Le parlement et les mairies burkinabè accueilleront bientôt leurs nouveaux locataires. En effet, les Burkinabè se sont rendus aux urnes le dimanche 2 décembre 2012 pour les élections législatives et municipales couplées, première du genre dans le pays. De l’avis général, il n’y a pas eu de fraude dans la votation, les rares tentatives ayant été démasquées. La fraude classique n’a donc pas eu droit de cité. L’opposition politique naguère furieuse aux lendemains des élections dans notre pays comme dans bien des pays du continent, fait preuve de beaucoup plus de retenue cette fois-ci.
C’est certainement le signe que quelque chose a changé dans le bon sens. Et la biométrie n’est probablement pas étrangère à cette embellie. Elle a certainement permis d’épurer et de crédibiliser davantage la liste électorale. Beaucoup de citoyens ont certainement été convaincus qu’avec ce système, il y a plus de chance qu’ils se fassent entendre. Chacun a été convaincu que sa voix sera comptée et que, ce faisant, elle va compter dans les résultats. En d’autres termes, la biométrie aura participé à susciter plus de confiance et partant, plus d’engouement des populations pour ces élections. En témoigne du reste la participation massive qui a été enregistrée.
Quand on sait que lors des scrutins passés dans ce pays, en tout cas pour ce qui est des plus récentes dont la présidentielle de 2010, la participation n’a pas été fameuse, il y a lieu de reconnaître que les lignes ont bougé. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt, dit-on. Certes, il y a une embellie au plan organisationnel, mais il reste entendu qu’il y a eu des scories çà et là. Il est de ce fait évident qu’on peut mieux faire. On aura relevé, entre autres, quelques difficultés organisationnelles au niveau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), quelques actes d’incivisme contre des bureaux de vote, mais surtout la pauvreté du débat politique. On est encore souvent malheureusement très loin du débat d’idées, de programmes politiques savamment articulés et maîtrisés.
Des fléaux comme les achats de conscience sous toutes leurs formes (T-shirts, gadgets, liquidité) ont encore la peau dure et cela perdurera tant que le Burkina ne prendra pas le taureau par les cornes. Ainsi, à l’instar du Bénin, on pourrait tout simplement interdire les T-shirts et autres gadgets qui, hélas, continuent d’appâter et de retenir comme des pièges à oiseaux bien des électeurs qui ne connaissent même pas le sens de leur vote. Il n’est pas rare d’entendre des choses du genre « si quelqu’un ne me donne pas de T-shirt ou de casquette, je ne le vote pas ». Autant dire, dans ce cas de figure, que c’est la démocratie du plus offrant. Bien entendu, financièrement et/ou matériellement parlant. La question des budgets de campagne des partis dans ce pays où les populations sont encore pour beaucoup analphabètes et affamées, mérite ainsi d’être traitée en ce sens qu’il faut éviter que le déferlement des moyens continue d’être le principal aiguillon des votes en occultant, en reléguant au second rang, le vrai débat d’idées.
Il y a également le rôle sulfureux des chefs traditionnels qui n’est pas de nature à rehausser la qualité du jeu démocratique. Et l’amélioration de cette qualité passe par une bonne clarification du rôle de ces autorités coutumières. Certes, il ne faut évidemment pas jeter l’anathème sur toutes les autorités coutumières du pays. Il y en a encore qui font preuve de beaucoup de retenue face aux sirènes de l’argent, mais leurs efforts pour donner une image respectable de leur rôle social s’en trouvent anéantis par des comportements d’autres qui ne brillent pas par leur sagesse. Vivement que vienne l’ère où les programmes triompheront des simples considérations matérielles ou alimentaires. L’atomisation des partis politiques est également une question de fond à laquelle il faut faire face si on veut que cette démocratie murisse comme il se doit. Le principe de liberté dans la création des partis ne saurait justifier un tel bazar. En toute chose l’excès nuit, a-t-on coutume de dire.
Le domaine politique ne fait pas exception à la règle. Il faudra donc courageusement et pour le bien de cette démocratie, créer les conditions pour que les partis politiques ne prennent pas en otage la démocratie. A défaut d’une limitation constitutionnelle, durcir les conditions de créations de ces entités pour que cette impression qu’il s’agit de jouets, de fonds de commerce, etc. aux mains de politiciens peu recommandables, cessent. A ce propos, on peut dire que le MATDS (ministère de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité) a déjà commencé le travail. L’opposition surtout, a intérêt à y travailler. Elle est, après le peuple burkinabè bien entendu, la première victime de cet émiettement. Certains partis dont le travail d’organisation et de conscientisation des populations se résume à quelques tracts et coups de gueule dans les médias feraient mieux de revoir leurs copies.
Ils devront se donner les moyens d’aller vraiment à la conquête du pouvoir, ce qui est l’un des critères-clés de définition d’un parti. A ce sujet, et sans qu’il soit besoin d’opérer une analyse approfondie des résultats, on perçoit une bonne percée de l’Union pour le progrès et le Changement (UPC) qui, malgré sa jeunesse, a su visiblement s’organiser, faire un travail de fond. C’est tout à l’honneur des premiers responsables de ce parti. Ceci dit, l’opposition, dans son ensemble, gagnerait à tirer les leçons de ce scrutin. De toute façon, ceux ou celles qui feront la sourde oreille, qui refuseront de s’amender après cette consultation, n’auront que leurs yeux pour pleurer. La décantation de cette scène politique va se faire de façon naturelle avec la maturité politique grandissante des populations. Aussi, la question des candidatures indépendantes mérite d’être sérieusement considérée tant il est vrai qu’elle pourrait améliorer la qualité du jeu démocratique au Burkina.