le courroux des populations
Publié le jeudi 21 aout 2014  |  Le Quotidien
Les
© AFP par DR
Les Médecins Sans Frontières mettent en place l`équipement de protection contre le virus de la fièvre d`Ebola




Dans le plan de prévention contre le virus Ebola, les autorités du Burkina Faso ont désigné le CSPS (centre de santé et de promotion sociale) de Yagma, localité située à une quinzaine de kilomètre de la capitale, pour recevoir les éventuels malades. Une décision qui n’a pas été bien accueillie par la population de ladite localité. Cette situation, qui a failli occasionner une marche sur la capitale, a vite été circonscrite par les premiers responsables de l’arrondissement qui leur ont accordé une rencontre, le mardi 19 aout 2014, dans l’enceinte de la mairie. La grogne nous étant parvenue, nous nous sommes rendus le même jour sur les lieux, histoire de recueillir les avis des premiers concernés. Une rencontre d’échanges avec les premiers responsables de l’arrondissement qui abrite ledit CSPS s’est également imposée. Alors nous avons été reçus par le secrétaire général, Mamadou Samadoulougou, à l’absence du premier responsable. Ce dernier nous a briefés sur l’ entretien avec les manifestants. Il est également revenu sur la décision du gouvernement.

Sayouba Dipama, ressortissant de yagma

« Nous sommes déjà là avec des problèmes et les autorités veulent nous en rajouter »

Ce problème ne nous plait vraiment pas. Déjà les problèmes que nous vivons au quotidien ne sont pas faciles pour nos familles. Après l’inondation du 1er septembre, nous avons effectivement reçu l’aide du gouvernement et nous ne nous plaignons plus. Nous étions contents d’avoir un CSPS parce que pour les maladies comme le paludisme, les maladies infantiles et autres, nous avions du mal à rejoindre le centre-ville pour nous faire consulter. Nous nous disions que le CSPS venant à point nommé. Mais si toutefois les autorités doivent venir avec cette maladie ici, tout en connaissant les risques liés à la maladie, c’est déplorable. Dans la plupart des pays africains, on a choisi des sites à cet effet, mais les amener ici, n’est pas la solution. C’est une maladie très contagieuse. Il y aura des malades qui viendront ici et connaissant sa gravité, il était nettement mieux de les recevoir dans les hôpitaux de la ville et non ici. Nous sommes déjà là avec des problèmes et les autorités veulent en rajouter. Nous jugeons que cela ne sied pas. Nous ne voulons faire outrage à personne mais, pour être sincère, la situation est moins intéressante. Nous ne sommes pas d’accord. Qu’on trouve un autre centre pour eux. Rien que le palu fait ravage ici. On prie les autorités de nous épargner d’autres malheurs. On a eu les parcelles et on est vraiment ravi mais cette maladie est effrayante, surtout avec la présence de nos enfants. Si nous contractons la maladie, alors qu’ils n’ont pas de remède pour nous, ce ne serait pas bien. Qu’ils nous éloignent de cette maladie afin que nous restions toujours de bons amis. Les musulmans se sont concertés pour un Doa (sacrifice), pour que Dieu nous éloigne de ceux qui voudraient l’amener parmi nous. En effet, si quelqu’un connait bien cette maladie et voudrait l’amener chez nous, c’est que la personne est mauvaise. Avant on nous avait aidé mais maintenant c’est notre mort qu’ils cherchent.

SidoineTigahiré

« A notre grand étonnement, les conseillers et même le maire de l’arrondissement 9 n’étaient pas au courant de la nouvelle »

Nous sommes présentement sur le site de Yagma, officiellement reconnu sous le nom de Baagnoogo. Nous avons aussi appris la nouvelle sur les ondes de la RTB faisant mention que ce soit par voie aérienne ou terrestre, les malades du virus Ebola seront gardés en quarantaine dans notre CSPS. Je pense que la population a mal accueilli la nouvelle. Nous sommes ici à cause du 1er septembre. Simplement pour vous dire que nous avons déjà beaucoup de problèmes et amener ce virus chez nous, c’est pour venir nous anéantir maintenant. La population a voulu manifester mais, grâce aux conseillers qui sont venus sur place, on a vite calmé les ardeurs. A notre grand étonnement, les conseillers et même le maire de l’arrondissement 9 n’étaient pas au courant de la nouvelle. Lui-même était étonné. Il nous a demandé nos jours et heures de rencontre. Ce qui a été fait. Il a donc prévu, le dimanche pour rencontrer tout le monde afin d’apaiser les cœurs. Seulement, il n’a pas pu. Mais il a appelé les populations pour leur dire que la nouvelle est fondée. C’est hier lundi qu’il est revenu et nous a expliqué qu’ils ont même vu le CVD et celui-ci a laissé entendre qu’on n’avait pas remis les clés de notre CSPS à la mairie. Cela pour dire que la mairie n’a rien à voir dans cette décision. En terme claire, ils pouvaient disposer de tout, sans aviser le maire. Aujourd’hui nous sommes allés voir le maire et pour l’instant, nous sommes satisfaits. Il a même entrepris des démarches en vue de nous aider. Pour l’instant, nous restons patients, car comme on le dit : « la patience est un chemin d’or ». Nous avons prévu de donner à la population les informations reçues du maire aujourd’hui, à 17h, sur la place du marché. A bien écouter le maire, il serait de notre côté parce que c’est le maire qui est plus proche de la population et qui connait bien nos préoccupations.

Théophane Tassembédo, responsable des jeunes du secteur 37 de l’arrondissement 9

« Je pense que, selon les textes, il était important que le ministère avise au moins le maire »

J’étais absent et lorsque je suis revenu, à écouter les uns et les autres, je me suis dit qu’il fallait chercher à mieux comprendre le problème avant d’entreprendre toute initiative. C’est ainsi que nous avons entrepris de rencontrer les premiers responsables de l’arrondissement. Ce matin effectivement, nous avons pu avoir un entretien avec le maire. Pour ce qu’on a pu entendre d’eux, nous sommes vraiment contents. Pourquoi disons-nous cela, il est clairement établi que les responsables eux-mêmes ne sont pas au courant. Normalement, en tant que premiers responsables, on devrait les consulter avant de prendre une décision d’une telle importance, quelle que soit la raison. Il semble que le CSPS n’a pas été officiellement remis à la mairie et que c’est le ministère qui s’en charge. Voilà pourquoi il en fait comme bon lui semble. Je pense que selon les textes, il était important que le ministère avise au moins le maire, fut-il par message ou par une correspondance parce qu’il vienne sur son territoire. Comme cela n’a pas été le cas, e maire nous a rassuré et promet de voir la démarche à suivre. La population pour sa part, était absolument remontée et ce qui était arrêté. C’était une marche sur le centre-ville pour se faire entendre par le ministère. Si nos premiers responsables ne sont pas au courant, c’est vraiment grave. Nous sommes déjà surmenés par nos problèmes et venir nous ajouter cela, c’est nous tuer. Pour ce que nous savons de la maladie, nous prions Dieu qu’elle n’arrive pas au Burkina à plus forte raison transporter des malades dans notre CSPS. Si c’est le cas, l’aide qu’on nous avait apportée ne sert plus à rien. Mais c’est une extermination totale maintenant. Nous supplions le gouvernement de nous éloigner de cette maladie en entendant de trouver un autre site pour héberger les éventuels malades. Nous ne pensons pas que le gouvernement soit incapable d’en trouver. Nous les supplions de tout cœur, parce que nous n’avons aucune force contre cette situation. Qu’ils trouvent une brousse qu’ils feront racler au préalable, ça nous profitera tous. Nous allons suivre pas à pas le dossier, en vue d’une résolution définitive et pacifique. Nous nous confions à Dieu et au gouvernement à cet effet parce que pour trouver à manger, c’est déjà difficile.
Michel KAFANDO
« Nous ne sommes pas contents, mais nous ne pouvons rien faire »
Nous étions dans une situation déplorable lors du 1er septembre 2009. Mais quand nous sommes venus ici, le chef de Yagma nous a accueillis les bras ouverts. Notre situation était en train de s’améliorer. Mais, nous avons été étonnés d’entendre qu’on voulait amener des malades d’Ebola dans notre CSPS. On aurait voulu que cette maladie ne soit pas dans notre pays, encore moins dans notre quartier. Nous ne sommes pas contents, mais nous ne pouvons rien faire. Ce que nous pouvons faire c’est implorer la clémence et le pardon de Dieu pour que cette maladie ne se déclare pas sur notre territoire. Personne ne souhaite cette maladie. Quand on venait ici, c’était une brousse, les autorités peuvent trouver une autre brousse pour construire un hôpital afin d’installer les malades. Comment veulent-ils mettre les malades parmi la population sans que ça les contamine ? Ça va être un problème pour nous tous. L’hôpital n’est toujours pas ouvert et on veut déjà envoyer d’autres malades. Sincèrement nous ne pouvons pas cautionner cela.

Paulin Baziémo
« On ne se sent plus considérer comme étant de la population du Burkina Faso »

C’est un cas malheureux qui nous a amenés à Yagma, le 1er septembre. Aujourd’hui on rend grâce au gouvernement qui a su gérer la crise. Nous sommes là ça fait 5 ans. Imaginez-vous que même pour un paracétamol, il faut parcourir 15 kilomètres pour l’obtenir. Pendant 5 ans nous vivions comme cela. Vous vous imaginez que ce n’est pas intéressant pour une population. Maintenant pour un CSPS qui n’est pas encore ouvert, on n’attendait que le gouvernement vienne d’abord faire une ouverture. On allait l’accueillir avec nos cœurs ouverts, des cœurs pleins de joie. Cela allait être une joie pour nous. Mais, un CSPS qui n’est pas encore ouvert, il envoie un complément d’un cas malheureux. La joie qu’on allait manifester pour accueillir le gouvernement, nous ne pouvons plus le faire. Ce n’est pas de cette manière qu’on souhaitait recevoir le gouvernement. Sincèrement dit, nous ne pouvons pas être heureux. Une fois encore on demande au gouvernement d’amoindrir nos problèmes, de ne pas les aggraver. Nous continuons de vivre les séquelles du 1er septembre. On voulait au moins qu’il vienne nous donner la joie au lieu de nous apporter encore un deuxième cas malheureux. Il a la solution à ce problème, pas à Yagma, pas chez nous. Un cas Ebola pour un CSPS qui n’est même pas encore ouvert. Pourquoi nous allons commencer notre ouverture avec ce cas ? Cela nous angoisse. Il faut que le gouvernement essaie de revoir sa position. On a eu l’information que les cas d’Ebola viennent à Yagma. J’ai dit que Yagma, c’est vague. C’était mon collègue qui était obligé de me donner des détails. Mais, je dis pour un CSPS qui n’est pas encore ouvert et on veut envoyer les cas d’Ebola. On a essayé de patienter pour avoir d’autres informations et on a constaté que c’est chez nous. Vous imaginez ? La joie qu’on voulait manifester n’est plus une joie. J’étais vraiment étonné qu’on dise que c’est ici ça vient. Pourtant ce n’est pas encore ouvert. Sincèrement dit, on ne se sent plus considérer comme étant de la population du Burkina Faso. On se sent un peu délaissés. Pendant 5 ans, nous sommes là, nous vivons dans le vide. Pour un simple paracétamol, il faut faire une quinzaine de kilomètres pour l’avoir. Il n’y a pas de pharmacie à côté. Ce n’est pas la bonne manière pour gérer ce problème. Que les autorités essayent de revoir leur décision de transformer notre CSPS en centre d’accueil des malades du virus Ebola.

Le secrétaire général de la mairie de l’arrondissement 9, Mamadou Samadoulougou
C’est tout à fait normal. Est-ce que vous, à leur place, vous allez accepter que le CSPS qui était prévu, depuis 2009, pour vos soins soit uniquement destiné aux malades d’Ebola ? Je me demande s’ils vont soigner les malades d’Ebola seulement ou bien, ils vont soigner d’autres malades en plus des malades d’Ebola? Parce qu’en 2009, ce CSPS a été prévu pour les soins des sinistrés. On ne peut pas réserver ce CSPS primordialement aux malades d’Ebola. La finalité du CSPS était pour les soins des sinistrés du 1er septembre 2009. Si on destine ça à autre chose, c’est que le contrat n’a pas été respecté au départ. Maintenant si on a destiné ce CSPS aux malades d’Ebola, est-ce qu’on a prévu un autre centre pour les soins de la population de Yagma? Ce qui est également déplorable, c’est que c’est une maladie que nous ne connaissons pas suffisamment. Le mieux est de mettre le centre à l’écart, à l’isolement de la population. Si d’aventure on la met au milieu de la population, il peut y avoir beaucoup de contagions. Pour une maladie assez grave, on doit chercher un endroit isolé pour mettre ces types de malades. Je ne suis pas médecin mais j’estime qu’une maladie contagieuse de cette gravité doit être mise à l’isolement. Alors que, le CSPS de Yagma n’est pas isolé. C’est au milieu de la population. Je ne saurai parler à la place du maire, mais ce que je peux vous dire c’est que administrativement, s’il y avait une correspondance qui était adressée à la mairie dans ce sens, ça passerait par le service courrier, le SG et ça monterait jusqu’au maire. Personnellement, je n’ai pas encore vu cette correspondance. Jusqu’à preuve du contraire, je n’ai pas encore cette correspondance. Les radios, je les écoute très rarement, la télé de temps en temps. Depuis, je n’ai pas encore vu d’écrit là-dessus. Si y avait une correspondance adressée à monsieur le maire de la commune, il allait nous transmettre cela. En tout cas, je n’ai vu aucune correspondance parlant de cela. J’ai été simplement informé par le maire. Il m’a dit d’appeler le médecin-chef du district sanitaire pour me renseigner. Je l’ai appelé, il a confirmé. Mais nous, officiellement on n’a pas été saisi. On a dit que comme le CSPS n’a pas encore été transféré à la mairie, il relève du ministère. Si la population décide de marcher, C’est leur liberté. il n’y a rien de tel. Si quelqu’un estime qu’il n’est pas entendu à un endroit donné et qu’il estime que c’est la meilleure voie pour ce faire entendre, je ne vois pas d’inconvénient. Peut-être qu’en se faisant entendre, on va trouver une autre solution. C’est vrai que la mairie gère cette zone, mais, la mairie est un démembrement de l’Etat. Ce que décide l’Etat est encore plus que la mairie. Ce que l’Etat décide, la mairie ne fait que suivre. Puisque l’Etat est notre autorité de tutelle. Maintenant si on nous donne l’initiative de décider, on peut décider. Mais s’ils ont déjà choisi. Puisque c’est une nouvelle maladie et que l’Etat doit trouver une solution, peut-être qu’il n’a pas eu le temps de suivre les procédures administratives. En tout cas, je n’ai pas vu de courrier ici. Donc je ne peux pas dire que je suis informé. Tant que je ne vois pas l’information qui dit que les malades d’Ebola seront hébergés ici, je suppose que ce sont des informations comme ça d’abord. J’attends que ça soit officialisé. Et ce qui est officiel, c’est le courrier. Pour faire un courrier, cela ne prend pas du temps. En 5-10 minutes on a fini d’écrire. J’ai pris part à la rencontre entre le maire et la population. Ce qui est ressorti est que la population a exprimé son mécontentement. Elle pense qu’elle est déjà sinistrée et qu’il ne faudrait pas qu’on vienne aggraver encore leur situation. Elle souhaite que l’Etat puisse trouver un autre site d’accueil pour ce type de malades. Ce sont des sinistrés, il ne faudrait pas qu’on vienne empirer leur sort. Ebola est une maladie dangereuse, contagieuse. Personne ne veut que ça soit au Burkina. Elle pensait que c’était le maire, mais le maire a dit que : « non, c’est parce que vous êtes là que je suis maire, si on envoie la maladie et que la maladie vous tue, je ne serai plus maire ». Maintenant si l’Etat a décidé de mettre ça là-bas, on ne peut rien faire. On ne peut pas aller à l’encontre de l’Etat 1

Par Toudassida Hermann KABORE et Ismaël OUEDRAOGO

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